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L’échec de la mobilisation de soutien aux Kurdes de Syrie

Les rassemblements en soutien aux Kurdes de Syrie samedi 2 novembre 2019 n’ont réunis que très peu de monde. C’est un échec directement politique.

Rien n’y fait. Il a été parlé des Kurdes de Syrie de manière ininterrompue dans les médias, il y a même eu un appel en leur faveur de 44 rescapés du Bataclan. Emmanuel Macron et de très nombreux politiciens affirment les soutenir. Pratiquement toute la scène anarchiste se mobilise également en leur faveur, ainsi qu’une bonne partie de l’extrême-Gauche. Libération a d’ailleurs publié la tribune d’un Collectif des combattantes et combattants francophones du Rojava.

Et pourtant il n’y a eu au rassemblement de solidarité hier que quelques milliers de personnes à Paris, quelques centaines à Strasbourg. Même la ville allemande de Cologne n’a vu se rassembler qu’environ 2 000 personnes. Pareil pour Berlin et Bâle en Suisse.

Pourquoi ce paradoxe ? Tout simplement parce que la spontanéité n’existe pas. Il n’y a plus de Gauche organisée à une échelle de masses, alors si les anarchistes ont décidé de faire confiance au PKK et de voir en Abdullah Öcallan un théoricien du municipalisme libertaire, cela ne parle pas du tout aux gens en France. C’est aussi simple que cela.

Il y a pourtant environ 800 000 personnes relevant, au sens très large, de la communauté turque en France. Pourquoi ne se sont-ils pas mobilisées ? Là encore, la raison en est simple. La Gauche turque est très présente en France historiquement, mais le PKK a tout fait pour avoir l’hégémonie et l’asphyxier. Cela a très bien marché. Le résultat en est une hégémonie réactionnaire et une déliquescence de la Gauche turque.

La situation n’a donc strictement rien d’étonnant et c’est bien cela qui est dramatique. Les Kurdes de Syrie se retrouvent dans une situation intenable – et ceux qui leur ont vendu du rêve en s’imaginant que le « Rojava » allait dégommer les puissances turque et syrienne ont leur part de responsabilité. Il leur aurait suffi de regarder l’histoire des Kurdes pour comprendre comment ceux-ci ont toujours été trahis, utilisés comme forces supplétives pour les conflits, par exemple lors du génocide arménien.

Cela montre aussi la vanité des gens pensant qu’une « minorité agissante » peut changer le cours des choses. Les anarchistes français se sont appropriés le thème du « Rojava » pour exprimer leurs fantasmes et leurs illusions et ce ne sont pas eux qui vont en payer le prix. Qui y aura-t-il alors demain pour maintenir le drapeau des droits des Kurdes ?

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Offensive turque en Syrie: en marche vers la guerre mondiale pour le repartage du monde

L’invasion d’une partie de la Syrie par la Turquie n’est pas qu’un exemple d’expansionnisme, mais bien une démonstration de la réalité du monde. On va vers une nouvelle guerre mondiale pour le repartage. On peut même dire qu’on est déjà engagé dans ce processus.

Le capitalisme en crise implique la crispation nationale, le repli stratégique et la conquête militariste. Les Kurdes de Syrie, en s’étant placé dans l’orbite américaine, en font les frais maintenant.

Les Kurdes vivent un nouveau drame, un de plus et pour ainsi dire traditionnel, puisqu’ils ont une énième fois été trahis. Ils ont espéré en Syrie avoir enfin trouvé une voie, avec le combat contre l’État islamique, en se plaçant sous le parapluie américain, qui a fourni des stocks d’armes et une couverture aérienne, alors que les Français envoyaient des cadres pour former les troupes.

Mais les Kurdes connaissent de nouveau la trahison, en étant abandonnés par leurs puissances tutélaires face à une opération de grande envergure de l’État turc. L’idée de celui-ci est officiellement d’instaurer une zone tampon. Seulement, quand on sait qu’elle doit faire 32 kilomètres de profondeur, il voit qu’il s’agit plutôt de former un protectorat, notamment au moyen de l’installation sur zone des 3,6 millions de réfugiés syriens en Turquie.

