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Refus de l’hégémonie

Les Etats-Unis remplacent la France au Gabon

La France a été une grande puissance coloniale en Afrique et elle a réussi à maintenir sa domination à différents degrés malgré les « indépendances ». C’est ce qu’on a surnommé la « Françafrique ». Le Gabon était considéré comme l’ex-colonie la plus sous le contrôle français, et en août 2023 un coup d’État surprise a changé la donne. Cependant, ce n’est pas au profit du bloc sino-russe : c’est en fait la superpuissance américaine qui a pris le contrôle du pays.

Le Gabon sur le continent africain

C’est une expression de l’effacement continu de la puissance capitaliste française. Alignée sur la superpuissance américaine, elle est aspirée par celle-ci, satellisée. La France ne peut faire que ce que la superpuissance américaine attend d’elle, comme faire un partenariat avec l’Ukraine pour une union politico-militaire au service des intérêts américains en Europe. Si elle est considérée comme pas assez fiable ailleurs, elle est dégagée.

Car le coup d’État au Gabon rentre dans le contexte de la bataille pour le repartage du monde dans la région. Depuis l’irruption de la crise du capitalisme en 2020, l’Afrique du Centre et de l’Ouest a connu une série de coups d’État au Niger, au Burkina Faso, au Soudan, en Guinée, au Mali et au Gabon. Si on excepte le Soudan, on parle de pays francophones et de passage dans l’orbite sino-russe.

Le coup d’État au Gabon est le fruit d’une logique américaine qui dit : la France perd toutes ses billes en Afrique et il faut la remplacer, exactement comme ce fut le cas pour le Vietnam, où la superpuissance américaine avait remplacé la France.

Il faut dire que la présence française au Gabon relevait d’un néo-colonialisme vraiment à l’ancienne. Omar Bongo, le premier président du Gabon « indépendant », est resté à la tête de pays de 1967 à sa mort en 2009. Il a été de toutes les magouilles militaires et économiques avec la France, ainsi que politiques puisqu’il a arrosé des partis politiques. Il a eu 33 femmes et une cinquantaine d’enfants, plaçant toute sa famille à tous les échelons de l’État, etc.

C’est d’ailleurs son fils Ali Bongo Ondimba qui a prit le relais et le coup d’État a suivi de quelques minutes la réélection de celui-ci pour un troisième mandat, avec pratiquement 65% des voix. C’était tellement invraisemblable, tellement bricolé, qu’à part pour les Français arrogants traditionnellement, il était évident que l’instabilité prévaudrait.

C’est pourquoi ce sont les propres services de sécurité de la présidence qui ont mené le coup d’État. C’est une fausse révolution de palais : pour que rien ne change, tout doit changer.

Voilà pourquoi les réactions sont très différentes de lors des coups d’État favorables à la Chine et à la Russie. Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine a annoncé la suspension avec effet immédiat du Gabon. Mais il n’y a pas la menace d’une intervention militaire.

La France ne compte pas évacuer ses ressortissants ou couper les fonds des « aides ». Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a pratiquement excusé le coup d’État.

« Au Niger, le président était un président démocratiquement élu (…). Au Gabon, quelques heures avant le coup d’État militaire, il y a eu un coup d’État institutionnel car les élections ont été volées (…). Je ne peux pas dire que le Gabon était une vraie démocratie avec une famille qui dirigeait le pays depuis 50 ans. »

Selon lui, le vrai coup d’État « institutionnel » serait même d’avoir truqué les élections ! Autrement dit, rien n’a changé au Gabon à part la puissance tutélaire.

Et tout cela est allé très vite. En juin 2023, Ali Bongo Ondimba etait encore l’invité d’honneur de la rencontre à Paris sur le financement durable, celui-ci étant considéré comme proche par Emmanuel Macron.

Toutefois, il y a eu des signes avant coureurs, surtout l’adhésion du Gabon en 2022 au… Commonwealth ! C’est-à-dire l’union historique de l’empire britannique, et en fait surtout de nos jours une union à caractère anglophone, donc liée de fait à la puissance américaine.

La puissance française a tout simplement été mise de côté. C’est une expression double : à la fois de sa propre décadence et de l’alignement forcé sur les deux superpuissances, américaine et chinoise. On va à la troisième guerre mondiale de repartage du monde et elle a en fait même déjà commencé en Ukraine.

Telle est la réalité historique !

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Politique

Pyramides : l’Américaine Rama Yade soutien Gims

A défaut de l’avenir… le passé.

L’affaire des pyramides égyptiennes censées fournir de l’électricité durant l’antiquité a défrayé la chronique en raison de la notoriété du chanteur Gims. Ses propos étaient, il faut dire caricaturaux d’un côté, avec une réinterprétation délirante du passé. Les esprits ont été marqués, au point que même EDF a publié le 20 avril 2023, dans le quotidien Le Parisien, une publicité pour surfer sur la vague.

Pourtant, l’aspect principal tenait non pas à ce délire, mais à ce qu’il était censé justifier : une critique radicale de la terrible situation du continent africain.

Ce que faisait Gims, c’était du romantisme : on idéalise le passé, afin d’exiger un meilleur futur. Si l’Afrique avait eu un passé rayonnant, alors son avenir doit l’être aussi. C’est une dénonciation du capitalisme occidental qui prend le masque de l’idéalisme.

Le souci, c’est que lorsque la forme l’emporte, on perd le fond. Et Gims a justement intégré les codes du capitalisme occidental. Malgré sa critique radicale, il est donc récupérable par le capitalisme, même occidental… Comme le montre l’intervention de Rama Yade.

Celle-ci a été très connue en France à un moment. Elle est issue de la bourgeoisie bureaucratique du Sénégal, une bourgeoisie qui vit de la soumission à l’occident. Arrivée en France, elle a fait Sciences Po, est devenue directrice adjointe des programmes puis directrice de la communication de la chaîne parlementaire Public Sénat.

Elle rejoint Nicolas Sarkozy et devint alors, à la fin des années 2000, Secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’homme, puis Secrétaire d’État chargée des sports. Elle a tenté de se présenter, sans succès, à la présidentielle de 2017, puis a quitté la France pour se mettre au service de la superpuissance américaine.

Elle a rejoint en 2021 en effet le Think tank américain Atlantic Council et œuvre à l’influence américaine en Afrique. Impossible pour elle par conséquent de rater l’épisode de Gims et elle l’a bien évidemment soutenu.

Ce n’est pas pour rien que Hollywood produit des horreurs racistes comme les films de super-héros avec la civilisation de « Wakanda », où les Noirs sont irrémédiablement… uniquement entre noirs, seulement africains, totalement soumis au tribalisme. De la même manière, Netflix a sorti une série où Cléopâtre est noire, alors qu’historiquement elle est grecque.

On est ici dans une entreprise de célébration identitaire pour relancer le capitalisme. Les délires LGBT relèvent totalement de ça.

