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Vie quotidienne

Les fast-foods ont entièrement conquis la France

Le succès de McDonald’s a accompagné la généralisation de l’industrie de la viande. McDonald’s est une entreprise qui a des milliards de dettes, et qui peut se le permettre, car elle achète des locaux. Ceux-ci sont loués pour une somme élevée à des franchisés vendant des burgers. McDonald’s est ainsi une entreprise immobilière qui a accompagné la disponibilité de la viande.

Le capitalisme des fast-foods des années 1989-2021 est relativement différent, car il procède lui d’un petit capitalisme profitant de l’expansion massive de l’industrie de la viande. En vingt ans, le nombre de fast-food est passé de 13 000 à 52 500 en France.

Ce qui souligne bien l’expansion du capitalisme dans ce domaine, c’est que ce ne sont pas simplement les très grandes villes qui sont visées. On n’est pas dans une consommation conviviale superflue, allant avec un style de vie urbain. On est dans la vie quotidienne, dans le 24 heures sur 24 du capitalisme.

Prenons Dole dans le Jura. On y trouve 27 fast-foods. La plupart des Français ne savent pas où est Dole. Pareil pour Blagnac, avec 28 fast-foods, Givors avec 26. Et si on touche à des villes plus connues, mais de dimension très restreinte, on a 53 fast-foods à Tarbes, 63 à Valenciennes, 45 à Bourg-en-Bresse, 43 à Melun, 56 à Narbonne.

Et que dire pour les 175 fast-foods à Saint-Étienne, les 236 à Lille, les 178 à Grenoble, les 136 à Perpignan, les 122 à Nancy, les 138 à Rouen ?

Rouen, c’est… 110 000 habitants. On y trouve 147 médecins généralistes libéraux. Il y a à Rouen autant de médecins que de fast-foods. Rien qu’avec cela, vous avez un constat de débâcle civilisationnel.

Conformément au style de cette débâcle, les fast-foods se divisent en trois tiers.

Le premier consiste en les vendeurs de burgers ; grosso modo, plus il y a des fast-foods, plus la part des burgers est grande en proportion, mais ce n’est pas une règle absolue. On est ici dans la malbouffe rassurante, conventionnelle, d’orientation familiale.

Un autre tiers tient les vendeurs des kebabs. On est ici dans le pseudo exotisme et parfois le vrai communautaire, avec en vue un empiffrage à visée amicale.

Le dernier, ce sont les vendeurs de tacos, avec à l’arrière-plan le « French tacos », qui n’est pas du tout un tacos mexicain d’ailleurs. On parle ici d’une bombe calorique (trois fois un burger!), une sorte de monstre de Frankenstein de la malbouffe mêlant le wrap, le kebab, le panini, le burrito, avec des variantes allant jusqu’à 800 grammes, pleines de matières grasses, acides gras saturés, sucre, sel…

Pas étonnant que la chaîne O’Tacos ne diffuse aucune information nutritionnelle ; on parle ici d’un monstre capitaliste, avec pratiquement 300 restaurants, dont toutes les viandes sont halal, contrairement au KFC par exemple. C’est un point important, car les fast-foods visent toujours un public bien délimité, à part McDonald’s qui vise tout le monde (« venez comme vous êtes »).

Les fast-foods jouent une fonction sociale, ils sont en un certain sens parallèle aux réseaux sociaux. Les lieux de socialisation ont toujours existé bien sûr, tel le fameux café français, avec son comptoir en zinc. Mais les fast-foods sont un lieu de passage, de refuge, où les gens ont les mêmes attitudes individualistes et de repli sur soi qu’avec les réseaux sociaux.

C’est le même esprit turbocapitaliste de pseudo-convivialité, ici bien entendu sur le dos en particulier des animaux car les prix des fast-foods reposent ni plus ni moins que sur la tyrannie industrielle pratiquée sur les animaux d’élevage.

Il est évident qu’aucun changement n’aura lieu en France tant que l’idéologie des fast-foods ne sera pas brisée, et ce tant pour les burgers, les French tacos que les kebabs. En un sens, on peut dire que le panorama politique tient aux partisans des burgers (les pro-Américains), des French tacos (les nationalistes), des kebabs (les « post-modernes »). Qu’ils aillent tous au diable !

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Vie quotidienne

L’échec commercial de la viande « vegan »

C’est un symbole qui ne trompe pas en raison de son envergure. Au milieu de l’année 2023, les ventes de Beyond Meat ont chuté de 30% et l’entreprise assume que le reste de l’année ne se déroulera pas positivement du point de vue capitaliste. Les prévisions sur le long terme elles-mêmes sont remises en cause, le point de vue général étant désormais que la « fausse viande » végétalienne s’avère un échec commercial. L’action de Beyond Meat à la bourse américaine a perdu 64.79% depuis un an, soit 94% de moins que lorsque l’action était au plus haut.

La « fausse viande » vegan a été critiquée dès le départ par les vegans comprenant l’enjeu culturel qui se posait. Et on peut voir que ce qui s’est passé est tout à fait logique. Il y a eu un effet de mode, une petite minorité s’est précipitée en se présentant comme « branchée ». Cela a produit une petite vague et des capitalistes se sont dit : « allons-y ». Comme ce sont des capitalistes, ils ont eu des rêves délirants d’accumulation et l’argent a coulé à flot.

Cela produit naturellement une idéologie. L’association L214 a ainsi reçu 2,5 millions d’euros d’une association américaine philanthrope, dont l’intérêt capitaliste derrière est en fait la « viande cellulaire », une variante de la « viande végétale ».

Cependant, l’industrie de la viande n’a pas été ébranlé, bien au contraire. Des grandes entreprises capitalistes du secteur de la viande ont d’ailleurs elles-même investi dans la « viande vegan », comme celles de l’agro-industrie française, qui représente le pire de l’exploitation des animaux.

On parle ici de Herta, le Gaulois, Fleury Michon ou encore Bordeau Chesnel… Mais des capitalistes d’autres secteurs ont pu s’y mettre aussi (ainsi… LVMH pour l’entreprise suisse Planted).

Mais le fantasme d’une croissance à 15% par an a été rattrapé par la réalité et les poids lourds de la « viande végétale » comme Beyond Meat, Impossible Foods, Lightlife, Field Road… subissent le choc de la crise capitaliste commencée en 2020. Les promesses d’une consommation exponentielle ne peuvent tout simplement pas être tenues.

Car la mode passe, le véganisme (avec ses principes) est liquidé par le libéralisme (par définition sans principes), les gens retournent à l’original plutôt qu’à la copie. La croissance de la consommation de viande de bœuf aux États-Unis le montre, tout autant que le fait que les restaurants branchés à New York sont tout sauf vegan.

C’est une question de culture. Si on mange quelque chose qui a le goût de la viande, comment ne pas valoriser celle-ci ? Ce n’est pas pour rien qu’une fausse viande au goût d’humain est inconcevable. Le rapport avec le cannibalisme serait évident. Pareillement, on ne pourrait pas avoir de fausse viande avec un goût de chien. Il n’y a ainsi aucune raison pour qu’un consommateur mangeant du faux canard… ne passe pas au vrai.

Un autre aspect est la dimension alimentaire, celle de la nutrition. La « viande végétale » relève de l’ultra-transformation.

Voici par exemple la composition des chipolatas Happyvore (ex-les Nouveaux Fermiers) : 

eau, huile de tournesol, protéines de pois, protéines de fèves, stabilisant : méthylcellulose, herbes aromatiques (dont herbes de Provence 0,6%), épices, fibres végétales, extraits d’épices (extraits d’oignons), vinaigre, amidon de pomme de terre, arômes naturels, maltodextrine, colorant : extrait de betterave rouge, antioxydant : extrait de romarin, enveloppe végétale : alginate de calcium comme gélifiant.

Ce n’est pas de la nourriture de qualité, mais un produit ultra-transformé qui ne vaut pas mieux que ce que l’on peut trouver à McDonald’s ou Burger King. Quel est le problème dans ce cas ? Et bien tout simplement que cela n’a rien de naturel.

L’organisme a prévu pendant des millions d’années d’évolution une façon particulière d’assimiler les nutriments, qui sont combinés dans des formes complexes et particulières dans les aliments naturels (bien que déjà transformés par l’agriculture depuis des milliers d’années, mais sous une forme naturelle).

Les aliments ultra-transformés changent la donne, et chamboulent tout. Quand on ajoute de la maltodextrine par exemple dans des chipolatas Happyvore, on ajoute tout simplement des bombes de sucre.

Il s’agit d’une transformation chimique (hydrolyse) à partir de maïs, de riz, d’amidon de pomme de terre ou de blé pour obtenir une poudre blanche et insipide. Cela sert comme agent de texture pas cher pour les industriels.

Une tel matière fait littéralement exploser l’indice glycémique des aliments qu’elle compose. Autrement dit, le taux de sucre explose dans l’organisme, comme avec les sodas ou les burgers industriels.

Les dents sont attaquées, le surpoids arrive (car l’organisme se débarrasse rapidement du surplus de sucre en le transformant en graisse) et bien sûr, maladie de notre époque, cela favorise directement le diabète.

Ce n’est pas mieux pour le méthylcellulose, qui sert dans ce cas de stabilisant. C’est un additif alimentaire (code E461), mais ce n’est pas du tout de la nourriture ! Cela relève du bricolage industriel pour obtenir une texture : le produit est une modification chimique de la cellulose, le principal constituant du bois !

Rien de dangereux en soi d’après les autorités sanitaires, mais rien d’intelligent pour autant. Cela n’est pas digéré par l’organisme et fini directement à la selle, causant éventuellement au passage des ballonnements, des diarrhées, des obstructions intestinales ou autres désagréments intestinaux.

Et rien à voir avec les fibres alimentaires naturelles, qui elles sont utiles, et en tous cas correctement intégrées par l’organisme habitué à une nourriture saine et naturelle.

Ce genre d’horreurs industrielles sont très loin de la gastronomie. Ce n’est pas avec cela que la France deviendra vegan !

L’alimentation du futur sera saine et pleine de saveurs végétales, car une agriculture bien maîtrisée et tournée vers la nature a bien mieux à offrir que ces marchandises typiques du capitalisme moderne.

Les pois, les lentilles, les fèves, sont bien plus intéressants culturellement, sur le plan de la gastronomie et moralement que les fausses viandes « végétales », qui appartiennent déjà au passé, dans leur forme, dans leur goût, dans leur conception même.

Le Socialisme, ce n’est pas peindre en rouge les centrales nucléaires, les parkings, les zoos, le béton. Le Socialisme, ce n’est pas non plus le retour en arrière à un passé idéalisé. Le Socialisme, c’est une civilisation nouvelle qui se fonde sur les meilleures bases possibles à tous les niveaux pour l’humanité, en prenant le meilleur du passé et en dépassant le reste.

C’est ce que montre parfaitement l’échec de la « viande végétale ». On est soit une partie du problème, soit une partie de la solution !

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Culture & esthétique

La naissance de la gastronomie française

« Quel plaisir d’avoir de l’appétit, quand on a la certitude de faire bientôt un excellent repas. »

Esprit français oblige, c’est à travers la littérature qu’est née la gastronomie française. On doit cela à Jean Anthelme Brillat-Savarin avec sa Physiologie du goût (1825), qui est une œuvre incontournable du patrimoine culturel français.

Le succès fût immense lors de la parution et il y eu plusieurs rééditions, notamment une en 1838 contenant un appendice brillant écrit par Honoré de Balzac.

La première édition, datée de 1826 mais parue en décembre 1825, porte le sous-titre « méditations de gastronomie transcendante ». C’est que, sur la forme, le texte semble extravagant. L’auteur est un magistrat âgé (il meurt en février 1826), conseiller à la Cour de cassation, chevalier de la Légion d’honneur (1804), chevalier de l’Empire (1808), ayant connu l’exil (il fût premier violon au théâtre de New-York) ; son récit est celui d’un Parisien flânant dans les dîners mondains.

Sentant qu’il se produisait dans ces dîners et autour de ces dîners quelque-chose de significatif historiquement et culturellement, il se mît à prendre des notes. De là, il produisit une grande réflexion sur la gastronomie, dont son livre en est la première définition.

« Son but est de veiller à la conservation des hommes, au moyen de la meilleure nourriture possible. »

Par « meilleure », il faut entendre tant la qualité gustative que la qualité nutritive. L’auteur est clairement épicurien, il relève du matérialisme philosophique et considère la gastronomie comme une science naturelle.

« Le goût, qui a pour excitateurs l’appétit, la faim et la soif, est la base de plusieurs opérations dont le résultat est que l’individu croît, se développe, se conserve et répare les pertes causées par les évaporations vitales. »

Il dit également, ce qui résume probablement le mieux l’idée de son ouvrage :

« Le goût paraît avoir deux usages principaux :

1° Il nous invite, par le plaisir, à réparer les pertes continuelles que nous faisons par l’action de la vie.
2° Il nous aide à choisir, parmi les diverses substances que la nature nous présente, celles qui sont propres à nous servir d’aliments. »

On comprendra qu’on est bien loin de la cuisine pseudo-gastronomique du 21e siècle, qui est un formalisme décadent et élitiste, loin de toutes considérations naturelles.

