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Culture

Love – Forever Changes (1967)

A sa sortie en 1967, Forever Changes du groupe américain Love n’eut aucun succès. S’il reste encore strictement inconnu du grand public, il est depuis unanimement considéré par les critiques musicaux comme un des plus grands chefs d’œuvre.

Le paradoxe est que, loin d’une sur-esthétisation, d’un intellectualisme élitiste ou quoi que ce soit de ce genre, l’album est bien d’une très grande accessibilité.

On comprend pourquoi il fut l’album préféré des Stones Roses et de leur producteur, justement en raison de cette fragilité jamais gratuite, cette esthétique formidable et jamais ostentatoire, toujours ouverte, lisible, connaissable.

A cela s’ajoute bien entendu une incroyable synthèse de folk, de rock psychédélique, avec des éléments préfigurant la pop, alors que des guitares acoustiques accompagnent une démarche orchestrale.

La chanson Alone again or est la plus emblématique et la plus célèbre (« on dit que ça va ; je n’oublierai pas, toutes les fois que j’ai attendu patiemment pour toi, et tu feras seulement ce que tu as choisi de faire, et je serai encore seul ce soir ma chère »).

La chanson A House Is Not a Motel est également marquante, avec son éloge du couple (« Une maison n’est pas un hôtel de passage »).


Le groupe avait saisi une certaine précarité du mouvement hippie et l’échec de l’album amènera son implosion, avec un basculement encore plus flagrant dans l’héroïne et le LSD.

La critique de la société est profondément romantique, avec une exigence résolument franche d’une autre vie, comme ici avec Live And Let Live (Vivre et laisser vivre) : « J’ai t’ai vu de nombreuses fois de par la passé, une fois j’étais un Indien, et j’étais sur ma terre, pourquoi est-ce que tu ne comprends pas ? (…) J’ai fait mon temps, je l’ai bien servi, tu as fait de mon esprit une cellule ».

Le phrasé de Bummer In The Summer est également très puissant de par sa dimension blues, l’histoire comptant la mésaventure d’un plombier qui a trouvé la femme de ses rêves, mais la jalousie environnante agresse leur relation et lui rappelle à la femme sa liberté.

La référence à Love a été relativement partagée dans le milieu rock, des Ramones à Alice Cooper, de Jesus and Mary Chains à Billy Bragg, de Robert Plant au Velvet Underground, etc. La chanson Alone Again or fut notamment plusieurs fois reprises.

Voici la version des Damned, des Boo Radleys, des Oblivians, de Sarah Brightman, d’UFO, et enfin une version de Bryan McLean, le membre de Love auteur de la chanson et par ailleurs ancien roadie des Byrds.






Il est à noter que ces références à Love profitent également de la chanson Seven and Seven Is, de de l’album précédent datant de la même année, Da Capo, connue pour avoir une très forte dimension pré-punk.

Cependant, au-delà de la dimension expérimentale caractérisant Love, Forever Changes est marquant comme album avec beaucoup de sensibilité, partant selon dans le tourmenté déboussolé, le réconfortant, l’agressif protestataire, le frénétique ; c’est un album qui affirme toute une recherche d’expression des facultés émotionnelles lors de la vague psychédélique et hippie.

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Politique

Jeunesse Communiste Révolutionnaire : « Nanterre : de la contestation de l’université capitaliste à la contestation de la société capitaliste »

La Jeunesse Communiste Révolutionnaire était au moment de mai 1968 une organisation déjà solidement implantée ; même si elle n’est née qu’en 1966, elle profitait d’être construite par le Parti communiste internationaliste né en 1944 et relevant du courant trotskiste dit « frankiste ».

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Société

 » Usul, mon violeur avait le même discours que toi »

Usul est un homme se disant de gauche qui doit sa popularité à ses activités sur internet. Après avoir été chroniqueur de jeux vidéos sur youtube, il a décidé de se lancer dans l’analyse politique, tout en se présentant comme marxiste.

En février 2018, avec sa compagne Olly Plum (« hardeuse » et « camgirl »), il diffuse une vidéo de leurs ébats sexuels, en accord avec sa partenaire. Usul se dit féministe et dans plusieurs de ses vidéos parle du consentement avec l’intervention de Olly Plum.

C’est sur ces points qu’un collectif de cinq femmes : Barbara, Hélène, Léa, Marie et Lucia, qui se décrivent comme « survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM (le sado-masochisme) et victimes du discours  »sexe-positif » », interpellent Usul.

Sur leur blog de médiapart « Elles aiment ça », ces féministes de gauches », comme elles se qualifient, accusent Usul de relever d’une démarche inacceptable.

Elles tirent des conclusions en partant de leurs expériences et en viennent à faire une critique du féminisme néo-libéral. Elles considèrent qu’Usul s’appuie sur le féminisme néo-libéral pour justifier son comportement tout à fait représentatif de ceux qui attaquent les femmes en prétendant établir une « libération sexuelle ».

C’est là que réside la polémique entre elles et Usul. Voici le document, qui réaffirme enfin certaines choses élémentaires.

En participant récemment à une vidéo porno tournée par sa compagne camgirl OllyPlum, le youtubeur Usul s’est prononcé en faveur de l’industrie du sexe. L’idée est de nous présenter la “libération sexuelle” comme vecteur d’émancipation des femmes. Le sentiment de trahison est intense pour nous, féministes de gauche, survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM.

Une “libération sexuelle”, vraiment ?

Depuis quelques dizaines d’années, l’expression “libération sexuelle” est liée à l’affranchissement du tabou : c’est l’idée qu’une personne pourrait avoir n’importe quelles pratiques sexuelles, notamment sans éprouver d’amour pour son/sa partenaire, l’idée qu’on peut dissocier la sexualité des sentiments et qu’elle n’est pas sacrée, et qu’il n’y a pas à avoir de jugements moraux sur les pratiques sexuelles.

Ces idées sont séduisantes pour les femmes : elles nous évoquent l’espoir de ne plus être traitées de salopes si on aime tel ou tel truc, de ne plus être cantonnées à la sentimentalité et enfermées dans le mythe amoureux, d’être suffisamment à l’aise avec la sexualité pour qu’elle devienne une activité comme une autre, à laquelle ne serait plus rattaché de préjugé social.

Pourtant, dans notre expérience, la réalité que cache la “libération sexuelle” est toute autre :
Là où en tant que femme nous voyions une dissociation libératrice du sexe et des sentiments, nous avons fait face à des hommes qui dissocient sexe et respect de l’Autre.

Là où nous espérions enlever le stigma de la sexualité comme un service, nous avons eu affaire à des hommes qui voyaient l’argent comme une manière de compenser la violence et la dégradation.

Là où nous espérions que l’absence de jugement moral nous protégerait du slut-shaming, il nous a surtout empêché d’avoir un jugement moral sur la violence criminelle qui nous a été infligée.

Si tu veux bien, nous allons te parler un peu de nous

Nous sommes 5 femmes qui avons été victimes des discours du féminisme néolibéral. Quand nous avions 25 ans, chacune d’entre nous tenait publiquement les propos “sexe-positifs” qu’OllyPlum et toi tenez à l’heure actuelle.