Rama Yade, évidemment, ne parle pas des pyramides « électriques ». Elle n’est d’ailleurs pas américaine, mais sans doute française encore. Mais elle est clairement américaine dans son style, les intérêts qu’elle défend, et donc elle soutient le discours romantique réactionnaire, en parlant d’une Afrique où « l’homme est devenu bipède », où l’âge de la pierre aurait eu lieu, etc.

On est là dans l’obsession racialiste.

L’Afrique noire en est restée à un stade arriéré de l’humanité lorsque l’Europe de l’Ouest connaissait le capitalisme, ce qui a permis le colonialisme. Cela ne fait pas des blancs et des noirs des êtres humains mieux ou moins bien. Ce qui compte, c’est le cheminement de l’Humanité et peu importe que les avancées aient eu lieu à Paris, Moscou, Tombouctou ou Cuzco.

Dans l’Humanité, on avance tous ensemble, ceux qui sont en avance et ceux qui sont en retard relèvent de la même séquence. De toutes façons, à la fin du processus, on sera tous métis, il n’y aura qu’un seul pays sur Terre. Voilà ce qui compte vraiment !

Et pour compléter la séquence, il faut vaincre l’occident et son mode de vie. Comme Gims relève du mode de vie occidental, Rama Yade a pu le soutenir… Et il en a été très content : sur le réseau Twitter, il a salué son intervention. Ce qui fait de lui, devenu une partie de la solution aux problèmes mondiaux, désormais une partie du problème.

Il n’aura fallu guère de temps à Gims pour rentrer dans le rang ! Il expliquait qu’il voulait renverser l’ordre mondial, quelques semaines après il s’aligne sur Rama Yade, l’exemple même d’une personne vendant l’Afrique à la modernisation capitaliste.

On dira que c’était prévisible, que Gims est un vendu. Il y a une part de vérité, mais il faut bien saisir qu’il y a tellement d’aspects dans l’implosion de l’occident qu’on ne sait pas par où les gens vont entrer en rupture. Ni même si, une fois entrés en rupture, ils vont assumer.

Gims a ainsi échoué. Mais prenons Kémi Séba. Il est né à Strasbourg et a commencé sa carrière politique avec la « Tribu Ka », qui au début des années 2000 a développé en région parisienne une idéologie suprémaciste noire délirante et antisémite. Désormais, il a choisi de vivre en Afrique pour tenir un discours panafricaniste, fortement teinté d’anti-impérialisme, mais s’alignant en même temps sur une ligne multipolaire (celle de la Russie, voire de la Turquie).

Quand on écoute Kémi Seba, il est évident qu’il ne peut pas ne pas savoir qu’il aurait dû rejoindre la Gauche historique. Parce que tout de même se revendiquer de l’Afrique libérée en prenant comme référence René Guénon, un mystique français imaginant une « Tradition » antique, quel rapport ? Au moins, Mike Tyson s’était fait tatoué Mao Zedong, là on comprend niveau « anti-impérialisme » !

De quel côté va pencher Kémi Séba ? On ne le sait pas encore. Il a été une partie du problème, il tente de se poser en partie de la solution… Mais assumera-t-il la dialectique de l’Histoire?

Nous, nous le faisons en tout cas. Et quel dommage de voir tellement d’errements avec ces obsessions identitaires, ces illusions sur un passé fantasmé, alors que c’est l’avenir qu’il faut voir !

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Guerre

Vers la guerre: le coup d’État pro-Islam et pro-Russie au Mali

Le coup d’État militaire au Mali s’appuie sur une mobilisation islamiste pour mettre en place un régime pro-Russie. On est dans la redistribution des cartes dans le cadre de la compétition entre grandes puissances.

L’ultra-gauche française a vivement salué les rassemblements de masse contre Ibrahim Boubacar Keïta, le président du Mali, notamment en raison du fait qu’ils ont été accompagnés de slogans hostiles à la présence française. Il faut pour cela une grande naïveté, car c’était évidemment une mise en scène, avec une démagogie absolument typique de tels pays.

Ce qu’il y avait derrière, c’est le mouvement de l’islamiste Mahmoud Dicko, un imam qui a annoncé qu’il retournait à la mosquée à la suite de la victoire du coup d’État militaire du 20 août 2020. Le président sortant était lui-même issu d’un coup d’État en 2012.

Mahmoud Dicko est un salafiste ; formé en Arabie Saoudite, il est désormais considéré comme lié au Qatar. Le coup d’État militaire a été rendu possible grâce au passage du mouvement islamiste de Mahmoud Dicko, le Coordination des mouvements, associations et sympathisants, dans le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques, lançant la contestation à la fin juin 2020.

Il représente les forces néo-féodales du Mali, un pays de vingt millions d’habitants qui était avant 1991 dans l’orbite soviétique et française, pour ne plus devenir que française. Mais l’on sait que la France a du mal à maintenir son pré carré. La situation est d’autant plus instable que ce pays misérable, avec 4 des 20 millions de Maliens travaillant à l’étranger, a été construit artificiellement par le colonialisme.

Il y a une quinzaine d’ethnies en concurrence, le pays a été initialement membre de la Fédération du Mali avec le Sénégal, il y a eu une grande rébellion touareg et islamiste au début des années 2010, avec en conséquence notamment l’Opération Serval puis Barkhane de l’Armée française dans la région, avec en plus du Mali le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.

> Lire également : Opération Barkhane: l’armée française s’enlise, Emmanuel Macron exige le soutien africain

Le nouveau régime s’est d’ailleurs empressé de dire qu’il n’avait rien contre la présence militaire française. Pourquoi alors cette révolution de palais ? Il y a deux principales raisons.

La première, c’est la dimension internationale. L’opération Barkhane implique des forces françaises, mais également dans une bien moindre mesure américaine, canadienne, britannique, allemande, estonienne, danoise, tchèque. Mahmoud Dicko est lié au Qatar.

Le chef du coup d’État militaire, le colonel Assimi Goïta, a été formé par la France, l’Allemagne, les États-Unis. Le colonel Malick Diaw, organisateur du coup d’État, et le colonel Sadio Camara, l’instigateur de celui-ci, ne sont revenus au Mali qu’une semaine avant le coup d’État : ils étaient en Russie depuis le début de l’année, pour une formation militaire dans les institutions militaires à Moscou !

Et le premier ambassadeur reçu par les putschistes, organisés en Comité national pour le salut du peuple, a été… l’ambassadeur russe. On notera que des accords de défense avec la Russie ont déjà été signés par les pays voisins : le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Tchad. Avec le Mali ces pays forment le G5 Sahel ; avec le coup d’État, la boucle est bouclée. On l’aura compris, on se situe dans le cadre d’un repartage du monde amplifié par la crise mondiale ouverte en 2020.

La seconde raison de ce coup d’État militaire, c’est que le régime malien est à bout de souffle. Il est clairement inféodé à la France, corrompu et sans aucune perspective alors que le pays est une poudrière depuis quelques années. La sortie de la crise au moyen de l’Islam pour « unifier » le pays sur une nouvelle base est l’espoir entretenu à l’arrière-plan de cette révolution de palais.

