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Écologie

Strasbourg: violent séisme causé par un projet industriel géothermique

Jeudi 3 décembre 2020, un séisme non-naturel de magnitude 3,5, suivi d’une secousse dépassant les 2 sur l’échelle de Richter, a été ressenti dans tout le Nord de Strasbourg. Des habitations ont été endommagées, des portes se sont effondrées, et nombre de familles ont été réveillées et terrifiées par la violence du choc. Toute la population n’a parlé que de cela dans les heures et les jours suivants. Heureusement, les dégâts sont restés mineurs et il n’y a pas eu de victimes, mais cela a posé ouvertement la question de la géothermie et à travers elle, de la gestion politique des projets industriels et de notre capacité collective à changer la vie.

La géothermie est une technologie qui consiste à forer le sol à une grande profondeur, de plusieurs kilomètres, pour atteindre des nappes d’eaux chauffés par l’activité magmatique de la Terre. Il s’agit de relier en pratique deux puits de forage, l’un pour injecter de l’eau pour générer une pression et un puissant courant, et de capter à un autre puits l’eau ainsi chauffée. Le circuit ainsi formé permet de disposer d’une énergie théoriquement renouvelable et « propre ». Cette énergie permet de disposer de quoi assurer le chauffage du réseau urbain notamment.

À vrai dire, c’est donc déjà une énergie dont les usages sont finalement relativement réduits, puisque se pose la question de l’usage de cette eau chaude en dehors des cinq mois d’hiver. La majorité de l’année, l’installation produit un surplus d’eau chaude qui ne correspond donc pas aux besoins, et ce surplus devra donc être rejeté dans les eaux ou l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau. L’impact écologique de ce rejet a beau être faible sans doute, et encore cela n’est pas aussi simple, on peut de toute façon relever l’absurdité de produire pendant sept mois de l’année une grande masse de chaleur pour la rejeter en pure perte.

Le déploiement de cette énergie a en réalité toute une histoire en Alsace. Le sous-sol alsacien est sur le plan géologique un fossé d’effondrement, avec des remontées magmatiques qui permettent de recueillir de l’eau chaude de manière naturelle. C’est la raison pour laquelle depuis l’Antiquité il existe le long du Rhin des villes thermales comme Baden-Baden par exemple.

L’idée d’industrialiser l’utilisation de cette ressource a en soi une certaine logique. Depuis les années 1990, de nombreux projets ont donc vu le jour dans la région, en Allemagne ou en Suisse. Dans la pratique, le dispositif génère forcément un certain niveau de secousse et le risque de déstabiliser les couches du sous-sol est réel.

Le problème est que l’on ne connaît pas avec une grande précision l’organisation de ces couches et que l’on ne peut pas mesurer les effets des pompes nécessaires à l’instauration du circuit et les éventuels risques autrement que de manière empirique, par des tests et quelques modélisations dont la fiabilité repose justement sur une connaissance fine de la géologie locale, qui ne peut s’acquérir que par l’expérience.

Dans la région, beaucoup de projets ont donc dû être redimensionné ou même purement et simplement arrêté, comme à Saint-Gall en Suisse, suite à un séisme déclenché, moins important que celui ressenti jeudi 3 décembre dans le Nord de Strasbourg.

Sur la rive gauche le projet emblématique est celui de Soultz-sous-Forêts, dans le Nord de l’Alsace. Le premier forage y date de 1987. De nombreux errements ont conduit à réduire le plan à 2 forages sur les 4 réalisés. Le site présentait pourtant l’avantage d’un sous-sol étudié suite à l’exploitation pétrolière de la région au début du XXe siècle et un fluide naturel abondant : une eau saumâtre (salinité trois fois supérieure à l’eau de mer) présente en quantité importante dans les fractures naturelles du granit et qui circule naturellement sur de grandes distances. Les stimulations hydrauliques ont cependant provoqué de très nombreux séismes dont 4 d’une magnitude dépassant les 2 sur l’échelle de Richter, avec 2,9 de maximale. À pleine puissance la centrale produit 1,5 MWe, soit environ 10 GW/h par an.

Or, le schéma directeur des énergies adopté par les élus de l’Eurométropole de Strasbourg prévoit d’aller beaucoup plus loin encore, jusqu’à 620 GW/h produits par la géothermie, ce qui laisse forcément craindre que pour atteindre un tel niveau, la pression exercée sur le sous-sol pourrait être dangereuse. D’autant qu’un autre site de forage au Sud de Strasbourg, à Illkirch-Graffenstaden, a été abandonné en 2019 suite aux trop nombreux séismes.

Le site du Nord de Strasbourg, à Vendenheim, est en réalité encore plus problématique. Toute la structure du sous-sol y semble instable, et de toute façon inconnue, et l’entreprise qui exploite le site, Geoven, une filiale de Fonroche, procède littéralement au doigt mouillé, opérant des tests au coup par coup, y compris par des tirs d’explosifs.

La population se dresse donc de plus en plus contre ces projets. L’Alsace étant une région fortement industrialisée, les associations d’habitants, animées par des ingénieurs et des ouvriers qualifiées et par des personnes éduquées d’une manière générale y sont nombreuses et organisées. Le niveau de connaissance et la capacité à saisir les problèmes de cette nature sur le plan technique et d’en poser les enjeux est donc forte.

Cela se heurte directement aux prétentions gestionnaires de l’État et des équipes municipales de l’Eurométropole de Strasbourg, dominée par la petite-bourgeoisie éduquée de sensibilité centriste, de type démocrate-chrétien ou EELV. Ces derniers partagent la volonté de faire de Strasbourg une vitrine de la « transition énergétique », sur la base d’un « capitalisme rhénan » humaniste et responsable. L’idée est de proposer le développement d’un capitalisme appuyé par des « experts » conseillant les élus avec la coopération d’entreprises engagés dans une démarche responsable, dans la logique de la « transition ».

Sur cette ligne technocratique et gestionnaire, toute une série de projets ont ainsi été lancés au début des années 2000. Aujourd’hui, tous ces projets se heurtent à des contradictions de plus en plus nettes : le soutien aux chaufferies au bois par exemple génèrent une terrible pollution aux particules fines sans même résoudre la question de la réduction des gaz à effet de serre, contribuant au sinistre résultat qu’aujourd’hui la ville de Strasbourg est une des villes les plus polluées de France, avec un triste record des AVC des moins de 30 ans.