On se sent tellement cool à 25 ans à avoir lu Despentes, à lire les discours du STRASS, et à se dire qu’on réussira, nous, à sortir du piège de la sainte et de la pute, qu’on a le droit au plaisir, qu’on est assez forte pour surpasser tout ça.

Aujourd’hui, nous avons la trentaine. Nous souffrons de syndromes post-traumatiques après avoir été violentées, dégradées, frappées, et violées par des mecs de gauche qui défendent ces théories. Et nous prenons soin de femmes qui ont été frappées et violées, sans arriver à se défendre, à cause de ces théories.

Pour nous toutes, les discours que tu défends à l’heure actuelle ont été un piège tendu par les prédateurs, et le bouclier qui leur sert à se défendre.

Pour Marie, Hélène et Léa, le discours sexe-positive a été la tentative inconsciente de “transformer” la violence et le viol conjugaux, en se disant “puisque ce qui excite les hommes c’est la violence et la domination, autant le faire dans un cadre où j’aurais du contrôle dessus” :

“Je m’appelle Léa et j’ai bientôt 25 ans, et jusqu’à il y a quelques mois, je tenais le même discours qu’OllyPlum. Je me suis toujours considérée féministe.

Pourtant, de mes 16 à mes 23 ans, je vivais des actes de violence sexuelle de la part de mon conjoint. J’ai subi des coups, des pressions, des chantages, des pratiques très extrêmes. Il est allé jusqu’à m’“offrir” à ses amis. Le tout sous prétexte de liberté sexuelle.

Pour encaisser tout ça, je me suis réfugiée derrière le discours “ sexe-positif ”, en me disant que j’étais libre parce que j’expérimentais beaucoup de choses sexuellement. Je disais publiquement que j’aimais ça.
A certains moments où nous avions des difficultés financières, j’avais pensé à devenir call girl, ou à faire de la cam. Il avait dit que ça l’exciterait.

Aujourd’hui j’ai pris conscience de ce que j’ai vécu et je me rends compte tous les jours de l’impact néfaste que cela a dans ma vie amoureuse et sexuelle. Je pleure beaucoup, je culpabilise beaucoup, et ma vie sexuelle est une réflexion permanente pour essayer de ne pas reproduire ce schéma de violence auquel j’ai été conditionnée.”

“Je m’appelle Marie et j’ai 28 ans. A 21 ans, alors que je sortais d’une relation violente, marquée par le viol conjugal, je suis tombée amoureuse d’un homme “féministe”. Pourtant, au quotidien, il me rabaissait intellectuellement. Au lit, il m’insultait et me dévalorisait en permanence. Il fait des conférences sur le consentement : il présente le BDSM comme une sexualité libérée et épanouie.

Comme beaucoup, je pensais que j’étais un être totalement libre, et voulais me croire entièrement responsable de mes désirs et de mes choix : j’ai adopté le discours “ sexe-positif ” en clamant que je me soumettais par choix.

Marquée par ces deux relations violentes, aujourd’hui, je peine à avoir des rapports sexuels. J’éprouve du dégoût et de l’angoisse, je pleure presqu’à chaque fois.”

Pour Lucia et Barbara, le discours “sexe-positif” traduisait la volonté d’être “plus fortes” que les blessures laissées par l’inceste et les viols, et la volonté de se sortir de la précarité:

“ Je m’appelle Barbara et j’ai 36 ans. Quand j’avais 24 ans et que je n’arrivais pas à payer mes factures, j’ai décidé de me prostituer. Je clamais que c’était mon choix. Que j’en avais le droit. Je savais que ce n’allait pas me faire plaisir mais je me disais que mieux valait être payée pour être violée vu que de toute façon j’étais sans cesse violentée en soirées alcoolisées… A cette époque je ne compte même plus le nombre de viols subis…

Bref, après deux clients, je me dégoûtais tellement que j’ai vomi deux jours sans arrêter. Non ça n’est pas un job comme un autre. Est-ce que j’aurais pensé à faire ce ”métier » si depuis enfant je ne servais pas de trou à bite ? J’en doute.

Evidemment, quand depuis vos six ans vous vivez l’inceste, vous avez intégré que votre corps appartient aux hommes et pas à vous. J’ai fini en grave dépression avec tentative de suicide. Et j’ai arrêté de faire ça. Je préfère être pauvre que finir le travail de destruction entamé par mes agresseurs.”

Était-ce une libération sexuelle lorsque Hélène s’est prit des coups de poings dans le ventre et que Marie s’est fait traiter de chienne par leurs conjoints sous prétexte de BDSM ? Que Léa a été “prêtée” à des hommes et qu’elle s’est fait uriner dessus sous prétexte de jeux ?

Qu’ Hélène s’est entendu dire par un client cynique – riche PDG parisien qui payait tout son “personnel domestique” pour qu’elles travaillent nues et subissent des actes sexuels quand il lui en prenait l’envie – “tu ne peux pas te plaindre des tarifs ! En tant que blanche, je te paye déjà bien mieux que les asiatiques, les noires et les filles de l’est… que veux-tu, c’est la loi de l’offre et de la demande !” ?

Certaines d’entre nous ont mis plus ou moins de temps à sortir de la maltraitance. Toutes, nous avons acquis lors de violences sexuelles cette capacité – dont parlent Catherine Millet1, et OllyPlum2 – à dissocier nos corps et nos esprits. Un état bien particulier, nécessaire à monnayer le sexe. Sais-tu que cet état porte un nom ?Ça s’appelle la dissociation traumatique.

C’est une “capacité” que l’on acquiert lorsqu’on est victime de violences.Nous t’encourageons à lire les travaux de la docteure Muriel Salmona3 : elle explique très bien comment les femmes qui ont été victimes de violence cherchent à reproduire cette état de dissociation, par le biais de conduites à risque, notamment la prise de drogue, l’automutilation et … la reproduction d’actes sexuels dégradants ou violents (rémunérés ou pas).Le problème avec cette dissociation, c’est que si elle permet de se protéger (et même parfois de donner l’impression de “bien vivre” les choses4) sur le moment, elle a en général des conséquences extrêmement graves sur le corps et l’esprit des femmes, par le biais de symptômes traumatiques.

Plusieurs d’entre nous en souffrons, et nous pouvons t’assurer que ce n’est pas une partie de rigolade : insomnies, cauchemars, flash-backs, somatisations de toutes sortes (vertiges, migraines, maux de ventre ou de dos), sentiments de déréalisation et/ou de mort imminente, psychopathophobie5, pulsions d’autodestruction, hypervigilance, palpitations, crises d’angoisse, attaques de panique, épisodes dépressifs, etc.

Tu vas dire que nous ne sommes que 5 individues à te parler aujourd’hui. Mais sais-tu que 70% 6 des travailleuses du sexe souffrent de syndrome de stress post-traumatique ?


Un “féminisme néolibéral”, au service des prédateurs

Voilà nos réalités, bien sagement cachées derrière le discours du féminisme néolibéral dont tu te fais porte-parole. Cela paraît bien loin des licornes et des paillettes, du discours glamour et libertaire ? C’est vrai qu’il y a de quoi être déçu quand on voit à quel point le féminisme néolibéral est un pro du marketing.