De la même manière, Jean Anthelme Brillat-Savarin critiquait vigoureusement la tendance à faire des festins décadents, coupés de la nécessité naturelle.

Il annonce cela dans ses aphorismes dès l’introduction.

« Ceux qui s’indigèrent ou qui s’enivrent ne savent ni boire ni manger. »

Ni gueuleton indigeste, ni cuisine conceptuelle et prétentieuse, la gastronomie est au contraire un art de vivre. C’est le développement historique des Arts de la table à la française, se démocratisant à l’ère des restaurants bourgeois au début du 19e siècle.

Cela reflète un arrière plan historique. L’homme moderne ne craignant plus la faim, il peut cultiver son appétit : telle est l’idée de la gastronomie. Pour le dire autrement, c’est la façon française de se nourrir ; la gastronomie est un raffinement à la française.

Jean Anthelme Brillat-Savarin imaginait le développement de la gastronomie avec une Académie :

« Heureux le dépositaire au pouvoir qui attachera son nom à cette institution si nécessaire ! »

Cela arrivera forcément, tant il y a une nécessité française à réfléchir au bien mangé, par la combinaison du bon et du nourrissant. La lecture de la Physiologie du goût, aussi daté que puisse-être l’ouvrage, est une contribution très inspirante en ce sens.

Ce passage très sympathique reflète très bien l’esprit du livre !

« Le potage est une nourriture saine, légère, nourrissante, et qui convient à tout le monde ; il réjouit l’estomac, et le dispose à recevoir et à digérer. Les personnes menacées d’obésité n’en doivent prendre que le bouillon.

On convient généralement qu’on ne mange nulle part d’aussi bon potage qu’en France ; et j’ai trouvé, dans mes voyages, la confirmation de cette vérité. Ce résultat ne doit pas étonner ; car le potage est la base de la diète nationale française, et l’expérience des siècles a dû le porter à sa perfection. »

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Société

Malbouffe : l’agrobusiness joue la carte du terroir

Les intérêts de l’agrobusiness français s’insurgent contre la généralisation du nutri-score.

Yuka sur téléphone portable est un véritable phénomène de masse : on compte 25 millions d’utilisateurs de cette application qui permet de scanner chaque produit alimentaire afin d’en connaitre un score établi sur la base de sa composition.

Témoin d’une véritable propension des gens à s’informer sur l’alimentation qui, on le sait, est dans les mains de grandes firmes industrielles qui jouent avec la santé des gens, l’application Yuka n’est pas la seule puisqu’il y a aussi le fameux nutri-score, directement imprimée sur les emballages alimentaires depuis 2016.

Allant de A à E, ce score se penche sur la qualité nutritionnelle de chaque aliment, en se basant sur l’analyse des apports caloriques, la teneur en sucre, en graisses saturées et en sel, et non pas donc les additifs. Ce nutri-score fait suite à une pression populaire quant à la connaissance de la composition réelle des aliments consommés.

Or, voilà, le nutri-score va devenir obligatoire à l’horizon 2022 pour tous les produits pré-emballés. Et là, le concept de « malbouffe » prend un tout autre relief.

Un hamburger de l’infâme Mac Donald n’est pas pire qu’une raclette savoyarde traditionnelle. Leur teneur très élevée en graisses saturées, en sel et leur forte charge glycémique, génère des conséquences terribles à moyen long terme en termes de maladies cardiovasculaires. C’est d’ailleurs pour cela qu’est en train de se constituer une vaste coalition des fromagers français autour de la défense des aliments du terroir.

Ce lundi 11 octobre avait par exemple lieu une conférence de presse de la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort (CGPLBIR) à Millau pour protester contre l’obligation du nutri-score. Et en effet, le fromage roquefort va être classé en catégorie E, soit la pire des classements car il est trop gras et trop salé.

Derrière le coup de communication à base de mot clef #roquefortsansnutriscore, c’est surtout l’agrobusiness français qui s’insurge au nom du terroir contre l’aspiration démocratique à connaître la qualité des aliments.

Car derrière l’image « terroir » du roquefort, il y a surtout Lactalis, le monopole du lait en France, qui domine sa production. Lactalis, c’est le premier acteur laitier dans le monde. Derrière la contestation portée par « le roquefort », c’est donc bien toute la filière laitière française qui est en alerte.

Pour masquer la réalité, l’agrobusiness se réclame de différentes appellations, comme les AOP, les AOC, et le roquefort est le fromage fer de lance, détenant une aura nationale, voir étant carrément un dispositif culturel du « terroir » français, pour battre en brèche l’exigence nutritionnelle.

On remarque ici d’ailleurs le soutien avéré de Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, aux revendications de Lactalis à exempter les appellations régionales du nutri-score en 2022. Au lieu de participer à l’élévation de la conscience populaire, Carole Delga se fait ici la porte-parole des grandes entreprises agroalimentaires les plus néfastes.

Ces attaques vont dans le même sens que celles du printemps 2021 lancées par la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) contre l’application Yuka pour « dénigrement » et « pratiques commerciales déloyales trompeuses » à propos de son classement les conservateurs nitrite et nitrate, en « cancérogènes probables », à l’instar de l’OMS.

Ce qui apparait au grand jour dans cette histoire, c’est que malgré les appellations « terroir », les AOP et autres AOC, n’échappent pas à la règle de la « malbouffe ». Le mythe est ainsi mis à nu et l’objectif de notre époque se doit maintenant de reconstruire une alimentation véritablement saine, et soutenable écologiquement.

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Culture

Le goût du Kebab, c’est la marinade

Et seulement la marinade.

L’anecdote racontée par Le Parisien est la suivante : deux membres de l’équipe du « Meilleur kebab de Paris » ont ouvert un kebab juste à côté, « Les frères des Batignolles », provoquant naturellement un procès dans la foulée pour concurrence déloyale. L’histoire fait du bruit, car le premier kebab connaissait un très grand succès, avec jusqu’à trois-quart d’heure de queue. Le cuisinier explique cela ainsi :

« Un kebab, on y retourne pour le goût. Et le goût, c’est moi. J’ai inventé notre marinade au gramme près. »

Et il a raison, car contrairement à ce que pensent les gens le plus souvent, ce n’est pas du tout la viande qui donne le goût au kebab, mais la marinade. La viande du kebab, en fait du Döner kebab, n’a en effet aucun goût, et pour cause : c’est un produit de l’industrialisation systématisée de l’alimentation d’origine animale. C’est ce qu’on appelle la « malbouffe », un terme inapproprié ou plutôt insuffisant puisqu’il ne prend pas en compte la question animale.

Ce qui s’est déroule est assez simple. Historiquement, les viandes grillées et assaisonnées ont été utilisées dans ce qui relève, pour schématiser, de la Perse et de l’empire ottoman. Au 19e siècle, dans la ville de Bursa en Turquie actuelle, un cuisinier met en place un rôtissoire vertical, en enlevant les os et les nerfs, coupant des tranches longues.

Puis au 20e siècle, l’idée est récupérée et modifiée. Le principe est de récupérer tous les restes de viande de l’agro-industrie, les morceaux les moins chers possibles, souvent invendables. Comme l’agro-industrie commence à employer de manière toujours plus massive les animaux, ces morceaux sont de plus en plus nombreux et forment le cœur même du bénéfice des commerçants de kebabs, toujours plus nombreux.

Ces morceaux, de viandes issues d’animaux différents, sont découpés et pétris jusqu’à former un grand ensemble. Et c’est là que le marinade intervient. Ces morceaux de viande rassemblés dans un tas informe sont en effet horribles à tous les niveaux : de par ce qu’elles induisent dans le rapport aux animaux, sur le plan de la santé, du point de vue nutritif… Mais pour les commerçants c’est un moyen de rembourrer le consommateur et pour faire passer cela, ils font longuement tremper la viande dans la marinade.

D’où les tranches fines des kebabs. On ne mange pas de la viande, mais de la viande assaisonnée, l’assaisonnement donnant le goût, la viande n’étant que là pour étouffer l’estomac.

En quoi consiste la marinade ? Voici un exemple tiré d’un site de recettes :

2 cuillères à soupe de paprika, 1 cuillère à soupe d’ail moulu, 1 cuillère à soupe de sel (ou moins selon les goûts), 1 cuillère à soupe de poivre (ou moins selon les goûts), 1 cuillère à soupe de gingembre, 1 cuillère à soupe d’herbes de Provence, 2 cuillère à soupe de curry, ajouter une cuillère à soupe de vinaigre de vin et deux trois cuillères à soupe d’huile d’olive.

Un article sur Slate propose la marinade suivante :

Jus de 2 oignons, 1 gousse d’ail, du jus de citron, 1 cuillère à café de thym[1], une pincée de piment, sel, poivre, une cuillère à soupe d’huile d’olive, une cuillère à soupe de lait. 500 g de yaourt à la grecque.

Il va de soi que les commerçants utilisent des quantités bien plus nombreuses à quoi s’ajoutent des additifs alimentaires pour conserver la viande. En fait les commerçants ne préparent pas cela non plus, ils se la procurent auprès de producteurs industriels (il y en a 600 en Allemagne, pays où l’on trouve 16 000 commerces de kebabs). On est ici au même niveau que McDonalds et les petits commerçants de kebabs en sont un équivalent à petite échelle.

Et ce qui est marquant, c’est qu’il n’y a jusqu’à présent aucune critique du kebab, au contraire même : le kebab serait populaire, artisanal, authentique, accessible. C’est là une terrible escroquerie. Les kebabs sont le simple produit d’une industrie utilisant massivement les animaux et dont les restes sont bricolés pour être vendus à un public se nourrissant sur le tas et cherchant un sentiment de satiété.

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Culture

Les Cig Köfte et les Jingalov hats: la cuisine populaire contre les nationalismes

Les nationalistes sont un peu comme le Don Quichotte de Cervantès : ils luttent contre des moulins à vent. Mais ils luttent par le sang et les larmes des peuples.

Il est important d’avoir ceci en tête pour comprendre la situation au Karabagh. Cet exemple est significatif de la façon dont précisément le nationalisme s’oppose à la paix et écrase les peuples. Même si la situation est dissymétrique, dans un camp comme dans l’autre, à rebours des expériences du passé, celui de l’Union soviétique mais même un passé encore plus lointain, les nationalistes de deux bords se déchirent autour d’une certitude commune : pour les Arméniens nationalistes, le Karabagh, qu’ils appellent l’Artsakh, ne peut revenir ou rester en Azerbaïdjan, car c’est une « terre arménienne ». Pour les Azeri nationalistes, le Karabagh ne peut rester ou être arménien, car c’est une « terre turque ».

Mais la terre de ceci ou la terre de cela, ça n’existe pas. Il existe des Arméniens et il existe des Turcs azéri, voilà ce qui doit occuper les gens qui ont une perspective démocratique. La vie sur un territoire n’impose pas la purification ethnique. Cela devrait être une évidence. Et l’élan de la culture, élan collectif et universel, pousse à chercher les communs, et non cultiver jusqu’à la fin des temps, c’est-à-dire jusqu’au génocide, les différences formelles.

Prenons un exemple parlant de cela : la cuisine. Quoi de plus quotidien, de plus banal et donc de plus déterminant que la cuisine pour saisir un peuple ? Toutes les personnes amenées à voyager constatent avec le plaisir de la découverte, ce qui fait justement l’exotisme d’une rencontre à l’étranger : goûter une cuisine différente, de nouveaux aliments, de nouveaux condiments, de nouvelles façon de les transformer, de les fondre. Et cette différence s’abolit immanquablement dans le processus même de la rencontre.

Par exemple, il n’y pas un supermarché de France qui n’offre pas des plats « mexicains », « italiens » etc, qui font désormais entièrement partie de notre gastronomie. Le stade, l’étape de la rencontre a été dépassé depuis longtemps sur ce plan. L’aspect « mexicain » ou « italien » demeure, mais il a été fondu, incorporé, dans l’aspect principal « français » qui reste le nôtre. Mais une étape plus complexe a été atteint, puis franchie. Et cela continue ainsi dans cette perspective, parce qu’il en va du mouvement même de la vie.

Mais que dire alors de peuples que la cuisine ne sépare pas ? Sinon que le processus de fusion y est déjà considérablement avancé. La cuisine arménienne, la cuisine turque, la cuisine arabe syrienne ou la cuisine kurde par exemple ne différent pas fondamentalement, au point qu’il convient souvent plus justement d’en parler comme étant de la cuisine « orientale ». Les déclinaisons tiennent dans les condiments, les épices, les herbes aromatiques plus que dans la composition même de la recette.

L’exemple des Cig Köfte (ou Vospov Köfte), un terme turc dérivé du persan, est très exemplaire de cela. Le plat est aussi populaire chez tous les peuples concernés, et son origine tourne autour de la même région, peuplée de tous ces peuples. À la base, il s’agit de boulettes de viandes mêlées de blé boulgour et aromatisé à l’avenant selon les goûts de chacun. Mais toute les variétés vont dans le même sens et d’ailleurs, la version végétale de la recette s’impose de plus en plus.

Les Cig Köfte actuelles sont préparées de lentilles corail et de blé boulgour, légèrement pimentées. Elles se dégustent tièdes, volontiers arrosées de citron, ou assaisonnées de grain de grenade dont la saveur est là aussi commune aux goûts des peuples orientaux.

