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2022: la candidature floue et molle de Delphine Batho à la «primaire de l’écologie»

Delphine Batho a présenté sa candidature à la « primaire de l’écologie », organisée par EELV en vue de la présidentielle de 2022

C’est par une mise en scène journalistique sur BFMTV que Delphine Batho a annoncé et présenté sa candidature à la « primaire de l’écologie », organisée par EELV en vue de la présidentielle de 2022. Rien qu’avec ça, on se dira que c’est dommage, qu’il y avait mieux à faire, qu’une telle façon classiquement politicienne est loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Il aurait pourtant fallu marquer le coup, probablement avec un document d’une grande densité, à l’image de ce qu’elle avait écrit à l’occasion du début de la crise sanitaire en avril 2020. Cela aurait eu une autre allure, sans parler du fait que démocratiquement et culturellement, c’était mieux que de réserver sa parole à un grand groupe médiatique.

Dommage, cela l’est d’autant plus que Delphine Batho est une femme politique de qualité, ayant cette capacité de s’adresser aux gens, de les écouter, de porter leur parole de manière à la fois simple et concrète, en exprimant de réelles préoccupations populaires. Le problème, c’est qu’à une époque comme la nôtre, cela ne suffit pas. Loin s’en faut.

Dans une telle situation de crise, écologique bien sûr, mais aussi morale, économique, sanitaire, sociale, culturelle, ce qu’il faut, ce sont des grandes idées, des grandes lignes. Il faut tracer une perspective qui soit immense, à l’image de l’immensité de la crise, des crises et de leurs enchevêtrements.

Delphine Batho, malheureusement, a fait le choix inverse. En 2018, elle a abandonné les grandes idées, en quittant la Gauche (elle qui était liée au PS depuis sa jeunesse), au profit de Génération écologie. Elle a choisi le pragmatisme, censée être synonyme de réalisme, en prônant un centrisme écolo « non partisan ».

Elle se retrouve maintenant coincée. D’un côté, elle n’est pas dupe de la situation et ne peut que constater l’immensité de la crise. De l’autre, sans grandes idées, elle doit bricoler avec des petites idées pour se démarquer et avoir quelque chose à proposer malgré tout.

Alors elle parle de « décroissance », mais sans aucun rapport avec ce que cela signifie vraiment. La décroissance est une idée réactionnaire très précise. Cela vient de l’extrême-droite et c’est une critique de la société industrielle sur un mode romantique. Si Delphine Batho était cohérente, elle ne pourrait pas dire que « ce n’est pas synonyme de récession » ou alors que cela permet de « créer des emplois ». C’est tout simplement antinomique avec la définition même de décroissance.

D’ailleurs, la candidate à la « primaire de l’écologie » n’est pas du tout « décroisssante » quand elle dit, de manière très juste, qu’il faut une industrie française du vélo. Mais cela n’est qu’anecdotique, à l’image de sa pseudo-définition de la décroissance qui est d’un populisme incroyable : ce serait dit-elle, les vides-greniers et Le bon coin…

Les petites idées, Delphine Batho va également les chercher du côté des catholiques, en reprenant le concept d’écologie intégrale (« 100 % écologie intégrale » est-il précisé sur ses visuels de campagne). Plus précisément, cela a été mis en avant par le pape « François 2 » avec son « encyclique » intitulée « Laudato si » en 2015.

Les véritables écologistes avaient à l’époque tout de suite compris de quoi il s’agissait en dénonçant un néo-pétainisme, une révolte contre le mode moderne faisant un hold-up sur l’écologie, tout comme les zadistes l’ont fait. Là encore, comme avec la décroissance, Delphine Batho ne va pas au bout des choses, puisqu’elle prétend en même temps relever de l’héritage des Lumières, de la laïcité.

Le pape ou les Lumières, il faut pourtant choisir. Car l’un fait clairement partie du problème, en rejetant la nature au profit d’un mysticisme pseudo-bienfaisant. Et l’autre fait clairement partie de la solution, en prônant le matérialisme philosophique, c’est à dire la reconnaissance de la nature, et donc l’écologie.

Ce n’est pas qu’une question philosophique et lointaine, idéologique et abstraite. C’est au contraire absolument concret et décisif. C’est de vision du monde qu’il s’agit, et c’est justement avec une vision du monde qu’on change les choses, si on veut réellement changer les choses. Delphine Batho le veut-elle ?

Si c’est vraiment le cas, alors elle a fait une erreur immense en rejetant la Gauche. Elle explique même maintenant qu’elle « s’en fout » du parcours des gens, que la Droite n’est miraculeusement plus un problème, que ce qui compte c’est d’agir, etc.

Pourtant, rouler en SUV et n’en avoir rien à faire des autres, c’est précisément cela une mentalité de droite, et c’est strictement opposé à l’écologie.

Au contraire, avoir l’esprit collectif chevillé au corps, c’est précisément une mentalité de gauche, et c’est uniquement de cette façon que l’humanité pourra envisager de mener la bataille pour la planète Terre.

Elle a raison de vouloir prendre le problème de l’écologie à bras-le-corps et d’agir immédiatement. Mais sans chambouler la société, sans assumer de révolution culturelle, rien ne sera possible.

Rien qu’un aspect, qui est tout à fait marquant : en vingt minutes d’émission où elle introduit son programme, jamais Delphine Batho n’a parlé des animaux, et encore moins de veganisme. Comment pourtant prétendre à sauver la planète, sans se préoccuper de ses habitants ? À moins que l’écologie ne soit qu’un prétexte à un néo-humanisme, à un anthropocentrisme s’imaginant moderne et pacificateur social.

Delphine Batho vaudra-t-elle mieux que cela ? L’accentuation de la crise et la polarisation de la société la forcera à choisir son camp.

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Société

Delphine Batho contre le démarchage téléphonique

La députée « Génération Écologie » Delphine Batho a malheureusement choisi de tourner le dos à la Gauche en 2018. C’est une grande perte, un véritable échec politique dans nos rangs. On le voit notamment quand on suit son activité parlementaire : elle réussit souvent à viser juste, à être pertinente, malgré de faibles moyens politiques et idéologiques. C’est le cas à propos de l’écologie bien sûr, mais aussi régulièrement en ce qui concerne la vie quotidienne du peuple, par exemple à propos de ce poison qu’est le démarchage téléphonique.

La députée des Deux-Sèvres est à l’origine d’une proposition de loi s’opposant au gouvernement dont un projet de décret d’application est dénoncé comme un « véritable permis de harceler » pour les démarcheurs. Le texte dénonce avec pertinence l’échec du système « Bloctel », laissant la porte ouverte à une « véritable pollution téléphonique qui fait des citoyens des consommateurs 24 heures sur 24 ».

Delphine Batho fait montre à ce sujet d’un véritable intérêt pour les gens, leur quotidien, leurs peines. Cela reflète une démarche franchement démocratique et populaire, qui ne peut cependant que rester limitée et faible sans la grande vue générale que permet la Gauche.

Voici l’exposé des motifs de cette proposition de loi du 18 mai 2021 (n°4167) « visant à interdire le démarchage téléphonique et à garantir le droit à la tranquillité de chacune et chacun à son domicile » :

« Mesdames, Messieurs,

Selon une enquête de l’UFC – Que Choisir, 100 % des Français jugent le démarchage téléphonique « agaçant » et constatent qu’il est en augmentation. Ce harcèlement téléphonique lié à la prospection commerciale, qui avait temporairement diminué lors du premier confinement dans le contexte de la pandémie de covid‑19, augmente à nouveau. Il suscite à juste titre une exaspération grandissante que la représentation nationale doit entendre et à laquelle il convient d’apporter des réponses nouvelles.

Véritable pollution téléphonique qui fait des citoyens des consommateurs 24 heures sur 24, même lorsqu’ils sont à leur domicile, et parfois même la nuit, ces appels intempestifs, extrêmement intrusifs, perturbent la tranquillité à laquelle chacune et chacun a droit et constituent une véritable invasion de la société de consommation dans la vie privée.

« Jusqu’à quinze, voire davantage, appels par jour. Avec de plus en plus souvent le culot de se présenter comme personnel EDF, ou mandaté du conseil départemental et même par le gouvernement ! Je suis sur liste « rouge » ou « Bloctel » : mais ils s’en fichent totalement ».

« Vendredi dernier, vers 18 h 45, j’ai été importuné par une personne voulant m’imposer à tout prix l’isolation à un euro. Suite à mon refus, ce démarcheur n’a rien voulu entendre et même est allé jusqu’à me dire que j’étais « hors la loi ». Après avoir raccroché, il m’a aussitôt rappelé à partir d’un autre numéro en insistant lourdement, me donnant même un numéro de dossier, me demandant mon revenu fiscal et voulant fixer contre mon gré un rendezvous avec une entreprise, incapable de dire laquelle. Me voyant toujours opposé, il m’a proposé l’isolation du soussol et m’a mis en relation avec une autre personne ».

« L’affichage du numéro de téléphone n’empêchera pas le téléphone de sonner à toute heure de la journée, voire de la nuit. Ce qui est un problème de fond. La liberté de ne pas être importuné dans sa sieste, quand le bébé dort enfin, quand tout le foyer dort la nuit ».

Défini à l’article L. 221‑16 du code de la consommation, le démarchage téléphonique est l’acte par lequel un professionnel « contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d’un bien ou sur la fourniture d’un service ».