Pour commencer il se fait appeler “pro-sexe”, ou “sexe-positif”. Comme s’il existait un féminisme anti-sexe ou sexe-négatif !

De la même manière que les entreprises font le rebranding du travail (pensons à Emmanuel Macron qui vend la casse des droits sociaux sous le terme de “flexibilité du travail”!), le féminisme néolibéral est devenu expert du rebranding de la soumission et de la maltraitance des femmes :
Un prédateur veut attacher une femme ? Bondage et shibari !
L’insulter et l’humilier ? Jeu de domination !
La battre ? BDSM
La forcer ou la violer ? Jeu de non consentement !
La dissociation traumatique est rebrandée en “subspace”, et tout roule pour les violeurs.

Comme son nom l’indique, le discours sexe-positif tend à rendre positive toute pratique sexuelle, à la rendre valable et acceptable, quel qu’en soit le degré de violence ou de perversion. Pour la justifier, ça ne coûte pas grand-chose aux agresseurs : “ Il y a des pratiques qui peuvent être un peu dures, mais avec un baiser avant ou après, ce n’est pas pareil.7

C’est vrai : avec un baiser avant ou après, on a plus de mal à identifier la violence et à s’en sortir. Léa pourrait te raconter comment l’homme qui a abusé d’elle pendant des années l’embrassait et lui disait “je t’aime” après l’avoir humiliée, étranglée et violentée.


Stratégie de l’agresseur

As-tu déjà entendu parler de “la stratégie de l’agresseur”, cette méthode mise au jour par le Collectif Féministe Contre le Viol8 ?
Grâce à 40 ans d’écoute et d’expertise sur la question des violences sexuelles, les militantes du CFCV ont pu déterminer 5 éléments stratégiques permettant aux agresseurs d’enfermer leurs victimes dans une emprise, afin de les empêcher de se défendre : isoler, dévaloriser, inverser la culpabilité, instaurer la peur, et garantir son impunité.
Si tu veux bien, examinons cette stratégie de l’agresseur à la lumière du féminisme néolibéral :

  1. Isoler : le féminisme néolibéral laisse à chacune la responsabilité de déterminer ce qui est une violence sexuelle et individualise la problématique de la domination
  2. Dévaloriser : il permet aux prédateurs de frapper, humilier, forcer les femmes + les monnayer de manière précaire
  3. Inverser la culpabilité : il dit que ce sont les femmes qui “aiment ça” (les coups, l’humiliation, le travail du sexe), en se gardant de parler de l’excitation traumatique9, ceci donnant aux femmes un profond sentiment de complicité aux violences qui leur sont infligées
  4. Instaurer la peur : outre la peur instaurée par les violences sexuelles, les personnes posant des limites ou des critiques sont par ailleurs mises dans la position d’oppresseurs puritains. Le jugement, dont on pourrait se servir pour se protéger, est présenté comme une pratique dangereuse et réactionnaire.
  5. Garantir son impunité : quoi de mieux pour un prédateur que de pouvoir se dire “féministe” ? Il peut même se positionner en progressiste libertaire (“ je suis si féministe que je pense qu’une femme peut être dégradée sans que cela l’atteigne ! ”)

En fin de compte, le marketing du féminisme néolibéral fournit sans doute le meilleur mode d’emploi jamais créé pour permettre aux prédateurs sexuels d’abuser des femmes sans aller en prison.


Comprendre le consentement à l’oppression, grâce… à tes propres arguments

Dans ta vidéo “L’économiste (Frédéric Lordon)” tu fais une démonstration plutôt développée, que nous avions grandement appréciée, de la pensée matérialiste.

Tu y analyses le prétendu « consentement » au travail salarié, et le mythe du salarié épanoui de sa propre exploitation capitaliste. Tu démontes assez brillamment l’idée de « libre arbitre » promue par les exploiteurs, dans un monde en réalité déterminé par un conditionnement inconscient extrême, par tout un tas de facteurs socio-économiques et par la propagande.

Tu évoques entre autres la notion d’“Angle Alpha”, et le concept marxiste d’aliénation, qui expliquent bien comment nos désirs sont “toujours produits par l’extérieur”, c’est à dire par nos structures sociales10. Enfin, tu cites Lordon disant


Usul, comment se fait-il que tu n’arrives pas à appliquer tes propres développements philosophiques à la question de la sexualité et de l’oppression masculine ?Pourtant, l’exploitation des femmes par les hommes fonctionne de la même manière que l’exploitation des pauvres par les riches : elle se fait passer pour naturelle, méritée et, lorsqu’elle est critiquée, se couvre des apparats du choix personnel et du fun.

Ou pour reprendre encore une fois littéralement tes propres arguments : les femmes deviendront dociles et les hommes pourront régner par “l’amour” plutôt que par la crainte, l’ordre patriarcal a réenchanté l’exploitation des femmes en l’enrichissant d’affects joyeux, et le néolibéralisme patriarcal a réussi à insuffler aux femmes “l’amour” de la situation de travail sexuel et de la soumission.11

Les femmes – comme n’importe quel groupe opprimé – peuvent consentir à leur propre oppression. Et, en fin sociologue, tu le sais très bien : en ne cherchant pas les raisons du consentement, en ramenant la lutte à la question du choix individuel, on dépolitise, et on prive une classe opprimée de sa capacité de lutte. Mettre l’accent sur le consentement (une femme “consent” à être frappée) et jamais sur les nuisances (une femme a reçu des coups) est un pain béni pour les prédateurs.

Ou comme l’explique Catharine MacKinnon “Quand vous dites qu’un homme qui frappe, gifle, étouffe, et blesse une femme a tort seulement parce qu’elle n’a pas « consenti », vous dites que le seul problème de la violence masculine est que les femmes n’ont pas encore appris à l’apprécier.”


Le consentement des victimes est l’ultime bouclier de l’oppresseur

A droite, cela fait des centaines d’années que les prédateurs font porter leurs voix par leurs femmes : elles ont d’abord défilé contre le droit de vote, puis contre le droit à l’IVG, puis contre le mariage pour tous. Elles déclarent à grands cris qu’elles ont choisi, libres de toute contrainte, de penser que c’est à leur mari d’être « chef de famille ».

A gauche, il y a aussi désormais les prédateurs qui font porter leurs voix par leurs femmes : partout, nous allons dire que nous nous “libérons” en couchant sans désir, en nous faisant fouetter, attacher et taper dessus, et en vendant nos culs.

Partout nous propageons le même discours : “libération”, “violence consentie”, “empowerment par la soumission”, « plus je m’approprie et revendique ma soumission au désir des hommes, plus cela fait de moi une femme empowerée libre et forte »12.

Quelle stratégie brillante de la domination masculine ! Depuis des millénaires, diviser les femmes en deux catégories – femmes respectables d’un côté, putes de l’autre – et les laisser servir l’une à l’autre d’épouvantails.

Et nous, toutes occupées à se détester les unes les autres – celles de gauche terrorisées à l’idée de finir murées dans une cuisine et un mariage violent, et celles de droite terrorisées par l’idée de se faire abuser par toutes une série d’hommes objectifiants – nous continuons bien sagement à défendre vos intérêts à nous traiter comme de la merde13.