Y a-t-il ici une alliance franco-russe, ou bien la Russie a-t-elle pris le dessus ? Dans tous les cas, ce sont les gens du peuple au Mali qui vont en payer le prix et dans tous les cas on a une accélération du militarisme et des tensions menant à la guerre.

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Société

Il y a un an périssait le docteur Richard ‎Mouzoko, héros de notre temps

Il y a un an, on apprenait que le docteur Richard ‎Mouzoko avait péri peu auparavant, le 19 avril, alors qu’il combattait l’épidémie d’Ebola. Il a été la victime de groupes armés niant cette épidémie et agissant dans un esprit de pillage de manière régulière contre les infrastructures sanitaires en République Démocratique du Congo. À rebours des millionnaires liés à la superficialité capitaliste, voilà les véritables héros de l’ombre au service du peuple, envers et contre tout.

Voici le parcours de Richard ‎Mouzoko présenté par l’Orgaisation Mondiale de la Santé ; un livret d’au revoir est également en ligne.

Une vidéo prise depuis un téléphone mobile lundi dernier a immortalisé le docteur Richard Valery Mouzouko Kiboung et ses collègues en train de célébrer son quarante-deuxième anniversaire à Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord au Cameroun. Malheureusement, c’était là son dernier anniversaire. Le 19 avril, il a été tué alors qu’il participait à la riposte contre l’épidémie d’Ebola à Butembo, en République démocratique du Congo (RDC).

Richard était toujours prêt à se rendre là où on avait le plus besoin de lui. Il travaillait régulièrement 15 à 20 jours par mois dans des communautés isolées de son pays natal, le Cameroun, loin de sa femme, Friquette, et de leurs quatre enfants.

Passionné par la santé publique, il a suivi une formation de médecin au Cameroun avant d’étudier à l’Institut de médecine tropicale (IMT) d’Anvers, en Belgique, où il a obtenu un master, puis un doctorat. Il a ensuite poursuivi des études postdoctorales. La Dre Veerle Vanlerberghe, sa directrice de thèse à Anvers, a déclaré: « Il se préoccupait énormément des plus vulnérables… Il était toujours désireux d’apprendre de nouvelles méthodes et de les appliquer dans la lutte contre les maladies qui foisonnent sur son continent. » (lire l’hommage de l’IMT.).

Par la suite, il s’est mis au service des communautés vulnérables: réfugiés, personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et populations nomades. Il a entrepris des recherches sur des maladies comme la fièvre jaune, la rougeole, la poliomyélite, la méningite, le tétanos néonatal et l’infection à virus Ebola, et a dirigé de nombreuses campagnes de vaccination dans de multiples pays.

Richard n’a jamais cessé d’apprendre, et il est lui-même devenu un professeur dévoué qui animait des formations à l’intention de centaines de jeunes médecins et d’agents de santé. D’ailleurs, il excellait dans l’art de communiquer. Il maîtrisait huit langues: outre le français et l’anglais, il parlait les langues locales utilisées au Cameroun comme l’ewondo, le bafia, le haoussa, le bulu, le douala et le bassa.

Ses collègues évoquent son humilité et son altruisme, sa gentillesse et son dévouement envers autrui, son professionnalisme et son sens du devoir.

Les paroles qui suivent, recueillies auprès de quelques-uns de ses plus proches collaborateurs, montrent combien Richard a compté pour eux.

« Richard occupait la chambre attenante à la mienne dans notre hôtel à Butembo. Il aimait que tout soit ordonné autour de lui, même au milieu du chaos dans lequel nous exercions. Souvent, quand je revenais du travail et que je le trouvais en train de nettoyer sa chambre, je lui demandais s’il n’était pas trop fatigué pour cela, après tout le travail qu’il avait accompli sur le terrain. Il se contentait alors de sourire. Il était toujours ordonné, calme et très à l’écoute. » — Bienvenue Onjoh, Programme de contrôle et de prévention des infections, Butembo.

« Richard était comme un grand frère. Régulièrement, il m’envoyait des offres d’emploi en me disant: “As-tu reçu mon message, petite sœur? Tu dois poser ta candidature.” » — Soterine Tsanga, chargée de communication au Bureau du Cameroun; elle a aussi été affectée en RDC où elle travaillait en étroite collaboration avec Richard.

« Il m’interdisait de manger trop de viande. Richard m’apportait des carottes chaque samedi. En échange, je lui enseignais le swahili. Le premier mot qu’il a appris, c’était pole pole, ce qui signifie: doucement. Il m’interrompait souvent quand je parlais trop vite; de sa voix douce, il disait: “Liliane: pole pole !” Il était comme un père pour moi. » — Liliane Soki Musavuli, OMS, Butembo.

« C’est difficile pour moi d’accepter la disparition de notre collègue, ami et frère. Il avait de la compassion pour autrui, une honnêteté sans faille, un sens aigu du devoir et une foi profonde. Richard faisait preuve d’un professionnalisme incomparable. » — Irène Yakana Emah, Présidente de l’Association du personnel de l’OMS au Cameroun.

« Richard était humble, sociable et toujours prêt à voler au secours de son prochain. Je n’ai pas été surpris quand il m’a informé qu’il partait exercer en RDC. C’était un vrai professionnel, un excellent chef d’équipe qui savait créer autour de lui une atmosphère chaleureuse pour laisser s’exprimer les meilleures qualités des membres de son équipe et de ses collaborateurs. Richard est mort en poursuivant la quête constante de servir son prochain qui était la sienne, comme il s’y était engagé en prononçant le serment d’Hippocrate. Il vivra à jamais dans nos cœurs et il restera un exemple d’abnégation. » — Dr Marcellin Nimpa, chargé de la surveillance au Bureau de l’OMS de Madagascar.

« Je me souviens très bien lorsque Richard m’a contacté en février pour m’annoncer qu’il allait à Butembo. J’avais de lui l’image d’un collègue zélé, à la voix douce, qui avait soif de résultats. Nous avons travaillé ensemble à l’OMS pour soutenir les efforts du gouvernement camerounais en vue d’éradiquer la poliomyélite. Son décès est une perte immense pour le Cameroun et plus particulièrement pour sa famille. Il restera notre héros. » — Dr Gérald Sume, OMS Nigéria.

https://www.youtube.com/watch?v=AjuHY_UceI0

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Politique

Opération Barkhane: l’armée française s’enlise, Emmanuel Macron exige le soutien africain

L’armée française mène une vaste opération de gendarmerie en Afrique subsaharienne, avec des milliers de militaires envoyés dans le désert depuis bientôt sept ans. Cependant, elle s’enlise, avec des coûts humains et financiers élevés, tandis que les populations locales sont de plus en plus hostiles aux militaires français et que les djihadistes n’ont jamais été stoppés. Lors d’une visite au Niger ce lundi 23 décembre 2019, Emmanuel Macron a réaffirmé son exigence de soutien de la part des États de la région.

