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Aymeric Caron fonde le Rassemblement des Ecologistes pour le Vivant

Aymeric Caron, dont la philosophie est une sorte d’écologie décroissante s’inspirant très librement des écrivains russe Tolstoï et américain Thoreau, a fondé un parti politique, dénommé « rev », Rassemblement des Ecologistes pour le Vivant.

Il se définit comme un « Parti écologiste antispéciste et non-violent, pour la justice économique globale et les droits des humains, des non humains et des écosystèmes ».

En voici le document fondateur, qui ne se revendique par ailleurs pas de gauche, mais d’une sorte d’apolitisme au-dessus des partis, avec comme objectif de se présenter aux élections européennes de 2019.

C’est, à n’en pas douter, une initiative de plus à ajouter dans la liste des partis « modernes » et « progressistes » qui n’en ont strictement rien à faire des valeurs et traditions de gauche, considérées comme dépassées, fausses, périmées, etc.

Le REV : un nouveau parti écologiste, au service du vivant

8 février 2018

*Version longue de La Tribune publiée dans Le Monde du 9 février 2018:

L’écologie politique est dans l’impasse en France. Europe Ecologie les Verts a perdu aujourd’hui la crédibilité nécessaire pour porter le projet d’une société réinventée autour du respect de la planète et de tous ses habitants, humains comme non humains. Les guerres d’ego et les calculs mercantiles n’expliquent pas à eux seuls ce fiasco.

Une des principales faiblesses d’EELV réside dans son mode de pensée dépassé : ce parti prône encore une écologie trop anthropocentrée, qui prétend que la nature est au service de l’homme. Si nous devons sauver la planète, ce serait donc uniquement en raison des services qu’elle nous rend.

D’après cette conception, les animaux non humains, les mers et les forêts ne sont que des « ressources » qu’il faut prendre soin de ne pas épuiser trop vite. De ce fait, EELV s’accommode du modèle économique néolibéral et de sa violence intrinsèque, se contentant de lutter contre ses conséquences les plus néfastes pour la planète – ce qui explique sa participation à des gouvernements libéraux. On peut qualifier ce modèle d’ « écologie molle ».

Résultat : la défense des droits des animaux n’avance pas d’un pouce, l’industrie continue à faire la loi sur notre agriculture, notre politique énergétique reste indéfectiblement liée au nucléaire, la destruction de la biodiversité s’accélère, en même temps que la pollution de l’eau, de l’air et des sols.

Ces sujets devraient faire la une de l’actualité, mais ils n’y occupent qu’une place accessoire. Les gouvernements qui se succèdent n’y accordent pas la moindre importance, en dépit de quelques effets d’affichage qui ne peuvent tromper que les naïfs.

La France vient par exemple d’être rappelée à l’ordre par Bruxelles pour non-respect des normes européennes sur la qualité de l’air, tandis qu’elle manque de fermeté face aux perturbateurs endocriniens et qu’elle accorde de plus en plus de droits aux chasseurs, alors même que la majorité des Français demande une remise en cause de leurs privilèges.

Il y a peu pourtant, 15 000 scientifiques de 184 pays signaient une tribune pour interpeller sur la gravité de la situation en cours, à savoir cette sixième extinction de masse du vivant en 540 millions d’années, dont nous sommes les responsables.

Quelques chiffres pour le comprendre. Entre 1990 et 2015, la surface des forêts mondiales – indispensables notamment au stockage de CO2 et à la biodiversité – a diminué de 129 millions d’hectares, ce qui équivaut à la surface de l’Afrique du Sud.

La disponibilité d’eau douce par habitant a diminué de moitié depuis le début des années 60. Les trois dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées et le réchauffement climatique risque d’atteindre 4 degrés à la fin du siècle.

Nous avons déclenché la sixième extinction de masse du vivant depuis 540 millions d’années : il y a cent ans, on dénombrait 20 millions d’éléphants et 500 000 lions en Afrique ainsi que 100 000 tigres en Asie. Aujourd’hui, il ne reste que 500 000 éléphants et 20 000 lions en Afrique, et 3200 tigres à l’état sauvage en Asie.