La géothermie entre aussi dans ce cadre. Vantée comme permettant de réduire les pollutions atmosphériques et le rejet de gaz à effets de serre, cette technologie devait être emblème écologique du « mix énergétique » développé à Strasbourg. L’entreprise Fonroche en elle-même répondait parfaitement à ce cadre, étant une sorte de start-up de l’énergie, saluée par Emmanuel Macron lui-même.

Seulement, on se rend compte aujourd’hui que cette entreprise agit de manière opaque, qu’elle a généré pour l’exploitation du site une filiale, Geoven, au capital social ridicule de 1000 euros, pour un projet de plusieurs centaines de millions d’euros. Le fond d’assurance couvrant les risques potentiels ne dépasse pas lui quelques dizaines de millions d’euros, et sous-estime donc gravement l’ampleur d’une catastrophe majeure, la zone étant presque totalement urbanisée. Enfin, le contrat signé avec Fonroche ne prévoit pas directement l’alimentation du chauffage urbain, mais l’achat des KW/h produits, y compris si ceux-ci n’auraient aucune destination, comme cela sera probablement le cas une grande partie de l’année donc.

La Gauche au pouvoir dans l’Eurométropole de Strasbourg, aujourd’hui dirigé par EELV, mais qui suit l’ancienne majorité emmenée autour du PS, avec les mêmes personnes de toute façon, reste donc bien silencieuse sur ce projet. C’est tout son projet de vitrine de la « transition » dans le cadre du capitalisme local qui est ébranlé en réalité. Il y a une nécessité bien entendu à penser une modernisation des utilisations et de la production énergétique, avec des moyens et des technologies qui ne manquent pas.

Mais toute la démarche technocratique et entrepreneuriale présentée comme allant de soi par les élus de cette majorité se trouve aujourd’hui mise en défaut à la base même. Face aux vertiges des contradictions complexes qui s’accumulent, le masque apparaît bien trop grand pour la petite-bourgeoisie entrepreneuriale et gestionnaire, qui n’arrive pas à dépasser ses propres préjugés, malgré toutes les capacités disponibles et qui se fait dépasser par une population organisée, très bien informée et qui se sent de plus en plus légitime à se faire entendre sur ces projets qui concernent directement la vie quotidienne.

Or les élus ne savent plus comment faire face à cette impasse. Ils sont piégés par leur propre routine : les dossiers avaient été bien montés, les entreprises bien choisies, l’argent bien géré. Comment en est-on arrivé là ? Jusque-là, le seul espace laissé à la population et à son avant-garde éclairée, était le cadre borné de la « gouvernance » qui consistait à faire s’asseoir les associations locales avec des experts, les élus et les entreprises concernées, en vue de négocier le consentement de la population, dans une logique libérale du lobbying participatif.

Mais le ton monte au sein des associations et dans les commentaires que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, ou sur les médias locaux. Les élus de la petite-bourgeoisie éduquée sentent bien qu’il leur faudrait se mettre davantage au niveau de la population, et même disons le, à la remorque de ses éléments les plus avancés, puisque rien ne peut se décider sans le peuple et que le peuple peut tout. Celui-ci mesure toujours plus ses capacités et exige une place plus grande dans les débats. Mais malheureusement, il ne sait pas qu’il lui faut aussi pousser plus loin, prendre plus de pouvoir, décider réellement.

Les élus de la Gauche gouvernementale locale sentent que le masque du changement est trop grand pour eux, malgré leur engagement et leurs capacités. Les habitants, et les secteurs conscients du peuple, sentent qu’ils ont la capacité d’organiser, de penser, de mener le changement. Mais les uns et les autres ne voient pas encore le chemin vers la rupture qui ouvrira la voie à une réelle démocratie portée par le peuple et appuyée par les capacités de notre époque. Plutôt, ils ne le voient pas jusque-là. Pas encore.

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Société

L’État français incapable d’empêcher un match de football avec 400 jeunes à Strasbourg

Selon les fantasmes de l’ultra-gauche et des petits-bourgeois radicalisés, l’État français exercerait une véritable dictature terroriste dans le pays, profitant de la crise sanitaire pour renforcer son autorité. En vérité, c’est le règne du libéralisme et du laisser-aller en France et l’État se retrouve régulièrement impuissant, comme face à ce simple match de football rassemblant 400 jeunes irresponsables à Strasbourg.

400 jeunes se sont retrouvés dimanche sur un terrain de football d’un quartier de Strasbourg, pour un match organisé sur les réseaux sociaux. Il ne s’agit pas de quelques adolescents bravant les règles pour une partie improvisée, comme c’est très souvent le cas à Strasbourg mais aussi un peu partout en France. C’était un match arbitré, avec les joueurs portant un maillot de couleur et des crampons, des centaines de spectateurs autour, quelques pétards, un envahissement du terrain, un défilé des vainqueurs, etc. Le Parisien a compilé des images glanées sur les réseaux sociaux, qui sont pour le moins hallucinantes alors que règles sanitaires contre le covid-19 sont encore en vigueur en France :

Selon la version officielle, la police municipale n’aurait été au courant que tardivement, constatant impuissante la fin de la partie. Personne ne pourra croire une telle version, alors que le terrain se situe en pleine ville et qu’il est immédiatement visible depuis de nombreux immeubles. Sans compter le bruit qu’a généré un tel rassemblement dans un quartier d’habitations le dimanche.

Il y a qu’en France, dans de nombreuses situations, et particulièrement dans les cités populaires comme ici dans le quartier des Poteries à Strasbourg, la police n’est pas en mesure d’intervenir sans déployer des moyens immenses. Alors la consigne est de ne pas intervenir. Un tel match en pleine crise sanitaire alors que les rassemblements de plus de dix personnes sont censés être interdits est pourtant une faillite complète pour l’État. C’est aussi une faillite pour la société que d’avoir autant de jeunes, dont beaucoup très jeunes, presque uniquement des garçons il faut le préciser, assumant un tel mépris de l’intérêt collectif, en l’occurrence de la santé des personnes les plus fragiles. Cela relève directement du cannibalisme social, qui gangrène les cités populaires, laissant nombre de familles populaires dans le désarroi, avec comme seule perspective de fuir le quartier.