Lorsque François Hollande lançait l’opération Serval en janvier 2013, il y avait un véritable engouement, y compris de la part d’une grande partie de la population malienne. Cela a même pu être vu comme une chose positive chez beaucoup de personnes de gauche ayant ressentie un véritable écœurement après le saccage barbare des mausolées de Tombouctou, la « perle du désert ».

La France n’avait « pas vocation à rester » selon François Hollande, qui s’imaginait vite devenir un héros de guerre et de diplomatie. Un an après, elle élargissait sont intervention à toute la région du Sahel et du Sahara avec l’opération Barkhane, toujours en cours.

Il fallait être bien naïf pour croire qu’il suffise de l’intervention d’une puissance étrangère suréquipée pour remettre de l’ordre rapidement, surtout dans une région vaste comme l’Europe, avec une économie sous-développée favorisant les divisions et les corruptions en tous genres. À cela s’ajoute bien sûr la brûlante question touareg, qui complexifie énormément toutes les interactions politiques au Sahara et au Sahel.

L’armée française est intervenue rapidement pour protéger des intérêts miniers français à la frontière nigérienne et maintenir au pouvoir un gouvernement allié. Cela étant assuré, elle s’est ensuite enlisée, ne parvenant jamais à laisser derrière elle une situation suffisamment stable (selon les intérêts français) pour envisager de partir.

Comme cela commence à durer et coûter cher, qu’il y a eu encore récemment plusieurs militaires français morts, ainsi que de nombreux militaires africains massacrés lors d’attaques massives, Emmanuel Macron a décidé de taper du poing sur la table.

Il avait organisé à Pau le 16 décembre un sommet du « G5 Sahel » (la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad), une sorte d’alliance diplomatique générée par la France pour justifier son intervention auprès l’ONU. L’invitation, qui a plutôt été perçue en Afrique comme une convocation, a été annulée, officiellement en raison d’une attaque au Niger. Elle est reportée au 13 janvier 2020.

En attendant, le Président français s’est rendu lui-même sur place pour exiger le soutien à l’armée française de la part de ces chefs d’État, notamment ceux du Mali et du Burkina Faso dont il considère la positon trop ambiguë. Dans un discours prononcé à Niamey au Niger, il a expliqué :

« Je vois des mouvements d’opposition, des groupes qui dénoncent la présence française comme une présence impérialiste néo-coloniale […] Je vois dans trop de pays prospérer sans condamnation politique claire des sentiments anti-français. Je ne peux pas accepter d’envoyer nos soldats sur le terrain dans les pays où cette demande [de présence française] n’est pas clairement assumée »

Le Président français procède ici à une sorte de chantage, en menaçant de désengager l’armée française s’il n’a pas un soutien massif et francs.

Cela n’a aucun sens : si l’armée française intervient vraiment sur demande de ces États comme c’est expliqué, alors elle n’a aucun problème à l’idée de se retirer si sa présence n’est pas souhaité.

En vérité, le problème de la France ici, et c’est typique de la France, est que son armée s’imagine bien plus puissante qu’elle ne l’est vraiment. L’État ne peut pour sa part pas céder éternellement à cette illusion de grandeur. Il doit constater qu’il n’a plus, ou en tous cas de moins en moins, les moyens d’assumer seul le maintien de l’ordre nécessaire à ses intérêts dans cette région d’Afrique.

C’est le sens de cette diplomatie du chantage particulièrement grotesque, qui ne concerne d’ailleurs pas que l’Afrique puisque Emmanuel Macron en appelle régulièrement au soutien international. En attendant, l’Armée française va continuer de s’enliser, probablement aux prix d’autres vies humaines, françaises et africaines.

De leur côté, les djihadistes profitent de plus en plus de la présence française afin d’apparaître comme une force anti-impérialiste et d’élargir leur base de soutien y compris dans les grandes villes. Parallèlement, tout un tas de leaders populistes africains, qui ne veulent pas d’un pouvoir démocratique et populaire menant à de véritables indépendances, profitent d’une critique en surface, facile, de la présence française en pratiquant un romantisme anticolonial décalé.

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Politique

La démagogie «postcoloniale» d’Emmanuel Macron en Afrique de l’Ouest

Emmanuel Macron était en Côte d’Ivoire ce week-end. Il y a parlé de colonialisme comme étant une erreur et a annoncé la fin du Franc CFA… Mais ce qui intéresse surtout le Président français, c’est de parler « réconciliation » avec les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest, afin de pérenniser les intérêts français dans la région malgré les contestations.

Dans un discours prononcé à Abidjan, Emmanuel Macron a parlé de colonialisme en disant que ce fut une « faute de la République ». Il en a fait des caisses, parlant de « vestige douloureux », de «faute morale», comme ce qu’il avait déjà fait en 2017 en Algérie en parlant de « crime contre l’humanité ».

On oublie tout et on ouvre une nouvelle page, une « nouvelle histoire commune » : voilà l’idée qu’a voulu faire passer celui qui se présente comme n’appartenant pas « à une génération qui a connu le colonialisme » (sous entendu, le colonialisme serait un problème résolu depuis longtemps).

Pour Emmanuel Macron le libéral, il est hors de question d’assumer que le colonialisme fait partie de tout un processus historique, avec de nombreux aspects, ayant emmené des nations comme la France où le capitalisme se développait, à coloniser des pans entiers de la planète.

On devrait se contenter de croire que la colonisation relèverait simplement d’un « choix », qui aurait été mauvais ; il ne s’agirait plus aujourd’hui que de faire un autre choix, tout simplement.

Toute personne ayant une véritable conscience de gauche ne croit évidemment pas en cette fable des « mauvais choix », qui relève du subjectivisme le plus décadent. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a eu et qu’il y a encore le développement du capitalisme et que ce développement est inégal à travers le monde. Cela a conduit et conduit encore les plus puissants à maintenir la tête sous l’eau des moins développés, directement ou non.

Toute personne s’intéressant à l’Afrique sait très bien que ce continent a la tête maintenue sous l’eau par les grandes puissances, dont la France, qui empêchent son véritable développement, sa véritable éclosion. Les masses populaires africaines, et celles liées à l’Afrique de part leur histoire familiale, le savent elles-mêmes plus que n’importe qui d’autre.

L’immigration est d’ailleurs une des plus terribles manifestations de cela. Bien après les pseudo indépendances dans les années 1960, des pays comme la France ont procédé à un véritable pillage de forces vives africaines avec l’immigration, processus qui existe encore largement aujourd’hui.

Parallèlement à cela, une partie significative des élites africaines est pieds et poings liés aux grandes puissances comme la France. Le Président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, qui accueillait Emmanuel Macron et son discours de « réconciliation », est ainsi bien plus proche de la haute bourgeoisie française que du peuple ivoirien. Il a d’abord été marié à une Américaine, puisqu’il a étudié dans une grande université américaine avant d’entrer au FMI, puis s’est marié à une Française, qu’il a épousée à la mairie du très bourgeois XVIe arrondissement de Paris en 1991.