Le féminisme ”sexe-positif” est vraiment très fort dans son utilisation des femmes pour la défense de leur propre oppression : il a même adopté comme discours officiel « on doit écouter les concernées ». En réalité, ce que nous y avons constaté est qu’on y « écoute les concernées » uniquement quand elles valident la domination.

Dès qu’elles la dénoncent, on les renvoie soudain à des problèmes personnels ou interpersonnels. Pourtant, face au nombre de femmes ayant vécu des traumas et abus sous cette couverture, il est évident qu’on fait face à un schéma systémique et qu’on ne peut pas parler d’exceptions.

La vérité, c’est qu’en quelques années seulement, les arguments du féminisme « sexe-positif » sont devenus une des principales armes des “porcs” : ils ont fait de la rhétorique de l’empowerment un terrible outil au détriment des femmes.


Check ton privilège

Face à Hélène, qui – après avoir été dégradée, violée et battue par des hommes se disant féministes, sous prétexte de travail du sexe, de liberté sexuelle et de soumission BDSM – ne supporte plus qu’un homme la touche, et se réveille en sueur la nuit après avoir cauchemardé de viols et de tortures ; face à Léa et Marie qui explosent en sanglots pendant leurs rapports sexuels et dont les pratiques qu’elles ont subies pourrissent encore aujourd’hui leurs vies sexuelles ; face à Lucia qui nous confie comment la reconstruction d’une sexualité saine avec son petit ami lui est difficile ; face à notre lutte de classe pour sortir de la soumission et de l’exploitation, sous quels termes viens-tu nous parler de sexe ?

“Je suis habituellement dans la polémique permanente, dans le militantisme, les revendications, c’est assez épuisant. J’aime bien avoir cette oasis à côté, c’est du plaisir, du laisser-aller, on n’est pas dans le conflit, c’est juste de l’amour, du partage. Des choses positives. Normalement, le cul, ça ne devrait pas être un terrain sur lequel on s’envoie des fions, de mauvaises ondes. C’était ma petite oasis avec Plum et on va continuer à la cultiver, même dans l’adversité. Je pense que l’agitation va retomber. Ça me fait du bien.14

“oasis”, “amour”, “laisser-aller”, “se faire du bien”, “mauvaises ondes”… MAIS MEC, DANS QUEL MONDE TU VIS ? Faire du travail du sexe, pour toi, c’est juste “du plaisir, du laisser-aller, de l’amour, du partage” ?

À quel point es-tu inconscient de ton immense privilège masculin pour prononcer des phrases pareilles ? Pour ne pas réaliser que là où le sexe et le porno sont pour toi un espace de paix boostant ton estime de toi et ton ego, un “repos du guerrier”, ils sont pour nous un champ de bataille ?

Le privé est politique. Ne plus vivre de violences sexistes et sexuelles est un enjeu politique de la classe des femmes. Marketer cette violence et cette exploitation pour les vendre comme acceptables ou épanouissantes est une stratégie au service des hommes, classe dominante dont tu fais partie.

Toi qui passes ton temps à analyser les schémas de domination, quels degrés de naïveté, de déni, ou d’hypocrisie te sont-ils nécessaires pour ne pas appliquer tes propres raisonnements politiques dans un domaine où tu n’es pas directement en statut d’opprimé15?


Fuck ta libéralisation sexuelle et ta fausse “subversion” : nous voulons une vraie libération

À une heure où, depuis les femmes de chambre jusqu’aux actrices les plus célébrées, il est encore si difficile pour une femme de ne pas vendre son cul et/ou sa dignité (à un mari, un patron, un collègue, une audience) pour réussir, ou juste s’en sortir, Usul, sache-le, qu’un homme vienne nous parler de “subversion” par le travail du sexe, c’est dégueulasse.

Ce que tu défends, Usul, ce n’est pas une “libération sexuelle”, mais une “libéralisation sexuelle” au profit de la classe masculine.

Avec le mouvement #Metoo et #Balancetonporc, nous avons dénoncé les viols et les agressions sexuelles qui se basent sur l’absence de consentement. Mais, si le consentement est un préalable indiscutable, on ne peut aborder les questions du consentement et du désir sans prendre en compte les conditionnements forgés par des siècles de domination et de traumatismes vécus par les femmes, et qui jouent un rôle crucial dans leur soit disant consentement/désir/choix de la violence.

Nous ne condamnons pas les stratégies de survie des femmes, ni leurs désirs : nous dénonçons ceux des hommes.

Quelle que soit la forme qu’elle prend (mariage ou prostitution ; enjolivée par un discours “sexe-positif” ou non), toute forme de sexualité basée sur la dissociation traumatique nous révolte.

Des hommes vraiment intéressés par la défense de nos droits ne se baseraient pas sur notre vulnérabilité, créée par des traumas, pour obtenir des actes sexuels.

Des hommes respectueux de leurs partenaires ne banderaient pas à l’idée de les frapper, de les insulter, ou à l’idée d’une interaction sexuelle consentie contre de l’argent. Nous voulons mettre les hommes face à la violence qu’ils continuent d’exercer, sous le bouclier du marketing “sexe-positif”.

De notre côté, nous rêvons d’une véritable “libération sexuelle” des femmes. Une libération sexuelle qui nous délivrerait du trauma et de la violence. Où le sexe ne serait plus pour les femmes une monnaie d’échange, que ce soit contre de l’argent, de la sécurité, de la visibilité, de l’affection ou même de la gentillesse.

 

Barbara, Hélène, Léa, Marie et Lucia,
survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM,
victimes du discours « sexe-positif »

 

(1) https://twitter.com/anti_sexism/status/964179483136806913
(2) Dans sa vidéo “Peut-on monnayer son cul et être féministe ?”, disponible sur Youtube, OllyPlum s’exprime en ces termes : “C’est toute cette violence, notamment sexuelle, qui m’a amenée à travailler dans les milieux du sexe (….). Le viol il est là, quand on s’est fait violée, on peut pas se faire dévioler. Alors oui forcément ça provoque une dissociation entre le corps et l’esprit et après on va investir son corps différemment émotionnellement et du coup, tout un tas d’utilisations du corps qui n’étaient pas disponibles avant, quand le corps était un temple, deviennent envisageables.”
(3) https://www.memoiretraumatique.org/psychotraumatismes/mecanismes.html  

(4) https://www.mumsnet.com/Talk/guest_posts/2799410-Guest-post-I-didnt-think-of-my-prostitution-as-traumatic-but-it-left-me-with-PTSD
(5) Peur de devenir fou/folle
(6) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9698636 et https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2615337/“68% des 827 prostitué.e.s interrogé.e.s dans 9 pays remplissaient les critères du diagnostic de Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT). La sévérité des symptômes de SSPT des participant.e.s à l’étude était équivalente à celle de vétérans de guerre cherchant un traitement, des résidentes de refuges pour femmes battues, et des réfugié.e.s. Une étude faite en Corée trouva que 81% des femmes ayant un passif de prostitution avaient des symptômes de SSPT.”