L’État français n’en a rien à faire des cités populaires, comme il n’en a rien à faire que les petits-bourgeois des centre-villes s’amassent sur les pelouses par centaines, poussant le mépris pour les règles sanitaires jusqu’à se faire la bise pour les plus arriérés d’entre eux.

C’est ce même État qui, via le juge des référés, a fait sauté l’arrêté du maire de Strasbourg obligeant le port du masque dans les rues du centre-ville. C’était pourtant une mesure de bons-sens dans un lieu aussi dense, alors que le masque est déjà obligatoire dans les transports, qu’il est logiquement imposé dans de nombreux commerces, chez les dentistes, pour de nombreux travailleurs, etc.

Seulement voilà, il y a des gens que cela insupporte, qui s’imaginent entravés dans leur vie à cause du masque, incapables d’un minimum de discipline pour l’intérêt collectif. Ce sont ces mêmes gens qui fantasment contre le prétendu totalitarisme de l’État français, qui est pourtant incapable d’empêcher un simple match de football de quartier.

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Politique

Les élections municipales en Alsace et la Gauche

En Alsace, tout reste à faire pour la Gauche. Réputée « terre de Droite », l’Alsace est surtout remarquable par la passivité des ouvriers et des forces populaires, de plus en plus subjugués par le nationalisme du Rassemblement national. Ceci dit, ici comme dans le reste de notre pays, la situation est en réalité identique. Elle prend certes un tour particulier en Alsace du fait de l’Histoire de cette région où la Gauche a subi de lourds reculs. Mais là aussi s’affirment des besoins, une nécessité forte, auxquels il est du devoir de notre camp de répondre.

C’est une certitude jamais franchement expliquées par les médias lorsqu’ils parlent de l’Alsace comme étant une « terre de droite ». Reconnaissons le fait que l’Alsace constitue dans notre pays un bastion de la Droite, dans sa version libérale comme dans sa version réactionnaire comme un constat incontournable.

Bien entendu, il faut voir aussi l’abstention massive, notamment lors des élections municipales justement (entre 55 % et 65 % ces dernières années). Mais encore faudrait-il dire que bien souvent, et notamment pour les élections municipales, cette abstention n’est qu’un autre reflet de la popularité du RN malheureusement. Elle est forte dans les communes qui votent massivement pour l’extrême-Droite mais où le RN n’est justement pas en mesure de proposer des listes municipales. Mais tout cela n’est pas une fatalité, ou une sorte d’état irrationnel relevant d’une essence « identitaire » de l’Alsace.

Il faut se souvenir d’abord qu’à l’époque du Reichland (1871-1919), quand la région était une part de l’Empire allemand annexée suite à la défaite française de 1871, l’Alsace a été particulièrement marquée par le ddéveloppement de la social-démocratie allemande de cette époque. La confessionalisation du vote entre protestants et catholiques si forte sous le Second Empire français (1852-1871) y a été dépassée dès les années 1880. Dans un contexte d’urbanisation et d’industrialisation rapide, le SPD (parti social-démocrate d’Allemagne) y est devenu le principal parti politique avec des scores dépassant systématiquement les 25 % des suffrages. La ville de Strasbourg a ainsi été représentée au Reichtag par une figure de la Gauche sociale-démocrate allemande aussi importante qu’August Bebel (député de Strasbourg entre 1893 et 1898).

La défaite de l’Allemagne, le sort des 380 000 soldats alsaciens combattants et l’annexion à la France signent l’effondrement de la social-démocratie en Alsace. La défaite de l’éphémère Conseil des Ouvriers et des Soldats de Strasbourg en novembre 1918 voit la prise de pouvoir des libéraux, appuyés par les nationalistes français, rejetant dans l’abstention et la morosité le mouvement ouvrier et les classes populaires.

Le PCF ne s’est paradoxalement que mal développé dans la région, littéralement écrasée alors par l’élan patriotique. L’Alsace, malgré tout de même l’élection d’un député communiste dans la circonscription de Sélestat lors du Front Populaire de 1936, reste massivement sur une ligne de Droite, libérale-nationale, affirmant le régionalisme dans le cadre de la France. Parallèlement, tous les groupes d’extrême-Droite ont trouvé une audience forte dans la région : en 1936, le PSF du général de La Roque compte ainsi près de 20 000 adhérents en Alsace. Toutes ces caractéristiques se prolongent encore comme les grandes lignes qui structurent le panorama politique de l’Alsace d’aujourd’hui.

Enfin, la période cruciale de l’annexion nazie en 1940-1945 se conclue par une nouvelle vague de nationalisme français, portée cette fois par le Gaullisme. Celui-ci va appuyer à la fois la question des « Malgré Nous » pour contourner celle de la nazification en Alsace et la question du traitement des prisonniers alsaciens sous uniforme allemand par l’Union Soviétique, avec toute la dénonciation du camp de Tambov comme symbole, pour appuyer localement l’anticommunisme.

Les Gaullistes appuient ainsi dans la région leur hégémonie culturelle sur un réseau d’élus locaux qui verrouillent fortement toute expression politique concurrente, notamment face à l’extrême-Droite. Cette hégémonie n’est seulement contestée que par des forces libérales, voire sociale-libérales, sous diverses étiquettes des partis centristes de type UDI/Modem et aujourd’hui LREM. Mais ces partis ne sont forts que là où l’urbanisation a permis de générer des classes moyennes relativement éduquées, ouvertes au cosmopolitisme, au relativisme postmoderne et fortement marquées par le protestantisme ou par leur passage dans les écoles confessionnelles du genre du Gymnase Jean Sturm, bastion culturel de cette petite-bourgeoisie libérale et fascinée par le mythe du « capitalisme rhénan » et ses prétendus valeurs « humanistes » et aujourd’hui « écologistes ».

C’est cette conformité culturelle qui donne aux prétentions de la petite-bourgeoisie entreprenante régionale une certaine, mais fausse, diversité. Prenons le cas de Strasbourg. On voit ainsi se présenter aux élections municipales Alain Fontanel, une figure du PS local, fortement « radical-socialiste » sur la ligne portée par François Hollande. Cette personne est passé aujourd’hui à LREM, et il est donné favori pour ces élections.