L’idée de farcir une galette de blé avec des herbes aromatiques et des légumes verts est aussi une pratique culinaire absolument commune, sous la forme du börek turc, ou pour en revenir au Karabagh, du Jingalov Hats (Ժենգյալով հաց), spécialité de Stepanakert et des campagnes arméniennes du Karabagh. Cette dernière recette a la particularité d’être un mélange d’herbes aromatiques, le Jengyal, dont la récolte est en soi le reflet d’une immense connaissance des ressources naturelles du territoire par la population. On dit que certaines recettes de ce plat sont composées de plus de 20 plantes différentes !

Les Dolma, ou farcis, sont encore un autre exemple emblématique de cette cuisine partagée. On en trouve de tout type, poivrons, aubergines, tomates ou encore bien sûr les fameuses feuilles de vignes.

Et sans conclure, les conserves marinées en vinaigre et saumures, appelés en turc Tursu sont forcément dans les armoires et les habitudes culinaires des Orientaux, en particulier des Arméniens de France qui poursuivent sur ce plan le développement de leurs goûts. Et ceci tout en fusionnant toujours davantage les saveurs, les associations.

Cette imagination sans limite des peuples pour améliorer leur cuisine, illustre toute la force créatrice du peuple, illustre la dynamique allant à la fusion, à l’harmonie. Un proverbe arménien plein de sagesse affirme qu’on ne peut séparer ceux qui ont bu la même eau.

Les nations, les peuples, ne sont pas des planètes différentes qui se partagent notre monde. Leur mouvement tend à les rapprocher, c’est pourquoi les nationalistes font tout pour les figer. Le nationalisme a ceci de particulier qu’il cherche à affirmer la dignité d’un peuple en le coupant des autres.

En cela, le nationalisme n’a rien à voir avec la définition classique de la nation pour la Gauche, qui repose sur une détermination fondamentalement matérialiste : une langue commune, un territoire historique, une tournure d’esprit identifiable, un folklore distinctif. Voilà autant d’éléments concrets, vérifiables, tangibles. Mais ce sont des éléments mouvants, allant vers la transformation et la fusion avec d’autres éléments.

Le nationalisme a ceci de commun avec le libéralisme post-moderne qu’il cultive tout comme lui le narcissisme de la différence, le goût de la fragmentation séparée. C’est en raison de cette conception fondamentalement différentialiste que les nationalistes ne peuvent pas reconnaître des pans entier de ce qui constitue l’existence des peuples.

La musique, la cuisine, le folklore sont en la matière autant de réalités qui ne peuvent être assumées jusqu’au bout, sinon en les biaisant, en les « gelant » dans des supposées « traditions » immobiles, quasi-structurelles. Les nationalistes ont donc une vision forcément tronquée, séparatiste de l’Histoire, une vision chauvine et mensongère.

Ce qui manque au nationalisme, c’est qu’il ne peut pas, qu’il refuse même d’ailleurs de porter l’élan de la culture. Non pas des cultures au sens justement différentialiste et identitaire qu’il essaye de donner à ce mot, et sur ce point il y a une bataille idéologique déterminante à mener, mais au sens de la culture comme élan universel poussant l’Humanité à la fusion, à l’élévation de ses capacités collectives et de sa compréhension de la matière, de l’univers, de manière toujours plus complexe et avancée.

La charge de ce mouvement est précisément ce contre quoi pensent devoir lutter les nationalistes. Lutte vaine et irrationnelle, qui autorise toutes les brutalités, toutes les contorsions machiavéliques. Lutte dans laquelle les nationalistes abandonnent le peuple au profit d’abstractions de plus en plus sophistiquées. C’est ce que font les nationalistes turcs qui parlent du Karabagh comme si aucun être humain n’y vivait, comme d’un territoire à reconquérir purement et simplement et à « purifier » de sa population arménienne.

Mais c’est parce que la vie l’emporte sur tout que les nationalistes seront forcément vaincus et que les peuples arméniens et turcs renverseront les divisions qui entravent leur existence en commun, et leur fusion à venir dans une forme plus complexe. Les Arméniens de France devraient, doivent être à l’avant-garde de cet engagement. C’est une responsabilité historique.

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Société

Covid-19: une campagne britannique contre le surpoids

Le gouvernement du Royaume-Uni a présenté ce lundi 27 juillet 2020 une grande campagne contre le surpoids et l’obésité, facteur de risque important dans le cadre du covid-19. C’est un événement majeur pour la société britannique, montrant à quel point la crise sanitaire en cours bouleverse profondément le monde.

Le covid-19 n’est pas simplement une maladie de plus, relevant d’une sorte de fatalité naturelle. C’est le produit de tout un système et du mode de vie allant avec. L’alimentation de mauvaise qualité responsable du surpoids relève directement de ce mode de vie conforme au capitalisme… et favorable à l’expression de formes sévères du covid-19.

Cela avait été un phénomène flagrant au plus fort de la crise sanitaire : les personnes en réanimation étaient essentiellement des gens en surpoids (hormis d’autres types de maladie ou bien la fragilité inhérente à la vieillesse).

En France, cette information est au fond très peu connue, car le sujet du surpoids et de la mauvaise alimentation est relativement taboue. Ce n’est pas le cas aux Royaume-Uni, pour des raisons culturelles.

Comme aux États-Unis, il y a un paradoxe énorme dans le pays : dans les centre-villes, et surtout à Londres, on peut manger pratiquement la nourriture la plus saine du monde, quasiment à tous les coins de rue, pour pas cher et souvent sans viande. Pour les classes populaires vivant en dehors par contre, l’alimentation est d’une qualité pitoyable, provoquant un surpoids généralisé, qui engendre une épidémie massive d’obésité à des degrés particulièrement alarmants.

À peine entrés dans l’adolescence, ce sont déjà un enfant sur trois qui sont en surpoids ou carrément obèses dans le pays. En ce qui concerne les adultes, les chiffres sont dramatiques : 63% ne sont pas dans une situation saine vis-à-vis de leur poids et 28% sont carrément obèses.

Alors que la crise du covid-19 n’en finit plus, le sujet est donc particulièrement brûlant dans le pays. L’agence sanitaire a publié samedi 25 juillet 2020 une étude affirmant que les obèses ont 40 % de risques supplémentaires de mourir de la maladie.

Une grande campagne « better health » (meilleur santé)  a donc été lancée et elle est radicale.

Toute publicité pour la malbouffe est interdite (y compris sur internet) avant 21h pour préserver les enfants, le nombre de calories des repas (qui n’est pas forcément un bon indicateur par ailleurs) doit être rendu public pour toutes les grandes enseignes de restauration, les supermarchés n’ont plus le droit de faire des promotions sur aliments considérés comme de mauvaise qualité. Autrement dit, il est dorénavant interdit de présenter des friandises ou des sodas devant les caisses au supermarché.

C’est un changement extrêmement profond, qui en dit très long sur la catastrophe sanitaire en cours, d’autant plus que la mesure est prise par un gouvernement censé être favorable avant tout au business. Rien que pour les friandises aux caisses, il faut bien voir que cela change drastiquement l’organisation de nombreux magasins où l’on fait pour ainsi dire la queue à la caisse au milieu d’un rayon friandises…

En arrière-plan, il y a la situation personnelle du premier ministre, en soins intensifs après avoir été touché par le covid-19, qui impute régulièrement son hospitalisation à son surpoids. Il a failli mourir (après avoir relativisé honteusement la pandémie pendant des semaines) et cela a provoqué un électrochoc dans le pays.

En 2019 encore, Boris Johnson avait affirmé qu’il reviendrait sur la taxe « boissons sucrées » d’avril 2018. En juillet 2020 finalement, son gouvernement a mis en place un plan massif estimé à 10 millions de livres sterling pour lutter contre le surpoids et la mauvaise nourriture. Le symbole est très fort.

Cela n’a rien d’anecdotique, cela prouve à quel point le monde n’est plus le même, à quel point la situation a changé dans tous les domaines, en profondeur, augurant des bouleversements sociaux-culturels majeurs dans les temps à venir.

L’obésité et le surpoids dans les classes populaires sont une horreur du 20e siècle, produites par un capitalisme soumettant chaque moment de la vie aux profits des grandes entreprises. Mais la vie se révolte, et elle est de plus antagonique avec le capitalisme. Le capitalisme lui-même le constate, mais il ne peut pas se rebeller contre lui-même…

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Covid-19: être gros est un facteur de risque

Le capitalisme a poussé ces dernières années à un grand relativisme sur le plan de la vie quotidienne, avec le concept de « grossophobie ». Dans les faits, la biologie est très claire et définit ce qui doit être pour être en bonne santé, en particulier dans ce moment de crise sanitaire.

Le capitalisme a besoin de toujours grossir et, afin d’avoir un marché plus grand, il a également fait grossir les gens. Des gens plus gros consomment plus, plus de viande que le capitalisme produit en faisant grossir les animaux. Au 19e siècle, les riches étaient gros et les pauvres maigres ; en ce début de 21e siècle, c’est le contraire.

On s’aperçoit en ce moment que la grande majorité des moins de 50 ans atteint du covid-19 et nécessitant une réanimation sont en surpoids. Le Figaro donne la parole au chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat à Paris, Yazdan Yazdanpanah, qui explique que :

« Plus de 80 % des moins de 50 ans qui se trouvent en réanimation chez nous à cause du Covid-19 sont dans ce cas. »

Le Figaro précise que les informations de l’Intensive Care National Audit and Resource Centre de Londres vont dans le même sens. C’est tout à fait logique : le covid-19 provoque une infection respiratoire et quand on est en surpoids, le corps est puissamment affaibli. Le surpoids a des conséquences hormonales, mécaniques, qui ont elles-mêmes toute une série de conséquences sur la respiration, le système immunitaire, le foie, les reins, etc.

On voit à quel point le discours postmoderne sur la « grossophobie » est criminel. Il s’agit simplement d’un accompagnement de la profonde décadence frappant la vie quotidienne dans le capitalisme. On cherche à faire culpabiliser le peuple en l’accusant de ne pas aimer les « gros », alors qu’en réalité, le peuple n’aime pas le laisser-aller.

Il faut être en effet empêtré dans le capitalisme pour croire que l’expansion de l’obésité serait dû simplement à des facteurs génétiques, alors que ceux-ci ne peuvent être qu’aggravant. Le véritable problème, c’est la vie quotidienne – tout comme c’est la vie quotidienne qui a provoqué l’irruption du covid-19 en Chine.

C’est d’autant plus flagrant que dans la classe bourgeoise, il y a une grande attention qui est portée à la nutrition. Il suffit de se balader dans les quartiers chics de Paris – et ils sont nombreux – pour voir qu’il y a bien plus de gens sveltes que dans les quartiers populaires. Les bourgeois se méfient des produits capitalistes de masse, de la « malbouffe ». C’est le paradoxe.

Mais ce paradoxe ne doit pas nous étonner. Le relativisme général ne vise qu’à élargir le marché capitaliste. Tout le monde n’est pas obligé d’y croire. Du moment que certains y croient, que cela ouvre des espaces capitalistes, cela suffit. Voilà comment des secteurs entiers des masses basculent dans une consommation qui, parfois, devient morbide.

Non pas morbide comme les gens qui échouent dans une alimentation forcenée. Mais comme leurs idées noires, leur angoisse, leur anxiété, tout ce que le capitalisme produit dans leur esprit, dans leurs mentalités.

Il y a une dignité dans cette fuite en avant – mais principalement, c’est de la destruction. Ce à quoi appelle le capitalisme, c’est au relativisme par rapport à tout cela. C’est-à-dire, concrètement, à l’indifférence. Mais les faits sont têtus et la crise actuelle doit être aussi un prétexte à défendre la santé pour les masses, à ne pas céder aux injonctions capitalistes.

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La consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de maladies cardiovasculaires

Les chercheurs de l’étude Nutrinet-santé ont publié jeudi un article alertant sur les liens entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de maladies cardiovasculaires.

L’article publié dans le British Medical Journal (en anglais) se base sur des données statistiques issues d’une grande enquête menée par des chercheurs en France sur l’alimentation de milliers de personnes.

Ce qu’on y apprend n’est pas nouveau et a déjà été montré depuis au moins les années 1980, notamment par des universitaires américaines. Cependant, l’agro-industrie accroît toujours plus son emprise sur l’alimentation et cela commence à faire des dégâts très facilement observables.

Dans leur incessante quête de profit, les industriels inondent le marché de produits de mauvaises qualité, transformés à l’aide de procédés qui ne devraient pas exister et gorgés d’additifs, de sucres, de matières grasses et de sel.

Voici le communiqué publié sur le site de l’étude Nutrinet-santé qui présente l’article et ses enjeux :

CP_AUT_CARDIO.pdf

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Pétition : « Pas de tomate bio en hiver : non aux serres chauffées !  »

La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique a lancé une pétition avec le Réseau Action Climat, la Fondation Nicolas Hulot et Greenpeace qui a eu un certain retentissement médiatique. Elle est adressée au Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume, dans le but de défendre les principes de l’agriculture « bio » en encadrant mieux le secteur.