(7) “Ollyplum et Usul, l’interview décomplexée ”, le Tag Parfait
(8) 0800 05 95 95

(9) L’excitation traumatique désigne la confusion entre violence et sexualité qui imprègne l’imaginaire sexuel des anciennes victimes de violences. Leurs réactions corporelles d’excitation, d’origine traumatique, peuvent les amener à croire que les fantasmes de violence de leurs agresseurs sont en réalité les leurs. Lire le chapitre “La sexualité n’est-elle pas violente par nature?” dans “Les violences sexuelles : 40 questions-réponses incontournables”, de Muriel Salmona
(10) Sur le désir comme construit social et pas uniquement psychologique, voir les travaux de Mélanie Gourarier
(11) Nous avons ici repris les citations que tu as choisies dans ta vidéo sur le consentement, en nous contentant de remplacer “hommes” par “femmes”, et “capitalisme”, par “patriarcat”
(12) Toutes les femmes ne se sont pas laissées berner par un tel discours marketing. Cela est particulièrement vrai pour certaines travailleuses du sexe, qui n’ont pas recours à la rhétorique de la “pute heureuse”, se contentant de mettre en avant la précarité économique qui les amène à se prostituer. D’autres reviennent de ce discours, comme Ovidie, qui a pourtant été longtemps une figure de proue du féminisme pro-sexe : http://brain-page-q.fr/article/page-q/35922-Le-POV-d-Ovidie-le-feminisme-pro-sexe-est-il-mort
(13) Sur le continuum de la violence faite aux femmes et de la monétarisation du sexe que ce soit par le biais du mariage ou de la prostitution, voir le travail de l’anthropologue italienne Paola Tabet

(14) Ollyplum et Usul, l’interview décomplexée ”, le Tag Parfait
(15) Et non seulement tu défends ton privilège de classe masculine mais tu défends ton privilège de classe sociale : en critiquant les techniques oppressives des “pick-up artists”, tu ne faisais en réalité que revaloriser ta propre masculinité ! Voir les travaux de Mélanie Gourarier sur les compétitions entre modèles de masculinité

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Le premier numéro d’Action

50 000 exemplaires du premier numéro d’Action sont vendus à la criée le 7 mai 1968, lors des manifestations. Le voici au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

 

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PCMLF : « Travailleurs et étudiants unissez-vous »

Issu en partie du Parti Communiste Français et reconnu officiellement par la Chine, le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France était l’une des deux principales organisations se revendiquant de Mao Zedong alors qu’arrive mai 1968. Voici son tract du 6 mai 1968.

TRAVAILLEURS ET ÉTUDIANTS

UNISSEZ – VOUS CONTRE LE POUVOIR DES MONOPOLES ET CONTRE LE FASCISME!

VIVE LA JUSTE LUTTE DES ÉTUDIANTS !

« Le monde est autant le vôtre que le nôtre, mais au fond c’est à vous qu’il appartient. Vous les jeunes, vous êtes dynamiques, en plein épanouissement comme le soleil à 8 ou 9 heures du matin. C’est en vous que réside l’espoir. »
MAO TSE-TOUNG

Le système capitaliste mondial est entré dans une période de crise économique, politique et idéologique dont il ne se relèvera pas.

La guerre victorieuse du peuple vietnamien ébranle jusque dans ses fondements l’impérialisme américain et stimule les luttes des peuples du monde entier.

Un monde nouveau se lève à l’Orient. La République Populaire de Chine, sous la direction de Mao Tsé-toung, Lénine de notre époque, indique le chemin à suivre pour tous les révolutionnaires.

Les régimes monopolistes des U.S.A. et d’Europe occidentale sentent leur fin prochaine. Pour eux, la seule issue, c’est le recours aux méthodes terroristes de gouvernement, à la violence permanente contre la classe ouvrière et le peuple, c’est-à-dire au fascisme.

La recrudescence de l’activité des groupuscules fascistes du type « occident  » est un signe de cette décadence.

Le journal fasciste « Minute » a ouvertement appelé au meurtre des étudiants, en les désignant sous les termes d' »enragés rouges ».

Il a été suivi en cela, par toute la presse et les moyens de propagande au service des monopoles.

La direction du P.  » C.  » F. est venue au secours du chœur des réactionnaires, en reprenant les mêmes arguments, en appelant à la répression contre les étudiants en lutte, en essayant de dresser la classe ouvrière contre eux.

Leurs manœuvres ont lamentablement échoué devant le soutien actif d’un nombre toujours plus grand de travailleurs aux luttes et manifestations des étudiants.
La faillite de la direction révisionniste du P.  » C.  » F. parmi les intellectuels révolutionnaires annonce sa faillite totale dans la classe ouvrière.

La classe ouvrière, de plus en plus exploitée et opprimée, voit grandir sa colère et envisage de plus en plus l’action directe contre le capitalisme.
L’accueil chaleureux que les travailleurs ont réservé aux marxistes-léninistes le 1er mai, de la République à la Bastille, le prouve assez.

Nos justes mots d’ordre:

o  » Unité à la base et dans l’action « ,

o  » A bas les monopoles « ,

o  » Vive la victorieuse guerre du peuple vietnamien « ,

o les chants révolutionnaires de l' » Internationale – et de la « Jeune Garde » ont été repris tout au long du
parcours par des milliers de voix sans que les permanents révisionnistes aux ordres de Waldeck-Rochet puissent nous empêcher de défiler avec tous les autres travailleurs, et obtenir leur soutien.
Les intellectuels et les étudiants, en particulier les étudiants d’origine pauvre ouvrière et paysanne, ressentent particulièrement la crise qui déferle sur notre société décadente.

ILS ONT RAISON DE SE REVOLTER !

Le plan Fouchet, réforme ultra-réactionnaire de l’enseignement, au service exclusif des monopoles, les touche dans leurs intérêts les plus profonds puisqu’il vise à rejeter la majorité et en premier lieu ceux issus des classes laborieuses de l’Université, à les mettre à la disposition des intérêts capitalistes les plus vils.

TRAVAILLEURS ET ETUDIANTS, UNISSEZ-VOUS DANS LE MEME COMBAT CONTRE LE POUVOIR DES MONOPOLES ET LA MONTEE DU FASCISME !

Les intérêts des étudiants progressistes rejoignent ceux des travailleurs. Il ne peut y avoir d’Université démocratique dans le cadre de la fausse démocratie de la bourgeoisie.

Seul le socialisme permettra la réalisation d’un système nouveau d’enseignement qui réponde aux aspirations légitimes des intellectuels progressistes.

Toutes les solutions réformistes propagées par la fausse gauche  » (Mitterrand et Cie) et par la direction du P.  » C.  » F. ne sont que poudre aux yeux visant à mieux préparer la soumission des intellectuels au système monopoliste d’Etat, en les berçant d’illusions pour qu’ils abandonnent la lutte.

La lutte des étudiants après les grands combats ouvriers de ces dernières années annonce les grands bouleversements qui vont avoir lieu dans les pays capitalistes.
Elle annonce les luttes révolutionnaires de la classe ouvrière et du peuple, luttes qui balaieront le système capitaliste.

C’est pourquoi les étudiants révolutionnaires doivent résolument rejoindre le combat de la classe ouvrière et se placer sous sa direction politique.
Les étudiants en lutte contre les monopoles ne pourront triompher qu’à cette condition C’est pourquoi les militants du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France participent au coude à coude aux manifestations des étudiants et se battent résolument à leurs côtés contre le pouvoir des monopoles.