Face à lui, le PS local pour sauver la face ne peut plus qu’aligner qu’une figure dépassée comme Catherine Trautmann, qui dit d’ailleurs presque la même chose. Même flou, même ligne pour l’autre liste, issue de la même majorité précédente elle aussi et de la même matrice culturelle, autour de la candidate EELV Jeanne Barseghian, soutenue par le PCF et quelques organisations locales de gauche. Cela dans une ambiance de pur opportunisme et de calcul électoraliste sans envergure, sans réel travail sur le terrain. La liste de Jeanne Barseghian entend opposer à LREM un programme d’écologie « sociale », marquée par des positions post-modernes, donc forcément anti-populaires, qui ne risque pas de se démarquer de manière significative de celui de ses opposants. C’est sans doute d’ailleurs la raison pour laquelle cette dernière laisse le PCF développer son thème de la « gratuité » des transports, sans produire bien sûr aucun engagement ni même aucune campagne populaire dans ce sens.

Le panorama est tout aussi déplorable à Mulhouse, malgré une apparente mais fragile affirmation d’union de la Gauche, autour de la liste Cause Commune et avec un candidat de Lutte Ouvrière, un peu moins faible ici qu’ailleurs, Julien Wostyn.

Ce que l’on voit donc surtout, c’est l’étau qui traverse notre pays, entre un libéralisme post-moderne forcément diversifié et un nationalisme de plus en plus affirmé, qui trouve en Alsace un écho plus fort encore qu’ailleurs en France. La conquête par le FN/RN des classes populaires y a ainsi commencé plus tôt, dès la fin des années 1980 et avec plus de force malheureusement. L’Alsace constitue en effet un terrain propice à l’offensive néo-gaulliste du RN : autant les thèmes sociaux-nationalistes y trouvent un écho, notamment dans les banlieues et les villes ouvrières, que les thèmes identitaires anti-mondialisation dans les campagnes rurales, notamment celles organisées autour de l’élevage dans le nord et le sud de la région.

Il faudra donc ici accorder une attention significative à la capacité du RN a s’imposer à la Droite dans le cadre de ses élections, les seules où jusqu’à présent les scores du FN/RN décrochaient en raison de la faible implantation territoriale de ce parti en Alsace, en dépit de ses scores élevés par ailleurs : en 2014, le FN/RN n’avait ainsi pu constituer que 11 listes pour un total de 904 Communes en Alsace. Ce parti ne semble pas en mesure de faire beaucoup mieux cette fois-ci encore, mais il compte néanmoins développer sa présence, y compris par des alliances ou de l’entrisme, au moins par consolider ou développer sa base électorale, dangereusement large.

Il y aurait pourtant beaucoup à dire pour la Gauche en Alsace dans le cadre de ces élections municipales par exemple sur la question de l’agriculture, l’utilisation massive des pesticides dans les zones viticoles, la question des déchets industriels et nucléaires notamment, la question des animaux avec l’ignoble laboratoire de test de Hausbergen et le soutien à la production de foie gras. Il y aussi la question bien sûr de la pollution de l’air, notamment dans la ville de Strasbourg, où le taux des AVC des moins de 30 ans a littéralement explosé ces 20 dernières années. La question aussi des soutiens municipaux aux bastions scolaires de la bourgeoisie, comme notamment à l’emblématique Gymnase Jean Sturm à Strasbourg, ou à l’Institution Saint Jean à Colmar ou encore à l’école Jeanne d’Arc à Mulhouse. Tout cela permettrait d’affirmer autant de lignes rouges face aux libéraux post-modernes de tout bord comme face à la démagogie des nationalistes.

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Écologie

Des étudiants opposés à un centre de primatologie à l’Université de Strasbourg

Des membres de l’association étudiante strasbourgeoise ANIMALISE de défense des droits des animaux  ont mené une action dans un bâtiment de l’Université de Strasbourg vendredi 10 mai 2019. Ils s’opposent à un centre de primatologie hébergé par l’Université de Strasbourg et critiquent l’exploitation animale dans les facs.

Ils souhaitaient obtenir le rendez-vous qu’il demande depuis longtemps, afin d’exprimer leur opposition à la capture et la détention de singes à des fins prétendument scientifiques.

Voici une vidéo, réalisé par Rue 89 Strasbourg, qui a également écrit un reportage sur l’opération :

Voici le communiqué de l’association ANIMALISE :

Il existe déjà une mobilisation contre ce centre et les projets d’extension qui l’accompagnent. Différentes actions et manifestations ont déjà eu lieu et une pétition circule, que l’on peu retrouver sur :

mesopinions.com/petition/animaux/refusons-ouverture-extension-elevage-1600-primates/13210

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Société

L’attentat meurtrier au marché de Noël de Strasbourg : un reflet de la tendance à la barbarie.

Mardi soir vers 20h, Chérif Chekkat, un homme d’une trentaine d’année, fiché S pour radicalisation islamiste a ouvert le feu sur des passants, touristes ou habitants de la ville fréquentant alors le centre-ville, faisant plus d’une dizaine de victimes dont 3 mortellement touchées.

Strasbourg

Ce criminel multirécidiviste, condamné à 27 reprises et par ailleurs « partisan » islamiste probablement isolé ou membre d’un réseau peu structuré, était en voie d’arrestation le matin même. Sans doute a-t-il précipité un geste qu’il n’avait pas clairement prémédité, mais qui était présent dans son esprit. On a là en tout état de cause et encore une fois, la figure même du nihiliste paumé, d’un « pèlerin du néant » dont l’existence a sombré peu à peu dans criminalité, dans l’engagement décadent et assassin, dans la barbarie.

Ce n’est pas la première fois que la ville de Strasbourg est ciblée par des militants islamistes, en particulier à l’approche des fêtes de Noël, en raison des festivités qu’organise la ville à cette occasion, se revendiquant comme « Capitale de Noël ». La ville, tout comme pratiquement l’ensemble des villes moyennes et des villages alsaciens, se pare lors du mois de décembre de décorations lumineuses intenses, de sapins et d’arbres décorés. De nombreuses manifestations culturelles, gastronomiques ou commerciales, sont organisées, dans un esprit de fête, de partage et de convivialité qui manifeste l’attachement des masses à cette fête et aux valeurs collectives et naturelles qui s’y expriment.