L’agriculture « bio » a été prise d’assaut ces dernières années par les grands groupes de l’agro-industrie et de la grande distribution. Ce label n’est pour eux qu’un moyen d’augmenter le profit en valorisant mieux les marchandises et en s’ouvrant à de nouveaux marchés. Cela passe bien sûr par une pression très forte sur les prix afin d’écraser la concurrence, ce qui signifie une quête perpétuelle de baisse des coûts.

L’industrialisation de l’agriculture « bio » qui existe depuis longtemps déjà en Espagne arrive donc en France et tend à écraser littéralement tout un secteur, qui voit ses principes disparaître.

On a ainsi des petits-producteurs dont la situation se complique sous la pression des gros, qui industrialisent la production « bio » et inondent le marché, qui plus est toute l’année. Les serres chauffées en sont un symbole très fort, en plus d’être une hérésie sur le plan de l’écologie et de la gastronomie.

On remarquera que les signataires mis en avant dans la pétition sont principalement des chefs cuisiniers, sur un mode « cuisine traditionnel ». Si on ne peut qu’être d’accord pour défendre la nourriture de qualité contre les horreurs agro-industrielles, il faut bien voir ici ce que cela signifie. On est pas dans une critique socialiste, qui consisterait à dire qu’il faut changer la production, pour la mettre au service de la population.

Il s’agit plutôt de la panique d’une petite-bourgeoisie aimant bien manger « bio », qui craint de voir s’effondrer tout un secteur auprès duquel elle peut s’approvisionner en produits de qualité, en marge de l’agriculture destinée à la grande majorité de la population.

Voici donc le texte de la pétition, que l’on peu signer en se rendant sur ce lien :

« Non à l’industrialisation de la Bio !

Monsieur le Ministre de l’Agriculture, il faut interdire la production de fruits et légumes bio hors saison !

Le marché bio se développe et les appétits aussi. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs économiques poussant des pratiques incompatibles avec le cahier des charges bio, c’est tout le système qui est menacé !

Halte aux rendements à tout prix, oui aux saisons !

Depuis quelques mois, on voit se développer des projets de conversion biologique de serres chauffées pour la production de fruits et légumes hors saison (Pays de la Loire, Bretagne…). Ces projets en gestation vont permettre de retrouver sur les étals de la tomate bio française en plein mois de mars. Une aberration gustative, agronomique et environnementale !

Le chauffage des serres est incompatible avec le label bio

Le cahier des charges bio impose le « respect des cycles naturels » et une « utilisation responsable de l’énergie ». Chauffer sa serre pour produire des tomates ou des concombres en plein hiver ne peut donc pas être compatible avec l’agriculture biologique. Selon les régions et les années, la saison de la tomate peut aller de mai/juin à octobre/novembre, mais certainement pas en hiver.

Pour rentabiliser leurs serres chauffées, les industriels se spécialisent sur un ou deux légumes à forte valeur ajoutée. En diminuant la diversité des cultures, ils appauvrissent leurs sols et ainsi contreviennent encore aux principes de l’agriculture biologique.

Mobilisons-nous pour lutter contre l’industrialisation de la bio !

Nous avons jusqu’au 11 juillet 2019, prochaine date du Comité national de l’agriculture biologique, pour convaincre le Ministre de l’Agriculture de lutter contre l’industrialisation de la bio en limitant le recours au chauffage des serres à la production de plants et au maintien hors gel, garantissant ainsi que la production reste de saison.

Ne discréditons pas le label bio : soutenons les paysannes et paysans bio qui respectent les saisons, pas de serres chauffées pour produire à contre-saison !

Signez la pétition pour demander au Ministre de l’Agriculture de soutenir un encadrement strict du chauffage des serres en bio afin d’interdire la production de fruits et légumes bio hors saison.

Les premiers signataires :

Iñaki AIZPITARTE, Chef cuisinier Le Chateaubriand (1 étoile, Paris) ; Gaétan BERTHELOT, Chef cuisinier du traiteur bio Ressources (Paris) ; Tugdual de BETHUNE, chef cuisinier, Holen (Rennes), Nicolas BRIAND, Chef cuisinier, Le Château d’Apigné (Le Rheu) ; Cyril BORDRIER , Chef cuisinier Le verre volé (Paris) ; Clément CHARLOT, Chef cuisinier Fragments (Caen) ; Emmanuel CHARTRON, Chef de la Cuisine centrale de la Ville de Saint Tropez ; Ollie CLARKE, Chef cuisinier La Régalade (Paris) ; CLÉA, autrice culinaire et bloggeuse (Cléa Cuisine) ; Richard CORNET, Chef cuisinier L’Aménité (Nantes) ; Pascal DAUPHIN, Chef de cuisine Lycée Camille Pissarro (Pontoise) ; Sabine DELMAS, Chef de cuisine du Lycée Marie Curie (Versailles) ; Christophe DEMANGEL, Chef de Cuisine au Collège Jules Grévy (Poligny), membre des Cuisiniers de la République Française ; Xavier DENAMUR, restaurateur, propriétaire de cinq établissements dans le quartier du Marais à Paris ; Nicolas FERRÉ, Chef cuisinier Le Quai des Saveurs (Les Sables d’Olonne) ; Olivia GAUTIER directrice du restaurant Les Orangeries (Lussac-Les-Châteaux) ; Rémi GIRAUD, Chef cuisinier du restaurant Les hauts de Loire (2 étoiles, Onzain) ; Bernard GISQUET, Chef cuisinier de Lou Cantoum (Cestayrols) ; Arnaud GUILLOUX, chef cuisinier à Coquille (Rennes), Adeline GRATTARD, Cheffe cuisinière Yam’tcha (1 étoile, Paris) ; Sylvain GUILLEMOT, Chef cuisinier L’Auberge du Pont d’Acigné (1 étoile, Noyal-sur-Vilaine) ; Lionel HÉNAFF, Chef cuisinier L’Allium (1 étoile, Quimper) ; Thomas HUBERT, Chef cuisinier Olive & Artichaut (Nice), Fumio KUDAKA, Chef cuisinier La Table de Breizh Café (1 étoile) à Cancale ; Kevin LEPINE, Chef cuisinier de Texture (Saint Malo) ; Céline LE GALL, Cheffe cuisinière, et Yann ANDRÉ, gérant, La Renverse (Saint-Froult) ; Julien LEMARIE, chef cuisinier à l’IMA de Rennes, Ewen LE MOIGNE, Chef cuisinier de Saturne (1 étoile, Paris) ; Thierry LEBIGRE, Chef cuisinier du Centre hospitalier d’Embrun ; Flore MADELPUECH, artisane cuisinière, Cheffe de La table de Flore (Rouen) ; Bruno NOURRY, responsable de la cuisine municipale de St Hilaire de Riez ; François PASTEAU, Chef cuisinier de L’Epi Dupin (Paris), Morgan PERRIGAUD, Chef cuisinier Les Prémices (Bourron-Marlotte) ; Laurent PORÉE, cuisinier, créateur de La cantine de Babel (Le Mesnil-Rouxelin) ; Olivier ROELLINGER, Chef cuisinier, Maisons de Bricourt (Cancale), Hugo ROELLINGER, chef , Le Château Richeux (Saint Méloir des Ondes), David ROYER, Chef cuisinier étoilé du Château de sable (Porspoder) et du Roc’h Ar Mor (Plouescat) ; Sibylle SELLAM et Grégoire FOUCHERS, cuisiniers du Bercail (Rennes), Ndeye SOUMARÉ, Cheffe de cuisine de la Cité scolaire Chaptal (Paris) ; Didier Thévenet, directeur et cuisinier de la cuisine centrale de Lons-le-Saunier ; Jonathan THULLIEZ, Chef de cuisine du restaurant Le Bichat (Paris) ; David VACQUÉ, Chef cuisinier du Bistro gourmand (Nice) ; Caroline VRIGNAUX, Cheffe de cuisine R&D chez FoodChéri ; 4 diététiciennes et 13 chef.fes membres du Collectif les Pieds dans le Plat (restauration collective bio et locale) »

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Les arguments de l’Académie royale de médecine de Belgique contre le végétalisme

Les arguments de l’Académie royale de médecine de Belgique contre le végétalisme ne reposent pas sur une analyse scientifique de la nature des aliments consommés réellement par les végétaliens. Ce sont des extrapolations faites à partir de connaissances basées sur l’alimentation moderne classique, dans le but de manipuler les esprits.

L’Académie royale de médecine de Belgique a pris position de manière ridicule contre le végétalisme en prétendant avoir un discours scientifique à propos de l’alimentation végétale.

Ce qui importe pour la nutrition, ce ne sont pas les aliments en eux-mêmes mais leur composition chimique et la façon dont ils sont synthétisés dans l’organisme. De ce point de vue, la nourriture d’origine animale n’a rien de spécifique en elle-même, avec des nutriments qu’on ne pourrait obtenir ailleurs.

Cela n’a ainsi, par exemple, aucun sens de parler de protéines en général puisque ce qui compte est leur composition en acides aminés. L’organisme n’a pas besoin des protéines d’un autre organisme (végétal ou animal) en tant que telles, mais des acides aminés qui les composent, pour synthétiser ses propres protéines.

Est-ce possible de la faire uniquement avec des végétaux ? Oui, ça l’est. Est-ce facile de le faire uniquement avec des végétaux ? Oui, ça l’est, il n’y a pas besoin d’aller chercher des aliments « exotiques » pour cela, ni d’augmenter les apports dans des proportions particulières pour obtenir les acides aminés essentiels.

Il faut véritablement ne rien connaître au végétalisme et à la réalité de ce que mangent les végétaliens pour raconter des choses comme :

« L’alimentation végétalienne excluant toute forme de protéines animales (et donc d’une série d’acides aminés essentiels) nécessite en d’autres termes systématiquement l’augmentation des apports alimentaires supplémentaires par rapport aux besoins ainsi qu’une analyse précise des aliments consommés afin de s’assurer du meilleur équilibre alimentaire possible. »

C’est tout simplement faux. C’est d’autant plus faux qu’il est parlé à un moment de « protéines de haute valeur biologique », alors que justement cette « haute valeur » n’est pas quelque-chose de souhaitable pour la santé.

Qu’en est-il des autres risques de carence soulevés, en vitamine B12 , vitamine D, calcium, fer, zinc, iode et le DHA ?

La vitamine B12 ne pose absolument aucun problème ni ne nécessite de suivi médical particulier. La grande majorité des personnes végétaliennes prennent un supplément en vitamine B12 sous forme de bonbon ou comprimé, ou alors consomment des produits fortement enrichis. Cela est tout aussi facile à faire pour les enfants, sans qu’aucun risque ne soit avéré scientifiquement.

Le problème se pose d’autant moins pour les nourrissons, qui par définition doivent consommer le lait maternel et recevront la vitamine B12 présente dans le lait maternel de la mère qui n’est pas carencée.

Le problème qui se pose pour les nourrissons qui ne sont pas nourris au lait maternel n’est pas un problème spécifique au végétalisme. Il existe de nombreuses stratégies pour palier artificiellement (et insuffisamment) au lait maternel, mais le lait de vache ne consiste en aucune manière en une solution indispensable. Qu’ils soient d’origine animale ou végétale, ces produits de substitution ont une composition qui est élaborée très précisément de manière à correspondre le plus possible à la composition chimique du lait maternel humain, qui est très différent de celui des vaches.

Le problème de la vitamine D n’est pas non plus un problème spécifique aux végétaliens. En Belgique ou dans la partie nord de la France, tant les enfants que les adultes, végétaliens ou non, doivent se complémenter en vitamine D l’hiver pour palier au manque de synthèse fait par la peau grâce au soleil. Les personnes végétaliennes ou non qui ont une exposition suffisante au soleil n’ont pas de carence en vitamine D. C’est aussi simple que cela et c’est mentir que de prétendre l’inverse.

Il en est de même pour le calcium, le fer, le zinc, l’iode ou le DHA (via les oméga-3) : les carences en ces nutriments sont possibles, mais nécessitent simplement une alimentation équilibrée et diversifiée pour y faire face. Manger sainement, avec des produits de qualité le moins possible transformé industriellement, variés, suffit largement à couvrir les besoins. Les connaissances pratiques accumulées depuis des dizaines d’années de végétalisme permettent facilement d’avoir un équilibre alimentaire idéal.

Ce qui compte, il faut le rappeler encore, n’est pas tant les nutriments en eux-mêmes que la façon dont ils sont synthétisés. Les « scientifiques » écrivant des rapports tels que celui de l’Académie royale de médecine de Belgique ont du mal à comprendre cela car ils raisonnent mécaniquement, en séparant les éléments les uns des autres.

Le fer serait donc un problème pour eux, par exemple, car ils « voient » que le fer héminique (provenant du sang d’un animal) s’assimile plus directement que celui provenant des végétaux. Ils ne voient pas par contre que la vitamine C des fruits et légumes améliore grandement la synthèse du fer d’origine végétal pour les personnes végétaliennes.

Ce qui compte en alimentation, ce sont les synergies qui se forment lors du processus complexe de l’alimentation, à différentes étapes depuis la mastication jusqu’au passage dans les intestins.