Ce qui intéresse c’est gens aujourd’hui, c’est la possibilité de faire du business. Alors il faut s’adapter. Le Franc CFA par exemple, qui signifie historiquement Franc des colonies françaises d’Afrique, est trop ouvertement lié à ce passé, alors il faut s’en débarrasser. Il n’ont d’ailleurs pas vraiment le choix, car les critiques sont nombreuses en Afrique de l’Ouest, alors que dans le même temps d’autres puissances comme la Chine y étendent leur influence.

Emmanuel Macron a donc annoncé :

« C’est en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme. Le Franc CFA cristallise de nombreuses critiques et de nombreux débats sur la France en Afrique. J’ai entendu les critiques, je vois votre jeunesse qui nous reproche de continuer une relation qu’elle juge postcoloniale. Donc rompons les amarres ».

Il faut dire également que la France, cette grande puissance en déclin, n’a plus les moyen de son passé : le Franc CFA coûtait relativement cher à la Banque de France, ou en tous cas présentait un risque et obligeait à certaines responsabilités. Il va donc disparaître, au profit de l’« Éco », dont on ne sait cependant pas encore vraiment quand il existera.

La France perd une partie de son influence, ce qui était probablement inévitable, tout en gagnant un peu de souplesse par ailleurs. En organisant elle-même ce retrait, elle s’assure que cela se passe de manière le plus conforme possibles à ses intérêts, et pas à ceux d’une puissance concurrente comme la Chine, que le Président français a ouvertement critiqué.

La nouvelle monnaie, concernant le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, restera cependant indexé sur l’Euro et la France restera liée par accord pour délivrer des devises en Euros en cas de besoin.

Cette nouvelle monnaie doit donc servir de nouvelle base pour écrire « une nouvelle histoire commune », « décomplexée », dont il faut espérer selon le lyrique Emmanuel Macron, qu’elle devienne une « relation passionnée ».

Pour commencer cette nouvelle histoire « postcoloniale », Emmanuel Macron est donc venu passer Noël avec ses troupes militaires installées dans le pays, ce qui a été salué par le quotidien ivoirien Fraternité matin de la plus belle des manières :

« A cinq jours de la naissance de l’Emmanuel de la Bible, le président français porte bien son nom, Emmanuel Macron a apporté la douceur de la gaieté à ses troupes, loin des théâtres âpres de guerre »

Le Président français s’est également rendu à Bouaké, deuxième ville du pays, pour inaugurer les travaux du plus grand marché couvert d’Afrique de l’Ouest, devant rassembler 8 500 commerçants sur près de 9 hectares. C’est la France qui finance les 60 millions d’euros de travaux, mais ce n’est pas du « colonialisme ». C’est simplement un partenariat « décomplexé », évidemment.

C’est également sans complexe qu’il a signé des accords bilatéraux concernant notamment le chantier du métro d’Abidjan, parce que dit-il :

« je souhaite que les entreprises françaises restent des acteurs majeurs de cette croissance. Des acteurs heureux et harmonieux. »

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Écologie

Safari-chasses : quelques questions au fondateur de la page « Ban trophy hunting France/Un clic pour un safari »

Depuis quelques semaines, il existe sur les réseaux sociaux une vague de dénonciation des safari-chasses pratiqués par certaines personnes, plutôt riches. Récemment, ce couple de gérants d’un Super U qui a dû démissionner après une véritable offuscation populaire suite à des photos où on les voyait poser devant la carcasse d’un lion.

La page Facebook « Ban trophy hunting France/Un clic pour un safari » a ouvert dans la foulée avec la volonté de continuer cette dénonciation. Nous avons posé quelques questions à son fondateur, que l’on peut retrouver en attendant la réouverture de la page sur Twitter.

AG : Comment vous est venue cette volonté d’agir au sujet des chasseurs de trophée ?

À la suite du cas Super U, j’ai fait quelques recherches basiques sur internet et je me suis rendu compte de l’ampleur du problème en France dans la chasse aux trophées, avec par exemple le site ACP, fermé depuis, qui recensait ouvertement plus de 70 guides, juste pour l’Afrique.

AG : Vous avez fondé la page « Ban trophy hunting France/Un clic pour un safari » (actuellement fermée par Facebook) et il y a sur Twitter le mot clef #UnClicPourUnSafari. Comment comptez-vous utiliser ces outils pour changer les choses ?

J’ai commencé à publier sur Twitter les infos. Elles fuitaient sur Facebook. J’ai donc décidé de prendre la main. Le cas du vétérinaire a fait la Une du journal local, 70 000 vues sur Facebook et je ne souhaitais pas m’arrêter à ce qui n’est qu’un exemple. Les cas de représentants de ONCFS me semblent plus problématiques. Voir le cas Jean-Pierre Devies de l’épisode 1 et 2 en vidéos puis 4.4 du zèbre au Zimbabwe en 2013 [voir la page Facebook, quand elle rouvrira, NDLR]. Ces gens ne se cachent pas et sont sous le contrôle du ministère de l’écologie.

AG : On imagine que la fermeture de votre page Facebook est un frein à votre activité, comment comptez-vous rebondir pour continuer à dénoncer les chasseurs de trophées ?

La fermeture de ma page est temporaire et a déjà eu lieu, en à peine 3 jours, suivie par les excuses de la plateforme. Je déplore au global l’agression de pages qui défendent l’environnement ou la biodiversité. J’espère qu’ils reviendront sur leur décision et comme je l’ai montré, je n’attends que ça pour sortir mes cartouches. Des cas de gens bien plus puissants arrivent. Le cas de l’épisode 4.3 a tout changé avec René Miguel Roland et l’entrée en cours des Vannier le lendemain avec ce type de pression. Si Facebook souhaite laisser ma page inactive pour pornographie [c’est la raison officiellement invoquée par la plateforme, NDLR], je peux faire un site internet WordPress.

J’ai oublié de préciser que ma page n’est que la copie de la stratégie originale Ban Trophy Hunting que j’ai vu prospérer. Je les ai contactés. Ma pétition en ligne depuis à peine une semaine regroupe plus de 1 100 signatures en moins de 7 jours et regroupe mes revendications.

Lier « coups de fusils » et revendications est important.

AG : Êtes-vous étonné du succès que peut avoir la dénonciation de cette pratique sur internet ? Comment l’expliquez-vous ?

Le succès de la page est lié aux stratégies développées par la page originale Ban Trophy Hunting et du cas d’un vétérinaire qui cumule toutes les tares de ce business à millions. La dénonciation est l’amorce du process, elle n’est d’ailleurs plus nécessaire en Angleterre pour critiquer ces pratiques abjectes.

AG : Portez-vous un intérêt en général aux animaux, à la protection animale ? Êtes-vous par exemple vegan ou végétarien ?

