Catégories
Politique

La raison pour laquelle Jean-Luc Mélenchon défend Laurent Wauquiez

Jean-Luc Mélenchon a défendu Laurent Wauquiez contre le « parti médiatique ». Comment quelqu’un se voulant engagé contre la droite peut-il défendre des propos ultra-populistes dits par le président des Républicains, le grand représentant de la droite dure ?

La raison en est simple, finalement : le populisme va au populisme. Car Laurent Wauquiez a joué les Donald Trump, jouant sur la corde du « peuple » contre l’élite, comme hier au salon de l’agriculture.

Ce n’est pas pour déplaire à Jean-Luc Mélenchon, qui prône un populisme de gauche.

Rappelons les faits : jeudi 15 février 2018, Laurent Wauquiez a tenu des propos devant des étudiants de l’une des trois meilleures écoles de commerce, l’EM Lyon, où il est professeur, sachant pertinemment qu’ils seraient enregistrés et qu’ils provoqueraient un tollé.

Il dit d’ailleurs alors pertinemment à ses élèves :

« La caractéristique quand on est un élu, surtout dans le monde actuel, c’est que tout ce que vous dites, à tout moment, peut être utilisé, repris, et détourné contre vous. En gros, dans ma vie politique, dès que j’ai plus deux personnes autour de moi, il faut toujours que je me dise que tout ce que je dis va sortir. »

Il ne peut pas par la suite prétendre ne pas se douter qu’il aurait été enregistré, et d’ailleurs sur BFMTV où il était interviewé par la suite pour s’expliquer, il était pratiquement mort de rire en écoutant chaque extrait, tout en feignant après d’être une victime.

Voici quelques uns de ses propos tenus à l’EM Lyon, sur un mode populiste extrême, exactement comme Donald Trump.

« Si j’ai la moindre interface qui sort par le moindre élève, là pour le coup ça se passera très mal.

Si on veut que ce lieu soit un lieu de liberté, il faut que tout ce que je dise reste entre nous. Donc, pas de tweets, pas de posts sur les réseaux sociaux, pas de transcription de ce que je dis. Parce que sinon, ça ne peut pas être un espace de liberté et ce que je vais vous sortir sera juste le bullshit que je peux sortir sur un plateau médiatique. »

« Le président de la République actuel, Macron, lui, pour faire cool, il fait comme moi ! Il se met en chemise, bras de chemise. Jamais un président ne s’était mis en bras de chemise. »

« On parlera beaucoup d’enjeux de sécurité. Je ne suis pas un adepte de la thèse du complot, mais je pense qu’il est assez vraisemblable que dans les trois à quatre ans, ça va péter très très mal et très très dur. »

« Nicolas Sarkozy en était arrivé au point où il contrôlait les téléphones portables de ceux qui rentraient en conseil des ministres. Il les mettait sur écoute pour pomper tous les mails, tous les textos, et vérifiait ce que chacun de ses ministres disait au moment où on rentrait en conseil des ministres. »

« Par exemple, les associations syndicales recevaient à peu près 5 millions d’euros chaque de la région. La CGT se faisait un joli chèque de 3 millions d’euros sur le budget de la région, chaque année. Moi je les ai reçues, et je leur ai dit : ‘Je suis extrêmement attaché à l’indépendance des syndicats. Et donc, comme je ne veux surtout pas que vous dépendiez de moi et bah c’est zéro.’ Et le pire, si on est très honnêtes entre nous, c’est que les plus catastrophiques, c’est le Medef et c’est la CGPME. Eux, c’est le pire de tout. C’est-à-dire, eux ils n’en ont rien à foutre de savoir si on augmente les cotisations sur les entreprises, si on augmente le truc. La seule chose qu’ils veulent, c’est encaisser l’argent. »

« L’équilibre des pouvoirs… Ça, ça fait vraiment partie d’une illusion. Vous croyez qu’un parlementaire a le moindre pouvoir aujourd’hui ? Vous avez vu les guignols d’En Marche !, là ? Ils sont tous avec le petit doigt sur la couture, et ils doivent tous voter la même chose. Quand ils osent apporter la moindre dissonance, ils se font taper dessus avec une matraque. Il n’y a aucun équilibre des pouvoirs en France. Donc il y a une dictature totale en France ! L’alignement entre l’exécutif et le législatif, c’est une vaste foutaise. »

Le régime est une dictature avec des gens qui de toutes façons ne pensent qu’à encaisser, MEDEF comme CGT, et tout ce qui peut être dit publiquement ne serait que du « bullshit médiatique ».

De tels propos sont tels risibles venant de la part d’un responsable d’une formation de droite, qui a fait comme études Sciences-po, l’Ecole Normale Supérieure et l’ENA, qui est Président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, qui a été Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que Ministre chargé des Affaires européennes, Porte-parole du gouvernement, deux fois secrétaire d’État, etc. etc.