C’est pourquoi le P.C.M.LF. lutte résolument pour lier le combat des jeunes intellectuels a celui des travailleurs, pour expliquer aux travailleurs le sens profond de la lutte des étudiants, afin de briser l’isolement dans lequel la bourgeoisie et la direction révisionniste du P.  » C.  » F. tente de les enfermer. Il compte également pour cela sur l’aide de tous les anti-monopolistes sincères.

6 mai 1968 – Le Comité central du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France.

– Travailleurs, étudiants, luttons tous ensemble, mobilisons-nous en permanence
contre le pouvoir des monopoles, contre la montée du fascisme !

– Peyrefitte et Fouchet à la porte !

– Grimaud (préfet de police), Roche (recteur) démission !

– Libérez les emprisonnés ! Levez les sanctions !

– Travailleurs, étudiants révolutionnaires, rejoignez le P.C.M.L.F., le seul Parti communiste véritable.

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Politique

1818-2018 : bicentenaire de la naissance de Karl Marx

Il y a deux cents ans, le 5 mai 1818, naissait Karl Marx, dont l’impact dans l’histoire du monde a été immense, puisque un tiers de l’humanité, à un moment, vivait sous un régime se revendiquant de lui.
Karl Marx aurait affirmé, bien sûr, que ce n’est pas son impact qui a causé cela, mais la lutte des classes, car pour lui « l’histoire est l’histoire de la lutte des classes ». Il serait d’ailleurs erroné de faire de Karl Marx un simple intellectuel, coupé de la réalité de son époque.

Une large partie de ses écrits sont de circonstance, provoqués par telle ou telle situation, comme la Commune de Paris, la prise du pouvoir par Napoléon III ou les liaisons faites pour donner naissance à l’Association Internationale des Travailleurs, la première Internationale.

Tous n’ont donc pas le caractère général du Manifeste du Parti Communiste ou du Capital, pour citer les deux œuvres les plus centrales de son travail.

De la même manière, Karl Marx a joué un rôle essentiel dans la naissance du mouvement ouvrier de son pays, l’Allemagne. C’est la fameuse social-démocratie, dont le grand représentant historique est Karl Kautsky.

Si ce dernier est inconnu en France à part des (rares) personnes s’intéressant à cette période – le socialisme allemand est au programme du bac en histoire et il n’est jamais mentionné – il fut le grand théoricien du marxisme, obligeant des gens comme Jean Jaurès, Rosa Luxembourg ou Lénine à lire le marxisme à travers lui.

On sait évidemment ici que si Karl Kautsky est inconnu, c’est que la Gauche française n’a jamais apprécié le marxisme, d’où naturellement sa profonde faiblesse sur le plan des idées. De par la tradition syndicale, apolitique, sous les formes réformiste ou anarchiste, il y a une méfiance profonde pour les idées, la culture, la théorie.

Dans notre pays, on suspecte toujours un intellectuel de vouloir manipuler, tromper, se placer, etc. ; cela fit que dans notre pays, il n’y eut jusqu’ici pas de gens comme Antonio Gramsci, mais uniquement des fortes têtes tonitruantes, ce qui produisit Maurice Thorez, mais également Jacques Doriot.

Même mai 1968 n’a débouché que sur un gauchisme rapidement sans idées, se précipitant dans l’actionnisme le plus dispersé, pour rapidement s’épuiser : au milieu des années 1970, tout est déjà fini, à part pour des débris sincères mais totalement déboussolés, sauf bien sûr pour ceux s’étant repliés dans la tradition française du syndicalisme.

C’est ce qui fait, par exemple, que la vague maoïste, si forte parmi les étudiants alors, a alors rapidement disparu, tandis que le trotskisme a su se maintenir pour plusieurs décennies.

En ce sens, il n’est pas vraiment possible de parler d’un éventuel retour à Karl Marx de possible ; encore eut-il fallu qu’un passage par Karl Marx ait déjà été fait. Il y a bien entendu beaucoup d’intellectuels et d’universitaires qui y font référence, d’une manière ou d’une autre, mais jamais ne s’agit-il de marxisme, au sens d’une idéologie bien définie par le mouvement ouvrier.

En France, le mouvement ouvrier a encore tout à apprendre de Karl Marx, qu’il ne connaît simplement pas. On en est, finalement, avant même la social-démocratie, puisqu’en France les socialistes ont toujours été des républicains de gauche.

Même le Parti Communiste Français n’a pas su dépasser un horizon intellectuel universitaire : on chercherait en vain des analyses historiques matérialistes historiques produits par ce Parti !

Évidemment, certains diront que l’utilisation des concepts marxistes n’est pas forcément utile pour analyser la France, qu’il est plus judicieux de se tourner vers les trouvailles universitaires : le langage inclusif, la remise en cause du « genre », la « racialisation » des oppressions, une lecture tiers-mondiste favorable à la contestation religieuse, etc.

Mais c’est là sortir du mouvement ouvrier. Et justement, il faut savoir si on est dans le mouvement ouvrier historique, ou en dehors !

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Politique

UJCML : Vive les étudiants de Nanterre et de Paris

Voici le tract du 4 mai 1968 de l’Union de la Jeunesse Communiste Marxiste-Léniniste, une des deux organisations maoïstes de 1968, qui est née dans le mouvement étudiant et qui s’est notamment caractérisé par une politique d’établissement dans les usines, ainsi que par une intense activité de soutien au Vietnam avec les Comités Vietnam de Base. Les images sont tirées du film de 1967 La Chinoise, de Jean-Luc Godard, lié à l’UJCML et à son prolongement, la Gauche Prolétarienne.

Depuis plus d’un mois, un nombre grandissant d’étudiants et de jeunes se révoltent et luttent contre la bourgeoisie. Les étudiants de Nanterre ont dans cette révolte joué un rôle d’avant-garde.

Toutes les forces répressives de la bourgeoisie se sont mobilisées pour écraser ce mouvement; elles ont utilisé la presse, les bandes fascistes, l’intimidation par l’administration universitaire, les arrestations et enfin l’agression de forces policières massives.

Tous les réactionnaires (y compris la clique dirigeante révisionniste), pris de panique, ont constitué un front uni et fomenté un vaste complot contre les étudiants : calomnier les étudiants progressistes, déverser un flot de mensonges, tout mettre en oeuvre pour les isoler de la population et permettre ainsi leur écrasement par les bandes fascistes et les troupes d’agression policière.

Mais cette offensive de la réaction, loin d’intimider les étudiants, a renforcé leur résolution.

Le mouvement des étudiants progressistes s’est impétueusement développé.

Malgré les contre-courants la masse des étudiants progressistes a brisé les manoeuvres d’encerclement et s’est orientée vers le peuple, vers les larges masses de la classe ouvrière, des travailleurs et de la population.

LE MOUVEMENT DE SOUTIEN AUX LUTTES DU PEUPLE CONNAIT UN GRAND ESSOR.

Le 3 mai, pendant près de 6 heures, de 17 heures à 23 heures environ, la masse des étudiants du Quartier Latin s’est bravement dressée contre les C. R. S. et la répression.

Comptant sur leurs propres forces et bénéficiant de l’appui de la population, ils se sont spontanément organisés et ont sévèrement châtié les provocations policières.