Il est ainsi facile de faire peur volontairement en disant des choses complexes, sans rappeler que cette complexité s’organise en fait naturellement lors d’une alimentation simplement équilibrée :

« Par ailleurs la répartition respective des différents aliments végétaux (céréales, légumineuses, fruits-oléagineux, légumes et fruits) pour couvrir les besoins en un certain nombre d’oligo-éléments et de nutriments est absolument essentielle en particulier pour le calcium présent par exempledans le chou, les graines de sésame ou les amandes, et les omégas-3, présents dans les noix, le colza ou le soja. Il existe aussi un risque d’excès de fibres (phytates) par consommation importante de légumineuses et céréales, de fruits et de légumes pouvant interférer avec l’absorption digestive des minéraux et du fer. »

Il est aussi sacrément gonflé de la part de l’Académie royale de médecine de Belgique de parler de « déséquilibres métaboliques et l’obligation d’un suivi médicalisé » pour les végétaliens, alors que justement c’est l’alimentation moderne « omnivore » qui provoque un nombre grandissant de déséquilibres métaboliques (obésité, diabète) et qui est de plus en plus incriminée dans les cas de maladies auto-immunes.

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Non, Benoît Hamon, le kebab n’est certainement pas un apport culturel

Voulant combattre le racisme à Béziers, Benoît Hamon a mangé un kebab et l’a revendiqué. Cela représente pourtant le degré le plus haut de souffrance animale, d’exploitation des travailleurs, d’alimentation anti-diététique, de produit ultra vite fait et ultra mal fait mais appétant, de petit commerce agressif et prêt à tout.

Benoît Hamon est, parmi toutes les figures actuelles de la Gauche, sans doute celle qui est la plus ouverte à l’esprit alternatif sur le plan du mode de vie. Il a très certainement de la sympathie pour l’esprit authentique des rastas, du respect pour les vegans, un intérêt pour les hippies, et si on lui parle du skate punk californien, il dira très certainement que c’est fort intéressant et nettement positif. Malheureusement, cela reste indéniablement extérieur à lui. Et de nos jours, le capitalisme est tellement puissant qu’on ne peut pas être alternatif à moitié.

Ainsi, Benoît Hamon a succombé à son manque de rigueur, à son formatage bourgeois. Cela part d’un bon sentiment, il est vrai : il est à Béziers, une ville dont le maire Robert Ménard joue sur la corde identitaire et nationaliste autant qu’il peut, dans une région fortement marquée par un racisme revendiqué. Il est également accompagné de Naïma Charaï, élue bordelaise à qui Robert Ménard intente un procès en diffamation.

Elle avait dit dans la presse l’an passé que celui-ci a été condamné pour incitation à la haine raciale. Le jugement avait en fait été réformé en appel (et non « cassé » comme le dit Benoît Hamon, qui confond avec un pourvoi en cassation). Dans ce cas, l’arrêt rendu par la cours d’appel rend caduque le jugement initial – c’est comme s’il n’avait jamais existé, puisqu’il est considéré que l’affaire a été mal jugée. Au sens strict, Naïma Charaï ne peut donc pas dire que Robert Ménard a été condamné pour incitation à la haine raciale.

Tout cela pour dire que, donc, jeudi 16 mai 2019, Benoît Hamon s’est filmé en train de manger un kebab, envoyant une « dédicace » à Robert Ménard, Marine Le Pen et Jordan Bardella. La publication a même été « épinglée » sur son compte Twitter de manière à ce qu’elle reste visible un long moment, dans le but d’en faire une actualité politique anti-raciste. Peut-on être pourtant plus incohérent ?

Il est invraisemblable qu’en 2019, il y ait des gens à Gauche pour valoriser le kebab. Pourquoi le kebab est-il si peu cher ? Parce que les animaux qui ont servi pour la viande ont connu le pire des enfers, dans le cadre d’un capitalisme ultra-agressif. Il ne s’agit pas seulement d’animaux par définition dans les abattoirs, il s’agit d’animaux connaissant le pire des abattoirs, car il s’agit ici de fournir la viande la moins chère de toutes. Les gens qui ont servi dans les abattoirs et pour les livraisons font partie des prolétaires les plus pressurisés, les plus exploités, en plus du caractère démolisseur psychologiquement de leur travail pour les premiers.

 

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Spéciale dédicace à Robert Menard, @marine_lepen, @jordanbardella, en direct du meilleur kebab de #Beziers 📸 @teofaure

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Le kebab est également ultra appétant, à coups de sauces grasses mélangées aux viandes, à la fois pour masquer le goût ignoble (les viandes étant les pires restes des secteurs déjà les plus agressifs de cette industrie) et pour contribuer à l’empiffrage, qui est le principal « plaisir » du kebab, comme pour la pizza, le hamburger ou le tacos. C’est le principe de la malbouffe et cela a un succès gigantesque dans notre pays.

C’est donc une catastrophe. Et il est tout aussi catastrophique de parler du couscous en le plaçant au même degré que le kebab, comme le fait Benoît Hamon par anti-racisme. Le kebab est une invention très récente, faite par des commerçants turcs à Berlin. Sa nature est industrielle, commerciale, un équivalent du hamburger ou du hot-dog.

Le couscous est quant à lui un plat relevant de la culture populaire, avec un profond équilibre nutritif, une recherche gustative au moyen d’une grande finesse dans le choix des éléments. Ce n’est pas une accumulation des pires viandes mélangée à de la sauce, coupée en petits morceaux et mélangés avec le fameux triptyque salade – tomates – oignons, dans un pain dont rien que la digestion coûte plus d’énergie au corps qu’il n’en apporte, avec des frites surgelées !

Si on conclut en plus en disant que les kebabs sont des repères patriarcaux, on aura tout dit. Benoît Hamon aurait dû comprendre le piège tendu par Robert Ménard qui ne cesse de dénoncer les kebabs depuis plusieurs années. Il aurait dû comprendre qu’il l’a fait pour se donner une image anticapitaliste romantique auprès des masses, qui ne sont pas dupes de ce que représente le kebab. Quant aux jeunes qui vont au kebab (surtout des jeunes hommes), ils le font passivement et s’en moqueront que Benoît Hamon le fasse également.

Les gens qui prennent des kebabs sont autant passifs que ceux qui vont au McDonald’s, et sont d’ailleurs souvent les mêmes. Quand on est à Gauche, on le voit bien et on comprend qu’il y a un problème. Benoît Hamon ferait mieux d’aller chercher l’adolescente qui se met à l’écart de ces lieux de commerce où règne l’attitude beauf par rapport au monde tel qu’il est, et qui bataille contre ses parents pour pouvoir assumer son véganisme. S’il y a quelque part de la dignité, l’avenir de la Gauche et même du monde, c’est bien là, et pas dans un kebab.

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Et maintenant on mange quoi ? de Christophe Brusset

Le livre Et maintenant on mange quoi ? de Christophe Brusset entend dénoncer de l’intérieur les agissements de l’agro-industrie capitaliste qui tend à abaisser la qualité de la nourriture et empoisonner les consommateurs pour maximiser ses profits.

« Ce qui me choque le plus, ce n’est pas que des industriels avides nous fassent manger des crottes de rats ou des asticots de temps en temps, car cela n’aura finalement aucune incidence sur notre santé. Non, ce qui me révolte véritablement c’est qu’on légalise l’empoisonnement collectif uniquement pour assurer les profits de multinationales déjà très riches et hyperpuissantes. »

L’ouvrage de Christophe Brusset est un témoignage convainquant, venant de l’intérieur du système qu’il dénonce. Ancien acheteur dans l’alimentaire, il relève de nombreuses anecdotes présentées comme typiques et donne quelques conseils pour éviter les pires aliments. C’est une volonté démocratique qui est affichée par l’auteur, celle d’un « repenti » qui entend informer le grand public.

Y sont expliquées dans le détail tout un tas de pratiques visant à contourner les réglementations ou désorienter les consommateurs, ainsi que de nombreuses réglementations qui ne protègent pas suffisamment, voir autorisent des choses dangereuses.

Ce qu’on apprend dans son livre n’est pas malheureusement pas étonnant, c’est tout à fait conforme à la logique même du capitalisme. Il y a cependant quelque-chose de saisissant à découvrir certaines pratiques dans le détail, car il est parfois difficile d’imaginer que les choses vont aussi loin.

La plupart de ce qu’il dénonce n’est pas vraiment illégal, et c’est cela qui est le plus consternant. Il est en fait très difficile de savoir vraiment ce que l’on mange avec la nourriture industrielle. Par exemple, sur un emballage, s’il est marqué qu’un produit est fabriqué en France, rien n’indique l’origine des aliments qui le composent. Ainsi, une grande partie de la production agricole mondiale vient de Chine et beaucoup de ces aliments sont donc incorporés dans les produits industriels ici. Ce sont par exemple des tomates de très mauvaise qualité et produites avec l’usage de nombreux pesticides, sans qu’on n’en sache rien.

S’il existe des normes, par exemple pour les pesticides, il y a en fait très peu de contrôles et ceux-ci se basent souvent de toutes façons seulement sur des certificats qui peuvent facilement être falsifiés. On a en fait tout un système, qui fonctionne à l’échelle mondiale, et qui dispose d’usages et d’astuces pour contourner les règles, qui ne sont de toutes manière pas très protectrices.

À cela s’ajoute le fait que les industriels ont énormément de stratégies pour réduire le coût de leurs marchandises tout en favorisant les ventes. C’est-à-dire que même dans le cadre strictement légal, la qualité des produits alimentaires est de moins en moins bonne en raison de l’impérieuse nécessité de l’élargissement des profits.

Il en va de même pour la santé, qui est de plus en plus malmenée par l’agro-industrie capitaliste pour les mêmes raisons, qui sont directement liées. Il faut penser bien sûr à tout un tas d’additifs, comme des conservateurs qui permettent de garder plus longtemps pour vendre plus facilement, des agents de texture pour rendre un produit addictif, des colorants pour masquer des ingrédients de mauvaise qualité, etc. Ceux-ci, pris isolément et en faible quantité sont présentés comme inoffensifs, mais ils sont en fait systématiques et leurs effets s’additionnent et peuvent se mutualiser.

La question de la malbouffe est très connue, avec notamment produits très sucrés et très gras, addictifs et très nocifs, mais on aurait tort de penser que cela ne concerne que les fast-foods ou les sodas.

Christophe Brusset nous explique très bien dans Et maintenant on mange quoi ? qu’une grande majorité des restaurants ou des cantines scolaires ne sont pas épargnés par ce problème de la qualité de la nourriture, car les industriels ont totalement colonisé ces secteurs de telle manière qu’on n’y cuisine quasiment plus, ou alors que les aliments de base y sont de mauvaise qualité.

Les différents conseils donnés par l’auteur pour s’y retrouver dans ce chaos sont bien sûr très utiles afin d’y voir plus clair. Certains labels comme le « bio » permettent, normalement, de s’assurer une qualité certaine, sanitaire ou nutritive. Le meilleur moyen d’éviter les problèmes réside surtout dans l’achat à la base de produits locaux de bonne qualité qu’on cuisine soi-même, afin de véritablement savoir ce que l’on mange.

Il serait erroné cependant d’imaginer que la solution réside, comme le pense l’auteur, dans le choix de consommateurs qui aurait le pouvoir d’orienter la production. L’ensemble de son ouvrage montre au contraire à quel point l’agro-industrie capitaliste est puissante et piégée par sa logique propre. C’est donc la production elle-même qu’il faut changer, l’orienter dans un sens non-capitaliste, la destiner uniquement et unilatéralement à la satisfaction culturelle et sanitaire de la population en matière d’alimentation.

 

> Et maintenant on mange quoi ? de Christophe Brusset, paru en octobre 2018, est disponible aux éditions Flammarion. Cliquez sur l’image ci-dessous pour lire un extrait de l’ouvrage :

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Société

Mange ta soupe !

Soupe et potage sont utilisés comme des synonymes pour désigner un plat liquide composé de légumes, légumineuses et/ou de viandes, de matières grasses et d’épaississant.

gaspacho

La recette la plus simple de la soupe est la cuisson de légumes de saison dans de l’eau, assaisonnée et portée à ébullition. Une fois cuite, la préparation est mixée. La dégustation se fait alors lorsque la soupe est encore fumante.

Cette préparation peut également prendre les noms de velouté, bisque, bouillon, garbure ou consommé car ils renvoient à des recettes particulières.

La garbure est une soupe chaude gasconne servie en entrée. L’assortiment de légumes (chou vert accompagné du haricot-maïs frais ou sec, de fèves, de mange-tout, de pommes de terre, de navets, de gros pois, d’oignons, d’ail, parfois de carottes, de raves et même de laitues, de châtaignes, d’orties, voire de bourrache) est cuit longuement. Les viandes, en général, sont confites.

Le minestrone est une variante de soupe de légumes (chou vert, pommes de terre, carottes, céleri branches, petits pois, tomates, haricots blancs secs, oignon, ail, basilic) chaude, épaisse de la cuisine italienne, souvent additionnée de pâtes ou de riz, et servie en entrée, accompagnée de parmesan râpé. Il peut également être cuisiné avec de la viande, accompagné de pistou ou pesto et d’une tranche de pain de campagne.