C’est précisément ce symbole qui a été frappé mardi, et qui est régulièrement visé, dans sa dimension chrétienne bien entendu, par les islamistes partisans du Jihad. L’effondrement de l’État islamiste et la répression qui a frappé les cellules islamistes dans notre pays (quelles soient liés à l’EI ou à Al-Quaeda) depuis les attentats de 2015 notamment, a certes réduit les possibilités d’organisation d’un attentat coordonné de grande envergure. Mais la vivacité de la propagande et des réseaux militants islamistes, jihadistes ou non, maintient toujours la possibilité d’une attaque meurtrière plus ou moins spontanée du type de celle qui a frappé aveuglément la foule à Nice le 14 juillet 2016 ou Strasbourg ce mardi 11 décembre 2018.

Plus profondément, c’est le cadre même de la vie en métropole qui est illustrée par ce déchaînement de violence meurtrière. Chérif Chekkat, le militant islamiste dont il est question ici, était aussi, comme souvent, un criminel passé par les trafics en tout genre et les attaques à mains armées. C’est-à-dire que l’on a ici une personne dont la vie sociale a été bornée par la culture semi-féodale dans laquelle il a grandi, encore détériorée par la vie dans les cités de type HLM strasbourgeoises (où les réseaux criminels sont particulièrement organisés) par la consommation de drogues, de pornographie, par les soirées désespérément creuses,  en galère, en boîte ou autour d’une console. Une existence cernée par la précarité, l’argent « facile » des trafics, la petite débrouille et les embrouilles. En bref, cette vie vide, sinistre et immonde qui est celle d’une partie de la jeunesse des métropoles de notre pays.

C’est cette vie décadente qui ouvre un espace à toutes les aliénations réactionnaires, à la propagande des sectes évangélistes, américaines ou africaines, à celle des islamistes que ce soit des conservateurs communautaires téléguidés par les services d’États marocain, turc ou algérien ou des salafistes en rupture plus ou moins influencés par la propagande jihadiste.

La fête même de Noël telle qu’organisée à Strasbourg est parallèlement une autre forme de l’expression de cette décadence. La logique marchande, appuyée par une fréquentation dépassant les 4 millions de visiteurs pour l’ensemble de la région à cette occasion, soit le double de sa population habituelle, rend tout rapport à Strasbourg littéralement insupportable. Nombreux sont les habitants de la ville préférant quitter celle-ci pour chercher une ambiance moins artificielle moins oppressante, dans des villes plus petites alentours.

Dans ce cadre, les menaces pesant sur la sécurité des personnes s’aggravent chaque  année à l’approche des fêtes de Noël mais sont constantes à Strasbourg. Les agressions, visant notamment les femmes, y sont courantes, en particulier au centre-ville. Le trafic de drogue tout comme la prostitution, sont des choses qui s’affichent ouvertement, y compris en pleine journée. Tout le déploiement des forces de sécurité verrouillant partiellement le centre-ville pendant quelques semaines n’y change rien. C’est le cadre de vie même de la métropole qui produit cela.

De plus, en Alsace, l’embrigadement sectaire de la jeunesse est particulièrement vivace. Appuyé par les réseaux solides des religions concordataires, catholiques, luthériens, calvinistes et israélites, c’est ici un phénomène généralisé. Ces organisations religieuses, avec l’appui des autorités publiques, en particulier de la municipalité de Strasbourg, appuient en outre les organisations islamistes, notamment marocaines (qui tiennent la Grande Mosquée de Strasbourg) et turques (particulièrement offensives sur le plan culturel).

Il y a ici cette conviction toute bourgeoise et illusoire de la possibilité de former des cadres religieux libéraux, en mesure d’apporter « quelque chose » à la société. Mais ces cadres ralliés à l’ordre bourgeois sont eux-mêmes de toute façon contestés par les militants des sectes fondamentalistes qui s’appuient sur les secteurs des masses exclues, auxquelles elles prétendent apporter une densité, un contenu, à leur révolte, sinon à leur volonté de rupture, au moins à leur sentiment de vide insignifiant.

Face à ce terreau métropolitain suintant la décadence et l’aliénation, les institutions bourgeoises sont donc totalement dépassées, elles sentent en fait le sol se dérober sous leurs pieds devant toutes les contradictions qui s’accumulent. Ne saisissant le problème que par un de ses aspects : la politique urbaine, la question des religions, en particulier de l’islam, de la criminalité et de la sécurité publique. Mais confrontées à la logique systémique et à la tendance au renforcement de ces contradictions, elles ne peuvent en réalité rien. Elles sont dépassées. Pire même, elles alimentent le problème en cherchant des solutions partielles qui en restent au niveau de l’accommodement, de la gestion du cadre.

C’est cette incapacité qui ouvre un espace à la réaction. L’extrême-droite nationaliste va ici encore avoir le champ libre pour avancer ses positions, pousser à la fuite en avant sécuritaire sur une base raciste, en prétendant romantiquement que le cadre est bon, mais corrompu par des éléments allogènes qu’il faudrait supprimer ou mater pour « restaurer » l’équilibre, revenir « au bon vieux temps » de la ville « pré-métropolitaine », moderne mais apaisée.

C’est là que la Gauche se doit d’être impeccable pour formuler correctement le problème, saisir toute l’ampleur de la tâche face à la vie décadente des métropoles, produisant précarité, insécurité, violences et donc des « pèlerins du néant » comme cet énième assassin criminel et islamiste. C’est le cadre même de la vie capitaliste, de la vie des métropoles ici, qu’il faut saisir et briser. Il ne suffira pas de faire face à la violence islamiste ou criminelle, il ne suffira pas de faire face à la montée des réactionnaires nationalistes racistes. Il faut briser la ligne qui nous conduit à l’effondrement dans la barbarie en changeant notre cadre de vie, en affirmant l’aspiration des masses à la vie tranquille, à la vie paisible en sécurité, avec une perspective de progrès collectif, avec un esprit scientifique et rationnel produisant toujours plus de conscience.