Je ne suis pas végétarien et j’ai travaillé dans le meilleur restaurant de sushis de France, Hinoki. Pour moi, il y a autant de différences entre la chasse dans l’hexagone et la chasse aux trophées à l’étranger que, par exemple, entre déménager en France pour le travail et l’immigration en bateaux de la honte en Libye.

AG : Il y a actuellement dans certaines régions rurales en France une mobilisation populaire contre la chasse à courre. Pensez-vous qu’on puisse faire un rapprochement entre cette pratique dans nos forêts et la chasse aux trophées lors de safari ?

Je suis contre la chasse à courre, mais je pense que le principal objectif est de désolidariser les 90% de chasseurs du pays qui ne participent pas à la chasse aux trophées à l’étranger. J’en parle dans ma pétition.

Pour résumer ma position, j’ai de grands espoirs, car je pense que c’est un combat gagnable et qui s’inscrit dans un démarche globale qui, par le succès de la page, prouve que la majorité n’accepte plus ces commerces et sa promotion.

> Voici le lien pour consulter et signer la pétition : change.org/p

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Politique

MJS : Génocide contre les Tutsi, la France doit reconnaître sa responsabilité

Communiqué du Mouvement des jeunes socialistes :

« Génocide contre les Tutsi, la France doit reconnaître sa responsabilité

À l’occasion de la 25ème commémoration du génocide contre les Tutsi au Rwanda, les Jeunes Socialistes rappellent leur combat pour la vérité, la justice et contre le révisionnisme.

Alors que deux historiens ont été écartés de la commission chargée de faire la lumière sur le rôle de Paris concernant ce génocide, Emmanuel Macron refuse de participer aux commémorations à Kigali.

Toute la famille socialiste doit désormais reconnaître le rôle de plusieurs de ses responsables, placés au plus haut niveau de l’appareil d’Etat à la fin du second septennat de François Mitterrand.

Les Jeunes Socialistes s’associent à la tribune rassemblant 280 universitaires, enseignants et intellectuels qui dénoncent la composition de cette commission et réclament les conditions d’un examen indépendant des archives nationales.

La France doit reconnaître sa responsabilité dans la collaboration avec le pouvoir Hutu avant, pendant et après le génocide contre les Tutsi.

Les Jeunes Socialistes continueront d’exiger la vérité par respect pour les rescapés et pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus jamais. Nous appelons notre famille politique à participer officiellement aux commémorations. »

La tribune dont il est question dans le communiqué : le courage de la vérité

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Guerre

L’Armée française a frappé plusieurs fois au Tchad depuis dimanche

Des avions de chasse de l’Armée française ont frappé depuis dimanche à plusieurs reprises sur le sol tchadien. Ils visaient une colonne d’une cinquantaine de pick-up armés d’un groupe d’opposition au pouvoir en place, montrant l’ingérence de la France dans les affaires locales.

Conformément à la Constitution, le Premier ministre Édouard Philippe a informé hier les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat que des frappes aériennes ont été menées au Nord du Tchad les 3, 5 et 6 février, « contre des groupes armés venus de Libye ». Celles-ci sont pourtant menées en toute confidentialité, cachées à la population française, pour masquer le fait que le pays agit toujours de manière coloniale en Afrique.

L’état-major français a expliqué dans un communiqué que « l’action des Mirage 2000, engagés depuis la base de N’Djamena, appuyés par un drone Reaper, a permis au total de mettre hors de combat une vingtaine de pick-up ».

Il est précisé que « ces interventions, menées à la demande des autorités tchadiennes, ont été conduites de façon proportionnée, graduée et précise », ne précisant pas qu’elles ont fait, logiquement, de nombreux morts. Quiconque à Gauche n’a aucune illusion sur la prétendue souveraineté de cette « demande » tchadienne, tant on sait que les pays de l’Afrique sont largement sous la domination des grandes puissances mondiales. Les régimes sont constitués d’élites corrompues, formées souvent dans les grandes universités françaises, anglaises, américaines et aimant les grandes avenues parisiennes ou les quartiers chics de Londres ou Manhattan.

Que l’Armée française ait une base à N’Djamena est déjà en soit une offense à l’indépendance nationale Tchadienne, une survivance du colonialisme. C’est pour cela que les partis d’opposition tchadiens sont obligé de critiquer cette intervention militaire en déclarant à l’AFP qu’elle est « inappropriée » et qu’elle « viole le droit international ».

Il s’agit effectivement ici de l’ingérence de la France dans les affaires tchadiennes. Les véhicules et troupes frappées étaient de l’Union des forces de la résistance (UFR), un groupe armé ayant tenté de prendre le pouvoir en 2008, mais qui fut stoppé par l’intervention française. Le porte-parole en exil de l’UFR avait déclaré plus tôt dans la semaine que leur colonne avançait vers la frontière du Soudan, dans l’Ennedi, mais l’état-major français a considéré que « le raid de cette colonne armée dans la profondeur du territoire tchadien était de nature à déstabiliser ce pays ».

Ce groupe dont l’ambition affichée est de former « un gouvernement de transition réunissant toutes les forces vives du pays » et « d’organiser des élections », considère évidemment que « le peuple tchadien répondra, [que] cela peut passer par manifester une hostilité à l’encontre des Français » et que « Paris est devenue une force hostile au peuple tchadien ».

On a là, on l’aura compris, un pays profondément déchiré, déstabilisé, avec un chef de l’État Idriss Déby quasiment mis en place directement par la France en 1990, qui est opposé à son propre neveu, Timane Erdimi, membre de la même ethnie des Zaghawa, originaire du nord-est du pays.

Les grandes puissances comme la France ont directement intérêt à diviser les pays d’Afrique, les maintenir dans la guerre, l’émigration et le sous-développement. La Gauche en France ne peut pas accepter cela et elle se renie elle-même en fermant les yeux sur ces interventions, ces ingérences relevant d’une forme moderne de colonialisme.

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Politique

La fausse gauche et les migrants de l’Aquarius

Le bateau l’Aquarius est arrivé hier à Malte avec 141 migrants à son bord, qui seront ensuite répartis vers plusieurs pays. En France, et d’ailleurs presque partout en Europe, les forces issues de la Gauche appuient quasi-unanimement ce type de débarquement et en font un de leurs thèmes principaux.

Sos Méditerranée

L’épisode des migrants, traversant la Méditerranée dans des conditions tellement précaires qu’ils risquent leur vie, est au cœur de l’actualité, avec notamment « SOS Méditerranée » qui s’est fait une spécialité de les secourir.

En fait, l’actualité a régulièrement comme thème les migrants et le fait que des navires privés comme l’Aquarius soient lancés pour les sauver en mer en est l’une des expressions.

En effet, le migrant est un symbole : celui du droit de partir où l’on veut, sans responsabilités aucune par rapport à là où on vit, ni par ailleurs par rapport à où l’on va. C’est le droit de refaire sa vie individuellement, en remettant les compteurs à zéro, parce qu’on l’a choisi.