Le velouté est une soupe enrichie de crème fraîche et d’œuf. Le principe de réalisation d’un velouté consiste à réaliser une soupe et à lui ajouter en fin de cuisson une préparation qui est un mélange de crème fraîche et de jaune d’œuf.

La bisque est un potage de la cuisine française, consistant en un coulis de crustacés très assaisonné et additionné de crème fraîche.

Le bouillon désigne le plus souvent une préparation culinaire liquide (généralement juste de l’eau), dans laquelle on cuit, assez longuement, un ou plusieurs aliments : des viandes (bœuf, volaille, etc.), des poissons, des légumes, des féculents, des graines, complétés d’aromates et d’assaisonnements.

Le consommé est un potage généralement fait à base de fond (un bouillon, généralement à base de veau ou de volaille et d’une garniture aromatique, réduit pour en augmenter la consistance)  qui a ensuite été clarifié.

Le gaspacho est un potage froid voire glacé à base de légumes crus mixés. La base est faite de tomates mixées, le tout allongé avec de l’eau ou des glaçons. Aux tomates peuvent être ajoutés de la mie de pain ainsi que des légumes tels que le concombre, le poivron ou l’oignon, cuits ou crus. Cette préparation liquide est relevée avec de l’ail, du sel, de l’huile et du vinaigre.

Les français consomment 12 litres de soupe par an et par personne. Les habitants du Sud-Ouest sont les plus forts consommateurs (15 litres par acheteur) contre ceux de la région parisienne les plus faibles (11,7 litres par acheteur). Les soupes se déclinent sous différentes formes, dans le commerce : liquides, déshydratées ou instantanées. Les potages déshydratés à cuire sont les premiers sur les tapis roulants pour 10.6 litres consommés par acheteurs. Arrivent ensuite les soupes liquides avec leur consommation de 7.5 litres. Ce mode de consommation s’explique par le prix peu élevé et la facilité de préparation de l’instantané. A moins de 1€ et une bouilloire, le consommateur boit une soupe ; contre 4€ les 50 cl en bouteille de verre.

Bien plus que le mode de préparation, c’est surtout la qualité nutritionnelle qui diffère ! 40% de légumes, de l’eau, des épices et aucun additif !

Les industriels de l’agroalimentaire n’ont pas le droit d’utiliser de conservateurs dans leurs préparations. Les soupes fraîches sont alors conservées grâce à des méthodes thermiques : la congélation et stérilisation à chaud étant les plus courantes. Selon les normes d’usage, une soupe doit contenir au moins 40 % de légumes pour bénéficier de l’appellation. La teneur en sel quant à elle, n’est pas normée. La soupe prête à consommer contient en moyenne 2 grammes de sel par bol. Ce qui est énorme au vu de l’apport journalier recommandé pour un adulte : 5 à 7 grammes.

Le potage « fait-maison » est, au niveau nutritionnel le meilleur puisque plus les légumes sont cueillis et cuits rapidement et plus ils gardent leurs vitamines et minéraux. Il faut bien sûr que la température ne soit pas trop élevée. Le gaspacho est plus vitaminé puisque les légumes ne sont pas cuits. Vient ensuite le bouillon avec sa cuisson longue à l’isotherme 100°C qui attendrit les tissus, les rend fondant sans risques de les abîmer par des températures trop élevées. Il faut pour réussir une bonne soupe, tant au niveau goût que nutritionnellement, prendre du temps. Il faut choisir les légumes, les préparer et passer à la cuisson. La soupe est souvent réalisée en grande quantité alors pourquoi ne pas la partager entre amis, voisins, collègues !

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Écologie

L’orange, le fruit de la nature d’hiver

Consommée depuis une haute Antiquité en Asie, l’orange a été introduite en Europe par le biais de la Perse et des Arabes au Moyen Âge, avant de se généraliser progressivement dans notre alimentation et notre consommation habituelle.

En reconnaissance de ses nombreuses qualités, cet agrume est devenu le fruit par excellence de la nature d’hiver. Mais prises dans la logique marchande de l’économie capitaliste décadente, sa production et sa distribution doivent être mieux organisées afin de donner à ce fruit toute sa place au sein d’une Humanité réconciliée avec notre biosphère.

L’orange est un agrume originaire du plateau himalayen, tout comme le citron Yuzu entré plus récemment dans notre gastronomie. Ce fruit qui se présente sous la forme d’une baie avec une peau rugueuse et une chair juteuse, a de nombreux usages alimentaires, par exemple en pâtisserie, ou comme condiment ou encore simplement comme jus de boisson. Mais on l’utilise aussi en cosmétique et en pharmaceutique, les propriétés anxiolytique et relaxante de ses fleurs ou plus particulièrement de son essence sont reconnues depuis le Moyen Âge en Orient dans les traités arabo-persans puis latins, et plus anciennement encore en Inde.

Le nom même « orange » est venu dans notre langue, d’abord comme pomme d’orange puis orange tout simplement, par le persan narang/نارنجی lui-même dérivant certainement d’un terme sanskrit repérable dans la tradition hindouiste de l’āyurveda datant du début de notre ère où ce fruit y est mentionné pour les qualités de son parfum.

La première variété qui fut implantée en Méditerranée était celle de l’orange amère, utilisée justement surtout pour son parfum. Sa culture a été introduite par les Arabes en Sicile vers l’an Mil et en Andalousie dans la région du Guadalquivir, puis de Valence au XIème siècle. Au XVème siècle, les navigateurs portugais ramènent des Indes en Europe la variété de l’orange douce.

Peu cultivé en France pour des raisons climatiques, le fruit est longtemps resté un produit de luxe, distinctif en particulier de l’aristocratie qui prisait son parfum. La principale zone d’importation vers notre pays a longtemps été l’Italie, qui nous a transmis justement pour sa culture de luxe le principe des Orangeries, vastes serres vitrées et chauffées agrémentant les jardins et permettant la culture de l’arbuste en bac. On trouve encore des exemples de ces bâtiments dans les parcs urbains de certaines grandes villes françaises autour de Paris, à Toulouse ou encore à Strasbourg.

En raison de la saisonnalité de sa récolte et de sa rareté relative, l’orange est devenue progressivement un des symboles de Noël et plus largement, le fruit revigorant par excellence de l’hiver, autant pour sa consommation en tant que telle que pour son parfum sous la forme d’une « pomme d’ambre », c’est-à-dire piqué de clous de girofle et déposé dans les armoires à vêtements ou les intérieurs, où la diffusion de son arôme était sensée avoir des vertus hygiéniques.

Sa consommation de masse s’est développée dans l’Entre-Deux-Guerres, avec l’essor de sa culture en Algérie, dont les capacités de production se sont ensuite amoindries avec la guerre de Libération. Les industriels français ayant déplacés les moyens de production vers l’Amérique latine, en Argentine et en Uruguay notamment. Aujourd’hui, sa culture se développe rapidement au Brésil, aux États-Unis et en Chine. En Europe, l’Espagne et l’Italie en restent les principaux producteurs.

En France, il est le 3e fruit le plus consommé, reconnu pour son apport relativement élevé en vitamine C et en minéraux essentiels au bon fonctionnement de l’organisme humain. La consommation totale annuelle dans notre pays dépasse les 335 000 tonnes de toutes les variétés de ce fruit, soit près de 5kg par personne chaque année.

L’orange est un don de la nature d’hiver dont la consommation généralisée montre son intérêt pour l’ensemble de l’Humanité, ce qui pousse le besoin de mieux organiser sa production afin de la garantir notamment des usages massifs de pesticides comme le chloramizol réputé cancérigène et perturbateur endocrinien, qui l’empoissonne trop souvent. D’où la nécessité de bien laver le fruit et d’éviter d’en consommer la peau. Cette réalité malheureuse vient de la nature même du capitalisme qui cherche sans cesse à accroître le rendement sans vue d’ensemble, sans sens des responsabilités collectives. Ceci sans même parler de l’exploitation d’une main d’oeuvre de récolteurs traitée trop souvent à la limite du pur et simple esclavage. Sa distribution aussi mérite d’être revue et mieux planifiée pour éviter les gaspillages énergétiques et logistiques.

La consommation de ce fruit est donc là aussi une chose qui nous ramène au nécessaire besoin de changer le cadre, d’améliorer les choses, afin de pouvoir savourer dignement cet agrume présent depuis si longtemps à nos côtés durant les froides journées d’hiver.

Pour finir sur une note positive, voici une recette de jus d’orange chaud, agrémenté d’épices, qu’il est agréable et fortifiant de déguster après une sortie hivernale entre amis ou en famille au grand air, dans une forêt ou en montagne pour jouir de la beauté de la nature de notre pays en cette saison hivernale.

Jus d’orange chaud aux épices pour 4 personnes

Jus frais de 8 oranges avec un citron (environ 1 l de jus d’orange)
• 1 Grand verre d’Eau
• 1 Bâton de cannelle
• 1 Étoile d’anis

Pressez les oranges. Vous pouvez choisir de garder ou non la pulpe selon le goût.

Dans une casserole, versez le jus d’orange et le mélange d’épices, faites chauffer 4 mn.

Laissez infuser environ 30 mn.

Réchauffez au moment de servir, filtrer les épices avant de servir avec une passoire à thé.

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Société

Une loi sur l’alimentation favorable à l’agro-industrie capitaliste

L’Assemblée nationale a voté en lecture définitive ce mardi 2 octobre 2018 une loi issue des États généraux de l’alimentation. Elle focalise largement sur la question de la grande distribution et des prix, dans un sens favorable au modèle agro-industriel français.

Lors de son discours de Rungis il y a presque un an, Emmanuel Macron avait expliqué qu’il fallait un « changement profond de paradigme » concernant l’alimentation. L’idée derrière cette expression n’était pas de remettre en cause le modèle agro-industriel français mais d’encadrer mieux la position dominante exercée par le secteur de la grande distribution.

Le modèle agro-industriel français qui s’est développé durant les « Trente Glorieuses » a en effet engendré ce monstre de la grande distribution. Ce secteur n’existe que parce que lagro-industrie capitaliste a eu besoin d’écouler massivement et rapidement ses marchandises. Toutefois, sa position privilégiée vis-à-vis des consommateurs lui permet un certain rapport de force.

Essentiellement, cela consiste en une bataille pour baisser plus ou moins artificiellement les prix des marchandises alimentaires, afin d’attirer les clients. Cela rend totalement dépendante la population, et surtout les classes populaires, qui se dirigent forcément vers là où les prix sont les plus bas.

Ce mécanisme a renforcé la position dominante des grandes surfaces, qui se sont largement développées jusqu’à façonner entièrement le quotidien alimentaire des familles ainsi que l’organisation des villes elles-mêmes.

La loi s’inscrit précisément dans ce contexte, avec comme panorama l’épisode récent de la ruée dans des supermarchés pour des pots de « Nutella » à prix cassé, cela alors qu’une simple pomme « bio » est vendue très chère et est finalement assez difficile à se procurer.

La loi présentée par le Ministre de l’agriculture Stéphane Travert ne vise pas à remettre en cause ce modèle. Son intitulé exact est « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable ».

Son objet est surtout une tentative de régulation des contradictions entre le secteur de la production des marchandises alimentaires et celui de leur distribution. La pression à la baisse sur les prix perturbe l’ensemble de l’économie agro-industrielle, et affaiblit notamment la rémunération d’une grande partie des agriculteurs qui sont déjà largement subventionnés.

Seulement, on est pas là dans un modèle cohérent et organisé, mais dans une succession de conflits d’intérêts privés entre différents secteurs et différent groupes qui rend impossible toute tentative d’avancer concrètement. Cela a engendré d’importantes luttes d’influence avec des débats très houleux tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, avec plusieurs milliers d’amendements déposés et en arrière-plan la démission de l’ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot.

La loi vise surtout à encadrer les excès sur les prix avec des promotions sur les produits alimentaires limitées à 34 % de leur valeur et à 25 % des volumes de vente. Le seuil de vente à perte a également été relevé à 10 %, mais tout cela ne représente pas grand-chose. Aucune des parties, agriculteurs ou distributeurs, n’est réellement satisfaite.

L’aspect essentiel qu’il faut bien voir cependant, c’est que le modèle alimentaire français ne changera pas, qu’il restera conforme aux intérêts de l’agro-industrie capitaliste qui le façonne presque entièrement. Cela d’autant plus que les agriculteurs eux-mêmes se sont montré réfractaires à tout changement, assumant totalement leur soumission à cette agro-industrie via leur dépendance aux produits phytosanitaires.

> Lire également : Nicolas Hulot prétend défendre l’écologie pour servir Emmanuel Macron

La bataille pour l’interdiction des néonicotinoïdes et du glyphosate qu’ont mené quelques députés est un échec, de même que la plupart des prétentions réformistes d’améliorer le sort des animaux exploités.

La loi a même reconnu une revendication forte des industriels de la viande qui est d’interdire des termes comme « steak végétal » ou « saucisse vegan ».

Toutes les dispositions visant à plus de transparence sur les produits industriels (OGM, mode d’élevage, origine géographique, pesticide, engrais) ont été rejetées. Par contre, la loi favorise l’encadrement des secteurs protégés, des origines contrôlées. Ce sont des domaines permettant de fortes valeurs ajoutées, destinés à une clientèle aisée, n’existant qu’à la marge du modèle agro-industriel classique qui est la norme pour la majorité de la population.