Face à la demande de protection des consommateurs et afin de mettre fin aux nuisances provoquées, la loi n° 2014‑344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a institué une liste spécifique dite « Bloctel » (ordonnance n° 2016‑301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation) sur laquelle peuvent s’inscrire les citoyens qui ne souhaitent plus recevoir d’appels téléphoniques commerciaux non sollicités. Le Conseil national de la consommation estime à plus de 3,7 millions le nombre de consommateurs s’étant inscrit sur cette liste. Au 1er octobre 2018, 226 000 fichiers de professionnels avaient été traités, représentant 155 milliards de numéros de téléphone et 5 milliards de numéros repoussés ([1]). Ce système s’avère inefficace, et beaucoup de citoyens qui se sont inscrits pour ne plus recevoir d’appels continuent d’en subir. En effet, depuis début 2018, on dénombre plus de 200 500 signalements de consommateurs ([2]) inscrits sur Bloctel continuant de recevoir des appels de démarchage à des fins commerciales. Les secteurs les plus signalés étant l’habitat et la rénovation (82 % des signalements), l’énergie (79 % des signalements), le secteur assurantiel (49 %) ou encore la voyance (32 %) ([3]). Enfin, les données disponibles au 30 septembre 2018 faisaient apparaître que seules 1 062 entreprises avaient souscrits à Bloctel, dont 655 seulement avaient encore un abonnement en cours au 30 septembre 2018. Les réclamations des consommateurs ont conduit à 638 contrôles depuis 2016. Entre juillet 2016 et janvier 2018, 134 entreprises ont été sanctionnées. Il faut également ajouter la faiblesse des sanctions : 15 000 euros pour une personne physique contactant une personne inscrite sur le fichier d’opposition et 75 000 euros s’il s’agit d’une personne morale.

Entre temps, le Règlement européen n° 2016/679 dit règlement général sur la protection des données (RGPD) est entré en vigueur le 25 mai 2018. Son article 4 définit le consentement comme « toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ». Cependant le droit de l’Union européenne n’impose le consentement préalable du consommateur que pour la prospection commerciale automatisée, c’est‑à‑dire les courriels, mails, SMS ou télécopies. L’article L. 34‑5 du code des postes et des communications électroniques interdit ainsi « la prospection directe au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen ». Ainsi les numéros de téléphone utilisés pour la prospection commerciale échappent au statut applicable à l’ensemble des données personnelles numériques.

De nombreux pays européens, comme l’Allemagne, le Danemark ou encore le Portugal, ont néanmoins assujetti les numéros de téléphone au même régime que celui prévu par le RGPD en optant pour un système reposant sur le recueil préalable du consentement du consommateur. Ainsi, au Danemark, le consentement préalable du consommateur à être démarché téléphoniquement est requis (sous réserve d’exceptions dans les domaines de la presse, des assurances ou d’abonnements aux services de secours et au transport sanitaire). En Allemagne, un consommateur ne peut être appelé à des fins publicitaires par une entreprise sans lui avoir donné son consentement exprès ([4]). L’Association de défense des consommateurs au Portugal, DECO, a par ailleurs constaté une baisse des plaintes de consommateurs suite à la mise en place, en 2012, de l’optin. Enfin, face à l’échec de la liste d’opposition, le Royaume‑Uni a également fait le choix de l’optin en 2018. Désormais, les entreprises doivent s’assurer qu’elles ont le consentement du destinataire avant d’appeler.

La proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux a été promulguée le 24 juillet 2020. Si cette loi comporte des avancées telles que l’interdiction du démarchage pour la rénovation énergétique, sauf contrat en cours, ou encore des dispositions pour mieux lutter contre les appels frauduleux, celle‑ci se contente seulement « d’encadrer » le démarchage téléphonique, et reste basée sur l’objectif d’améliorer l’efficacité du dispositif Bloctel, lequel s’avère largement inefficace. Au cours des débats parlementaires, il est apparu que cette loi privilégie délibérément les intérêts des opérateurs des centres d’appels sur le droit à la tranquillité de toutes et tous.

Enfin, le projet de décret d’application de cette législation, présenté récemment par le gouvernement, délivre aux opérateurs un véritable permis de harceler. Celui‑ci prévoit d’autoriser la prospection téléphonique du lundi au vendredi de 9 heures à 19 heures, même le samedi de 10 heures à 18 heures, avec un répit d’une ou deux heures le midi. Par ailleurs, une même entreprise serait autorisée à appeler quatre fois par mois une même personne pour une même proposition commerciale, même si celle‑ci a été refusée dès le premier appel.

La présente proposition de loi propose donc de consacrer en France le droit à la tranquillité de chacune et chacun à son domicile et à interdire de fait le démarchage téléphonique lorsqu’il n’est pas souhaité, en lui appliquant le principe du consentement actif tel que prévu par le RGPD. Ainsi, nul ne pourrait plus faire l’objet d’aucun démarchage téléphonique s’il n’a pas donné son accord exprès, comme cela se pratique à l’heure actuelle pour les SMS ou les courriels, ou si l’appel n’entre pas dans le cadre d’une sollicitation directement liée à l’objet d’un contrat en cours.

Aucun argument économique ne peut justifier de laisser perdurer des stratégies commerciales basées sur le harcèlement et l’intrusion dans la vie privée. Cette proposition de loi défend donc une économie saine et loyale, où les consommateurs sont respectés.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

L’article 1er prévoit que la prospection commerciale par voie téléphonique n’est autorisée que si le professionnel a reçu le consentement du consommateur, ou dans le cadre de sollicitations ayant un rapport direct avec l’objet d’un contrat en cours.

L’article 2 abroge le chapitre III du titre II du livre II du code de la consommation relatif à l’opposition au démarchage téléphonique.

En conséquence, l’article 3 abroge la mention faite au treizième alinéa de l’article L. 224‑30 du code de la consommation de la faculté de s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique.

L’article 4 dispose que la présente proposition de loi s’applique à compter du 1er juillet 2021.

Telles sont les dispositions qu’il vous est proposé d’adopter. »

([1])  Rapport n°1448  fait au nom de la Commission des Affaires économiques sur la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et lutter contre les appels frauduleux – 28 novembre 2018.

([2])  Rapport du Groupe de travail « Démarchage téléphonique » du Conseil national de la consommation – 22 février 2019.

([3])  Rapport n°1448  fait au nom de la Commission des Affaires économiques sur la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et lutter contre les appels frauduleux – 28 novembre 2018.

([4])  Rapport n°310 fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux – 13 février 2019.

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Écologie

Communiqué de Delphine Batho critiquant le référendum sur l’écologie dans la Constitution

Emmanuel Macron a annoncé en fin de soirée lundi 14 décembre qu’il compte organiser un référendum sur l’inscription de l’écologie dans l’article 1 de la Constitution. Voici le communiqué de Delphine Batho, présidente de Génération Écologie, qui comme souvent a très bien compris ce qui se tramait et émet une critique très juste de la proposition, tant au nom de la démocratie qu’au nom de l’écologie elle-même.

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Politique

Génération Écologie: «Analyse politique de la pandémie de Covid-19»

Voici l’analyse publiée par Génération Écologie, dont l’une des principales figures actuellement est Delphine Batho, ancienne ministre de l’Écologie et issue du Parti socialiste. On a ici un document d’une grande qualité, marquant une véritable conscience écologiste et un sens profond de la responsabilité politique, de la chose publique, et donc de l’État.

[le document est aussi disponible en PDF]

« Analyse politique de la pandémie de Covid-19

1. La pandémie provoque une rupture historique 

L’épidémie, qui a débuté en novembre 2019 à Wuhan en Chine, est le fait d’un nouveau coronavirus séquencé pour la première fois le 5 janvier dernier : le SARS-CoV-2, virus responsable de la maladie Covid-19. Si l’OMS a décrété l’état d’urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier, il a fallu attendre le 11 mars pour qu’elle soit reconnue comme « pandémie ».

Inédit par sa vitesse de propagation, le Covid-19 a infecté plus d’un million de personnes et provoqué 63 437 décès dans 190 pays à ce jour. Le nombre de morts dans le monde évolue de façon exponentielle : il a doublé au cours de la dernière semaine.

En France, 89 953 personnes sont officiellement reconnues comme contaminées par le Covid-19 et au moins 7560 personnes sont décédées en un mois.  Ici comme ailleurs dans le monde, les données officielles sur la pandémie sont largement sous-évaluées en raison de l’absence de dépistage massif et de recensement de la totalité des décès liés au virus (par exemple au moins 2 028 décès liés au coronavirus dans les Ehpad en France qui n’étaient pas comptabilisés initialement).

Cette catastrophe sanitaire a imposé progressivement sur tous les continents une quasi mise à l’arrêt des activités économiques et sociales. Près de 50% de la population mondiale est désormais concernée par des mesures de confinement restrictives des libertés fondamentales (3,84 milliards de personnes), provoquant des réactions en chaîne qui illustrent les vulnérabilités d’un système de production, de distribution et de consommation tout entier caractérisé par l’interdépendance et la recherche du profit à court terme. Ce brutal retour au réel, à nos fragilités et à nos conditions vitales d’existence, constitue une marche descendante qui nous rapproche d’une logique d’effondrement systémique dont nous vérifions in situ les mécanismes et les effets domino, et dont nous mesurons les risques pour la paix et la sécurité civile.

Le plus dur de la catastrophe sanitaire est encore devant nous, tant en termes de pertes humaines, que de conséquences sociales, économiques et sociétales de toute nature. S’y s’ajoutent des conséquences psychologiques et morales très lourdes et générant des effets à long terme liés à l’état de stress traumatique. Si tous les effets de ces bouleversements ne peuvent être anticipés dans une situation marquée par son instabilité et ses incertitudes, il est d’ores et déjà évident que plus rien ne sera comme avant. Ce choc ne constitue pas seulement, pour l’humanité, une interruption brutale dans la marche du monde, mais une rupture historique.