Cette révolte « de l’intérieur » contre le système est un exemple flagrant de populisme, allant de pair avec le style « parka rouge » de Laurent Wauquiez, pour faire « classes moyennes », élaboré mais pas raffiné, cultivé mais pas sophistiqué, etc.

Alors, pourquoi plus d’une semaine après, Jean-Luc Mélenchon s’est-il lancé dans la défense de Laurent Wauquiez ?

Parce que lui fait pareil, mais à gauche. D’où sa défense de son alter-ego, avec des propos sans ambiguïtés sur le plan populiste : le « parti médiatique », des « seaux de boue », « on ne peut plus nulle part parler librement »…

« Wauquiez s’est pris une lourde attaque globale du parti médiatique. « L’affaire » est ridicule : trois phrases volées dans une conférence. Mais « l’affaire » a tenu cinq jours de médias. Sans aucun contenu, l’opération est destinée à empêcher la droite de se regrouper autour de son parti traditionnel au moment où l’opération « Macron chef de toutes les droites » a du plomb dans l’aile du fait des sondages.

On sent que cette équipe Wauquiez n’est pas encore rodée. Elle a eu du mal à trouver la réplique aux seaux de boue. Mais elle a fini par trouver son registre. Et les rangs se sont reformés. La salve est de mauvaise qualité. Elle fonctionne donc comme un vaccin pour la nouvelle direction de la droite.

Déjà, Wauquiez a appris l’essentiel : ne pas reculer. Et même prendre appui sur l’effet voulu par la pauvre cloche de journaliste à la manoeuvre. En effet, la plupart d’entre eux ne connaissent de l’art du combat que les méthodes des coups tordus des salles de rédaction.

Ils ne savent rien de la façon avec laquelle se construit l’opinion populaire qui nous intéresse. Leur culture de classe les handicape. Dans l’épisode des « écoutes aux portes », Wauquiez a fortifié son autorité et s’est débarrassé d’une nouvelle poignée de traitres. De son point de vue il s’est renforcé. Autant de tireurs dans le dos de moins pour le prochain épisode.

Mais la leçon reste. Dorénavant, on ne peut plus nulle part parler librement. La presse est ainsi la première ennemie de la liberté d’expression qui ne se confond pas avec la liberté de « tout répéter » ni avec le délire névrotique de la transparence absolue que réclament les médias (et qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes).

Mais le fondamental est que, petit à petit, la scène politique à droite retourne à sa configuration ancienne RPR/UDF. D’un côté la droite de toujours, les bourgeois flanqués de petit bourgeois qui s’y croient. De l’autre le marais avec Macron. »

Jean-Luc Mélenchon a été malin : il a conclu sa défense de Laurent Wauquiez en disant que la droite ce sont des bourgeois. Sauf que lui-même est un bourgeois, que tous les gens autour de lui en sont.

Leur style de vie, leur manière de concevoir la vie quotidienne, leurs salaires, leur sens de la propriété, leur rapport à l’argent, leur rapport au travail surtout, tout cela en fait des bourgeois.

Mais vu que Jean-Luc Mélenchon oppose ces bourgeois au camp d’Emmanuel Macron, on comprend qu’il ne veut pas dire bourgeois au sens classique du terme, comme la gauche le fait historiquement, mais le bourgeois comme bourgeois conservateur, celui de Neuilly-Auteuil-Passy, tourné vers le catholicisme de manière marquée.

Les autres bourgeois ne seraient alors plus des bourgeois… Cependant, comment se masquer ? En dénonçant justement une prétendue « oligarchie » qui contrôlerait le pays, la presse, etc., comme il le fait dans le même article où il défend Laurent Wauquiez :

« Macron est là comme candidat à être le chef raisonnable de toutes les droites raisonnables. Une sorte de Giscard mâtiné de Sarkozy… L’oligarchie le soutient fermement et ne veut pas d’autre champion. Le coup monté des « écoute aux portes » à l’école de commerce de Lyon montre comment le parti médiatique, qui est dans la main des neufs milliardaires, est prêt à le hacher menu. »

On est là dans la théorie du complot orchestré par les médias au service d’une oligarchie contrôlant le pays… C’est le genre de fantasme de l’extrême-droite, des gens critiquant le capitalisme, mais sans reconnaître les classes sociales.

Inévitablement, avec une telle vision du monde, Laurent Wauquiez « victime » du « système » devient alors une sorte d’allié objectif aux yeux de Jean-Luc Mélenchon, qui n’avait pas appelé, au second tour des présidentielles, à voter Emmanuel Macron pour barrer la route à Marine Le Pen.

Tout cela pourquoi ? Parce qu’au fond, Jean-Luc Mélenchon n’est jamais sorti du trotskysme et de son machiavélisme forcené. Il est dans le calcul, pas dans les valeurs. Cela va jusqu’à ne pas appeler à voter Emmanuel Macron… Ou jusqu’à défendre le style Donald Trump de Laurenz Wauquiez.

Afin de mieux apparaître comme le rebelle « anti-système ». Ce qui contribue au populisme ambiant, se renforçant, et amenant la société française droit dans le mur.