L’obligation faite à la restauration collective d’avoir un objectif de 50% des achats de produits locaux ou avec un signe de qualité de type « Label Rouge » d’ici à 2022, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique, n’est qu’une tentative de modernisation du secteur.

Il n’y a aucune disposition stratégique agricole et industrielle allant dans ce sens, ni aucun véritable plan productif qui est établi. L’obligation ne concerne que des labels, dont les grands groupes pourront tout à fait s’accommoder d’ici là si cela permet d’assurer et d’élargir les bénéfices.

Cette loi n’a aucune ambition d’améliorer les choses, et la seule mesure allant éventuellement dans un sens positif n’est qu’une mesure d’accompagnement à la marge d’un phénomène qui existe déjà de plus en plus. En l’occurrence, les restaurants collectifs de plus de 200 couverts par jour devront présenter un plan pluriannuel de « diversification des protéines » avec « des alternatives à base de protéines végétales ».

Seulement, il ne suffit pas de décréter les choses par en haut de manière abstraite, sans bataille sur le plan culturel, si c’est pour en même temps laisser la main libre à l’agro-industrie capitaliste qui a totalement façonné les habitudes alimentaires de la population depuis plusieurs dizaines d’années.

L‘obligation, à titre expérimental pour une période de deux ans, d’instaurer dans les cantines scolaires un menu végétarien au moins une fois par semaine n’est par contre pas du tout une bonne chose. Dans le cadre actuel, avec les impératifs tarifaires que l’on connaît, avec les habitudes alimentaires qu’ont les chefs de cantines et avec la position dominante des grands groupes de l’alimentation pour fournir ces cantines, on sait déjà ce que cela donnera. Au lieu de la viande, il y aura des substituts type « nugget » ou « cordon bleu », à base de blé ou de soja industriels insipide, que les enfants n’apprécieront pas du tout (ou qu’ils n’apprécient déjà pas du tout, puisque beaucoup de cantines proposent déjà régulièrement ce genre de produits).

C’est absolument contre-productif, mais cela est conforme à l’agro-industrie capitaliste qui trouve là un nouveau débouché pour diversifier sa production.

Cela fait d’ailleurs quelques années que la grande distribution propose largement ce genres produits. Ce sont des marchandises hautement transformées, ne changeant absolument pas le modèle alimentaire dans un sens meilleur, ni nutritivement, ni gustativement (qui sont deux aspects totalement liés par ailleurs).

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Culture

Joël Robuchon a-t-il révolutionné la gastronomie française ?

Le décès de Joël Robuchon a donné lieu à toute une série d’éloges consacrant son talent et son rôle pour la cuisine française. Il est partout expliqué qu’il a bouleversé les traditions de la gastronomie en bousculant les codes.

Joël Robuchon est connu pour avoir dit :

« À part quelques expériences intéressantes, la grande cuisine française m’emmerde ! »

C’était dans un entretien au magazine l’Express, publié le 11 juin 2009. De manière plus précise, il expliquait juste avant :

« Le concept d’Atelier […] est une formule gagnante, surtout en temps de crise, car elle correspond exactement à ce que les gourmets et les hommes d’affaires veulent aujourd’hui : un comptoir qui donne directement sur les fourneaux, une cuisine minute et sans chichis, des produits de première fraîcheur, des sets de table, des couverts en Inox, un service décontracté et une addition raisonnable.

Il y a peu de temps, j’ai eu une conversation avec François Pinault, qui fréquente mes Ateliers dans le monde entier et qui me disait qu’il supportait de moins en moins les grands restaurants. »

Il précisait ensuite :

« Les plats sophistiqués à l’extrême, les nappes matelassées, l’argenterie, le ballet de trois garçons pour vous servir une assiette et les additions stratosphériques, j’ai assez donné. Il y aura toujours une place pour ce genre d’établissements, mais les clients exigent désormais plus de simplicité, quels que soient leurs moyens. Allez faire un tour dans les restaurants trois étoiles à Paris : la plupart d’entre eux sont à moitié vides… »

Ce grand chef français avait donc fait le choix de satisfaire une clientèle mondiale, cosmopolite, en quête de modernité et de rapidité.

     Lire également > Joël Robuchon, la grande cuisine française pour les riches

Les fioritures de la table française traditionnelle apparaissant pour nombre de ces gens comme dépassées, inutiles, voire encombrantes. Il y a bien-sûr, aussi, une coquetterie de grands-bourgeois qui veulent toujours du nouveau, pour s’imaginer différents, particuliers.

Dans un autre entretien à l’Express, en janvier 2016, Joël Robuchon expliquait :

« Les États-Unis font partie des pays où il y a le plus de végétariens. Même de vegan. On doit avoir des menus pour eux. A Las Vegas [dans son établissement], 20 à 30% de la clientèle est végétarienne, certains jours. »

Il affirmait également :

« Des pays qu’on n’attend pas se rendent compte de tous les bienfaits des produits sains, naturels, sans pesticides ou autres. La France est un des derniers d’Europe dans ce domaine. De toute façon, il faudra changer. »

On a là encore une volonté de s’adapter à une société changeante. Il adoptait un point de vue pragmatique, avec une démarche ouverte, non sectaire.

En mai 2013, dans un entretien au Figaro cette fois, il présentait un projet de restaurant à orientation végétarienne, à Bombay en Inde, avec ce discours :

« Mon constat est simple. C’est maintenant que se jouent les dix prochaines années. Elles s’appuieront sur la santé, et en cela, la cuisine végétarienne sera l’un des axes de cette évolution. Je veux être là. Voilà pourquoi, malgré l’avis de mes proches collaborateurs, j’ai décidé d’ouvrir un Atelier à Bombay à la fin de l’année. J’ai besoin d’apprendre leur cuisine et de suivre leur talent pour jouer avec les légumes et les épices. On n’imagine pas combien un simple plat de lentilles, de pois chiches, de courgettes ou de soja peut être grand… Aujourd’hui, je suis un apprenti, je recommence à zéro. »

Et quand les journalistes lui demandent si la cuisine végétarienne est vraiment de la gastronomie, il répondait franchement :

« Oui, regardez ce que font Alain Passard et Frédéric Anton avec une simple betterave. Le tout, c’est de ne pas s’enfermer dans la haute gastronomie et ses prix astronomiques, mais de rester sur terre. À l’image de ce que nous avons fait dans les Ateliers créés il y a dix ans: de la haute cuisine abordable avec un service convivial. Pas besoin de se compliquer la vie et de multiplier les prix par trois (étoiles). »

De manière intéressante, il a pu dire également :

« Nous quittons la cuisine sophistiquée pour aller vers plus de sagesse, ensuite ça tournera encore. La simplicité reste l’un des plus durs des challenges. Je rêve de voir le concours du Meilleur Ouvrier de France se jouer autour d’un panier de légumes ! »

Ce discours de « bons-sens », de simplicité élaborée, il l’a multiplié à l’envi. C’était comme une marque de fabrique, sa signature, à l’image de sa fameuse « purée ».

Joël Robuchon était-il une figure importante ayant fait avancer la gastronomie française ou bien a-t-il surtout eu un discours conforme à ses exigences commerciales dans une économie mondialisée ?

A-t-il révolutionné la gastronomie française ?

La France est un pays de lettres, donc quand il y a un sujet, il y a souvent au moins un auteur ou un écrit qui lui est associé. En ce qui concerne le gastronomie, c’est l’ouvrage La Physiologie du goût de Jean Anthelme Brillat-Savarin qui fait office de référence.

Publié en 1825, il y a près de deux siècles, toutes les prétentions de Joël Robuchon en termes de simplicité, de bon goût, d’authenticité dans les saveurs, d’intérêt pour la santé, y figurent déjà. Et en mieux, car c’est affirmé d’une manière bien plus radicale et universelle.

Le point de vue est évidemment bourgeois, mais il prend le parti de la civilisation, et non pas de simplement satisfaire quelques clients fortunés à travers le monde.

Jusqu’en 2018, Joel Robuchon a donc surtout été un homme en retard de deux siècles par rapport aux prétentions qu’a pu avoir la bourgeoisie en ce qui concerne la gastronomie.

L’ultra-formalisme et l’entre-soi porté par la grande cuisine française, ou du moins ce qu’elle est devenue au XXe siècle avec ses étoiles au guide Michelin, doit bien-sûr être critiqué, rejeté.

Mais il faut pour cela se tourner vers la population française elle-même, et non pas pratiquer la fuite en avant cosmopolite, au service d’une minorité d’ultra-riches mondialisée.

Bien sûr, la démarche d’ouverture sur le monde est forcément positive ; elle est d’ailleurs constitutive de l’identité française, et donc de la gastronomie française. Mais cela ne signifie pas qu’il faille pour autant jeter par la fenêtre l’héritage culturel français de la grande cuisine et tout l’art de vivre qu’il porte en lui.

La question du végétarisme, et surtout en fait du véganisme, est ici quelque chose de très intéressant. À partir du moment où la question des animaux dans l’alimentation est posée et qu’il est matériellement possible d’y répondre, une société pacifiée et civilisée doit forcément y répondre.

Joël Robuchon n’a pas vu cela, car il ne s’est pas intéressé à la société. Il a simplement entrevu cette possibilité, en tant qu’opportunité commerciale et défit technique. On peut penser que cela est utile, contribuant à faire évoluer les mentalités de par l’influence qu’il a sur la société en tant que grand chef. Mais ce n’est bien sûr pas suffisant. Sa démarche n’était qu’anecdotique, incapable d’aller dans le sens d’un réel engagement.

En ce sens, on ne peut pas dire que Joël Robuchon ait révolutionné la gastronomie française, il l’a simplement modernisé dans un sens plus conforme à son époque.

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Culture

Joël Robuchon, la grande cuisine française pour les riches

Le chef Joël Robuchon est décédé ce lundi 6 août, à 73 ans. Il est unanimement salué et reconnu comme une figure de la grande cuisine française, qu’il a largement participé à promouvoir dans le monde, mais uniquement pour les riches.

À vrai dire, peu de personnes ont réellement goûté à la cuisine de Joël Robuchon. Celle-ci était en effet réservée à une minorité de gens ayant les moyens économiques et culturels de manger dans ses établissements.

Il en est ainsi du luxe et d’une manière générale, de l’art de vivre à la française, accaparé de manière quasi-exclusive par la bourgeoisie. Pour autant, on aurait tort de croire que cette exigence ne concerne que les plus riches simplement parce qu’ils s’en réservent le résultat, réel ou supposé.

L’image d’une immense brigade de cuisiniers en blancs s’affairant sans répits avec des casseroles traditionnelles et des produits frais méticuleusement choisis, est quelque-chose qui plaît largement, à travers toutes les couches sociales.

Joël Robuchon est en ce domaine très apprécié car il incarnait précisément ce style français. Son succès, outre son talent qu’on imagine certain, vient du fait qu’il a su se présenter comme prônant la sophistication, dans une quête de l’excellence.

Il est systématiquement présenté par ses pairs comme un forçat de travail, précis et perfectionniste. Le chef du restaurant parisien trois étoiles L’Arpège, Alain Passart, dit par exemple de lui :

« Il avait une main redoutable et goûtait merveilleusement bien. Il savait corriger un assaisonnement olfactivement. Il avait également une oreille de dingue : il écoutait les cuissons et rectifiait à distance si besoin. »

Sa rigueur vient bien sûr de sa formation originale en pâtisserie, qui est une branche de la cuisine française particulièrement stricte. Il expliquait ainsi lui-même :

« Lorsque vous avez été pâtissier, vous regardez les choses avec un autre oeil. Vos gestes dans la cuisine ne sont pas les mêmes. Il faut faire preuve d’encore plus de précision. Le travail [de pâtisserie] n’est que formule et technique pure. Et ces qualités vous aident plus tard, lorsque vous arrosez un poulet en train de rôtir, quand vous déglacez un plat ou troussez une volaille. »

Joël Robuchon a été formé à l’école des Compagnons du tour de France des Devoirs unis, c’est-à-dire dans un style tout à fait traditionnel, puis a été Meilleur ouvrier de France en 1976. Rapidement, il a décroché deux étoiles au guide Michelin, puis une troisième, la plus haute distinction, en 1984.

Bien que classique, son approche se voulait néanmoins moderne, et donc tournée vers le business. En 1990, il était sacré « meilleur cuisinier du siècle » par le guide Gault & Millau, représentant du courant moderniste de la « Nouvelle cuisine », issue des années 1970

     Lire également > Joël Robuchon a-t-il révolutionné la gastronomie française ?

Après avoir pris sa retraite de chef cuisinier en 1996, à 51 ans, il a développé à travers le monde tout une série de restaurants se voulant à la fois classiques à la française et modernes de manière cosmopolite.