Les dogmes de l’efficacité autorégulatrice du marché et de la supériorité des enjeux économiques sur toute autre considération, les visions du monde ignorantes de notre appartenance au vivant et marquées par la négation des limites planétaires, ont été balayés par les faits en quelques semaines. Pour protéger la vie humaine, c’est la puissance publique qui est appelée au secours. Il n’y a plus de Pacte de stabilité européen, plus de limite à la dépense publique, même le Medef en appelle à des nationalisations. Quand tout s’effondre, il ne reste que l’Etat.

En ce sens, nous ne considérons pas les événements actuels comme une « crise », dont la parenthèse, une fois refermée, conduira à un retour « à la normale », c’est-à-dire à la situation antérieure, à l’identique. Nous refusons d’entretenir ce mythe de l’« après ». Il résulte en fait du covid-19 un nouvel état du monde.

2. Une maladie reliée aux destructions écologiques

Cette catastrophe sanitaire fait partie du grand tout de la destruction écologique irréversible.

Le Covid-19 est une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmise à l’homme à partir d’animaux vertébrés, sauvages ou domestiques. Avant lui, SRAS et Ebola avaient pour origine des chauves-souris (en Chine et en Guinée), tandis que la grippe H1N1 venait probablement d’un porc au Mexique. Il faut en général plusieurs années de recherche pour établir avec certitude la chaîne de transmission d’un virus de l’animal à l’humain. Concernant celui à l’origine de la maladie Covid-19, l’hypothèse scientifique privilégiée est une recombinaison entre deux virus, l’un provenant d’une chauve-souris, l’autre du pangolin, au sein d’un organisme aujourd’hui inconnu. Il est en tout état de cause certain que le virus est apparu à Wuhan (province de Hubei) en Chine et n’a pas été créé en laboratoire.

Les coronavirus existent naturellement dans le monde sauvage et peuvent se recombiner. On ne connaît pas encore avec certitude le patient 0, et donc le contexte de franchissement de la barrière d’espèces. Néanmoins, il est prouvé que certaines activités humaines favorisent l’émergence des zoonoses. Selon l’OMS, 75% des agents pathogènes des maladies infectieuses émergentes sont des zoonoses. Les virus sont des micro-organismes qui, lorsqu’ils trouvent un hôte abondant, se multiplient efficacement. Le choc biologique lié à l’expansion humaine colonisant les espaces du monde sauvage, la déstabilisation des écosystèmes, la déforestation, le braconnage, le stockage dans des conditions délétères d’espèces sauvages ainsi que leur consommation augmentent les voies de contaminations et de recombinaison des virus vers l’espèce la plus efficace pour se disséminer : l’espèce humaine. Plus nous détruisons les écosystèmes et maltraitons les animaux, plus nous favorisons l’émergence de telles épidémies. Il est établi que le réchauffement climatique va aussi provoquer de nouvelles pandémies, que ce soit par l’extension géographique des vecteurs d’infection (moustiques, tiques) ou par la libération d’agents pathogènes conservés dans le pergélisol.

Reléguée au second plan dans le débat public, objet de théories complotistes niant les connaissances scientifiques, la cause originelle du Covid-19 est probablement directement liée à la destruction massive de la biodiversité. 

La particularité de l’épidémie actuelle est aussi la vitesse de propagation du virus. Il n’a fallu que trois mois au Covid-19 pour arriver en Europe. L’intensification des déplacements humains ces vingt dernières années est un facteur d’accélération majeur, de même que la massification urbaine. Entre 2002 et aujourd’hui les flux de passagers aériens ont été multipliés par presque trois.

Si l’hypothèse que la pollution atmosphérique peut propager le virus a été formulée par des chercheurs italiens, il est en revanche certain que les pathologies liées à la pollution de l’air, première cause de mortalité dans le monde, à la sédentarité et à la malbouffe (obésité), et plus largement à la dégradation de la santé environnementale, affaiblissent l’immunité et aggravent la vulnérabilité de l’espèce humaine face à de nouveaux agents pathogènes.

3. Une catastrophe de l’Anthropocène

La pandémie n’est donc pas un perturbateur « extérieur » à notre monde, mais le produit d’une époque, l’Anthropocène, tant elle est marquée par toutes ses caractéristiques : origine liée à la perturbation anthropique du vivant, vitesse de propagation planétaire, augmentation exponentielle du nombre de cas et de victimes, conséquences immédiates sur l’économie mondiale des mesures de confinement faute de capacités sanitaires suffisantes, aggravation spectaculaire des inégalités, …

Un système d’approvisionnement mondialisé dont la gestion se fait à flux tendus, interdépendants les uns des autres, est intrinsèquement vulnérable. Le pétrole est la condition de ce système dans lequel il n’y a pas de stocks, l’utilisation des énergies fossiles assurant une distribution constante.

Soulignons aussi que le développement de la pandémie a été accéléré par le « corona-obscurantisme » dont ont fait preuve les gouvernements Destructeurs (Chine, Etats-Unis, Royaume-Uni, Brésil, Russie etc), occultant ou mettant en doute les alertes scientifiques, sur fond de tensions géopolitiques entre grandes puissances, livrant ainsi les populations à une contamination massive. Le retard apporté en Chine à donner l’alerte sur le virus (près d’un mois) est également le résultat de l’absence de libertés publiques et de liberté de la presse (lanceurs d’alerte emprisonnés, journalistes étrangers expulsés). La pandémie illustre la faillite des populistes, des régimes autocratiques et des égoïsmes nationaux face à toute situation d’urgence internationale qui nécessite de rechercher non pas la rivalité entre nations, mais la coopération. Il est désastreux, pour l’Europe, qu’elle n’ait pas saisi rapidement l’occasion de faire la démonstration inverse, celle de l’entraide dans un espace démocratique. Et désolant qu’elle n’ait finalement réagi que par des mesures financières, pour limiter le krach des marchés financiers.

L’explosion des inégalités consubstantielle au modèle de civilisation actuel est exacerbée par l’épidémie, entre les pays et à l’intérieur de chacun d’eux : impossible de se confiner dans un bidonville, de respecter les gestes barrières sans accès à l’eau ; impossible d’essayer de se substituer à l’école en faisant classe aux enfants sans livres, sans internet, dans un logement exigu… L’Afrique est confrontée à un risque d’effondrement économique et sanitaire. Ici, pendant que les uns peuvent télétravailler, les autres sont au chômage partiel ou exposés au risque sans protection dans leur métier.

La pandémie met en lumière les effets ravageurs de la marchandisation de toutes les sphères vitales des activités humaines (santé, alimentation) et des politiques ultra-libérales d’affaiblissement de l’État. Les délocalisations industrielles, la perte de souveraineté sur les biens et services essentiels, l’appauvrissement des systèmes de santé (manque de lits, de matériels, de soignants…), la réduction des moyens des services publics, débouchent sur une catastrophe sanitaire majeure et une restriction des libertés fondamentales faute de capacité à prévenir la contagion (tester, isoler les seuls porteurs du virus…) et soigner.

Affaibli dans ses moyens d’actions, l’Etat, dont la première mission fondamentale est la protection de la sécurité de la population, a perdu en compétences, en expertise, ainsi qu’en capacités opérationnelles et d’anticipation. Le règne de la technobureaucratie, soumise à l’influence des lobbys et à l’hypercentralisation de la Vème République, aggrave les dysfonctionnements et entraîne une perte de réflexes élémentaires en situation de crise.

Ainsi s’explique l’aveuglement de l’Etat et de ses agences, sous-estimant les risques liés à l’épidémie, ne prévoyant rien, ou trop tard, pour les besoins matériels les plus essentiels (masques, tests, respirateurs…), s’auto-congratulant pendant des semaines que « la stratégie française marche », délivrant les informations au compte-goutte par peur d’une panique qui mettrait l’économie à l’arrêt, moquant le confinement italien « contre-productif », avant de se résigner à suivre le même chemin, acculés par la science et par les faits. La cohésion nationale de la France, et l’Etat lui-même aujourd’hui, tient non plus d’abord « par le haut », mais surtout « par le bas », parce que les soignants, les policiers et gendarmes, les pompiers, les caissières, les livreurs, les transporteurs, les agriculteurs, des entrepreneurs, les élus locaux, les éboueurs, les travailleurs sociaux, les enseignants, les associations,… font preuve d’un dévouement exceptionnel dans l’exercice de leurs missions fondamentales et vitales pour la République. Des trésors d’ingéniosité, de « système D » et d’adaptation en mode dégradé, se déploient tous les jours pour pallier les défaillances dont sont responsables, non seulement le gouvernement actuel, mais également ceux des trois derniers quinquennats. Dans ces conditions, résumer les conséquences politiques à retenir de la pandémie à la mise en cause de la responsabilité du seul pouvoir actuel est un raisonnement à courte vue auquel les écologistes ne peuvent souscrire. Il occulte la responsabilité principale : celle d’un modèle de civilisation destructeur qui a constitué la norme de référence depuis des décennies.

En quelques jours ou quelques semaines, nous avons vu à l’œuvre face à l’épidémie les mêmes mécanismes que depuis des années face au changement climatique : déni, chacun pour soi, prises de conscience tardives, inertie, décalage entre les intentions proclamées et la mise en œuvre effective des actions…

4. Le début d’une récession sans équivalent

La pandémie et les mesures de confinement ont provoqué un choc économique sans équivalent. La crise qui en résulte est vraisemblablement d’une ampleur supérieure à la crise de 1929. Elle risque de déboucher sur une dépression longue car il s’agit d’abord d’une crise de l’économie réelle, avec une mise à l’arrêt de pans entiers de la production industrielle et de la consommation d’abord en Chine, puis partout dans le monde. Outre les secteurs parmi les premiers impactés (tourisme, baisse de 90% du trafic aérien dans les prochains mois, restauration,…), en France 50% de la production industrielle, 85% de l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics, 50% de l’activité des services, sont à l’arrêt. Des risques pèsent sur les chaînes d’approvisionnement et de production pour les fonctions vitales les plus essentielles, à commencer par l’alimentation.