Dans ces cas comme celui de l’Aquarius, selon les chiffres donnés dans la presse française, cela coûterait 3 000 euros à 5 000 euros par personne pour tenter de traverser la Méditerranée. C’est absolument énorme en Afrique et montre à quel point ces tentatives, aussi désespérées puissent-elles être, sont très réfléchies et organisées.

C’est là fondamentalement libéral et c’est pour cela que toutes les forces libérales soutiennent les migrations. Le capitalisme n’est pas du tout fanatique des frontières, au contraire même : il a souvent cherché à faire tomber les frontières, comme en témoigne l’Union Européenne.

Parfois, il se referme sur lui-même dans certaines conditions, lorsqu’il y a des grandes entreprises qui font des États leur outil de conquête. C’est d’ailleurs inévitable : la Gauche sait que cela s’appelle l’impérialisme, le fascisme, la guerre.

Mais cela est « vieux jeu » pour la « Gauche » post-industrielle qui reprend les rêves du capitalisme du 17e siècle, qui veut faire de chacun un entrepreneur. À ce titre, les différents épisodes de l’Aquarius sont une démonstration des insuffisances fondamentales de cette « Gauche » post-industrielle, post-moderne.

Aquarius - sos Méditerranée

Croyant le capitalisme indépassable, cette fausse Gauche veut l’humaniser et reprend directement les valeurs longuement élaborées par l’Église catholique. Tel est d’ailleurs le ton du dernier communiqué du Parti Socialiste, signés par ses principaux membres, intitulé pompeusement « Aquarius : tout nous oblige ».

« Quelle image l’Europe a-t-elle donnée d’elle-même avec ses dirigeants fermant leurs ports et en même temps faisant assaut médiatique de leur humanité ? L’incurie des gouvernements et de l’Union européenne doit cesser. »

C’est là l’origine de la figure du « migrant » comme symbole du besoin de libertés individuelles absolues, remplaçant l’ouvrier dans le cadre de la lutte des classes. Il ne s’agit plus d’abolir le salariat, mais de faire du salarié un être fondamentalement indépendant de tout.

C’est là à l’opposé fondamental d’un mot essentiel du vocabulaire du mouvement ouvrier, celui d’internationalisme. Car chaque pays a le droit de se développer ! Et pas de se voir piller sa jeunesse au profit des pays riches. Chaque personne a le droit d’être membre de sa culture, de son pays, sans avoir à être amené objectivement ou subjectivement à devoir tout abandonner.

D’autant plus qu’il y a derrière ces flux migratoires des réseaux mafieux et esclavagistes avec une dimension gigantesque. N’importe quelle personne réellement de Gauche ne peut que vouloir les broyer et les anéantir. Mais certainement pas qu’ils soient accompagnés dans leur œuvre barbare par des organisations « humanitaires ».

Le cas des 141 migrants débarqués à Malte hier, dont a priori une moitié de mineurs et plus d’un tiers des femmes, est tout à fait typique.

Ils ont été entassés dans une embarcation de fortune et « déposés » à la limite des eaux internationales, au large de la Libye. Les passeurs ont lancé un appel de détresse puis s’en sont retournés, laissant ces personnes sans vivres ou presque, séparées parfois des membres de leur famille avec qui ils voulaient venir en Europe.

SOS Méditerranée - Médecins sans frontières

La plupart du temps, les migrants ne sont pas secourus et meurent noyés par centaine chaque mois. Ceux qui ne sont pas partis sont parfois retenus en esclavage par les « passeurs ».

Ceux qui arrivent en Europe vivent alors dans des conditions très précaires. Cela donne des situations inacceptables que les autorités laissent traîner volontairement, avec des camps de fortunes là encore à la merci des mafias, mais appuyés par des associations « humanitaires », souvent chrétiennes.

Les classes dominantes utilisent qui plus est par la suite facilement les arriérations culturelles sur le plan démocratique des immigrés des pays du tiers-monde d’un côté, le racisme de l’autre, pour diviser davantage encore plus le peuple.

Croire que l’Aquarius serait là pour réellement aider les gens, c’est croire en la bonté des capitalistes « de gauche », qui ne visent en réalité qu’à diviser pour régner, qu’à faire passer les valeurs ouvrières pour quelque chose de réactionnaire.

Être de Gauche, ce n’est certainement pas faire campagne en faveurs des migrations ou de l’Aquarius. C’est au contraire se lier internationalement aux personnes qui se battent pour leurs conquêtes démocratiques et le développement économique de leur pays.

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Culture

Le musée Vodou de Strasbourg

Le Musée Vodou, ouvert depuis 2014 à Strasbourg, a la particularité de présenter la plus importante collection d’objets au monde du culte vodou, originaire d’Afrique de l’Ouest (Togo, Ghana, Bénin, Nigéria dans une moindre mesure). En tout 1060 pièces répertoriées, pour un total de 220 présentées.

L’intérêt et la curiosité pour les cultures africaines sont bien sûr une excellente chose que partagent toutes les personnes progressistes, à la fois en raison des profonds et anciens liens historiques que notre pays partage avec une grande partie de ce continent, de l’importance de la francophonie en Afrique et de celle de la présence au sein des masses françaises de nombreux immigrés venant pour la majeure partie justement des pays dits francophones d’Afrique.

A Strasbourg en particulier, de nombreux migrants africains viennent d’Afrique de l’Ouest et concernant ce sujet, notamment du Togo et du Bénin.

Le musée en lui-même a été installé dans un ancien château d’eau de l’époque du Reich allemand, construit au début des années 1880 par l’architecte berlinois Johann Eduard Jacobsthal (1839-1902), qui a réalisé les plans des gares berlinoises de l’Alexanderplatz et de Bellevue, et à qui l’Etat impérial allemand confia la réalisation des gares de Strasbourg et de Metz (qui sera ensuite revue plus grande au début du XXe siècle).

Il se présente sous la forme d’une haute tour octogonale, massive, de style « néo-roman », couronnée d’un ouvrage en brique jaune orné de croisillons de métal et de verrières géométriques, s’inspirant des bâtiments de la Renaissance rhénane des XVe-XVIe sièscles.

Le soubassement de grès rose est un écho à la fois à la gare de Strasbourg justement et aussi à la cathédrale. Outre sa fonction technique de ravitailler en eau les machines à vapeur du réseau ferré de la Reichbahn, le château était aussi un lieu de vie des ouvriers de cette entreprise et après eux des sociétés françaises qui en ont pris le relais jusqu’aux années 1950.

En particulier avant la généralisation de l’eau courante dans les logements populaires, il y était possible d’y faire sa toilette après le travail notamment. En conséquence, ce lieu a fini, après son abandon lamentable dans les années 1950, par être inscrit sur la liste de l’inventaire des Monuments Historiques en 1983, sans toutefois faire l’objet de rénovations.

Jusqu’à son rachat par l’ancien PDG des brasseries Fischer et Adelshoffen Marc Arbogast, soutenu par son épouse Marie-Luce Arbogast pour un faire un musée exposant leur collection personnelle.