Les Kurdes de Syrie subissent donc le même sort que la Tchécoslovaquie en 1938 – à moins que les choses ne soient plus compliquées. Car les Kurdes ont eux-mêmes profité du dépeçage de la Syrie avec la guerre civile se développant et l’État islamique lançant également de son côté une offensive, justement avec le soutien de la Turquie.

Les forces kurdes de Syrie en ont profité pour établir leur pouvoir dans une vaste région – avec par ailleurs la grande majorité des zones pétrolières. Et ils ont entièrement assumé de passer sous contrôle américain, ainsi que français en partie.

On peut apprécier les Kurdes et espérer qu’ils trouvent un moyen pour s’en sortir, mais devenir les forces supplétives des États-Unis, par définition cela ne pouvait que mal tourner, dans un sens ou dans un autre. Et c’est ce qui se passe maintenant.

Le contre-argument rejetant cette critique aux États-Unis est que cela a permis de mener la lutte contre l’État islamique et même l’établissement d’un nouveau régime local, le « Rojava ».

Il s’agit d’un projet muncipaliste-fédéraliste des Kurdes en Syrie, qui est appuyé au niveau international par certains courants de la Gauche, en l’occurrence les marxistes-léninistes (surtout historiquement liés à l’Albanie), ainsi que les anarchistes, avec dans ce dernier cas également des Français partant là-bas pour s’impliquer dans le social, l’humanitaire ou le militaire.

Le souci est que ce projet est directement issu de l’arrestation en 1999 d’Abdullah Öcalan, le dirigeant du PKK. Abandonnant toute revendication indépendantiste, il avait prôné le confédéralisme multi-étatique des Kurdes à travers quatre États (Turquie, Syrie, Irak, Iran – les zones considérées étant définies comme le Kurdistan respectivement du Nord, de l’Ouest, du Sud et de l’Est).

Cela fait donc l’impasse totale sur la question de la démocratie en général dans les pays concernés. Les Kurdes de Syrie ont espéré que le choix américain permettrait de forcer le passage tout de même, mais dans le contexte explosif de bataille pour le repartage, c’était illusoire.

Aucune cause, fut-elle juste, ne peut échapper à l’exigence de démocratie pour les peuples et de rejet complet des interventions des grandes puissances.

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Politique

La fin de l’État islamique et les islamistes

L’État islamique a perdu le dernier territoire contrôlé. Quelle va être la conséquence sur la mouvance islamiste ? C’est une seconde vague terroriste qui se profile, tout à fait différente.

L’État islamique a perdu hier son dernier territoire, en Syrie, à la frontière avec l’Irak. Ce sont les forces kurdes, dans le cadre d’un front « démocratique » avec le soutien américain, qui ont mis fin à ce régime de terreur et exportateur de terrorisme. De par son importance en tant que phénomène monstrueux et de par son impact en France, il y a lieu de porter un regard approfondi sur les islamistes dans leur rapport à cette perte de territoire.

Les islamistes ont, en effet, des réactions très diverses par rapport à tout cela et cela va juger de manière très forte sur leurs dynamiques. Il va de soi que pour des raisons d’ordre pratique – à la fois par souci de clarté et pour éviter d’aider intellectuellement les islamistes en question – l’article ne rentrera pas dans les détails sur les plans des références.

Il faut bien ici avoir en tête que la mouvance islamiste est évaluée à 20 – 25 000 personnes en France (comme par ailleurs en Allemagne ou en Grande-Bretagne). Cela amène à évaluer la base sympathisante au sens très large au double ou au triple ; la part de gens prêts à basculer dans le terrorisme est estimée à 4000 personnes (qui sont censés à ce titre être surveillés de près par les services secrets français). C’est énorme.

Quand on parle des islamistes, on peut voir qu’il existe trois blocs. Il y a les salafis de type piétiste, qui veulent vivre à l’écart du monde moderne ; il y a Al-Qaïda ; il y a l’État islamique. Leurs perspectives sont très différentes, leurs sensibilités et leurs théologies sont en apparence les mêmes, mais les démarches n’ont rien à voir.