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Société

La mort de Naomi Musenga : un drame, un crime et non une tragédie

Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga, jeune mère apparemment célibataire d’une petite fille de 2 ans, habitant dans un quartier populaire de Strasbourg, est morte selon toute vraisemblance d’une défaillance multiviscérale sur choc hémorragique, selon l’autopsie pratiquée quelques jours après son décès au CHU de Strasbourg.

Le pronostic d’une telle affection, généralement causée par un syndrome d’infection générale de l’organisme est malheureusement très souvent mortel, dans 30% à 100% des cas, en raison de sa brutalité qui nécessite une intervention médicale d’urgence pour rétablir l’homéostasie (soit l’équilibre général de l’organisme).

Le 9 mai, s’est ouvert l’enquête préliminaire devant éventuellement conduire à un procès sur demande du Parquet de Strasbourg suite à une plainte de la famille.

L’émoi national provoqué par cette affaire est la suite de la publication le 27 avril des échanges entre Naomi Musenga et les services de secours par un magazine local au contenu racoleur et suintant la culture « beauf » qui parait sous le titre de l’Heb’di.

Passons sur ce journal, qui a donc publié le contenu des échanges téléphoniques de Naomi Musenga et le SAMU, que celle-ci contacte après avoir eu en ligne les pompiers.

L’opératrice qui la reçoit adopte un ton distant voir franchement moqueur, dans la suite de celui des pompiers qui l’ont reçu en premiers.

Elle finit, contre tout le protocole, et contre tout principe d’humanité par l’abandonner à son sort en lui demandant de contacter elle-même SOS médecins, qui la prend immédiatement en charge. Mais au vu de son état critique, Naomi Musenga décède malheureusement 6 heures après son appel.

Voici l’enregistrement du dialogue (commençant à 1:42). Ce qu’on entend est d’un cynisme froid, glacial. On ne peut qu’imaginer avec terreur ce qu’a dû ressentir la famille de Naomi Musenga à ces mots assassins, cette indifférence immonde.

C’est un drame, et non pas une tragédie. Le destin n’a rien à voir avec cela : la société n’a pas fait son devoir. Cette affaire suscite donc une indignation méritée.

Déjà, il est évident de dire qu’il y a dans cette affaire une part reflétant la culture patriarcale et même raciste qui pourrit les services de secours comme les pompiers, dans une situation de confrontation de plus en plus violente avec des conditions sociales en plein effondrement, notamment dans les campagnes éloignées des centres de secours, de plus en plus concentrés dans les villes, et même au sein de celles-ci, dans les zones dégradées où s’entasse un lumpen-prolétariat rongé par la précarité, les valeurs réactionnaires religieuses, en particulier de l’islam, et la criminalité.

Dans ce contexte, cet appel d’une jeune femme noire, s’est bien entendu heurté immédiatement à une somme de préjugés immondes hantant l’esprit des services de secours, qui ont empêché le pompier qui a reçu l’appel comme ensuite l’opératrice du SAMU de saisir sérieusement l’état de détresse de Naomi Musenga.

Cela est vrai bien entendu, mais il est erroné et injuste que s’en tenir à ce constat. L’opératrice en question est une femme expérimentée, qui a fait déjà une dense carrière au sein des services d’urgence et elle est actuellement effondrée et dépassée par les suites de cette terrible affaire.

Que cette femme puisse avoir été fautive de par ces préjugés ne signifie pas que ceux-ci soit constitutif de sa personne ou de son engagement, en un mot, il est peu probable et c’est peu dire, que cette femme soit une raciste acharnée ayant délibérément abandonné à son sort Naomi Musenga en raison du fait qu’elle fut une habitante noire d’un quartier populaire. Les préjugés racistes de cette femme sont en réalité le fruit de son expérience mal comprise.

N’importe quelle personne travaillant dans les services d’urgence à Strasbourg comme dans les autres métropoles de notre pays fait souvent quotidiennement l’expérience de la confrontation dure et parfois violente avec des personnes précaires, mais pas seulement puisque l’esprit vulgaire et agressif de la bourgeoisie décadente suinte de tout les pores de notre société, lors de leur admission ou de leur arrivée aux urgences.

Ces personnes sont aussi quotidiennement confrontée à une détresse sociale qu’ils perçoivent justement en augmentation et contre laquelle ils ne peuvent pas grand chose, mais aussi diverses magouilles et abus qui usent leur sensibilité.

En un mot, le développement de leurs préjugés sociaux et parfois racistes sont le fruit même de la politique libérale, à l’échelle de la société et même plus directement de l’hôpital en lui-même.

Depuis les années 1980, les services hospitaliers n’ont cessé de faire l’objet d’une offensive prolongée du capital sous l’aspect de réformes libérales prônant la privatisation, la concurrence, la réduction des moyens, la concentration des services et des équipements, le management à la performance et donc l’atomisation des formes du travail.

Aujourd’hui, même l’Etat ne peut plus masquer le terrible constat de l’effondrement général non seulement des urgences mais de l’ensemble du système hospitalier, du moins dans sa capacité à rendre un service public aux masses, étant donné que dans le même temps, on ne peut pas dire que l’accès au soin se soit effondré pour tout le monde.

L’hôpital, comme l’école d’ailleurs, reflète simplement et implacablement la ségrégation croissante produite par le libéralisme. Et bien entendu, cette ségrégation est perçu souvent sous l’angle du racisme. En réalité, il s’agit là de saisir que si cet aspect peut être réel, il n’est pas l’aspect principal de la question.

Naomi Musenga n’est pas morte du racisme à précisément parler, elle est morte du libéralisme. Tous les personnels de la santé, tout les patients des services hospitaliers, connaissent nombres d’anecdotes reflétant de telles « erreurs », avérées ou parfois évitées heureusement de justesse.

Mais cette situation n’est pas uniquement une « faute professionnelle », c’est un état général. Comment penser qu’un opérateur, quel qu’il soit, quelle que puisse être son expérience ou sa conscience professionnelle, puisse gérer parfois jusqu’à 1000 ou même 2000 appels de détresse par jour ? Soit entre 2 et 4 appels par minute en non-stop sur 8 heures de travail!