La rénovation a été confiée à un architecte strasbourgeois d’envergure : Michel Moretti, qui a aussi notamment réalisé les plans de l’ENA de Strasbourg en 1995 et de l’Ecole d’Architecture (ENSAS) en 1987.

La requalification du lieu en musée est une belle réussite de ce point de vue, et le travail muséographique réalisée par des salariés et des bénévoles de l’association qui gère le musée sur la base du droit local (maintenu après la réannexion de l’Alsace et de la Moselle à la France), est aussi une réalisation esthétiquement agréable, notamment en terme de présentation. Le musée étant formellement plaisant et accessible à visiter.

La démarche même de la collection suinte cependant l’esprit bourgeois de toutes part, dans une perspective agressive colonial-impérialiste à l’ancienne. En dépit de son objectif de rencontre des cultures, le malaise raciste ne quitte pas le visiteur, si celui-ci à une culture de gauche développée.

Le ton est donné par le propriétaire même du lieu : « Le Château Vodou est l’aboutissement de ma passion pour l’Afrique, qui combine une curiosité pour les savoirs traditionnels, la chimie et la chasse. »

On ne saurait mieux dire. Marc Arbogast et son épouse Marie-Luce ne sont pourtant pas eux-mêmes des personnes racistes au sens strict. Marie-Luce se présente comme une ancienne volontaire aux Médecins du Monde, et le couple souligne à l’envie la passion commune et ancienne pour l’Afrique qui les unit, depuis leur jeunesse.

Le musée est d’ailleurs fortement et ouvertement marqué par leur présence et leur promotion, on y apprend rapidement plus sur eux que sur n’importe quelle personne qu’ils auraient rencontré en Afrique. Leur promotion individuelle écrase littéralement tout le reste.

La performance de réaliser un musée sur l’Afrique sans qu’on puisse identifier d’Africains, ne semblent pas leur avoir traversé l’esprit. Il n’est question que de leur expérience, que nous sommes invités à partager sous leur propre prisme. On a vite l’impression de parcourir plus une vulgaire page FaceBook qu’un musée en tant que tel.

C’est ainsi que de leur propre aveu, leur intérêt pour l’Afrique s’est construit comme une fascination propre à l’époque coloniale :

« Je me souviens de ma mère, petite-fille de pasteur, qui n’avait de cesse de me parler d’Albert Schweitzer, dont nous admirions l’éthique du « respect de la vie », et aussi de mon père, fasciné par Tarzan et l’image d’une Afrique mythique qu’il partagea avec moi. À cette époque, pourtant, aucun de nous n’y avait mis les pieds ! ».

Cette vision « mythique » de l’Afrique aurait nécessité pour le moins depuis un conséquent exercice d’autocritique et de révision. Mais Marc et Marie-Luce Arbogast n’ont en pas été capables, en raison de leurs préjugés de classe et ont fini en outre par verser dans un complet mysticisme, malgré leurs indéniables aspirations progressistes.

C’est ainsi que Marc Arbogast relit son enfance pour y justifier son goût pour le vodou en précisant
qu’il avait l’habitude de côtoyer une « sorcière » lors de ses séjours dans une maison secondaire
avec ses parents dans les Vosges.

Le portrait et les valeurs de ce couple sont des élément repérables dans bon nombre de familles bourgeoises ou petites-bourgeoises alsaciennes, notamment celles liées à ce protestantisme philanthrope, ouvert au monde mais miné par une fascination pour le mysticisme et le religieux.

C’est ainsi que ce couple, connaisseur des cultures d’Afrique de l’Ouest de par leurs nombreux voyages, n’ont néanmoins pas vu l’Afrique dans sa dimension populaire, ni même les cultures africaines dans leur esprit. Ils ont en revanche « expérimenté » le vodou et ils en ont déduit que ces séries d’expériences leurs avaient appris quelque chose qui valait la peine de partager, dans une démarche d’individualisme bourgeois tout ce qu’il y a de plus caricatural.

On ne s’étonnera pas que parmi tous les soutiens médiatiques du musée, on trouve bien sûr en bonne place la catholique Société des Missions Africaines de Strasbourg, avec le curé Jacques Varoqui, qui
entretient lui-même à Haguenau un « espace africain » dédié aux missions en Afrique de l’Ouest.

La première chose auquel le visiteur est confronté, c’est la première chose que fit Marc Arbogast a
son arrivée en Afrique : chasser. Tout est ici dit de son rapport à la « vie » et à la nature.

Tout le premier niveau n’est rien de moins qu’une glaçante salle de trophée de chasse, exposant les cornes de dizaines d’animaux abattus au cours des multiples parties de chasse livrées par le propriétaire en Afrique. On y voit même un lion entièrement empaillé pour servir de lieux de photographies souvenir.

Le reste du musée est ensuite à l’avenant, une galerie d’objets exposés avec une réflexion sur leur fabrication matérielle et leurs usages, sans chronologie, sans mise en perspective sociale de la moindre forme. Le rapport avec l’Islam ou la Traite sont à peine mentionné.

En un mot, aucune mise en histoire, aucun mouvement. Une Afrique immobile et rongée par le mysticisme, vue par des yeux complaisants qui ne veulent voir de l’Afrique que cela.

Viennent enfin les « divinités masquées », ici on a directement des éléments de cultures populaires, mais rien n’est franchement creusé, analysé, relié. Même le lien avec les pratiques vodou du niveau précédent n’est pas clair.

Faut-il alors s’étonner que des institutions comme le Musée du Quai Branly, ou des chercheurs comme Bernard Müller (IRIS-EHESS) associés au Musée Vodou lors de son lancement, se soient depuis désolidarisés à la fois pour des raisons de fonds concernant les expositions et de formes concernant l’esprit de management boutiquier du couple Arbogast.

Outre ce désaveu scientifique,d’institutions bourgeois pourtant initialement bienveillantes, le Musée a aussi été rejeté par les associations comme Curio, qui milite pour la dignité et l’expression des cultures nationales du Togo en Alsace et en Franche-Comté.

Captif de la vision mystique et égocentrée de ce couple bourgeois, la tentative de ce musée est donc un échec, porté à bout de bras par la fondation qui le finance et le dense réseau religieux et bourgeois qui le soutien. Ce musée est donc à la connaissance de l’Afrique, et même du Vodou, ce que la Fondation
Vuitton est à l’art : une appropriation bourgeoise frisant le délire.

Strasbourg a certes besoin et a du coup presque une sorte de base avec ce musée pour affirmer les cultures africaines, très vivantes dans la métropole, dans un esprit démocratique (avec la participation des éléments des masses originaires de ces pays), populaire (en l’ouvrant sur la curiosité des masses alsaciennes, désireuses de mieux connaître une part de l’Afrique au-delà des clichés éculés entretenus par ce musée) et scientifique (en dépassant la seule question des cultes et du vodou et en développant une vraie perspective matérialiste historique, qui ne fétichise pas les cultures d’Afrique mais permet leur connaissance et leur métissage).

En un mot, on attend la confiscation populaire de ce lieu !