Ainsi, les piétistes ne considèrent pas qu’il soit possible de faire de la politique, il faut organiser une vie à l’écart. La fin de l’État islamique va indubitablement les renforcer, au sens où cela signifie que la politique islamiste n’a aucune chance de réussir et qu’il faut donc passer par un sectarisme culturel, un communautarisme virulent et strict, un refus catégorique du monde moderne sur lequel il faudrait grignoter des espaces. Ce n’est pas une bonne nouvelle.

Al-Qaïda, en toute logique, devrait profiter de la fin de son principal concurrent. Depuis le départ, Al-Qaïda dit que la conquête d’un territoire centralisé est voué à l’échec. Il devrait donc en découler un certain prestige pour cette « clairvoyance » et cette organisation criminelle devrait en profiter. Cela ne sera pas le cas.

Al-Qaïda a d’énormes problèmes internes sur le plan de la direction. L’un de fils de Ben Laden est en train d’être stylisé comme chef à venir, mais rien n’est fait. À cela s’ajoute un gros problème de structures et Al-Qaïda a choisi de rester, coûte que coûte, sous la coupe des talibans afghans, afin de disposer d’une base géographique protectrice. Cependant, les talibans ont un agenda islamo-nationaliste, ce qui est différent d’Al-Qaïda.

Il en va de même avec les forces syriennes « révolutionnaires », qui soutiennent Al-Qaïda dans leur majorité, mais ont rompu leur allégeance par souci pratique dans le cadre syrien. Seul un tout petit groupe a maintenu une allégeance formelle. Ce n’est pas bon pour le prestige. Et c’est d’autant plus problématique que l’État islamique a siphonné la plupart de ses propres réseaux historiques. Al-Qaïda est donc en perte de vitesse générale, notamment dans sa production médiatique, et n’est pas en mesure d’assumer le « jihad mondial » qu’il propose. Il ne reste que l’attente ou une tentative de fuite en avant particulièrement sanglante.

Reste l’État islamique. Peu de gens le savent, mais de très graves dissensions le caractérisent depuis environ deux ans. À la base, l’État islamique est une théocratie et son justificatif idéologique est très simple : sans califat, on ne peut pas être musulman, car il faut un calife pour gouverner les croyants. Tant qu’il y avait l’empire ottoman, cette nécessité religieuse de l’Islam pouvait passer au second plan, mais depuis 1918, cette question est un serpent de mer qui a fini par parvenir sur le devant de la scène.

Face à la pression extérieure, les religieux ont cependant vécu de manière surtout cachée et ce sont les forces militaires – organisées en clans, avec des chefs de guerre – qui ont pris le dessus. À l’arrière-plan, il y a également les chefs d’origine irakienne qui ont pris le dessus. De par l’absence de hiérarchie claire et par les espaces laissés aux chefs de guerre, à quoi s’ajoute une idéologie fanatique, tout cela a provoqué une vaste corruption et des liquidations en série, de torture généralisée dans une atmosphère de paranoïa, notamment chez les lettrés se préoccupant de théologie et chez les militants venant des pays occidentaux.

Depuis deux ans, un vaste mouvement de critique interne est donc apparu dans l’État islamique. Pour cette raison, la fin de l’État islamique est évaluée de manière très différente par les deux fractions. Celle qui est légitimiste considère que l’échec actuel est une épreuve : Dieu est là pour vérifier l’authenticité de l’engagement de l’élite musulmane. Selon ces islamistes du « canal habituel », la situation est simplement là pour les éprouver. Il n’y a rien à changer, même si en pratique la seule légitimité de l’État islamique était sa territorialisation.

En revanche, pour les autres, ce qui se déroule est une « punition divine ». L’État islamique n’a pas été à la hauteur et c’est pour cela qu’il a été puni. Il a beaucoup été parlé d’une jeune femme britannique désireuse de retourner dans son pays, car elle avait un enfant, et qui a tenu des discours très favorables à l’État islamique, regrettant juste une fin chaotique et sa défaite finale. Eh bien c’est exactement représentatif de la ligne néo-romantique de ce qui est en quelque sorte un « canal historique ».