La panique boursière initiée par les décisions de l’Arabie Saoudite et de la Russie provoquant une baisse du prix du baril de pétrole, s’est conjuguée aux conséquences de la pandémie et du ralentissement du commerce international (baisse de la demande en pétrole), encourageant les investisseurs à liquider leurs actifs. Il est probable qu’à termes, le sous-investissement dans les capacités de production pétrolière débouchera sur une augmentation des prix du baril et sa forte volatilité. Dans l’immédiat, un tiers de la capitalisation boursière a été perdu en deux semaines. Le secteur bancaire est en difficulté. Les faillites d’entreprises vont se multiplier. Les conséquences sociales sont d’ores et déjà monstrueuses, avec 10 millions de nouveaux chômeurs aux Etats-Unis en deux semaines, record historique absolu.

Dans l’urgence, le recours essentiel pour la survie du tissu industriel est l’intervention massive des Etats, ou de répondre aux besoins de « l’économie de guerre » liés à la pandémie elle-même par des reconversions rapides des outils de production et l’adaptation à la demande d’une économie relocalisée. Or au-delà de la gestion défaillante de la catastrophe sanitaire, les mesures prises ou annoncées jusqu’à ce jour sur le front économique traduisent avant tout la volonté de sauver ou de reconstruire le système de production et de consommation à l’identique, à l’image des mesures prises en 2008-2009 pour sauver le secteur financier, sur le mode du « business as usual ».

5. Réinventer, plutôt que reconstruire

Ecologistes, nous sommes dans le camp de ceux qui font le choix de la cohésion nationale, qui agissent ou qui simplement applaudissent aux fenêtres tous les soirs. La gravité des circonstances impose de placer au-dessus de tout l’esprit de responsabilité et la mobilisation générale pour sauver des vies. Nous l’avons dit depuis le début de l’épidémie : la santé d’abord !

Notre boussole est celle de la sécurité de la population et de ses besoins essentiels. Dans l’immédiat et à long terme. A ceux qui veulent « reconstruire » le monde d’hier, nous opposons la détermination de celles et ceux qui veulent réinventer un monde harmonieux. L’aspiration à de nouveaux modes de vie, à une nouvelle hiérarchie des valeurs, à un monde respectueux du vivant et bienveillant, à une nouvelle gouvernance démocratique, n’a pas disparu avec le coronavirus, bien au contraire. Tout s’accélère pour les écologistes !

La pandémie est une catastrophe dont nous mesurons le prix humain et qui concentre toutes les urgences de notre époque. Pour nous, le coronavirus n’est pas, comme on a pu l’entendre parfois, une « opportunité » ou une épreuve « salutaire ». La maladie et le confinement ne sont pas une expérience de la « sobriété » ou de la « décroissance », mais une privation de liberté, de travail, d’éducation, de relations humaines et sociales, ainsi que de relations avec la nature. Ils n’ont rien de commun avec l’adhésion à un changement culturel des comportements et présentent aussi une part de risques d’effets rebond et de frénésie consumériste. Leurs effets environnementaux (baisse des émissions de CO2, baisse de la pollution de l’air, baisse de la consommation d’énergie et de matières premières) ne seront que temporaires si des changements profonds ne sont pas choisis collectivement et durablement au regard d’une autre catastrophe, elle irréversible, le changement climatique et la perte de biodiversité résultant du dépassement des limites planétaires.

Nous sommes en train de vivre un moment de bascule de l’histoire dont il peut sortir le pire ou le meilleur. Réinventer le monde commence par retrouver le sens de l’essentiel. A nos yeux, au-delà des urgences immédiates, l’enjeu actuel n’est pas de « recycler » comme une sorte de « prêt à penser » une longue liste de mesures programmatiques conçues dans le monde d’avant la pandémie, mais bien d’affirmer que la transformation que nous appelons de nos vœux doit avoir pour point de départ un questionnement plus fondamental. Tout peut et doit être ré-interrogé :

  • De quoi avons-nous vraiment besoin pour vivre ? 
  • De quoi dépend notre sécurité ? 
  • Quelles sont les activités indispensables à l’épanouissement humain et à la société dans son ensemble ? 
  • Quels biens communs et activités sociales doivent être protégés des logiques de marché ? 
  • Comment réduire nos dépendances et garantir notre résilience face aux menaces et aux risques du 21èmesiècle ? 

Sur la base d’un premier inventaire de l’essentiel, nous proposons à toutes celles et ceux qui le souhaitent, d’échanger pour identifier des choix de rupture crédibles à proposer à nos concitoyens.

Les événements actuels donnent tort à toutes celles et ceux qui, fatalistes ou résignés, pensaient que la politique ne sert à rien et qu’il est impossible de changer le monde. En quelques jours, ce sont bien des décisions politiques, et non économiques, qui ont guidé des choix lourds de conséquences pour nos vies quotidiennes et nos sociétés. Fait notable, après des semaines de déni et de déficience, cette fois les données scientifiques ont pris place dans le fondement et la justification de ces décisions politiques.

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Écologie

Un petit amendement contre la pollution des publicités lumineuses

L’Assemblée nationale a adopté un amendement concernant la publicité lumineuse, soumis par Delphine Batho. Il sera inscrit dans la loi la possibilité pour les municipalités d’interdire les panneaux publicitaires lumineux sur leur territoire. À quelques mois des élections municipales, les candidats soucieux de l’écologie doivent maintenant s’en saisir pour inscrire l’interdiction de cette insupportable pollution lumineuse dans leur programme de campagne.

[ image antipub.org ]
Les grandes villes et leurs banlieues tentaculaires sont des monstres qui ont tué la nuit et il va falloir y mettre fin. On peut se dire que cet amendement contre les publicités lumineuses n’est pas grand chose, tant les sources de pollutions urbaines sont nombreuses. Toutefois, il faut bien commencer par quelque chose pour avancer et ces panneaux qui se sont répandus absolument partout durant ces dix dernières années sont vraiment significatifs en terme de pollution et de gaspillage énergétique.

Ils sont dans les gares, sur tous les murs du métro parisien, sur les grandes avenues urbaines, aux grands rond-points des périphéries, sur les pompes à essence, mais aussi dans des petites rues quasiment infréquentés la nuit. Le capitalisme a en effet besoin du moindre espace, de la moindre opportunité y compris en pleine nuit pour exposer les marchandises par ses publicités agressives. Il faut que la grande machinerie capitaliste tourne en permanence, 24h sur 24.

Ne rêvons pas toutefois avec cet amendement qui en pratique ne change pas grand chose. Déjà parce qu’il faudrait une interdiction dans tout le pays, ainsi que dans tous les pays ! Mais aussi car les municipalités sont en générale elles-mêmes à l’origine de ces panneaux, sur les arrêts de bus notamment, qu’elles concèdent à de grands groupes pour des raisons financières.

C’est cependant un marqueur important en cette période électorale, car cela a le mérite de mettre la question sur la table : les candidats ne pourront pas dire « ce n’est pas de mon ressort », mais peuvent s’engager dès maintenant à mettre fin à ces pollutions sur leur commune s’ils sont élus.

Voici l’intervention de Delphine Batho, députée « Génération écologie », défendant son amendement le 13 décembre 2019 lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire :

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Politique

La liste « Urgence écologie » pour les élections européennes

Une liste a été déposée au nom d’ « Urgence écologie », regroupant derrière le philosophe Dominique Bourg, les petits partis Génération écologie (19 membres sur la liste finale), présidé par Delphine Batho, le Mouvement écologiste indépendant d’Antoine Waechter, l’Union des démocrates et des écologistes (UDE), et le Mouvement des progressistes fondé par Robert Hue.

Urgence écologie

On notera que le délégué général de l’UDE, Mathieu Cuip, affirme que son parti soutien la liste LREM-MoDem, tandis que son secrétaire général adjoint, Christophe Rossignol, a officiellement déclaré soutenir « Urgence écologie ».

Que peut-on dire de cette liste ?

Déjà, il s’agit d’une alliance très opportuniste entre plusieurs organisations issues d’horizons différents :

  • Génération écologie (GE) a été tour à tour alliée avec le centre-droit ou le centre-gauche au gré des élections – une fois alliée de l’UMP sarkozyste, une fois dans le giron du Parti radical de gauche (et donc indirectement du Parti socialiste). Sa nouvelle présidente, éphémère ministre de l’écologie sous François Hollande, a fait campagne aux législatives en se revendiquant de la « majorité présidentielle », puis a essayé de prendre la direction du Parti socialiste en tenant un discours assez marqué à Gauche, avant de devenir directement la patronne de GE.
  • Le Mouvement des progressistes (MDP), prétendant vouloir rassembler la Gauche (il se nommait alors « Mouvement unitaire progressiste »), est passé derrière le PS de Hollande. Son fondateur, l’ex-dirigeant du PCF Robert Hue, est même devenu officiellement « représentant spécial » des intérêts économiques du capitalisme français en Afrique du Sud. Après la bérézina hollandiste, le MDP a tenté de présenter la candidature de Sébastien Nadot aux présidentielles, au sein de la « Belle Alliance populaire » du PS, puis de manière indépendante, avant de se rallier directement à Emmanuel Macron, Nadot étant élu député sous l’étiquette LREM. Il a, depuis, été exclu du groupe LREM (pour avoir refusé de voter le budget du gouvernement…).
  • L’UDE, incluait autrefois « Ecologistes » (l’aile la plus opportuniste d’EELV, dont le fondateur, François de Rugy, est aujourd’hui ministre de l’écologie), Génération écologie, et le Front démocrate de l’ex-MoDem Jean-Luc Bennahmias, opportunément rallié au PS sous le quinquennat d’Hollande. C’est aujourd’hui une coquille vide, dont les rares membres ne cherchent qu’à survivre électoralement.
  • Le Mouvement écologiste indépendant (MEI), lui, est issu de ces « Verts » qui refusaient d’ancrer l’écologie à gauche, contrairement à EELV. Rejetant le « collectivisme » (qui est, par essence, « totalitaire ») et le « libre-échangisme », le MEI défend une « économie de marché régulée » et une consommation écologique. Rejetant EELV, mais s’y alliant pour les élections, lorgnant vers le MoDem, le MEI a aussi participé à l’Alliance écologiste indépendante, fondée par le millionnaire Jean-Marc Governatori (qui finance aujourd’hui la liste « gilets jaunes » de Francis Lalanne), liée à la scientologie, au mouvement raëlien, entre autres sectes, ainsi qu’à l’extrême-droite.