Une baisse d’effectifs qui dépasse les 95% à chaque fois. Si nous ne changeons rien à nos pratiques, les grands mammifères sauvages auront disparu de la surface de la Terre dans quelques décennies.

Quant aux océans, ils pourraient être vides de poissons d’ici trente ans. De manière globale, au cours des 40 dernières années, les populations de vertébrés ont baissé de 60% sur la planète.

Nous tuons tout ce qui nous entoure, et nous nous tuons aussi par la même occasion, en raison de pratiques industrielles barbares : la pollution de l’eau et de l’air engendre chaque année la mort de plus de 12 millions de personnes dans le monde, les pesticides en tuent 200 000 et l’antibiorésistance 700 000.

Face à l’indifférence des partis de gouvernement qui continuent à promouvoir les politiques responsables de la catastrophe, et pour répondre aux manquements des partis écologistes actuels, s’impose la nécessité d’une nouvelle formation qui défende les intérêts du vivant sous toutes ses formes, le bonheur individuel et collectif, la non-violence, la liberté de chacun à s’épanouir dans sa singularité et dans le respect d’autrui.

Il convient de créer un espace d’expression et de rassemblement pour tous les citoyens, de plus en plus nombreux, éveillés à la perspective d’un monde nouveau à inventer autour de ces valeurs. Dans ce but, le Rassemblement des Ecologistes pour le Vivant (REV) voit aujourd’hui le jour.

Il ne s’agit pas d’une énième entreprise de recyclage d’hommes, de femmes et d’idées vus et entendus depuis des années. Le REV est porteur d’une écologie nouvelle, radicale, que nous nommons « essentielle ».

Cette écologie s’interroge sur nos devoirs à l’égard de toutes les formes du vivant, auxquelles nous reconnaissons une valeur intrinsèque, indépendamment de l’utilité immédiate que nous pouvons en retirer.

Toute parcelle de vie possède en effet a priori le même droit que chacun d’entre nous à persévérer dans son existence, et l’appartenance à l’espèce dominante ne nous autorise en rien à détruire une vie animale ou végétale sans nécessité absolue.

Cette écologie est métaphysique car elle souhaite repenser la place de l’homme dans le cycle du vivant en l’appelant à l’humilité, et en lui demandant d’endosser le rôle de tuteur de de toutes les formes de vie, puisque nous avons désormais sur elles le pouvoir de destruction ou de préservation.

Cette écologie essentielle est antispéciste : elle réclame une égalité de considération pour tous les animaux non humains sensibles, qu’ils soient chiens, chats, poules, cochons, vaches, moutons, lapins, renards, loups, sangliers, visons ou requins.

Cela implique des droits fondamentaux pour chacun des individus animaux non humains, à commencer par le droit de vivre et celui de ne pas être maltraité.

Actuellement nous élevons et tuons chaque année plus de 70 milliards d’animaux non humains terrestres, et nous pêchons 1000 milliards d’animaux marins, dans le seul but de satisfaire nos estomacs et ainsi que les intérêts de grands groupes agro-alimentaires. Est-il encore moralement acceptable de jouir ou de s’enrichir sur le calvaire de milliards d’êtres vivants sensibles ?

L’écologie du XXIème siècle se doit de militer pour la fin de ce que le philosophe Jacques Derrida n’hésite pas à nommer le « génocide des animaux » : il convient de réclamer la suppression de la corrida, l’interdiction de la chasse, des zoos, des animaux dans les cirques, de la vivisection, et bien évidemment la fin programmée de la viande grâce au lancement d’une transition agricole vers un modèle entièrement végétal.

L’écologie essentielle ne se contente pas de militer pour les animaux : elle propose d’accorder une identité juridique à toutes les expressions du vivant avec lesquelles nous interagissons : les systèmes écologiques de la planète, mais aussi les « communs planétaires » tels que l’air ou les océans.