Il y a là quelque chose de terriblement dangereux. On a ici affaire à une démarche non plus simplement apocalyptique, comme avec l’État islamique qui s’imaginait mener la bataille quasi finale, mais post-apocalyptique. Le seul parallèle possible, pour saisir l’esprit de tels gens, est avec la posture du dernier carré d’islamistes lors de la guerre civile algérienne. Après avoir attendu le caractère de mouvement de masse avec le FIS et son bras armé, les défaites ont abouti à des groupes islamiques armés basculant dans un terrorisme criminel tout azimut, tout à fait en écho d’ailleurs avec les tendances régulières du FLN pendant la guerre d’Algérie à frapper indistinctement, y compris dans ses propres rangs.

Ce qui amène à un autre problème : les durs des durs de la première génération du jihad viennent d’Algérie, mais ce pays est un territoire perdu. En 2018, il n’y a pas eu un seul attentat à la bombe islamiste en Algérie, pour la première fois depuis vingt ans, alors qu’en même temps il y a eu de très nombreuses arrestations, mille armes (pistolet, mitraillette, grenades, etc.) confisquées. La frénésie criminelle des islamistes pendant la guerre civile des années 1990 a « vacciné » une large partie de la population et les manifestations contre le président algérien Bouteflika ne prennent pas du tout un virage pro-religieux, malgré la force énorme du piétisme-quiétisme islamiste en Algérie.

Or, les « néo-romantiques » auraient largement espéré un prestigieux « retour aux sources », afin de combler leurs besoins en termes d’images symboliques. Ils ne peuvent pas l’avoir : ils seront par conséquent obligés de se tourner vers la France – si l’on considère que l’idéologie islamiste est aussi, voire largement dans sa genèse historique, le produit de l’absence d’identité nationale bien définie au moment de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, aboutissant pour combler ce manque à l’utilisation massive et mystique d’un Islam identitaire et néo-féodal.

Dans tous les cas, l’émergence d’un islamisme « néo-romantique » des décombres de l’État islamique semble inévitable ; dans les faits, la scission est déjà faite et l’affrontement idéologique existe depuis deux ans déjà. La guerre d’interprétation entre la thèse de « l’épreuve » et celle de la « punition divine » ne peut qu’aboutir à une scission déjà réalisée dans les faits.

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Guerre

Les frappes en Syrie et le complexe militaro-industriel français

Emmanuel Macron est incontestablement un président de la République décidé à affirmer la puissance militariste de la France. A ce titre, il constitue une menace à la fois pour la paix mondiale et aussi pour notre pays en développant la pratique impérialiste.

C’est à ce titre qu’il convient de revenir sur les frappes décidées le mois dernier en Syrie, dans la nuit de du 13 au 14 avril. Hors de tout mandat international, au côté des États-Unis et du Royaume-Uni, elles visaient des sites supposés de production d’armes chimiques, dont la France et ses deux alliés accusent d’utilisation, sans toutefois détenir de preuves formelles, le régime de Bachar al-Assad, lui-même soutenu par la Russie et l’Iran.

Sans revenir sur la question du refus de ces frappes que nous avons déjà exprimé, il faut bien voir que, de toute manière, celle-ci avaient aussi un objectif symbolique, au-delà de toutes considérations tactiques.

Pour la première fois, la Marine française a fait usage de missiles de croisières naval (MdCN), lancés à partir de deux frégates de type FREMM (Frégates Muti-Missions), réputées furtives.

Ces navires ultra-modernes, ont été développés en partenariat avec l’Italie et Général Electrics pour la propulsion et sont capables de déployer 16 de ces missiles. Ils sont assemblés à Lorient, et outre la France et l’Italie, le Maroc et l’Egypte en ont aussi passé commande.