Qu’en est-il du contenu ?

« Urgence écologie » défend un programme de « changement radical », appuyant son discours sur la constatation d’une destruction massive de la Nature. Les constats sont justes et il est vrai que ce rappel est toujours nécessaire.

Le document programmatique de la liste comporte ainsi de nombreux graphiques présentant divers aspects de la destruction de la Nature par les activités humaines.

« Le premier élément de cette campagne est de dire la vérité sur l’accélération de la destruction de la biodiversité. C’est une hécatombe, la nature est en train de mourir »

Revendiquant un « nouveau modèle de civilisation », « Urgence écologie » défend des mesures qui peuvent sembler intéressantes, comme le ré-ensauvagement de l’Europe, l’interdiction des liaisons aériennes lorsque le même trajet est possible en train en un temps raisonnable, l’abolition de l’élevage ou de la pêche industriels, etc.

Toutefois, les limites de ce projet apparaissent bien vite.

Tout comme Yannick Jadot, cet attelage d’opportunistes considère que l’écologie n’est « ni de droite ni de gauche » et rejette très clairement la Gauche : «L’urgence ce n’est pas de sauver la gauche mais la planète». C’est, finalement, le même discours qui est tenu par la liste d’EELV et, d’ailleurs, « Urgence écologie » a d’ors-et-déjà annoncé que ses élus siégeront avec leurs frères ennemis d’EELV.

« Urgence écologie » affirme également la chose suivante :

« On est pas un parti supplémentaire de tel ou tel bord du paysage politique. Le propos c’est de dire que maintenant la question qui est centrale c’est l’écologie. »

« Ni droite, ni gauche », « au-dessus des partis », « citoyens contre technocrates », critique de la « consommation », mise en avant de la « décroissance »… Il n’y a rien là de très neuf et on retrouve les thèmes classiques de l’altermondialisme (défense de l’homéopathie, de l’herboristerie, du cannabis thérapeutique), mêlés à ce qu’il faut de populisme et de flou opportuniste pour que ça fasse « moderne ».

En fait de « nouveau modèle de civilisation », « Urgence écologie » prône un capitalisme vert, à travers des baisses de charges pour les entreprises « écolos », l’interdiction des activités polluantes mais l’investissement au service du capitalisme «éthique ». On voit d’ailleurs que le projet de décroissance porté par « Urgence écologie » est en fait une défense du petit capitalisme, à travers les « monnaies locales » notamment.

Si ces gens montrent les muscles face aux « lobbys », qu’ils veulent fermement encadrer et séparer des institutions européennes et nationales, et s’ils parlent de réguler drastiquement les activités des grands capitalistes, jamais il n’est question de remettre en cause ou d’attaquer de front le capitalisme.

Derrière le discours sur les « citoyens », on retrouve toujours la défense des « réseaux d’élus », des associations les plus institutionnelles. C’est bien le vieil opportunisme électoraliste des pseudo-écologistes qui se fait jour.

Des carriéristes qui utilisent le combat écologique pour se faire une place au chaud, soit en se faisant élire de manière autonome, soit en s’alliant et en négociant avec des structures plus grosses. « Urgence écologie » parle d’ailleurs d’une logique de « rapport de force » pour influencer les autres élus, les partis plus forts, les institutions.

En se faisant les hérauts de la « transparence », ils ne sont au service que de leur carrière et d’une relance colorée en vert des institutions de l’Union européenne et du capitalisme plus généralement. Prévoyant qu’on pourrait leur faire remarquer que leur modernisation de l’Union européenne nécessiterait l’assentiment des autres États, ils proposent la création d’une « Communauté Ecologique Européenne avec les pays volontaires » car « on ne peut plus attendre un consensus […] pour agir ».

L’idée est que, si on ne peut changer l’UE, alors il faut commencer à agir via une autre structure. S’il est impossible de convaincre les autres pays de l’UE de faire une politique écologique, alors il sera possible de les convaincre de faire une politique écologique en dehors de l’UE. C’est très peu crédible, et on voit bien là une annonce tonitruante qui cache un vide sidéral.

Ces petits partis ont beau affirmer leur pseudo-radicalité (alors qu’ils sont parmi les plus modérés depuis toujours), ils ont bien du mal à masquer que la première urgence qui les préoccupe, c’est celle de leur carrière. Ils ne peuvent plus se rattacher au PS, difficilement avec LR, et LREM n’a que faire d’eux. Il leur faut donc s’affirmer de manière autonome en espérant pouvoir se raccrocher aux branches politiciennes de forces plus importantes.

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Politique

Delphine Batho préside Génération Écologie et abandonne la Gauche

Alors qu’elle annonçait son départ du Parti socialiste, Delphine Batho avait expliqué en mai 2018 qu’elle prendrait la tête du mouvement Génération Écologie. Sa présidence est maintenant officielle depuis la convention nationale de Nantes le dimanche 9 septembre 2018. De ce fait, elle abandonne sa tradition politique de gauche et rend caduque sa démarche au service de l’écologie.

Delphine Batho a un parcours de gauche tout à fait typique. Elle a présidé l’organisation lycéenne FIDL, s’est faite remarquer pendant un mouvement de jeunesse concernant l’éducation en 1986 puis a assuré la vice-présidence de SOS racisme, avant de devenir cadre du Parti socialiste.

Elle a voulu se présenter à la direction de ce parti en janvier 2018, et présidait le groupe « Nouvelle Gauche » à l’Assemblée Nationale avant son départ en mai 2018.

Une écologie non partisane

C’est donc un revirement qu’elle opère en rejoignant une organisation marquée à droite, qui a par exemple produit le Ministre et soutien fidèle d’Emmanuel Macron, François de Rugy. Cela d’autant plus que lors de l’écartement de sa candidature à la direction du Parti socialiste en janvier dernier, elle parlait encore de la Gauche et s’exprimait par rapport à la Gauche.

> lire également Delphine Batho : “Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous !”

En fait, Delphine Batho est typique de ces politiques qui ont fait ou voulu faire de l’écologie un thème en tant que tel, de manière non partisane en apparence, mais tout à fait soumise à la réalité sociale et économique du capitalisme en réalité.

Les membres des « Verts » ont historiquement toujours vu ce problème et ont systématiquement cherché à justement s’affirmer « de gauche », bien que cela a en fin de compte surtout servit l’opportunisme de quelques individus.

Le discours de Delphine Batho n’est pas celui-là. Elle explique maintenant que :

« Génération Écologie devient le parti de l’écologie intégrale. Pour nous, c’est l’impératif écologique qui doit déterminer toutes les décisions de politique économique, les choix sociaux éducatifs, culturels, etc. On est en rupture complète avec les visions qui voient l’écologie comme un département ministériel parmi d’autres. On met cet enjeu au centre de tout. Nous voulons faire émerger une force nouvelle dans le paysage politique. »

L’écologie est présentée comme ayant une existence propre, se suffisant à elle-même, en dehors des cadres idéologiques traditionnels.

C’est une définition anti-politique, qui revient à neutraliser la question écologique en lui ôtant sa dimension subversive et critique vis-à-vis du système en place. Et en se rendant volontairement vulnérable par rapport à la Droite sur le plan politique et sur le plan des valeurs.

Écologie et utopie de gauche

Pour la Gauche, le socialisme est censé représenter le projet de société de manière globale, intégrant toutes les questions, tous les sujets. L’écologie, de ce point de vue, n’est qu’un aspect de la critique du capitalisme puisque c’est l’essence même de l’économie de marché et de la privatisation des profits qui empêche d’adopter un rapport correct à la Nature.

Il y a eu, et il y a encore, la nécessité d’avoir une affirmation culturelle écologiste spécifique. C’est indispensable pour les personnes afin de porter un style de vie et une radicalité subjective à la hauteur des enjeux historiques pour la planète Terre. C’est aussi nécessaire politiquement, parce que sans ça les exigences écologiques peuvent rapidement fondre ou être relativisées par rapport à telle ou telle nécessité économique ou sociale.

Pour autant, cette affirmation culturelle écologiste ne suffit pas. Ce n’est qu’un aspect de la critique et de l’utopie de gauche.

La démarche portée par Génération Écologie est exactement l’inverse de cela.

Culturellement, on peut dire que c’est le grand vide, et politiquement il n’y pas de rapport avec les classes populaires et la classe ouvrière. Il n’y a pas du tout un style, une attitude « écolo », mais plutôt un appareil politique intégré aux institutions et abordant la question de manière technique, bourgeoise.

La preuve d’ailleurs est que cette organisation qui revendique 2000 membres n’est pas capable d’avoir un site internet digne de ce nom proposant un véritable contenu. Sa seule actualité est en fait de soutenir Nicolas Hulot, puis de souhaiter « bon courage» à François de Rugy qui le succède au ministère de la transition écologique et solidaire.

