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Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino : encore de l’ultra-violence

Once Upon a Time in Hollywood, le nouveau film de Quentin Tarantino est encore une fois accueilli avec ferveur par la critique. Toutefois, on peut légitimement être très sceptique quant au message délivré par ce film.

Quentin Tarantino est devenu une icône de la culture populaire moderne pour ses films « cool », dans lesquels s’entremêlent B.O mythique, violence esthétisée et références à différents cinémas de genre très populaires (film de kung fu, western, film de guerre, etc.) Dans ses films, la technique est au service d’un scénario souvent minime, au profit d’une œuvre esthétique qui fonctionne sur la citation et la parodie.

Once Upon a Time in Hollywood se déroule en 1969, une époque hautement symbolique durant laquelle la contestation sociale et politique est particulièrement intense à travers le monde : les États-Unis sont quant à eux déchirés par la guerre du Vietnam.

Quentin Tarantino choisit volontairement de placer son film à cette période, dans un Hollywood fantasmé et totalement coupé des réalités sociales et politiques du monde. Certains diront qu’on ne peut lui faire de procès d’intention, le titre, écrit à la manière d’un conte assume cette déréalisation. C’est justement le cœur du problème. Le réalisateur nous livre là un de ses films les plus réactionnaires.

Comme à son habitude, il utilise la réalité historique pour y placer ses obsessions. L’épicentre mondiale de l’industrie du divertissement de masse est filmé avec nostalgie, la nostalgie d’une époque révolue : celle de la pseudo insouciance des sixties, avec ses voitures de sports, ses fast-foods et ses soirées débridées dans le manoir Playboy. Une période que Quentin Tarantino semble regretter lorsqu’il se perd dans de longs plans descriptifs faisant la part belle aux grosses cylindrées et à l’industrie du spectacle hollywoodien.

Comme à son habitude il s’applique à rendre cool et à sublimer une certaine « culture populaire » et ses représentations, à travers ce haut lieu symbolique qu’est Hollywood. Son cri d’amour à cette période révolue résonne aujourd’hui comme particulièrement anachronique et réactionnaire. Toute l’effusion sociale et politique de l’époque est gommée : il ne reste que le portrait de la ville aux illusions et ses symboles, voiture, virilité, consommation. Tout ce dont nos sociétés ont besoin de se libérer.

Un des personnages principaux joué par Brad Pitt, héros ultra-violent, incarnation de la virilité la plus rétrograde, est accusé d’avoir tué sa femme. Le film joue sur l’ambiguïté du personnage, sans jamais questionner sa violence. Au contraire, tout est fait pour le sublimer et le rendre attrayant.

La place des femmes, comme souvent dans ses films, est hautement problématique. Dans Once Upon A Time In Hollywood, il n’y a que trois types de femmes : les femmes légères du Playboy mansion, la femme fétichisée (Sharon Tate) et les épouvantables femmes de la communauté de Charles Manson.

1969, dans la mémoire collective idéaliste, c’est la période qui marque la fin des illusions, la fin de l’insouciance de l’après guerre. Ici, la transition est symbolisée par le massacre de Sharon Tate par la « famille » de Charles Manson. C’est cette charnière que Quentin Tarantino veut représenter et comme à son habitude, il utilise un procédé habituel de ses longs métrages : la déréalisation. Comme dans Inglorious Basterds ou Django Unchained, il s’affranchit volontairement de toute vraisemblance historique pour représenter l’histoire telle qu’il la fantasme.

Une fois encore, le procédé est abject, puisque toute l’intrigue du film conduit à cette ultime scène d’ultra-violence : véritable défouloir et apologie de la vengeance et de la justice par soi-même, qui réécrit l’histoire comme le réalisateur l’aurait aimé. C’est du pur subjectivisme, qui aide simplement la société à se reproduire dans ses caractères les plus violents et social-darwinistes.

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Le film « Voyage au bout de l’enfer » de Michael Cimino (1978)

Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter) est un film réalisé par Michael Cimino sorti en 1978.

Il s’agit d’un film emblématique du “Nouvel Hollywood”, un mouvement cinématographique s’étalant de la fin des années 1960 au début des années 1980, caractérisé par une modernisation dans la production des films, mais aussi dans la mise en scène et l’approche des sujets traités, plus brut. On y trouve, entre autre, des influences de la Nouvelle Vague française et du néoréalisme italien.

Voyage au bout de l’enfer est un film sur la guerre, mais qui ne montre que très peu la guerre en tant que tel. Sur trois heures de film, on distingue trois actes bien distincts.

Le premier, qui dure un peu plus d’une heure, pose les personnages, le contexte, l’environnement social, d’une manière très réaliste.

Cimino nous plonge au sein d’une communauté d’immigrés russes vivant en Pennsylvanie, parmi lesquels trois ouvriers ont été engagé pour partir faire la guerre du Vietnam.

On assiste au mariage de l’un d’eux (Steven, interprété par John Savage), quelques jours avant le départ, lors une magnifique séquence de fête populaire qui frappe de par son réalisme et par la virtuosité de la mise en scène, notamment lors des scènes de danses. Cette scène a été filmé lors d’un véritable mariage, ainsi les figurants n’en sont pas vraiment, renforçant la vraisemblance et la charge émotionnel de la scène.

Il y a également eu un gros travail préalable des acteurs, d’immersion dans cette communauté de Pennsylvanie, afin de s’imprégner de l’ambiance et de renforcer les liens entre eux. Un des membres de la bande d’amis dans le film est d’ailleurs interprété par un acteur non professionnel, un ouvrier rencontré lors de la pré-production.

Tout cela se ressent durant ce premier acte, cela sonne vrai, tout une communauté et ses enjeux humains sont posés, préparé pour le drame à venir.

En un plan, le film passe au Vietnam, dans la jungle, où nous retrouvons Steven, Mike (Robert De Niro) et Nick (Christopher Walken). La transition, de par l’ellipse du départ, du voyage, et de l’arrivée sur place, est brutale, comme doit l’être le fait d’être arracher à sa vie pour être envoyer au front, dans un pays lointain, où tout est étranger.

Ce second acte est principalement marqué par la séquence de la roulette russe, ou les geôliers imposent aux soldats américains et à leurs alliés capturés le « jeu » de la roulette russe.

C’est une scène extrêmement intense et difficile mais qui à elle seule représente bien toute la folie, la violence et l’absurdité de la guerre et c’est ainsi qu’il faut la voir : comme une métaphore de la barbarie guerrière tel qu’elle est vécu par ces soldats américains.

Le troisième et dernier acte est celui du retour,  où plus rien ne peux être comme avant, où les blessures sont tout autant physiques que psychologiques.

Une très belle scène de chasse – dans la mesure où une telle scène peut avoir une quelconque beauté, de par son caractère meurtrier – faisant écho à celle de la première partie, illustre un changement du rapport à la violence et à la vie en général. Rapport qui se montre dialectiquement ambivalent dans d’autres séquences, par l’aspect autodestructeur qui rattrapera certains vétérans.

Michael Cimino dresse en trois heures une grande fresque humaine, sur contexte de guerre, de ses dégâts, sur ceux qui partent et qui n’en reviennent jamais indemnes, mais pas uniquement, car à la fin c’est toute la communauté qui a été présenté dans le premier acte qui se retrouve meurtri par cette guerre, dépassant ainsi le cadre individuel.

Tout cela en fait un film très fort émotionnellement, à la portée universelle ; Michael Cimino est un réalisateur incontournable.