Les missiles en eux-mêmes sont construit par MBDA, une filiale d’Airbus (associé au britannique BAE systems) notamment installée à Le Plessis-Robinson dans les Hauts-de-Seine, mais dont l’usine d’assemblage se trouve à Selles-Saint-Denis dans le Loir-et-Cher, qui produit à elle seule près de mille missiles chaque année.

Cette arme est présentée comme un missile d’une grande précision, utilisant un signal GPS et capable de frapper de manière coordonnée, rapide et précise sa cible depuis une frégate ou un sous-marin. Les sous-marins français devraient d’ailleurs en être prochainement équipés.

L’engin pèse en tout près d’une tonne et demie, pour une longueur de plus de 6 mètres et embarque une charge de près de 250 kg à la vitesse de 800km/h. Il s’agit donc une arme particulièrement horrible et meurtrière, dont le coût à l’unité revient à 2,86 millions d’euros !

La « nouveauté » est que cela donne à la Marine française une capacité de frappe de près de 1000 km, autant dire presque n’importe où dans le monde depuis un littoral, sachant que plus de 70% de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes.

Jusque là, la France ne disposait pas de telles armes et devait utiliser des missiles embarqués sur des avions pour ses frappes. Seuls les États-Unis et la Russie et dans une moindre mesure le Royaume-Uni (mais depuis des sous-marins) avaient la capacité de telles frappes depuis des navires de surface.

Le choix de mobiliser ce nouvel armement, dont les média ont largement relayés l’information, est donc totalement délibéré : il s’agit de montrer les capacités modernes de l’armée française et de la placer au rang des principales puissances militaires. C’est donc une affirmation chauvine et impérialiste de premier ordre.

C’est aussi une opération de communication commerciale, ces missiles étant proposés à la vente depuis 2015, mais seule l’armée française en a jusque là acquis. Pour le coup, il était prévu de tirer 6 de ces missiles, mais seulement trois ont été effectivement lancés, depuis la frégate Aquitaine, la frégate Languedoc ayant échoué à tirer les siens.

Regardons les choses en face. Il est capital de se dresser contre la politique impérialiste d’Emmanuel Macron et de densifier cette opposition en nous attaquant à l’appareil militaro-industriel de notre pays qu’il nous faut identifier et combattre.

Il s’agit là d’une question de civilisation, de rapport à la vie. Ces armes n’ont rien à faire dans nos vies et n’apportent rien de bon au monde. Dénoncer les monopoles de l’armement en France, leurs sites, leurs entreprises, est une tâche nécessaire pour construire une France populaire, démocratique et pacifique.

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Guerre

L’intervention militaire française, américaine et britannique en Syrie

« J’ai donc ordonné aux forces armées françaises d’intervenir cette nuit, dans le cadre d’une opération internationale menée en coalition avec les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni et dirigée contre l’arsenal chimique clandestin du régime syrien. »

Emmanuel Macron assume parfaitement l’attaque, au moyen de plus de cent missiles, d’installations syriennes censées abriter des moyens de fabriquer des armes chimiques. Une « ligne rouge » qui apparaît, malheureusement, comme un farce et une fable de plus dans un conflit syrien sanglant ayant coûté la vie, depuis 2011, à plus de 350 000 personnes.

Car l’attaque commune à la France, le Royaume-Uni et les États-Unis n’est qu’un ajout à une liste extrêmement nombreuse d’interventions armées, de manipulations politiques, de gesticulations par les services secrets, tout cela au service d’une bataille pour le repartage du contrôle des territoires et des pays.

La guerre suinte de tous les pores des initiatives des grandes puissances et ici, bien entendu, c’est la Russie qui est particulièrement visée, dans une épreuve de force marquée par un esprit d’escalade militaire de plus en plus grand.

Et la France est une grande puissance au même titre que les autres. Ce simple fait est, comme toujours, nié par beaucoup, comme si somme toute la France n’était qu’une sorte de colonie. C’est la contribution classique à la négation de l’interventionnisme français, qui ne vaut pas mieux que les autres.