Et cela sans s’épuiser, sans finir par commettre une erreur ? Sans céder au découragement, sans céder à la perception erronée et superficielle d’une situation aliénante ou presque constamment, on se voit confronter à la misère et à son cortège décadent de comportements, que l’ignominie du racisme, dont l’expression est généralisée dans les services publics, permet d’expliquer en apparence?

Il est bien entendu hors de question de dédouaner cette personne de ces fautes et de ses préjugés, mais la justice bourgeoise n’a rien à dire à cette personne, ni aucune justice à rendre à la famille de Naomi Musenga et aux masses indignées.

L’enquête ouverte par le Parquet en effet s’est fait sur le motif de non-assistance à personne en péril, même si les média ont relayé le fait qu’il y avait une perspective d’ensemble, systémique, à l’attitude coupable de l’opératrice, rien bien entendu ne sera fait pour enrayer la logique libérale.

Le gouvernement, en la personne d’Agnès Buzyn, a convoqué les médecins urgentistes, ce qui est déjà le témoignage d’une vision faussée et bornée du problème, les appels n’étant pas traités par les médecins, et ceux-ci font trop souvent preuve de mépris à l’égard des personnels médicaux, professions souvent plus fémininisées, comme les infirmières, les opératrices ou les aides-soignantes, encore plus exposées qu’eux à la précarité générée par le libéralisme.

Le ministère ne parle que de « dysfonctionnement », de « procédures », de « professionnalisme ».

Bien sûr que cela compte, mais le libéralisme assumé du gouvernement Macron et plus généralement les évolutions de l’Etat bourgeois n’a de leçon à donner à personne, il est le premier responsable de la situation produite par ce terrible incident et de toute façon, tout sera fait pour faire peser sur l’opératrice, voire sur le pompier qui a reçu avant elle l’appel, l’entièreté de la responsabilité de la mort de Naomi Musenga et dans le meilleur des cas, les opératrices bénéficieront de quelques heures de formation bidon à l’« éthique », de quelques recrutements non significatifs.

Mais rien ne sera fait pour changer les conditions inacceptables du travail des services d’urgence. Et nécessairement, implacablement, un tel drame se reproduira. Les faits sont têtus.

Les personnes de Gauche exigent que personne ne soit délaissé, surtout pas et jamais une personne appelant à l’aide, exigent de chaque personne un haut niveau de culture et ne pardonnent donc pas le racisme et les préjugés assassins, mais elles savent identifier et ordonner les problèmes, que la lutte est avant tout politique, systématique et que le pouvoir est la question principale.

L’indignation populaire doit se saisir de cette affaire et se soulever contre Agnès Buzyn, contre le Ministère de la Santé et sa politique libérale meurtrière qui est coupable de la mort de Naomi Musenga et de tant d’autres fautes.

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Culture

Le musée Vodou de Strasbourg

Le Musée Vodou, ouvert depuis 2014 à Strasbourg, a la particularité de présenter la plus importante collection d’objets au monde du culte vodou, originaire d’Afrique de l’Ouest (Togo, Ghana, Bénin, Nigéria dans une moindre mesure). En tout 1060 pièces répertoriées, pour un total de 220 présentées.

L’intérêt et la curiosité pour les cultures africaines sont bien sûr une excellente chose que partagent toutes les personnes progressistes, à la fois en raison des profonds et anciens liens historiques que notre pays partage avec une grande partie de ce continent, de l’importance de la francophonie en Afrique et de celle de la présence au sein des masses françaises de nombreux immigrés venant pour la majeure partie justement des pays dits francophones d’Afrique.

A Strasbourg en particulier, de nombreux migrants africains viennent d’Afrique de l’Ouest et concernant ce sujet, notamment du Togo et du Bénin.

Le musée en lui-même a été installé dans un ancien château d’eau de l’époque du Reich allemand, construit au début des années 1880 par l’architecte berlinois Johann Eduard Jacobsthal (1839-1902), qui a réalisé les plans des gares berlinoises de l’Alexanderplatz et de Bellevue, et à qui l’Etat impérial allemand confia la réalisation des gares de Strasbourg et de Metz (qui sera ensuite revue plus grande au début du XXe siècle).

Il se présente sous la forme d’une haute tour octogonale, massive, de style « néo-roman », couronnée d’un ouvrage en brique jaune orné de croisillons de métal et de verrières géométriques, s’inspirant des bâtiments de la Renaissance rhénane des XVe-XVIe sièscles.

Le soubassement de grès rose est un écho à la fois à la gare de Strasbourg justement et aussi à la cathédrale. Outre sa fonction technique de ravitailler en eau les machines à vapeur du réseau ferré de la Reichbahn, le château était aussi un lieu de vie des ouvriers de cette entreprise et après eux des sociétés françaises qui en ont pris le relais jusqu’aux années 1950.

En particulier avant la généralisation de l’eau courante dans les logements populaires, il y était possible d’y faire sa toilette après le travail notamment. En conséquence, ce lieu a fini, après son abandon lamentable dans les années 1950, par être inscrit sur la liste de l’inventaire des Monuments Historiques en 1983, sans toutefois faire l’objet de rénovations.

Jusqu’à son rachat par l’ancien PDG des brasseries Fischer et Adelshoffen Marc Arbogast, soutenu par son épouse Marie-Luce Arbogast pour un faire un musée exposant leur collection personnelle.

La rénovation a été confiée à un architecte strasbourgeois d’envergure : Michel Moretti, qui a aussi notamment réalisé les plans de l’ENA de Strasbourg en 1995 et de l’Ecole d’Architecture (ENSAS) en 1987.

La requalification du lieu en musée est une belle réussite de ce point de vue, et le travail muséographique réalisée par des salariés et des bénévoles de l’association qui gère le musée sur la base du droit local (maintenu après la réannexion de l’Alsace et de la Moselle à la France), est aussi une réalisation esthétiquement agréable, notamment en terme de présentation. Le musée étant formellement plaisant et accessible à visiter.

La démarche même de la collection suinte cependant l’esprit bourgeois de toutes part, dans une perspective agressive colonial-impérialiste à l’ancienne. En dépit de son objectif de rencontre des cultures, le malaise raciste ne quitte pas le visiteur, si celui-ci à une culture de gauche développée.

