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Emmanuel Macron et le sens de l’affaire « Manu »

Ce lundi 18 juin, Emmanuel Macron, Président de la République, a sèchement recadré un jeune lycéen qui l’a interpellé de manière décalée, en l’appelant « Manu » et en chantonnant quelques paroles de l’Internationale.

Il faut revenir dessus, car c’est important et pas seulement parce qu’en s’excusant platement, le jeune n’a pas été à la hauteur de l’Internationale. La jeunesse n’est pas une excuse de cette faiblesse : on est quand même 50 ans après mai 1968, épisode de révolte de la jeunesse. Et les jeunes ont plus d’expérience sociale, de connaissances qu’alors. Ils devraient être encore plus tranchants. Cela viendra!

L’échange a eu lieu devant les caméra et les micros de la presse et a rapidement rencontré un écho massif. Emmanuel Macron était en effet en déplacement au Mont Valérien pour décorer, à l’occasion des cérémonies de commémoration de l’appel du Général De Gaulle du 18 juin 1940, cinq personnalité honorées du statut de « Compagnons de la Libération ».

Emmanuel Macron savait donc ce qu’il faisait lorsqu’il a apparemment vivement réagi donc à cette interpellation, à la fois pour recadrer le jeune, rappeler son rang et les formalité qu’il estime lui être dû en conséquence, mais aussi pour lui faire la leçon, visant explicitement les valeurs énoncées par le lycéen, même maladroites et superficiellement :

« Tu es là, dans une cérémonie officielle, tu te comportes comme il faut […] aujourd’hui c’est la Marseillaise, le Chant des partisans »

Non content de cela, Emmanuel Macron en rajouta même pour affirmer notamment avec une totale condescendance :

« Le jour où tu veux faire la révolution, tu apprends d’abord à avoir un diplôme et à te nourrir toi-même, d’accord? Et à ce moment-là tu iras donner des leçons aux autres »

C’était un show médiatique. Ensuite, la cellule en charge de la communication de l’Elysée a été jusqu’à publier dans la foulée une vidéo complète de cet échange sur son compte Twitter.

La raison d’une telle démarche, tout de même assez ridicule en apparence, est qu’il s’agit là selon Emmanuel Macron d’un symbole, de quelque chose de significatif. Il a entendu par là affirmer sa position de chef d’Etat tel que le conçoivent les institutions de la Ve République, et ce d’autant plus bien entendu que le contexte se prête parfaitement pour que soit fait un parallèle avec la figure du Général De Gaulle.

Emmanuel Macron veut incarner toute la dignité qu’il pense être celle de de sa fonction et plus profondément encore, il veut incarner une autorité morale devant le peuple français, devant les masses, d’où sa fierté assumée de la petite sortie qu’il a faite pour recadrer les velléités de ce lycéen avec cette injonction « réaliste » et « mature » censée opposée à l’immaturité des idées de « gauche », le pragmatisme responsable de son libéralisme.


Le fait est que cette sortie passe néanmoins largement aux yeux des masses pour ce que c’était : une agression disproportionnée et brutale face à un jeune garçon somme toute innocent, coupable au pire d’une bien légère taquinerie.

C’est aussi que, malheureusement, on joue en France à la contestation, à la révolution. Et c’est là qu’on voit que, finalement, Emmanuel Macron est sérieux, la contestation ne l’étant pas. C’est un vrai problème.

Emmanuel Macron a été obligé de se rattraper, comprenant qu’il a témoigné un peu trop fort du mépris qu’il exprime dans la lutte des classes. L’image libérale du bourgeois entreprenant, pragmatique et sûr de lui est cassante, blessante.

Cependant, le message est clair : on ne plaisante plus avec le régime. Le cinéma de la contestation est terminée, car considérée comme n’ayant désormais plus aucun intérêt. Désormais, il y a un cadre. Et qui prétend changer le monde doit être au niveau d’un tel cadre!