La France serait un pays voulant la paix et qui se laisserait en quelque sorte abuser, ou bien manipuler, par des Américains qui seraient les seuls fautifs. Marine Le Pen, par exemple, en allusion aux États-Unis, regrette que :

« La France perd à nouveau une occasion d’apparaître sur la scène internationale comme une puissance indépendante et d’équilibre dans le monde. »

Jean-Luc Mélenchon dit la même chose :

« C’est une aventure de revanche nord-américaine, une escalade irresponsable. La France mérite mieux que ce rôle. Elle doit être la force de l’ordre international et de la paix. »

Florian Philippot manie le même lyrisme nationaliste :

« Voir la France réduite au rôle de supplétif des faucons contre la paix du monde et ses propres intérêts est toujours une souffrance. »

Les « député-e-s » du Parti communiste français (eux aussi suivent la mode universitaire de l’écriture inclusive) adoptent un lyrisme patriotique traditionnel chez eux :

« Une décision illégale et dangereuse qui confirme la rupture avec notre tradition d’indépendance nationale fondée sur la valeur de la paix et du multilatéralisme.

Si cette tradition faisait notre singularité et notre grandeur, sa remise en cause questionne notre place dans le monde : la France est-elle condamnée à s’aligner sur la volonté et les intérêts américains ? »

Le Nouveau Parti Anticapitaliste dénonce pareillement (et on se rappellera qu’il prônait en 2011 le soutien des grandes puissances à la « révolution syrienne »!) :

« la nouvelle aventure militaire dirigée par Trump en Syrie »

Comme si la France n’était pas impliquée en Syrie. Comme si la France avait reçu des ordres pour envoyer cinq frégates multimissions et des bâtiments de protection et de soutien en mer Méditerranée, neuf chasseurs pour tirer 12 missiles de croisière (trois depuis une frégate, neuf depuis les chasseurs).

Le fait d’avoir choisi d’ailleurs de lancer des missiles depuis une frégate vise à valoriser le missile de croisière naval (MDCN) utilisé ici pour la première fois. Cela correspond à l’esprit d’une démonstration de force.

C’est pour cette raison que Benoît Hamon a eu tort quand il a affirmé que :

« Laisser Assad impuni après l’usage d’armes chimiques contre des civils est impossible. Mais il faut un mandat de l’ONU. Que ceux qui s’offusquent du bombardement d’une usine, sortent aussi du silence quand Poutine et Assad anéantissent les civils de la Goutha et d’Alep. »

C’est là en appeler à un système international de sécurité largement dépassé. Il y a quatre ans, la Russie annexait purement et simplement la Crimée, où était l’ONU ? Et que dire auparavant de la guerre contre la Libye en 2011, sans mandat de l’ONU ? De celle, bien connue, contre l’Irak, toute pareille, en 2003 ? De l’intervention, également sans mandat, au Kosovo en 1999 ?

La vérité est que la compétition internationale tend à la guerre de repartage. Ne pas assumer cela, c’est ne pas être de gauche ; accuser les Américains, c’est nier que chez les dirigeants, russes comme français, américains comme britanniques, iraniens comme israéliens, on éprouve l’envie, le besoin de se tourner vers la guerre de repartage.

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Non à l’intervention militaire, aux bombardements en Syrie!

La guerre, la guerre et toujours la guerre ! A force de se tourner vers le protectionnisme et le nationalisme comme seules solutions « accessibles », les pays les plus développés assument la compétition « géopolitique », avec l’assentiment d’une partie significative de la population.

Ce que cela signifie, c’est simplement la guerre, il faut bien le dire. Et on est tellement dans un jeu malsain que c’est par un message Twitter que Donald Trump l’escalade, disant à la Russie de se tenir prête face à l’intervention américaine en Syrie.

« La Russie jure d’abattre n’importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents” ! Vous ne devriez pas vous associer à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son peuple et aime cela. »

Il n’a pas hésité à écrire, pour en rajouter :

« Notre relation avec la Russie est pire maintenant qu’elle ne l’a jamais été, et cela inclut la Guerre froide. »

C’est là préparer l’opinion publique à la guerre, avec des cibles désignées : la Syrie tout d’abord, mais également l’Iran, ainsi que la Russie elle-même.