Déjà le mouvement de résistance aux brutalités policières se développe parmi les masses populaires.

Le 3 mai, une partie de la population s’est elle-même portée aux côtés des étudiants pour les aider à résister à la violence.

Les C. R. S. se sont comportés à l’égard de la population comme des troupes d’occupation en territoire ennemi, s’en prenant brutalement aux masses sans aucune distinction.

Ils ont suscité ainsi une grande colère dans la population.

Des masses populaires de plus en plus larges sont frappées depuis des mois et des années par la répression et la violence contre-révolutionnaire. Ces derniers temps les C. R. S. et autres troupes d’agression contre la population se sont livrés à des attaques brutales à l’égard des paysans de Redon, puis à l’égard des ouvriers et des masses populaires du Mans, de Caen, de Redon qui ont vaillamment combattu et châtié les agresseurs.

Ainsi des masses de plus en plus grandes d’ouvriers, de paysans, et d’étudiants prennent conscience de la nécessité de mettre un terme aux agressions policières, de faire cesser la répression.

Dans leur lutte contre la répression, les étudiants doivent résolument s’unir avec les larges masses populaires, et en particulier de la classe ouvrière, qui combattent depuis longtemps le même ennemi.

Ils doivent se mettre au service des travailleurs, force principale de la révolution.

Ouvriers, paysans, étudiants doivent s’entraider et se soutenir mutuellement pour défendre la liberté populaire et mettre en échec la violence policière.

Si les larges masses populaires des ouvriers, des paysans, des étudiants, persévèrent dans la lutte, conquièrent leur unité et forment un vaste front contre la répression policière, elles briseront inéluctablement les plans d’agression de la bourgeoisie.

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Écologie

Plus de 30 000 personnes appellent à la démission du préfet de l’Oise

Ce sont pratiquement 35 000 personnes qui ont signé un appel pour la démission du préfet de l’Oise, à la suite de son soutien unilatéral et déterminé à la chasse à courre.

Naturellement, François Ruffin, qui appelle à un rassemblement à Paris ce 5 mai pour faire la « fête à Macron », ne fait pas partie des signataires. Pourtant, Emmanuel Macron est le grand soutien aux chasseurs et à la chasse à courre en particulier…

Ce qui montre qu’une personne comme lui peut s’imaginer de gauche sans l’être, alors que des gens qui ne se définissent pas nécessairement comme de gauche assument une démarche fonrieriedamentalement de gauche…

Voici une vidéo relatant les propos tenus, ainsi que le texte de la pétition, qui peut être signée sur cette page.

Démission du préfet de l’Oise pour incitation à la violence

Lors de la dernière assemblée générale de la fédération des chasseurs de l’Oise, soit une semaine après une manifestation pacifique record contre la chasse à courre le 31 mars 2018 à Compiègne, le préfet de l’Oise et les présidents de la Fédération Nationale de la Chasse et de la Fédération de la Chasse de l’Oise, ont répondu à l’unisson pour appeler à la violence contre les opposants à la chasse à courre, de plus en plus nombreux.

Le Président de la Fédération Nationale des Chasseur, M Willy Schraen, en appelle à ses « gros bras », 800 chasseurs de gibier d’eau, pour venir « chasser en meute » les  citoyens qui s’opposeraient désormais à cette pratique. Il faut noter qu’il appelle des chasseurs non concernés par ce mouvement qui ne s’oppose qu’à une seule forme de chasse, la chasse à courre.

Le Préfet de l’Oise, M Louis Lefranc, appuie cette initiative en les appelant à « passer à l’action ».

Une véritable milice est levée à la simple demande de représentants de la chasse française. 

Ces méthodes sont anti-démocratiques et contraires aux droits de l’homme et du citoyen. Elles visent à écraser un élan citoyen qui n’en peut plus de supporter une pratique féodale et morbide qui représente la domination par la violence, extrême et gratuite, sur des êtres innocents.

Au lieu d’écouter ce mouvement et ce désir de beaucoup de français de vivre sans ces horreurs et ses souffrances infligées aux animaux, juste pour le plaisir d’une minorité , M le préfet de l’Oise a choisi LA REPRESSION et soutient désormais toute action des chasseurs visant à se faire justice eux-mêmes afin de continuer à vivre selon leurs us et coutumes.

Par ailleurs, M  Guy Harle d’Ophove affirme que toute personne n’aimant pas la chasse se doit de déménager et de quitter les villages forestiers, qui bien sûr selon lui, n’appartiennent qu’à une seule catégorie de citoyens : LES CHASSEURS.

Ce discours, en plus de son caractère dictatorial et violent, atteint plus d’une liberté fondamentale du citoyen français:

– le droit de manifester et d’exprimer ses opinions,

– le droit de vivre à la campagne et dans les villages forestiers pour toute personne opposée à la chasse.

 En soutenant ces  propos dangereux, le préfet de l’Oise cautionne la violence contre des citoyens qui ne veulent que préserver la vie.

Il prône de même l’obligation d’abattre tout animal s’introduisant sur une zone urbaine. Ceci, alors que les habitants des villages ont souvent manifesté leur désir de protéger ces animaux.

Comment un représentant de l’Etat peut-il à ce point ignorer le peuple au profit d’une caste minoritaire?

Comment un préfet peut-il cautionner l’emploi de la violence face à des militants pacifistes?

Comment peut-il mettre en place un dispositif tel que ‘les chasseurs vigilants’, tout en les incitant en même temps, à se faire justice eux-mêmes, alors qu’il s’adresse à des personnes munies d’armes ?

Il doit être le garant de la sécurité sur son territoire et non l’inverse.

Il doit par ailleurs respecter les libertés fondamentales des citoyens, ce qui n’est apparemment pas le cas.

Pour rappel, la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la DEONTOLOGIE et AUX DROITS et OBLIGATIONS des fonctionnaires:

Art. 25.-Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité.

Art. 25 bis.-I.-Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver.

Au sens de la présente loi, constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions.

Au vu des derniers évènements, le préfet Louis Le Franc, ne répond plus à aucune des obligations relatives à la DEONTOLOGIE et AUX DROITS et OBLIGATIONS des fonctionnaires.

Ses agissements sont de plus en plus dangereux pour nos concitoyens. Nous demandons de fait sa démission.

https://www.facebook.com/avapicardie/videos/1734101006647754/

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Politique

Des manifestations du 1er mai 2018 entièrement ritualisées

Les manifestations d’hier, premier mai 2018, ont rappelé que mai 1968 a échoué à ébranler la France profonde et que, finalement, nous en sommes encore au 19e siècle sur le plan des idées.

Peut-on faire plus caricatural ?

D’un côté, des syndicalistes défilant pour des revendications sociales et économiques, buvant des bières et mangeant des merguez, ou des kebabs aussi désormais, puisque c’est la mode pour faire « populaire » y compris dans les quartiers chics.

Quelque chose sans âme, avec des mentalités restreintes, prisonnières d’une vie quotidienne sévèrement encadrée par toutes les valeurs dominantes.

Quelque chose sans envergure aucune. D’ailleurs, le nombre total de manifestants, a été de 210 000, contre 280 000 l’année dernière, selon les chiffres de la CGT dans les deux cas. C’est évidemment un recul particulièrement significatif alors que la grève des cheminots a lieu.