Il faut en effet une grande arriération sur le plan culturel pour s’imaginer comme elle le fait qu’en 2018, « l’écologie est de plus en plus majoritaire culturellement dans la société ». Bien sûr que les gens en général ne veulent pas laisser une planète poubelle à leurs enfants ou peuvent-être affectés par exemple à l’idée que les océans sont de plus en plus des grandes poubelles à la merci du plastique de l’industrie.

Mais enfin cela ne suffit pas à faire un engagement culturel permettant le changement. C’est au mieux un constat pessimiste n’aboutissant pas à grand-chose, quand ce n’est pas finalement un prétexte au cynisme et au relativisme.

> lire également Delphine Batho “sur le Front de l’Écologie”

Delphine Batho se retrouve là car elle a échoué à gauche. Elle n’a jamais fait le choix de la radicalité mais a toujours pensé que le système était réformable, qu’on pouvait arriver à quelque chose avec les institutions et les grandes entreprises.

Elle s’est donc retrouvé confronté à des enjeux immenses, sans avoir les moyens d’y faire face. Sur le plan personnel, elle a très mal vécu de se retrouver confrontée à des lobbies. C’était d’ailleurs l’objet de son éviction du Ministère de l’écologie sous François Hollande, après qu’elle avait critiqué le budget de son administration et compris que cela répondait à des influences privées.

« Est-il normal que le PDG de Vallourec, Philippe Crouzet, ait annoncé ma chute prochaine voilà des semaines aux États-Unis ? » avait-elle demandé de manière franchement dégoûtée à l’époque.

Son point de vue et sa démarche sont strictement équivalents à ceux de Nicolas Hulot. Il y a la même focalisation sur la question des lobbies, la même « neutralité » transpartisane, et surtout la même incapacité à être à la hauteur des enjeux malgré des constats tout à fait pertinents et réalistes.

> lire également Nicolas Hulot éjecté du ministère par la France profonde

Une radicalité dans la forme seulement

En abandonnant la Gauche, Delphine Batho abandonne aussi sa capacité à se rendre utile et à servir la planète Terre. Sa démarche restera peut-être confidentielle, mais elle risque aussi de faire perdre beaucoup de temps et d’énergie écologiste.

Le problème avec des gens comme Delphine Batho, c’est que le discours propose une grande radicalité dans la forme, mais il n’y a pas derrière les moyens idéologiques et culturels de les assumer.

Cela est tellement évident lorsqu’on lit une telle déclaration, engagée en apparence, mais tellement naïve et soumise au mode de production capitaliste quand on voit ce qui est proposé ensuite :

« L’anthropocène, c’est la guerre. C’est le nom qu’on donne à cette nouvelle ère, dans laquelle nous sommes, en train de détruire le vivant et les conditions qui permettent l’existence humaine sur terre. Aucune institution internationale, aucune institution démocratique ne résistera aux guerres pour l’énergie, pour l’eau. On voit ce que cela entraîne aujourd’hui en termes d’impact sur les mouvements de population et migratoires. C’est une logique de déstabilisation profonde de toutes les sociétés et des institutions démocratiques.

Pour moi, c’est ça le vrai clivage. Il est entre les Terriens, c’est à dire ceux qui sont lucides sur cette situation et qui veulent y apporter une solution et ceux qui sont dans le camp des « écocideurs », qui font preuve ou d’aveuglement ou, c’est plus grave, de cynisme, dont le chef au niveau planétaire est Donald Trump. »

Et donc, plus loin :

« Génération Écologie, c’est le contraire des Verts. Ils ont eu leur chance et l’ont laissé passer. Ils sont devenus un des partis de gauche. Moi, j’inscris l’écologie intégrale dans la définition d’un nouveau clivage entre ceux qui sont les promoteurs des logiques destructrices de l’anthropocène et ceux qui sont des Terriens. Les Verts, ils ont passé leur temps à taper sur Nicolas Hulot au lieu de l’aider, de créer les rapports de force dans la société, dans le paysage politique, pour pousser. Comme je l’ai fait sur les néonicotinoïdes, sur le glyphosate. Ils ont passé leur temps à l’affaiblir.

Ça n’a pas rendu service à la cause et donc, en fait, la direction nationale des Verts est devenue une machine à trahir l’écologie. Et ils ne se sont jamais attelés à la question fondamentale qui est, et c’est mon projet, comment on rend l’écologie majoritaire en France. Avoir un président de la République qui soit pour l’écologie, un Premier ministre qui soit pour l’écologie, un ministre des Finances qui soit pour l’écologie, etc. Et ça ça passe par un travail de fond sur la crédibilité économique et sociale d’un projet qui place cette question-là au centre de tout. »

Delphine Batho critique ouvertement la Gauche et s’écarte de la tradition de changement politique vers le socialisme, vers une société nouvelle débarrassée du profit individuel et des valeurs de la bourgeoisie.

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Delphine Batho : « Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous ! »

Le Parti socialiste a rejeté la candidature de Delphine Batho pour le congrès d’Aubervilliers. Pour pouvoir se présenter, le Parti socialiste exigeait deux choses :

– le parrainage par 5% des membres du conseil national ;

– un texte d’orientation d’au maximum 50 000 signes et des thématiques obligatoires : Europe, inégalité, écologie, République et démocratie.

Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres, n’a pas eu les parrainages et a tenté de forcer l’acceptation de sa candidature avec un référé au tribunal de grande instance, qui a échoué.

Voici le texte de sa réaction à cet échec, ainsi que son texte d’orientation.

Je prends acte de la décision de la direction de refuser l’enregistrement du texte d’orientation et de la candidature que je souhaitais défendre dans le cadre du congrès.

Cette décision est contraire, pas seulement à l’espoir de nombreux militants, de nombreux élus et citoyens qui nous regardent, mais à l’intérêt collectif du PS et de la gauche.

En ce sens, c’est une décision très grave. Hélas, elle apporte une preuve supplémentaire de la faiblesse d’une direction coupée du réel et de la société, qui n’a plus comme ultime recours que la censure. Mais à l’heure des réseaux sociaux et d’internet, il n’y a plus de censure possible !

De quoi ont-ils peur, ceux qui prédisent un congrès joué d’avance ? Pourquoi empêcher le débat s’ils sont si sûrs d’eux ? Tous les autres candidats, sauf un seul, ont voté pour ce pacte de censure en commission des résolutions.

Ce samedi, c’est en fait une victoire à la Pyrrhus pour la direction du Parti socialiste.

En fait, ils savent bien que rien ne peut résister à la volonté des citoyens lorsqu’ils se mettent en mouvement, c’est désormais une question de temps.

Le débat politique que l’on jette par la porte, il reviendra par la fenêtre, et si la fenêtre se ferme elle-aussi, il passera par le trou de serrure.

Ma campagne était prête. Je vais la poursuivre.

Je vais aller échanger et débattre aux quatre coins de la France avec tous les militants qui le proposent.

Il y aura donc le théâtre d’ombres du congrès officiel, et un peu comme à Avignon, le « festival off ».

Ceux qui croient que j’ai proposé une candidature pour des enjeux de pouvoirs se trompent lourdement sur le sens de ma démarche.

A toutes les militantes et les militants qui espéraient un autre comportement de la direction aujourd’hui, je dis ne vous découragez pas, c’est ce qu’ils espèrent, c’est ce qu’ils attendent ! J’assume ma responsabilité de vous demander de rester comme moi au Parti socialiste parce que l’avenir aura besoin d’une force de transformation sociale et écologique qui s’assume comme un parti de gouvernement.

Nous allons mettre en commun et en partage nos exigences et nos solutions.

D’ores et déjà vous pouvez partager notre texte d’orientation sur les réseaux sociaux, vous en emparer, le signer, le commenter, le critiquer ici. Il est fait pour cela. Faire vivre le débat.

Téléchargez et partagez le texte « Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous ! » :
http://myreader.toile-libre.org/uploads/My_5a6c9e0c81226.pdf

Voici le texte d’orientation en question.

Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous !

« La pire erreur n’est pas dans l’échec, mais dans l’incapacité de dominer l’échec » François Mitterrand

Chers camarades,

Que valent tous les textes de motions, comparés aux actes ?

Nous voulons la démocratie, mais chez nous des votes internes truqués sont devenus une maladie chronique ;

Nous voulons l’écologie, nous avons même inscrit la « social-écologie » sous notre logo, mais chez nous les dirigeants décident que la position « officielle » du parti est de dénoncer l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ;

Nous voulons le féminisme, mais chez nous les femmes se voient toujours dénier leurs capacités de chef politique, subissent des violences inouïes, harcelées et violées dans l’équipe de campagne présidentielle et dans des organismes associés du parti ;

Nous voulons la décentralisation, mais, chez nous, sans la moindre explication, les moyens sont coupés aux fédérations qui doivent licencier leurs permanents et vendre leurs locaux ;

Nous voulons être un parti de militants, mais chez nous, en dehors des échéances électorales où il faut faire campagne, les adhérentes et les adhérents sont affublés d’étiquettes en fonction de choix passés et qualifiés d’ « aubrystes », « hollandais », « ex-hamonistes », « ex-strausskhaniens », « ex-ségolénistes », « exvallsistes »…, pour être catalogués alors qu’ils aspirent à des débats internes où chacun est écouté pour ses idées et qui ne soient plus des rapports de force permanents ;

Nous sommes le parti de l’Unité, dont la raison d’être historique est d’avoir été fondé pour rassembler toutes les sensibilités de pensée de la gauche, mais chez nous les départs massifs, les exclusions et les excommunications, se multiplient.

« Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde » disait Gandhi.