Le ton est donné par le propriétaire même du lieu : « Le Château Vodou est l’aboutissement de ma passion pour l’Afrique, qui combine une curiosité pour les savoirs traditionnels, la chimie et la chasse. »

On ne saurait mieux dire. Marc Arbogast et son épouse Marie-Luce ne sont pourtant pas eux-mêmes des personnes racistes au sens strict. Marie-Luce se présente comme une ancienne volontaire aux Médecins du Monde, et le couple souligne à l’envie la passion commune et ancienne pour l’Afrique qui les unit, depuis leur jeunesse.

Le musée est d’ailleurs fortement et ouvertement marqué par leur présence et leur promotion, on y apprend rapidement plus sur eux que sur n’importe quelle personne qu’ils auraient rencontré en Afrique. Leur promotion individuelle écrase littéralement tout le reste.

La performance de réaliser un musée sur l’Afrique sans qu’on puisse identifier d’Africains, ne semblent pas leur avoir traversé l’esprit. Il n’est question que de leur expérience, que nous sommes invités à partager sous leur propre prisme. On a vite l’impression de parcourir plus une vulgaire page FaceBook qu’un musée en tant que tel.

C’est ainsi que de leur propre aveu, leur intérêt pour l’Afrique s’est construit comme une fascination propre à l’époque coloniale :

« Je me souviens de ma mère, petite-fille de pasteur, qui n’avait de cesse de me parler d’Albert Schweitzer, dont nous admirions l’éthique du « respect de la vie », et aussi de mon père, fasciné par Tarzan et l’image d’une Afrique mythique qu’il partagea avec moi. À cette époque, pourtant, aucun de nous n’y avait mis les pieds ! ».

Cette vision « mythique » de l’Afrique aurait nécessité pour le moins depuis un conséquent exercice d’autocritique et de révision. Mais Marc et Marie-Luce Arbogast n’ont en pas été capables, en raison de leurs préjugés de classe et ont fini en outre par verser dans un complet mysticisme, malgré leurs indéniables aspirations progressistes.

C’est ainsi que Marc Arbogast relit son enfance pour y justifier son goût pour le vodou en précisant
qu’il avait l’habitude de côtoyer une « sorcière » lors de ses séjours dans une maison secondaire
avec ses parents dans les Vosges.

Le portrait et les valeurs de ce couple sont des élément repérables dans bon nombre de familles bourgeoises ou petites-bourgeoises alsaciennes, notamment celles liées à ce protestantisme philanthrope, ouvert au monde mais miné par une fascination pour le mysticisme et le religieux.

C’est ainsi que ce couple, connaisseur des cultures d’Afrique de l’Ouest de par leurs nombreux voyages, n’ont néanmoins pas vu l’Afrique dans sa dimension populaire, ni même les cultures africaines dans leur esprit. Ils ont en revanche « expérimenté » le vodou et ils en ont déduit que ces séries d’expériences leurs avaient appris quelque chose qui valait la peine de partager, dans une démarche d’individualisme bourgeois tout ce qu’il y a de plus caricatural.

On ne s’étonnera pas que parmi tous les soutiens médiatiques du musée, on trouve bien sûr en bonne place la catholique Société des Missions Africaines de Strasbourg, avec le curé Jacques Varoqui, qui
entretient lui-même à Haguenau un « espace africain » dédié aux missions en Afrique de l’Ouest.

La première chose auquel le visiteur est confronté, c’est la première chose que fit Marc Arbogast a
son arrivée en Afrique : chasser. Tout est ici dit de son rapport à la « vie » et à la nature.

Tout le premier niveau n’est rien de moins qu’une glaçante salle de trophée de chasse, exposant les cornes de dizaines d’animaux abattus au cours des multiples parties de chasse livrées par le propriétaire en Afrique. On y voit même un lion entièrement empaillé pour servir de lieux de photographies souvenir.

Le reste du musée est ensuite à l’avenant, une galerie d’objets exposés avec une réflexion sur leur fabrication matérielle et leurs usages, sans chronologie, sans mise en perspective sociale de la moindre forme. Le rapport avec l’Islam ou la Traite sont à peine mentionné.

En un mot, aucune mise en histoire, aucun mouvement. Une Afrique immobile et rongée par le mysticisme, vue par des yeux complaisants qui ne veulent voir de l’Afrique que cela.

Viennent enfin les « divinités masquées », ici on a directement des éléments de cultures populaires, mais rien n’est franchement creusé, analysé, relié. Même le lien avec les pratiques vodou du niveau précédent n’est pas clair.

Faut-il alors s’étonner que des institutions comme le Musée du Quai Branly, ou des chercheurs comme Bernard Müller (IRIS-EHESS) associés au Musée Vodou lors de son lancement, se soient depuis désolidarisés à la fois pour des raisons de fonds concernant les expositions et de formes concernant l’esprit de management boutiquier du couple Arbogast.

Outre ce désaveu scientifique,d’institutions bourgeois pourtant initialement bienveillantes, le Musée a aussi été rejeté par les associations comme Curio, qui milite pour la dignité et l’expression des cultures nationales du Togo en Alsace et en Franche-Comté.

Captif de la vision mystique et égocentrée de ce couple bourgeois, la tentative de ce musée est donc un échec, porté à bout de bras par la fondation qui le finance et le dense réseau religieux et bourgeois qui le soutien. Ce musée est donc à la connaissance de l’Afrique, et même du Vodou, ce que la Fondation
Vuitton est à l’art : une appropriation bourgeoise frisant le délire.

Strasbourg a certes besoin et a du coup presque une sorte de base avec ce musée pour affirmer les cultures africaines, très vivantes dans la métropole, dans un esprit démocratique (avec la participation des éléments des masses originaires de ces pays), populaire (en l’ouvrant sur la curiosité des masses alsaciennes, désireuses de mieux connaître une part de l’Afrique au-delà des clichés éculés entretenus par ce musée) et scientifique (en dépassant la seule question des cultes et du vodou et en développant une vraie perspective matérialiste historique, qui ne fétichise pas les cultures d’Afrique mais permet leur connaissance et leur métissage).

En un mot, on attend la confiscation populaire de ce lieu !