Le black bloc, une sorte de divertissement 2.0 pour une contestation ritualisée

De l’autre, les anarchistes qui, a défaut de proposition, essayent de casser quelque chose. Et ils étaient nombreux : 1200. Un cortège de 1200 personnes appelant à la révolte, cela aurait eu un impact évident…

Mais ils ont préféré faire n’importe quoi, avec à la clef 200 arrestations, un chiffre très important qui montre le degré de désorganisation.

Il ne s’agit pas de regretter le saccage d’un Mc Donald’s : qui le regrette n’a rien compris à l’enjeu écologiste de notre époque, à la question animale de notre époque, au principe de surexploitation de notre époque.

Qui va au Mc Donald’s et tolère l’existence d’une telle monstruosité n’a pas compris les attentes de notre époque.

Ian Brossat, un carriériste bien inséré dans la mairie parisienne

On n’est donc certainement pas obligé de pleurnicher comme Ian Brossat, qui vit comme un grand bourgeois comme conseiller PCF de Paris et adjoint à la maire de Paris chargé du logement, de l’habitat durable et de l’hébergement d’urgence, après avoir fait le lycée Henri IV et l’ENS de Lyon.

Cependant, on se doute bien que les casseurs n’ont pas fait cela par écologie ou par véganisme, ni même par lutte contre l’exploitation la plus féroce. On est dans la casse symbolique, dans un appel mystique à « autre chose ».

Ce qu’on doit reprocher, c’est qu’il n’y a rien derrière : ni culture, ni propositions, ni valeurs, ni programme.

En fait, il n’y a même rien du tout. C’est du nihilisme, tout à fait conforme à notre époque. C’est une fuite en avant, une sorte d’équivalent destructeur du populisme de Jean-Luc Mélenchon. Ce qui oblige ce dernier à nier les faits, jusqu’au ridicule.

Même Le Figaro se moque de lui !

« Le leader de la France insoumise dénonce des « violences insupportables contre la manifestation du 1er mai ». Avant de tenter : « Sans doute des bandes d’extrêmes droite. »

Pourtant, ces manifestants se revendiquent des « black blocs », une mouvance anarchiste et violemment anticapitaliste. Ils s’attaquent aux symboles de l’économie libérale, comme les fast-food ou des devantures de banques. Dans leur cortège, on pouvait par ailleurs apercevoir un drapeau communiste. »

C’est tout simplement ridicule de la part de Jean-Luc Mélenchon. C’est absurde. Et d’ailleurs, que diable peut faire un drapeau communiste au milieu des anarchistes ? C’est une aberration aussi !

Tout cela témoigne de la confusion des idées à notre époque. La génération facebook fonctionne à l’instinct, à l’image. On peut se croire à peu près n’importe quoi tout en n’y connaissant rien, car personne n’y connaît rien et, surtout, tout le monde s’en fout !

Ce qui montre bien, en dernier ressort, que tout ce petit monde fait confiance à l’État et au capitalisme pour se réguler de manière ou d’une autre. Personne ici ne croit en la crise, personne ici ne croit en le fascisme, personne ici ne croit au réchauffement climatique.

On est dans la théâtralisation de la contestation, avec des rôles entièrement préétablis… Et c’est humainement à la fois frustrant, intolérable, vide de sens.

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Politique

Le «premier» premier mai en 1968 et la nature du premier mai

C’est quelque chose de fondamentalement méconnu, tellement cela paraît invraisemblable, mais dans les années 1950-1960, les défilés du premier mai étaient interdits par l’État, en raison des guerres d’Indochine et d’Algérie.

Cela signifie qu’à l’époque, la Gauche avait entièrement capitulé au sujet de l’un de ses plus grands symboles. Cela a grandement contribué à la perte de toute un état d’esprit, de toute une tradition, de toute une certaine vision politique de confrontation au lendemain de 1945.

A l’époque, il y avait une grande polarisation et assumer la CGT, c’était assumer la lutte des classes… La CGT elle-même avait fort logiquement des revendications dépassant largement le cadre restreint des mesures sociales.

Malheureusement, l’interdiction acceptée par la Gauche a endormi les travailleurs.

Ainsi, le premier mai 1968, il y a cinquante ans, lors du premier défilé depuis de nombreuses années, ce fut le choc de la confrontation entre la CGT d’un côté, les gauchistes de l’autre, avec notamment les « marxistes-léninistes » (c’est-à-dire les maoïstes) pour qui le « P « C »F », comme ils le désignaient, avait trahi.

Les vieux reprochaient aux jeunes de ne pas avoir le sens des réalités, de mépriser la bataille des acquis ; les jeunes accusaient les vieux d’avoir trahi l’idéal révolutionnaire, d’avoir abandonné le projet d’une société ayant renversé le capitalisme.

Au-delà de la confrontation d’idées, c’est la question de la démarche elle-même qui se posait. En quoi consiste le premier mai ? En une démonstration de force des forces sociales défendant des intérêts économiques ? Ou bien en un rappel des grands idéaux de la Gauche, ceux d’un monde sans exploitation ni oppression ?

L’affiche de 1951, avec des revendications précises et politiques

Le 1er mai en France est, en effet, malheureusement prétexte à des rassemblements syndicaux, alors qu’en réalité, une telle journée devrait être l’expression de la Gauche politique.

Cela reflète le vrai problème de fond de la question sociale en France : en raison de la charte d’Amiens fait par la CGT en 1906 et séparant radicalement la politique de l’activité syndicale, il y a deux mondes qui coexistent, au lieu que la primauté revient à la politique normalement.

Cela a renforcé le syndicalisme réformiste et gestionnaire, totalement coupé sur le plan des idées et des valeurs de ce qu’est la Gauche. C’est la fameuse figure du syndicaliste râleur, collaborant avec le patronat pour avoir ses heures sans travail, collaborant aux projets de l’entreprise, ayant des normes particulièrement sexistes, porté largement sur l’alcool, etc.

Un personnage insupportable, prétendant même représenter la Gauche, alors que son existence dépend des millions et des millions d’euros donnés aux syndicats afin de maintenir leur existence et de pacifier les rapports sociaux.

L’affiche de 1972, où règne le flou et avec la CGT placé au centre, sans drapeau rouge

Les forces conservatrices ont ici très bien joué, ayant très bien comprises l’apolitisme syndicaliste française. Si à partir d’avril 1919 le 1er mai devient une journée chômée, il n’est férié et payé à l’initiative du syndicaliste CGT René Belin.

Sauf que cela se passe en 1941 et que René Belin est alors ministre du travail du régime de Vichy, qui instaura alors la « Fête du Travail et de la Concorde sociale ».

Prétendre que cela n’a pas eu d’influence serait absurde. C’est dans cette identité liée au « travail » et non pas à la Gauche qu’il y a eu l’espace pour le Front National de commencer un rassemblement du premier mai à partir de 1988. Même Nicolas Sarkozy a eu une initiative similaire en 2012, pour célébrer le « vrai travail ».

Il n’y a qu’en France qu’une aberration est possible. Le premier mai devrait avoir un sens politique, pas un sens économique ou social. C’est là, bien entendu, toute la question d’une définition de la lutte des classes.