Et si, en fait, la crise idéologique de la gauche avait une autre cause que celle que l’on croit ? Et si elle n’était que le résultat implacable de vieilles pratiques et d’une dérive poussée à son paroxysme qui conduit à rejeter toute idée nouvelle, à interdire tout débat de fond honnête, à refuser toute ouverture à la société et aux citoyens dans leur diversité sociologique, à empêcher toute intelligence collective ?

Et si, en fait, cet enfermement conduisait à refouler toutes les demandes sociales émergeantes, qui auraient dû logiquement irriguer notre pensée, mais qui au lieu de cela finissent par être portées par nos concurrents faute de trouver leur place au Parti socialiste.

Et si, en réalité, toutes ces tribunes, tous ces commentaires proclamant ad nauseam la fin du Parti socialiste n’étaient que le paravent de cette autre crise ?

Celle d’une direction politique confisquée depuis des années par les mêmes chefs de courants, de clans, de castes, qui placent leurs intérêts particuliers au-dessus de toute autre considération et pour lesquels les débats d’idées ne sont plus que des postures tactiques – souvent factices puisque les vrais débats traversent tous les « courants » – afin de conserver le pouvoir.

Non l’espérance n’est pas morte.

Non l’injustice n’a pas disparu dans le nouveau monde.

Non les énergies ne manquent pas dans la société pour porter les combats du 21ème siècle pour l’égalité, l’écologie, le travail, le féminisme, la laïcité, la démocratie numérique, la jeunesse, l’émancipation sociale et finalement la dignité humaine.

Oui, la France a plus que jamais besoin d’une force progressiste moderne, porteuse des nouvelles espérances, qui s’assume comme un parti de gouvernement.

Beaucoup de citoyens, déçus des choix qu’ils ont pu faire lors de l’élection présidentielle pour « voter utile » contre nous, se sentent orphelins et nous regardent. Il existe toujours un espace politique et électoral pour une force de gauche et écologiste de transformation, sérieuse et crédible.

A l’heure des réseaux sociaux et de la révolution numérique, c’est en fait un petit groupe de personnes qui parlent et décident pour le plus grand nombre dans notre parti. Leurs manœuvres divisent en permanence et empêchent le rassemblement. En fait, la gauche meurt parce qu’elle est confisquée, infantilisée, caporalisée par cette direction qui veut s’auto-reconduire.

Elle meurt par les faillites morales que sont l’absence de transparence, le sexisme, la reproduction des inégalités en son sein, le conservatisme de dirigeants sûrs d’eux-mêmes. Ce parti-là n’aura pas de nouvelle chance. Le PS que nous connaissons aujourd’hui, même en changeant de nom, ne reviendra jamais aux responsabilités.

Les temps changent, voilà ce que n’ont pas compris nos « dirigeants ». Ou plutôt l’ont-ils si bien compris qu’ils ont décidé de tout sacrifier pour assurer leur présent et leur passif, en transformant l’attendue « refondation » en processus d’enfermement de la direction sur elle-même.

Les temps changent, et la parole se libère, les militantes et militants, les adhérentes et adhérents, les élus locaux, s’émancipent, ne veulent plus d’un système qui les réduit à l’obéissance, aux pressions, aux exclusions, aux ordres. Ils veulent peser sur les décisions.

Des femmes et des hommes libres veulent contester la légitimité, non pas des personnes ou de certains responsables, mais du système lui-même, du fonctionnement du Parti socialiste et de sa dérive.

Sans parrain, sans clan, sans courant, en femme libre, socialiste, écologiste, laïque, républicaine, antiraciste, j’appelle chaque militant à reprendre le pouvoir, sa part de souveraineté socialiste, contre l’enterrement de nos espérances, pour faire de ce congrès, non pas celui d’une prétendue refondation programmatique avec des textes d’orientation grandiloquents, mais d’un big-bang organisationnel et du changement radical dans la gouvernance du Parti socialiste.

C’est le préalable indispensable pour avoir la capacité de bâtir ensemble un nouveau projet solide. Qui peut croire que ce congrès pourrait à lui-seul tout résoudre face à l’effondrement du socialisme démocratique constaté en France comme partout ?

Ce qu’il nous faut décider enfin et tout de suite, c’est de créer les conditions d’émergence d’une nouvelle orientation. Cette vitalité retrouvée est la condition d’un nouvel élan qui, seul, pourra nous permettre de regagner des forces dans la perspective des élections européennes et territoriales.

Si vous pensez que le verrouillage de l’appareil qui dégoûte tant de citoyens de s’engager au Parti socialiste, ça suffit !

Que le sacrifice des espérances des générations actuelles et à venir, ça suffit ! Ensemble, levons-nous pour dire « stop » et pour changer le cours de l’histoire. Après la déroute, les Français n’attendent pas de nous un long et lent processus d’immobilisme. Ils exigent des actes, vite.

LES PREUVES CONCRETES ET IMMEDIATES DE CHANGEMENT :

1. L’abolition des clans et des courants, par la constitution d’une majorité de travail ouverte à tous et émancipée, qui place le respect des militants audessus de tout ;

2. L’élection d’une Première Secrétaire et d’un collectif d’animation (secrétariat national) dont le mandat sera non-reconductible, seule garantie qu’ils se consacreront intégralement pendant 18 mois à la conduite du processus devant remettre le Parti socialiste sur de bons rails, et qu’ils ne viseront pas la conservation d’un quelconque pouvoir interne.

3. Une nouvelle structuration du Parti socialiste, non plus verticale, mais en réseau s’inspirant des nouveaux modèles de l’économie sociale et collaborative, favorisant les coopérations directes entre les territoires, les thématiques de réflexion et les secteurs de militantisme.

4. La démocratie interne, partout, tout le temps, qui seule peut rendre de nouveau attractif le Parti socialiste avec la fin du huis clos dans les réunions de nos instances, la mise en place du vote électronique et l’ouverture aux citoyens de tous les grands choix du parti.

Contrairement aux nouvelles organisations politiques présentées sous forme de « mouvements », qui n’ont de modernes que les apparences puisque conçues comme des marques au service d’un chef, nous voulons reconstruire notre parti comme une organisation démocratique du 21ème siècle.

5. Un processus de remise en ordre et de remise au travail pour créer une dynamique nouvelle posant les jalons de la construction d’un Parti socialiste populaire, ouvert à la société, dont voici le processus sur 18 mois :

LE CALENDRIER DU CHANGEMENT

Avril -> Mai 2018 :

Installation du nouveau secrétariat national, collectif composé de 16 personnes (pour moitié de responsables expérimentés et pour moitié de militants de terrain issus des territoires prêts à prendre des responsabilités), qui ne décide pas à la place des adhérents mais qui est au service des militants et des territoires.

La formation d’un shadow-cabinet en lien avec nos groupes parlementaires pour être la gauche utile aux Français tout de suite dans l’opposition et porter nos contre-propositions à la politique d’Emmanuel Macron, en écho à toutes les forces vives de la société civile.

Rétablissement immédiat des dotations aux fédérations dans l’attente de décisions du Conseil national sur les règles de décentralisation d’une part conséquente des moyens du parti.

– Audit financier sur les cinq dernières années dont les analyses et conclusions seront rendues publiques.

– Saisine de la Haute Autorité Ethique sur la responsabilité morale et politique du parti dans l’omerta entourant les faits de harcèlement et de violences sexuelles commis dans les équipes de campagne et les organismes relevant de nos statuts ; mise en place de procédures opérationnelles de soutien direct à toutes les victimes.

5 Mai -> octobre 2018 :

– Commission d’enquête « vérité et transparence sur le bilan » : On ne peut rien construire sur le déni d’une défaite historique, nous devons prouver aux français que nous avons compris les causes profondes. L’enjeu n’est pas de savoir qui avait tort ou qui avait raison, puisque chacun à sa part d’une responsabilité collective, mais de tirer ensemble et en profondeur, les leçons de l’exercice du pouvoir et de notre déroute électorale pour apprendre et nous rendre plus forts dans la perspective des échéances futures.

La Commission, animée par des militants et des personnalités socialistes qui n’ont pas été directement au premier plan des responsabilités dans le quinquennat, procèdera à l’audition publique des anciens ministres, des responsables du parti et des groupes parlementaires, de nos élus locaux, des syndicalistes, des associations, des candidats aux primaires, de chercheurs, de chefs d’entreprise et de toutes celles et ceux qui ont leur mot à dire.

Toutes les auditions seront retransmises en live sur les réseaux sociaux et le site du parti. Les conclusions de la Commission serviront de lignes directrices pour l’élaboration du projet.

Août 2018 :

– Universités d’été des communs : organisées dans un territoire rural, l’ordre du jour des ateliers de formation, comme des séances plénières de débats et des temps conviviaux, ainsi que les intervenants, seront choisis sur proposition et par un vote en ligne des fédérations et des militants.

Octobre 2018 :

* Congrès extraordinaire de la démocratie ouverte au Parti socialiste : élaboration collective, discussion et adoption de nouvelles règles statutaires, élaborées par une commission composée exclusivement de militants de terrain, plaçant l’adhérente et l’adhérent au cœur de la vie de notre parti, fixant les règles de non-cumul entre les fonctions dans le parti et les fonctions électives, et organisant la participation numérique et pratique de tous les citoyens intéressés à nos choix et décisions. Adoption d’un plan de reconquête des adhérents.