Dans son édition d’aujourd’hui, le journal de droite Le Figaro, qui apprécie largement la démarche du chef, explique :

« Lassé de la haute gastronomie, des plats hyper techniques et des multiples contraintes d’un quotidien harassant, il se ressource et découvre une autre culture, un autre mode de vie. Cela lui inspirera le concept de l’Atelier, qu’il dupliquera partout dans le monde quelques années plus tard, oubliant son désir de retraite oisive. »

Ensuite, il a multiplié les concepts avec des dizaines d’établissements, à Paris, Bordeaux, Tokyo, Hongkong, New York, Bangkok, Las Vegas, Londres, Macao, ou encore Shanghai.

En homme d’affaire aguerri, il n’avait pas la gestion de ces lieux. Il les supervisait simplement, parfois à bord d’une Rolls-Royce mise à disposition, après avoir élaboré la carte et choisi les équipes. Il percevait en échange une redevance, à la manière d’une franchise ou de droits d’auteurs.

Ses contrats de licence et ses marques étaient partagées avec un fonds d’investissement luxembourgeois. Ce parfait capitaliste a très tôt goûté au monde des affaires en s’associant au groupe Fleury Michon dès 1987, puis à la marque Reflets de France de Carrefour en 1996.

Le grand public le connaît surtout pour l’image du chef traditionnel et quelque peu ringard qu’il a su façonner à la télévision. Durant neufs saisons, de 2000 à 2009, tous les midis en semaine, il a conclu chaque épisode de son émission de la même manière : Au revoir, et bon appétit bien sûr !

Pendant 4 min, il expliquait succinctement une recette dite traditionnelle, sans que cela ne soit réellement transposable dans sa cuisine pour le quidam, malgré les prétentions populaires de l’émission.

Ce qui semble avoir le plus marqué les esprits est l’épisode dans lequel il «révèle» comme cadeau de fin d’année le « secret » de sa purée de pomme de terre, particulièrement appréciée dans ses restaurants.

Cela est très cocasse pour celui qui est censé être le chantre de la gastronomie française, car il ne s’agit nullement d’une recette raffinée mais plutôt d’un goût très grossier, permis par une quantité immense de beurre. Il ne conseillait pas moins que 250 g de beurre pour 1 000 g de pomme de terre ! Et cela sans compter les « 20 à 30 centilitres de lait entier » à ajouter.


Cette émission d’un populisme outrancier résume bien la carrière de Joël Robuchon. Sa démarche n’était pas démocratique, mais tournée vers l’enrichissement personnel.

La grande cuisine française a forcément une valeur autre que symbolique, et Joël Robuchon en est certainement un grand représentant, comme l’affirment nombre de spécialistes. Il n’est pas question ici de nier la tradition classique française, avec son raffinement et son art de table issue largement du Versailles de Louis XIV.

Cependant, du point de vue populaire, l’excellence à la française n’est qu’une fiction inaccessible. Elle n’a d’utilité, en matière de gastronomie, que comme faire-valoir pour l’agro-industrie et les entrepreneurs capitalistes du « terroir », eux-mêmes liés à cette agro-industrie et à la grande distribution.

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Culture

La gastronomie végan et ses « chefs étoilés »

Au début du mois, une dizaine de chefs étoilés (absolument pas véganes) a signé une tribune dans Libération intitulée « La gastronomie végan a aussi ses chefs étoilés ».

Au rythme des saisons, potagers et vergers sont une source infinie d’inspiration. D’ailleurs, pour le chef Joël Robuchon, il ne fait aucun doute que «la cuisine végétarienne sera celle des dix prochaines années». Aujourd’hui, la gastronomie végétale ne cesse de se développer et de convaincre.

Dans nos restaurants, où la viande et les productions animales ont longtemps tenu une place centrale, la demande pour la cuisine végétalienne est toujours plus forte. Elle n’est plus cantonnée à l’accompagnement ou à la garniture d’un plat principal habituellement carné : elle devient l’essence même d’un plat, d’un menu.

Nous sommes aux commencements d’une nouvelle histoire et d’une nouvelle culture culinaire qui n’ont pas fini de nous surprendre. Peut-être l’intérêt de certains grands chefs pour la cuisine végétale a-t-il de quoi étonner.

Nous-mêmes, restaurateurs, chefs cuisiniers, pourrions être déstabilisés de voir nos habitudes culinaires malmenées et notre apprentissage (largement basé sur les produits d’origine animale) mis à rude épreuve.

Et pourtant ! Quelles belles perspectives s’ouvrent à nous, qui savons qu’en cuisine, tout est affaire de plaisir et de découverte ! Satisfaire sa clientèle, lui proposer un voyage gustatif, partager ensemble de nouvelles saveurs et textures… La cuisine végétale nous engage à relever ces défis.

Qui aurait en effet prédit que les noix de cajou ou les amandes pourraient permettre la confection de fromages végétaux ?

Qu’il serait possible de composer des mousses au chocolat ou des meringues en utilisant du jus de pois chiche à la place des œufs traditionnels ? Ou encore que le soja et le blé offriraient la possibilité de cuisiner des substituts à la viande animale ?

Et les légumineuses, comme les lentilles vertes, qui apportent goût et texture à un pâté végétal ? Enfin, que dire de ces fruits et légumes oubliés ou venus d’ailleurs, pourtant si riches en saveurs, qui apportent couleurs et originalité à notre cuisine, tels le raifort, le yuzu, le citron bergamote, la betterave jaune, la carotte violette ?

Sans compter ces céréales que notre culture occidentale a délaissées ou connaît si peu, alors même qu’elles peuvent réaliser de petits miracles en cuisine : le sarrasin, le petit épeautre, le kamut…

Nous pensons qu’aimer la cuisine, c’est oser relever de nouveaux défis, briser les codes et revisiter sans cesse la gastronomie dite «traditionnelle».

Penser et créer un menu entièrement végétal, c’est s’amuser : jouer sur la présentation, la coupe des légumes, les cuissons, les associations de saveurs et de couleurs.

C’est faire honneur à notre passion, tout en étant conscient des enjeux environnementaux. Vous aussi, laissez-vous surprendre par la cuisine végétale, et surtout soyez curieux !

Signataires : Jean-François Bérard Les Collectionneurs, La Cadière-d’Azur (Var), Jean-André Charial L’Oustau Baumanière, Les Baux-de-Provence (Bouches-du-Rhône), Julien Dugourd La Chèvre d’or, Eze (Alpes-Maritimes), Lionel Giraud La Table Saint-Crescent, Narbonne (Aude), Grégory Hamon Zest, Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine), Xavier Isabal Ithurria, Aïnhoa (Pyrénées-Atlantiques), Clovis Khoury Maison Clovis,Lyon, Geoffrey Poësson La Badiane, Sainte-Maxime (Var), Marina Réale-Laden Château de Coudrée – François-Ier,Sciez (Haute-Savoie), Emmanuel Renaut Flocons de Sel,Megève (Haute-Savoie), Christian Sinicropi Hôtel Martinez, Cannes (Alpes-Maritimes), Stéphane Tournié Les Jardins de l’Opéra, Toulouse (Haute-Garonne), Benoît Vidal L’Atelier d’Edmond, Val-d’Isère (Savoie).

Objectivement, que dire de ce torchon? Tout d’abord, la restauration gastronomique est une aberration économique.

Même si l’on adopte un point de vue capitaliste, c’est un investissement catastrophique, qui n’existe que pour deux raisons : a) l’existence d’un marché du luxe visant à satisfaire les exigences d’une clientèle fortunée qui souhaite se distinguer du commun des mortels par ses choix de consommation et b) l’existence de cuisiniers-entrepreneurs qui se prennent pour des artistes, alors que la cuisine est, au mieux, dans sa forme la plus élaborée, un artisanat.

Rappel des chiffres : les repas gastronomiques représentent seulement 1% des repas consommés hors domicile en France.

Le ticket moyen d’un repas pris hors domicile le midi, lui est de 13,10 euros, mais un tiers des ces repas coûte moins de 10 euros… contre 150 euros pour un repas pris dans un deux étoiles.

La restauration gastronomique doit donc être vue comme une vitrine, et quand cela fonctionne, c’est parce que qu’il y a derrière un empire économique composé de lignes de produits en barquettes vendues en grandes surfaces, d’émissions de télé, de complexes hôteliers, de poêles en téflon, d’écoles de cuisine, etc…

La gastronomie a toujours souffert d’une crise d’identité, prétendant être ce qu’elle n’est pas, pour essayer de cacher son vide culturel abyssal. Pour occulter l’essentiel, à savoir qu’elle est un loisir à destination de la bourgeoisie. Et que hors de ce périmètre, elle n’a aucun sens et aucune raison d’être.

Comment peut-on se fantasmer artiste, quand on méprise totalement la vie et qu’on ne voit qu’un « produit » à « travailler »? Il faut être totalement déconnecté du réel, et les protagonistes de la haute cuisine sont passés maîtres dans l’art de se raconter des fables.

A leur décharge, c’est grâce aux bataillons de personnes aliénées volontairement impressionnables à la vue d’un homme en blanc en train de renifler pensivement un bouquet de sarriette, qu’ils trouvent encore une forme de validation culturelle.

Et donc, quel sens accorder à la tribune parue dans Libération « La gastronomie végan a aussi ses chefs étoilés »?

Eh bien d’abord, c’est purement de l’opportunisme, mais comme tous les opportunistes intelligents, ces grands chefs ont tout d’abord eu le soin de développer une passion pour leur nouveau sujet d’étude, car oui évidemment que c’est un plaisir de cuisiner sans souffrance animale.

Ensuite, c’est un constat à la ramasse, avec la fameuse citation de Joël Robuchon, « la cuisine végétarienne sera celle de ces 10 prochaines années », déjà vieille de 4 ans. Dépéchez-vous, il ne vous reste que 6 ans!

Enfin, c’est une provocation. Aux menus de ces chefs-entrepreneurs, on trouve entre autres, « Veau et foie gras » à 75 euros, et « Le Trio: Terrine de la Cheffe, coussin de Pieds de Veau « Tremollette », Foies de Volaille, condiment médiéval », entrée à 22 euros.

Comment, dans ce contexte, peut-on prétendre avoir un quelconque rapport avec le véganisme? C’est grotesque, obscène. D’ailleurs, il n’y a dans la tribune aucune référence à des considérations morales, à des choix de vie, de société.

Ce triste constat n’est que le reflet de ce qui est en train d’arriver au véganisme, qui est vidé de son contenu pour ne devenir qu’un produit de niche, une part de marché, alors que l’exploitation animale se fait chaque jour plus violente au niveau mondial.

Aujourd’hui, une jeune personne végane qui souhaite se former professionnellement au métier de cuisinier doit affronter un véritable parcours du combattant pour être prise au sérieux, arriver à valider son apprentissage, et trouver un emploi.

Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des contradictions de notre époque, mais qui illustre bien la nécessité de faire un recadrage de ce qu’est le véganisme, à savoir, un choix de société. Et ces gens-là n’ont rien à dire, rien à apporter qui puisse faire avancer l’humanité et son rapport à la nature.

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Le Yuzu comme nouveauté gastronomique

Le mot Yuzu, du japonais 柚子, est entré dans l’édition 2016 du Larousse. Son usage généralisé est en effet un phénomène récent. Il s’agit d’un agrume servant essentiellement de condiment, popularisé dans le vocabulaire par les émissions culinaires comme Top Chef, où il entre régulièrement dans la liste des ingrédients utilisés par les candidats ou les cuisiniers invités à proposer une épreuve.

Si le Japon est aujourd’hui le premier producteur et le premier consommateur de ce fruit, son origine attesté est chinoise, où il est connu sous le nom d’oranger du Gansu (香橙), ce qui reste d’ailleurs son appellation taxinomique officielle dans la botanique française.

La région en question est un plateau semi-aride aux hivers rigoureux et aux nuits fraîches. De là, l’arbuste donnant le fruit a tiré une remarquable rusticité et développé un fruit contenant peu de chair, beaucoup de pépins et un jus très concentré et particulièrement aromatique.

Prisé dans la gastronomie de l’Extrême-Orient, on le retrouve dans nombres de préparations culinaires, cosmétiques ou pharmaceutiques : en Chine, en Corée et surtout donc au Japon aujourd’hui.

C’est la mobilité et les échanges entre des chefs cuisiniers étoilés français et des membres du jury du Guide Michelin, qui ont dans les années 2000-2010 attribués beaucoup d’étoiles à des restaurants de Tokyo, mais aussi la venue d’apprentis ou de chefs cuisiniers japonais en France qui ont introduit cet agrume dans les pratiques gastronomiques de notre pays.

D’abord donc, ce fut une sorte de privilège distinctif de restaurants prétentieux adressés à la grande bourgeoisie et aux amateurs de son style, avant que ces mêmes chefs ne l’exposent de part leur participation aux émissions culinaires, notamment celles des chaînes du groupe M6.

Fort de ses qualités d’agrume rustique et aromatique, propre à supporter largement les hivers français, son usage et même sa culture commencent à se généraliser en France.

Celle-ci restant encore confidentielle et adressée à des restaurants étoilés par le Guide Michelin. Son exploitation capitaliste en France en reste encore au niveau de l’importation commerciale, mais déjà ce fruit est pris dans les logiques de la lutte des classes.

Mais en ceci comme pour le reste, nul doute que son appropriation populaire et son intégration dans notre cuisine et dans les cultures, en respect des potentialités de son arbre et de notre écosystème, est une affaire de temps.