La visite du prince héritier saoudien,  Son Altesse Royale le prince Mohammed ben Salman ben Abdulaziz al-Saoud, à Paris ces derniers jours – il a pu manger son repas avec Emmanuel Macron devant le tableau « La liberté guidant le peuple », quelle honte – participe à ce mécano militariste, puisque l’Arabie Saoudite prône la guerre contre l’Iran.

L’Arabie Saoudite a même reconnu que les Israéliens avaient droit à un territoire, rompant avec sa position officielle traditionnelle, montrant qu’on est désormais dans le dur, dans le concret, dans la « realpolitik ».

La Grande-Bretagne l’a bien compris et Theresa May a ordonné l’envoi de sous-marins à proximité de la Syrie, alors qu’un autre sous-marin fait des manœuvres avec deux navires américains dans la zone arctique, pour la première fois depuis dix ans.

Cela va cogner et il faut avoir suffisamment de réseaux, d’alliances, de participations ici et là pour tenir. Ne pas comprendre que cela va cogner ou pire le nier est une faillite intellectuelle et morale – la guerre est inévitable, à moins de changements de régimes dans les pays concernés.

C’est bien pour cela, justement, que l’Europe comme projet politique a eu tellement de succès chez les peuples. L’Europe permet, en théorie, de dépasser les nationalismes, les patriotismes étriqués, et il y a 25 ans tous les Français pensaient qu’il y aurait à moyen terme un passeport européen, et bientôt un gouvernement européen, des États-Unis d’Europe.

C’est pour cela que beaucoup de gens croient encore en l’Union Européenne comme moyen d’éviter les conflits, tout en espérant souvent, en même temps, de manière directement impérialiste, que cela soit un empire face aux États-Unis et à la Chine.

Naturellement, c’est au nom des droits de l’homme encore une fois que les missiles sont présentés comme essentiels. L’hypothèse d’une attaque chimique en Syrie à Douma du 7 avril sert ici de prétexte à une immense campagne en faveur de la guerre, tout comme la question kurde pour l’intervention française annoncée il y a quelques jours.

Il ne s’agit pas ici, naturellement, de dédouaner la Syrie, l’Iran et la Russie. Ces régimes sont odieux. Cependant, l’ennemi c’est toujours notre propre nationalisme, notre propre chauvinisme, notre propre impérialisme. Les prétextes pour refuser cela ont permis la guerre de 1914-1918, alors qu’une révolte dans un pays aurait produit des révoltes dans les autres.

Il ne faut jamais accepter les initiatives militaires, militaristes, de la part de son propre pays !

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Non à l’envoi de troupes françaises en Syrie !

Quand un pays en envahit un autre depuis une centaine d’années, que ce soit par colonialisme ou par expansionnisme, il ne dit pas qu’il le fait car il veut s’étendre. Il affirme le faire par nécessité : pour sauver des gens, libérer une population, empêcher la barbarie, étendre la civilisation, etc.

Même l’Allemagne nazie, outrancière dans son agressivité, prétendait vouloir former une nouvelle Europe. Ne parlons pas non plus de la guerre de 1914 ou du colonialisme français, tout pétri de « bonnes intentions ».

Être de gauche, c’est inversement et par définition refuser tout interventionnisme militaire de son propre pays dans un autre. Toute acception d’une exception est une trahison de ce principe.

On peut soutenir un pays, un régime, comme par exemple la République espagnole face au soulèvement de Franco. On peut soutenir une résistance légitime à une occupation. Mais on ne peut pas soutenir une faction, des bandes armées, des troubles visant à dépecer un pays.

Par conséquent, être de gauche c’est rejeter par principe l’envoi de troupes françaises en Syrie annoncé hier. La décision, de manière subtile, a été annoncée non pas par l’Élysée, mais par un représentant des Forces démocratiques syriennes, les FDS, le Kurde Khaled Issa.