Novembre 2018 -> janvier 2019 :

* Trois conventions thématiques :

– L’émancipation des femmes

– Le travail et la révolution numérique

– La République et la laïcité

6 Février 2019 :

– Convention pour l’Europe écologique, sociale et démocratique : présentation du projet de refondation du projet européen comme un projet de civilisation écologique et sociale dans la mondialisation, et démocratique face à l’influence des multinationales et des lobbies. Mars -> Mai 2019 :  Présentation de nos listes et campagne des élections européennes

Octobre 2019 :

– Congrès de bilan sur la mise en œuvre du calendrier du changement, renouvellement de toutes les instances sur la base des nouveaux statuts, y compris première secrétaire, lancement de l’élaboration du projet et de la campagne des municipales.

Une révolution pacifique, déterminée et généreuse, voilà notre projet. Rejoignez-nous !

#MitterrandRéveilleToi

mitterrandreveilletoi@gmail.com

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Politique

Delphine Batho « sur le Front de l’Écologie »

Delphine Batho devrait présenter aujourd’hui sa candidature à la tête du Parti Socialiste. Elle assume son opposition face à la direction du parti et dénonce une mafia avec des manœuvres antidémocratiques. Sa candidature sera normalement rejetée pour non respect des nouvelles règles qu’elle conteste, à savoir le fait de devoir être parrainé par 16 membres du Conseil National du parti.

Son positionnement politique est lui aussi assez tranché par rapport à la ligne générale du parti. Elle est très à gauche, avec une réelle vision écologiste. L’entretien qu’elle a accordé à la revue Esprit et intitulé « Sur le Front de l’Écologie » est un bon aperçu.

Delphine Batho y explique que :

« Il y a une confrontation de plus en plus tendue entre la recherche du profit immédiat et l’intérêt général de l’humanité sur la planète.

Cette contradiction fondamentale du système capitaliste aurait logiquement dû être au cœur du combat de la gauche française et internationale depuis des années. »

Elle précise ensuite que :

«  Il y a toujours cette croyance que si les résultats économiques du pays s’améliorent, alors le reste suivra. Pourtant, un taux de croissance ne fait pas un projet de société pour une nation comme la France. »

En d’autre terme, c’est une volonté de véritablement changer la vie, et pas seulement prétendre à des aménagements sectoriels.

Elle fait partie des rares personnes qui affirment le caractère absolument urgent de la question écologique :

« Cette question du rapport au temps est cruciale. Le réchauffement climatique s’accélère, les destructions irréversibles de la biodiversité et la crise sanitaire liée aux produits chimiques aussi.

Quinze mille scientifiques alertent : « Bientôt il sera trop tard », il reste peut-être cinq ou dix ans pour inverser la trajectoire. Et nous répondrions à cette situation en décrivant le monde idéal que nous imaginons pour 2050?

Tant que l’on évoque l’horizon, en général, tout le monde est d’accord. Mais il faut en finir avec ce faux consensus, qui se fait au détriment des décisions concrètes immédiates et du courage politique. Pour la planète, ce qui compte, c’est ce qui est fait maintenant. L’écologie ne doit plus être appréhendée comme une question de long terme ; elle doit se conjuguer au présent. »

C’est une vision globale qui est proposée, avec la conscience du fait que l’enjeu est celui d’une « transformation civilisationnelle » :

« L’écologie est la nouvelle question historique pour l’humanité, comme le socialisme a pu l’être au XIXe siècle. Aujourd’hui, l’accélération inouïe de la capacité de destruction des écosystèmes par l’espèce humaine entraîne une baisse tendancielle de la qualité de vie.

Le défi fondamental de l’anthropocène, c’est de savoir si nous sommes capables de reprendre le contrôle de nos destins, de changer l’architecture de la consommation et de la production. L’écologie porte un nouveau projet global de société. »

On peut regretter cependant le manque de cohérence idéologique par rapport à la compréhension de ce qu’est le capitalisme

C’est insuffisant d’expliquer d’un côté que « l’écologie est la nouvelle ligne d’affrontement avec le capitalisme » et de regretter de l’autre que « la France a des savoir-faire dans de nombreux domaines mais les grands groupes, qui devraient être à l’avant-garde, traînent souvent les pieds. »

C’est une chose d’avoir une vision économique et d’expliquer par exemple que :

« Pour organiser le basculement de nos modes de production, il faudrait quasiment fusionner les ministères de l’Écologie et de l’Industrie.

En fait, la France n’a pas de politique industrielle : il y a des ministres de l’Industrie qui jouent les pompiers sur telle ou telle fermeture de site, mais il n’y a pas de stratégie sur la reconstruction d’un appareil productif tourné vers les technologies de demain. »

Cela en est une autre de savoir qui doit être à la tête de cette industrie justement.

Delphine Batho explique en quelque sorte que la sociale-démocratie a réussi sa mission historique. Selon elle, la plupart des pays sont maintenant démocratiques et les questions sociales y sont posées de manières aboutie, équilibrée, ou du moins peuvent l’être.

Cela n’est pas exact car justement, et c’est là le grand apport historique de la sociale-démocratie, la question démocratique ne peut être dissociée de la question sociale. Cela change tout de savoir qui détient les moyens de productions.

Soit ce sont des groupements privés, soit c’est la collectivité.

Delphine Batho semble penser que cela ne change pas grand-chose puisque selon elle, des entreprises et des grandes entreprises pourraient mener le changement.

Elle dit ainsi :

« Il faut mener la bataille de la crédibilité, économique et sociale, du projet de transformation écologique. Sur ce front, les chefs d’entreprise qui sont à la pointe de l’innovation doivent enfin donner de la voix.

Au moment de la discussion parlementaire sur la loi sur les hydro-carbures, encore une fois, tous les parlementaires ont reçu les argumentaires des industries pétrolières : où étaient ceux des entreprises qui ont tout à gagner à la sortie des énergies fossiles ? »

Cela aboutit au fait qu’elle pense que des choses sont possibles à l’intérieur même des institutions :

« Il faut détruire la légende selon laquelle rien n’est possible. Au gouvernement, j’ai obtenu, par exemple, en 2012, à une époque où pas grand monde pariait sur sa réussite, que la France décide d’accueillir la COP 21.

J’avais également empêché le retour du gaz de schiste, interdit le barrage de Sivens (finalement autorisé par mes successeurs), instauré un moratoire sur les retenues artificielles d’irrigation, baissé la TVA sur les travaux d’efficacité énergétique dans le bâtiment. »

Il y a bien sûr la volonté d’être constructif, efficace. Et c’est assurément une bonne chose. Mais c’est contradictoire avec les constats qui sont faits sur la recherche du profit.

On ne peut pas se satisfaire d’un côté de la COP 21 (« un succès historique ») tout en remarquant de l’autre qu’aucun État n’assume le caractère urgent de la question ni n’envisage de suivre les recommandations des scientifiques pour limiter le changement climatique.

Elle le dit d’ailleurs elle-même :

« Certes, l’accord de Paris reste notre meilleur point d’appui pour une action de la communauté internationale la plus large possible, mais il s’avère insuffisant au regard des réalités scientifiques : les seuls engagements volontaires des États ne permettent pas de contenir le réchauffement sous les 2°C.

L’engagement déterminé et unilatéral d’un groupe de nations pionnières doit pousser les feux de toutes les solutions permettant de sortir des énergies fossiles. »

Sa position est alors compliquée à comprendre.

En quoi la COP 21 est-elle une bonne chose si finalement elle n’a aucune efficacité ?

Pour autant, à côté de ce qui apparaît comme une naïveté par rapport aux possibilités de changer les choses sans bouleverser l’ordre politique, Delphine Batho n’a pas d’illusion quant à la situation.

Elle est assez critique par rapport à la fiction d’une grande stabilité du système, fiction qui était finalement le grand thème de François Hollande, et qui est plus encore maintenant celui d’Emmanuel Macron.

Elle explique très bien que :

« La politique industrielle de l’État est pleine d’ambiguïtés : la France organise la COP 21 et, « en même temps », François Hollande se rend en Alberta pour proposer le concours des entreprises françaises pour l’extraction des hydrocarbures les plus polluants du monde, les sables bitumineux.

La France organise le One Planet Summit et, « en même temps », Emmanuel Macron veut ratifier le Ceta ou encore autoriser la Montagne d’or en Guyane qui va détruire la forêt amazonienne à proximité immédiate de deux réserves de biosphère. Ce n’est plus possible. »

Seulement, le manque de clarté idéologique conduit à une mauvaise interprétation des choses, malgré des constats justes. Il est erroné de répondre ainsi à la question « Comment qualifieriez-vous aujourd’hui la situation de l’écologie en France ? » :

« Forte culturellement, mais faible politiquement. Le hiatus va grandissant entre l’aspiration de plus en plus forte des citoyens à une alimentation saine, au respect du climat et de la biodiversité d’un côté, et la représentation politique de l’autre. »

Cela n’est pas vrai. Globalement, et particulièrement dans la jeunesse, il n’y a pas de véritable mouvement de masse en faveur d’une alimentation saine, de la lutte contre le changement climatique et de la question écologique.

Les jeunes français mangent en masse dans les fast-food et n’envisagent nullement de se passer de l’automobile, pour ne prendre que ces deux exemples typiques.

Delphine Batho souhaite se « consacrer patiemment à l’unification des forces de progrès sur un programme écologique afin de proposer un chemin d’espérance crédible. »

Cette unification est une étape fondamentale, indispensable. Cela d’autant plus que, comme elle le dit, « les forces conservatrices et réactionnaires partout dans le monde sont un obstacle. »

La contribution de Delphine Batho pour faire avancer la gauche sur le plan de l’écologie est indéniable.

Mais pour que cela aboutisse, il faudra de la clarté sur le plan idéologique ainsi qu’une véritable volonté de mener la bataille sur le plan culturel.

En d’autres termes, les constats faits pas Delphine Batho sont bons mais il y a mégarde quant à la nature du mode de production capitaliste ainsi qu’un certain relativisme par rapport au niveau culturel de la société française.