A ce titre, nous souhaitons la reconnaissance par le droit international du crime d’ « écocide », c’est-à-dire de l’atteinte à un écosystème, afin de faire condamner les dirigeants d’entreprises et les politiciens complices qui polluent, cancérisent, exproprient ou détruisent des terres.

Notre constitution nationale doit par ailleurs intégrer le respect de la planète comme l’un de nos impératifs. A ce titre, les énergies fossiles et nucléaires doivent évidemment être entièrement abandonnées au plus vite et remplacées par des énergies renouvelables.

L’écologie essentielle est porteuse d’un projet global qui ne se limite pas à protéger ce qu’on appelle maladroitement « l’environnement ». Elle est une philosophie de société qui prône la fin de l’exploitation sous toutes ses formes : exploitation de la nature, des animaux, mais aussi des humains.

Or les inégalités extrêmes explosent : selon l’ONG Oxfam, 82% des richesses créées dans le monde l’an dernier ont profité aux 1% les plus riches, tandis que la moitié de la population mondiale n’en a tiré aucun bénéfice. Et nous connaissons tous désormais ce chiffre: les 1% les plus riches de la planète possèdent à eux seuls la moitié de la richesse mondiale.

A rebours d’une conception progressiste de l’humanité, l’idéologie libérale a fait de l’égoïsme et de la compétition ses principes moteurs. L’écologie essentielle propose au contraire de mettre en place une politique de l’empathie et de la coopération : réduction des inégalités, renforcement des mécanismes de solidarité, consolidation et amélioration des services publics de santé, d’éducation, de transport et de culture.

Le projet qui doit concentrer notre attention est celui de l’épanouissement personnel de chaque individu. Il nous faut laisser de côté la question : «combien cela va rapporter, et à qui ? » et privilégier la seule qui vaille : « cela va-t-il contribuer au bonheur réel ? ».

L’écologie essentielle et l’antispécisme s’inscrivent dans la continuité de toutes les luttes qui ont permis, depuis des siècles, l’augmentation de notre sphère de considération morale afin d’y intégrer des catégories d’humains jusque-là rejetées : combat pour les droits des femmes, pour l’abolition de l’esclavage, pour la fin de la ségrégation raciale, ou pour les droits des homosexuels.

Le REV porte le projet d’un nouveau progrès moral de l’humanité. Il milite pour une réduction substantielle du temps de travail, la décroissance de notre consommation, le renouvellement des pratiques démocratiques, le partage équitable des richesses avec un revenu d’existence doublé d’un plafonnement des plus hauts revenus, l’instauration d’un gouvernement mondial ou encore la fin progressive des frontières qui séparent les hommes.

Nous, signataires de cette tribune et fondateurs du Rassemblement des Ecologistes pour le Vivant, n’avons aucune ambition politique personnelle : les places ne nous intéressent pas. Nous souhaitons simplement favoriser l’expression d’un mouvement de pensée révolutionnaire pour les droits du vivant.

Nous désirons que cette pensée infuse l’espace public. La création d’un parti politique et la participation à des élections nous semble une étape pour cela. Le REV propose de faire émerger une nouvelle génération d’élus que le mandat unique et non renouvelable ne détournera pas de sa mission altruiste, au service des autres.

L’objectif du REV est d’être présent aux prochaines élections européennes, en 2019, et d’y incarner l’alternative écologiste. Afin de n’être prisonnier de personne, le REV ne s’appuie sur aucune structure politique ou associative existante. Il ne bénéficie donc à sa création d’aucun moyen financier.

Il se développera au gré des volontés individuelles, et de toutes ces énergies fatiguées d’être empêchées de rêver un avenir meilleur pour les hommes, les animaux non humains, et la nature.

Malena AZZAM, ancienne porte-parole de l’association PEA (Pour l’Egalité Animale), Aymeric CARON, journaliste et écrivain, Benjamin JOYEUX, juriste en droit de l’environnement