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Roky Erickson, figure hippie marquante

La mort de Roky Erickson a été annoncé et cela a marqué les personnes aimant la musique et particulièrement celle produite par la scène hippie. C’est que l’histoire est connue et terrible : ce musicien formidable est devenu très rapidement totalement fou en raison des drogues. La carrière du groupe The 13th Floor Elevators, une grande référence, s’effondra ici dès le départ, ce qui marqua fortement les esprits.

La sortie de l’album The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators en octobre 1966 fut un tournant sur le plan musical. Il y avait un esprit d’expérimentation, de découverte de nouveaux sons, sans jamais pour autant perdre de vue la mélodie ni le haut niveau de musicalité. La musique psychédélique, c’est pour résumer comme le grunge, mais avec l’enthousiasme et la volonté d’affirmer une culture nouvelle, de faire des mélodies accrocheuses et populaires.

La chanson You’re Gonna Miss Me est un classique du genre.

Seulement voilà, les hippies combinaient esprit de révolte, mise en avant de la culture, et un comportement anti-social expérimentateur typiquement classes moyennes. Les expérimentations avec les drogues étaient censées apporter un « plus » pour l’ouverture d’esprit.

Il y a ici deux interprétations, justement. Pour l’une, reflétant le libéralisme culturel, c’est bien par les drogues qu’un haut niveau culturel a été atteint. Ce sont les individus créatifs qui apportent des choses. Pour l’autre, c’est malgré les drogues que le haut niveau culturel a été atteint.

On remarquera bien entendu que la première interprétation est partagée par la « Gauche » post-moderne, post-industrielle, la seconde par la Gauche historique.

Il y a ainsi la légende comme quoi Roky Erickson ne serait devenu fou qu’après un passage en hôpital psychiatrique, qu’il a choisi pour éviter la prison pour possession de marijuana. Il aurait été maltraité au point de succomber mentalement. Et il a indubitablement été torturé, puisqu’il a subi des électro-chocs.

Mais en réalité il avait craqué déjà à la base, ce qui l’amena donc à se considérer comme un extraterrestre. Roky Erickson n’a par la suite été plus que l’ombre de lui-même, produisant quelques disques sans valeur, finissant sa vie dans un taudis avec sa mère, tout en consommant du LSD de manière hebdomadaire.

Son apport a marqué et en 1990, une compilation de reprises (When the pyramid meet the eye-tribute to Roky Erickson) avait été faite pour l’aider financièrement. Mais si l’idée est sympathique, c’est se focaliser sur un individu, alors qu’il s’agissait d’une personne membre d’une large scène en 1965-1968, dont le grand témoignage sont les fameuses compilations Nuggets, incontournables.

Quant à l’album des 13th Floor Elevators, il est vraiment incontournable et fait partie des plus grandes œuvres musicales de la seconde moitié du XXe siècle.

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Love – Forever Changes (1967)

A sa sortie en 1967, Forever Changes du groupe américain Love n’eut aucun succès. S’il reste encore strictement inconnu du grand public, il est depuis unanimement considéré par les critiques musicaux comme un des plus grands chefs d’œuvre.

Le paradoxe est que, loin d’une sur-esthétisation, d’un intellectualisme élitiste ou quoi que ce soit de ce genre, l’album est bien d’une très grande accessibilité.

On comprend pourquoi il fut l’album préféré des Stones Roses et de leur producteur, justement en raison de cette fragilité jamais gratuite, cette esthétique formidable et jamais ostentatoire, toujours ouverte, lisible, connaissable.

A cela s’ajoute bien entendu une incroyable synthèse de folk, de rock psychédélique, avec des éléments préfigurant la pop, alors que des guitares acoustiques accompagnent une démarche orchestrale.

La chanson Alone again or est la plus emblématique et la plus célèbre (« on dit que ça va ; je n’oublierai pas, toutes les fois que j’ai attendu patiemment pour toi, et tu feras seulement ce que tu as choisi de faire, et je serai encore seul ce soir ma chère »).

La chanson A House Is Not a Motel est également marquante, avec son éloge du couple (« Une maison n’est pas un hôtel de passage »).


Le groupe avait saisi une certaine précarité du mouvement hippie et l’échec de l’album amènera son implosion, avec un basculement encore plus flagrant dans l’héroïne et le LSD.

La critique de la société est profondément romantique, avec une exigence résolument franche d’une autre vie, comme ici avec Live And Let Live (Vivre et laisser vivre) : « J’ai t’ai vu de nombreuses fois de par la passé, une fois j’étais un Indien, et j’étais sur ma terre, pourquoi est-ce que tu ne comprends pas ? (…) J’ai fait mon temps, je l’ai bien servi, tu as fait de mon esprit une cellule ».

Le phrasé de Bummer In The Summer est également très puissant de par sa dimension blues, l’histoire comptant la mésaventure d’un plombier qui a trouvé la femme de ses rêves, mais la jalousie environnante agresse leur relation et lui rappelle à la femme sa liberté.

La référence à Love a été relativement partagée dans le milieu rock, des Ramones à Alice Cooper, de Jesus and Mary Chains à Billy Bragg, de Robert Plant au Velvet Underground, etc. La chanson Alone Again or fut notamment plusieurs fois reprises.

Voici la version des Damned, des Boo Radleys, des Oblivians, de Sarah Brightman, d’UFO, et enfin une version de Bryan McLean, le membre de Love auteur de la chanson et par ailleurs ancien roadie des Byrds.






Il est à noter que ces références à Love profitent également de la chanson Seven and Seven Is, de de l’album précédent datant de la même année, Da Capo, connue pour avoir une très forte dimension pré-punk.

Cependant, au-delà de la dimension expérimentale caractérisant Love, Forever Changes est marquant comme album avec beaucoup de sensibilité, partant selon dans le tourmenté déboussolé, le réconfortant, l’agressif protestataire, le frénétique ; c’est un album qui affirme toute une recherche d’expression des facultés émotionnelles lors de la vague psychédélique et hippie.