L’Élysée s’est contentée d’un communiqué de presse, expliquant avoir discuté avec des membres des FDS « à parité de femmes et d’hommes, d’Arabes et de Kurdes syriens » et disant d’Emmanuel Macron que :

« Il a assuré les FDS du soutien de la France, en particulier pour la stabilisation de la zone de sécurité au nord-est de la Syrie, dans le cadre d’une gouvernance inclusive et équilibrée, pour prévenir toute résurgence de Daech dans l’attente d’une solution politique au conflit syrien. »

La « stabilisation » en question est une allusion aux conséquences de l’intervention militaire turque ces derniers jours en Syrie du Nord, dans une zone contrôlée jusque-là par les forces kurdes, avec un chaos général, avec 160 000 personnes fuyant les combats.

La Turquie, aidée de « rebelles » syriens, contrôle déjà une importante zone (en turquoise sur la carte ci-conre).

Pour rappeler brièvement les événements, lors de la guerre civile en Syrie, les occidentaux avec la France en tête ont cru que le régime allait vite tomber et ont arrosé des opposants malgré la forte présence d’Al – Qaïda.

Non seulement le régime a tenu, mais ces forces sont devenues autonomes, alors que l’État islamique s’est développée.

La Russie et l’Iran sont alors intervenus pour soutenir le régime syrien, pendant que les États-Unis développaient une présence en se liant aux Kurdes de Syrie, également appuyées techniquement par des experts non officiels français et britanniques.

La Turquie, qui appuyait l’État islamique, est rentrée dans la danse et officiellement, l’État français vient pour « sauver les Kurdes ». C’est-à-dire, en réalité, pour participer au dépeçage de la Syrie, avec trois zones :

– le régime syrien officiel de Bachar Al-Assad, lié à l’Iran et la Russie ;
– un régime « arabo-kurde » lié aux États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ;
– un régime arabo-islamiste aux contours flous encore ;
– une zone passant sous la coupe de la Turquie.

Tout le monde est gagnant : la Turquie empêche l’avènement d’un État kurde et renforce sa dimension « ottomane », pendant que les autres ont un pied à terre local. C’est gagnant-gagnant, aux dépens de la démocratie et des populations locales, jusqu’à la prochaine guerre de partage…

Il faut souligner ici l’importance, dans ce cadre d’un régime autoritaire. De plus en plus, avec la montée des tensions, les régimes deviennent de plus en plus pyramidales, que ce soit en Turquie ou en Russie, en Inde ou aux États-Unis, en Chine ou en Égypte.

Il y a à chaque fois un chef qui dirige le pays, prenant des décisions avec une approche ultra-populiste. C’est aussi le cas en France : la décision d’Emmanuel Macron est, naturellement, celle d’un président de la cinquième République, qui décide seul de la politique extérieure, sans le parlement, sans demander son avis à la population.

Il est inévitable, ici, de parler des Kurdes. Il est tout à fait compréhensible que l’on éprouve de la sympathie pour ce peuple sans État, aux populations vivant en minorité dans plusieurs États, et plus précisément en minorité opprimée, que cela soit en Turquie, en Iran, en Irak ou en Syrie.

Cependant, on ne découpe pas les États comme cela, encore moins quand ce sont des grandes puissances qui sont partie prenante. Cela n’a rien de démocratique, à moins de considérer les nations comme des fictions, les États comme des aberrations.

Lorsque, en France (mais aussi en Belgique), les anarchistes se sont massivement lancés dans des campagnes de soutien aux Unités de protection du peuple (YPG) kurdes agissant en Syrie, ils sont cohérents, puisqu’ils veulent une décentralisation, des communautés autonomes, un État central présent le moins possible, etc.

Mais être de gauche sans basculer dans l’anarchisme qui est bloqué à une vision individuelle des choses, c’est voir le rôle de la guerre, des grandes puissances, de la logique de partage par la conquête…

C’est refuser que des parties fassent ce qu’elles veulent aux dépens du tout, car une telle logique de dépeçage ne profite qu’aux conquérants qui utilisent le vieux principe : diviser pour régner !