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Société

Il y a 80 ans, la Nuit de Cristal

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 se déroule la progromnacht, connue en France sous le nom de nuit de cristal. Il s’agit d’un véritable pogrom à l’échelle du 3e Reich entier.

Synagogue de Karlsruhe, après la nuit de cristal

Ce progrom a été présenté comme réaction spontanée à la mort du diplomate nazi Ernst von Rahm tué courageusement par un jeune juif allemand d’origines polonaises de 17 ans à Paris. En effet Herschel Grynszpan, tua un des secrétaires de l’ambassade nazi à Paris en s’écriant : « vous êtes un sale boche et au nom de douze mille Juifs persécutés, voici le document. ». Les nazis ont joué de cela pour lancer leur campagne antisémite de la Nuit de Cristal.

Ce sont pas moins de 200 synagogues détruites, plusieurs milliers de commerces saccagés pour la seule raison qu’ils étaient exploités par des personnes juives. Plusieurs centaines de Juifs sont tués par les barbaries nazies, d’autres se suicident ou décèdent des suites de leurs blessures.

Les nazis cherchaient un prétexte depuis quelque temps pour lancer leur projet antisémite et ont maquillé leur projet en une révolte populaire, comme le présentera Goebbels le 10 novembre :

« Je présente les faits au Führer. Il décide : laisser les manifestations se poursuivre. Retirer la police. Les Juifs doivent sentir pour une fois la colère du peuple. C’est justice. Je donne aussitôt les consignes correspondantes à la police et au Parti. Puis je fais un bref discours en conséquence devant les dirigeants du Parti. Tempêtes d’applaudissements. Tout le monde se précipite immédiatement sur les téléphones. Maintenant, c’est le peuple qui va agir. »

Les nazis ont organisé cette nuit là

Il y aura à la suite de la Nuit de Cristal plus de 20 000 déportations. Rappelons cependant, que la Nuit de Cristal n’est pas non plus spontanée chez les dignitaires nazis, et elle s’inscrit dans un véritable projet :

  • Le programme de 1920 du NSDAP stipule déjà que les Juifs ne sont pas des citoyens, car n’étant pas des « camarades de race ».
  • Dans Mein Kampf, Adolf Hitler parle à plusieurs reprises d’une « Allemagne sans Juifs », « libérée des Juifs ».
  • Il y a un lynchage ainsi qu’un boycott des Juifs avant même que le NSDAP n’arrive au pouvoir.
  • En 1933, des premières lois antisémites sont mises en places, jusqu’en 1935 où sont mises en places les dites « lois de Nuremberg ».
  • En 1937 est diffusé « der Ewige Jude » dans les cinémas allemands, l’année d’après les passeports des Juifs sont confisqués, leurs prénoms réglementés, etc.

Le déroulement de la progromnacht

Goebbels finit son discours à Munich en début de soirée puis les membres de la Stosstrupp Adolf Hitler se déchaînent contre une synagogue à Munich. Dans les heures suivantes, la plupart des villes et villages allemands sont atteints par le pogrom.

Dans certaines petites villes des SS se font passer pour des civils et assassinent des Juifs supposés influents. Dans certaines villes la population assiste à des autodafés. Les Juifs sont humiliés publiquement, on les force à baiser le sol en étant frappés, à danser, à chanter, etc.

Cette nuit fut d’une cruauté…

La grande partie des masses populaires allemandes eut un comportement passif.

Cela ne doit plus jamais se reproduire. Alors que l’antisémitisme se fait de plus en plus virulent à notre époque, il faut connaître et reconnaître ce qui s’est déroulé en cette tristement célèbre nuit du 9 au 10 novembre 1938.

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Politique

Le syndicaliste : « On réussit sans vous »

Les syndicalistes n’ont aucune perspective socialiste, car ils refusent de se soumettre à la Gauche politique. Les propos tenus à Maubeuge par un syndicaliste à Emmanuel Macron fournissent un exemple de plus de cela.

Emmanuel Macron

Dès qu’un syndicaliste l’ouvre, on sait que ce qu’il va dire va torpiller la Gauche. Car la prétention des syndicalistes est incroyable : ils pensent pouvoir mieux gérer que tout le monde, représenter réellement les salariés. Alors qu’en réalité, ils ont une petite minorité sans réel écho, à part pour le patronat qu’ils aident de toutes leurs forces.

Voilà pourquoi un syndicaliste de Sud, alors qu’Emmanuel Macron était dans une usine Renault près de Maubeuge, accompagné de PDG du groupe Carlos Ghosn, a réagi de manière critiquable :

Emmanuel Macron : « On est là tous ensemble pour réussir. »

Le syndicaliste : « On réussit sans vous. »

Ce discours sur la réussite de l’entreprise comme critère de la valeur des ouvriers, on le retrouve à la CGT comme à la CGT-FO, à SUD comme à la CNT ou à la CFDT. Car les syndicalistes ne raisonnent pas en tant que classes, mais en défense de « salariés », c’est-à-dire de gens employés par et pour les entreprises capitalistes ou l’État.

Le raisonnement est donc fait de l’intérieur du capitalisme, sans jamais le dépasser. Le syndicalisme n’a un horizon que totalement borné, et voilà la raison pour laquelle la social-démocratie allemande, au 19e siècle, était scandalisé des socialistes français qui se mettaient à la remorque de la CGT, alors que les syndicalistes doivent inversement être soumis à la Gauche politique.

Un autre propos du syndicaliste en dit long par ailleurs sur la mentalité restreinte, bornée de celui-ci :

« M. Macron, vous n’êtes pas le bienvenu ici. M. Ghosn se donne du mal. Mais avec l’augmentation de l’essence vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. »

Le syndicaliste a tout faux, il ne peut pas voir ni l’écologie, ni le rapport aux campagnes ; en syndicaliste, il veut juste aider à produire des voitures. Comme d’autres veulent plus de fermes-industrielles, de centrales nucléaires, de constructions d’autoroutes, etc.

On retrouve évidemment la problématique de fond : le syndicalisme voit des individus, qu’il compte défendre, il a perdu entièrement de vue la notion de classe. On dit souvent ici que la CFDT représente le syndicalisme le plus adapté à cette perspective individualiste : pas du tout, c’est la CGT-FO qui depuis le départ représente cette tradition, qui est par ailleurs la vraie tradition syndicaliste française.

La CNT n’est d’ailleurs qu’une forme radicalisée de la CGT-FO, la CFDT étant issue du syndicalisme chrétien devenue autogestionnaire puis moderniste, SUD étant un prolongement autogestionnaire de cette tradition CFDT. La CGT est quant à elle les restes des restes de la CGT produite par la vague du Front populaire, qui a obligé la CGT à s’unir et à soutenir celui-ci, avec une tradition d’ouverture à la politique avec le PCF des années 1930 et 1950.

Cela fait qu’au final, c’est le syndicalisme à la CGT-FO qui prend inéluctablement le dessus, comme syndicalisme des salariés, des individus. Et il ne s’agit pas de parler d’un syndicalisme de classe, dont le sens est flou ; ce qu’il faut exiger, c’est la soumission des syndicalistes à la Gauche politique.

Seule la Gauche politique a l’envergure pour faire avancer la société ; les syndicalistes doivent en faire partie, mais leur activité ne leur donne nullement la primauté, c’est à la politique que celle-ci doit revenir.

Sans cela, comme on peut le voir, les syndicalistes soutiennent les entreprises et l’État, diffusent l’apolitisme, ne servent en rien la cause du socialisme, de la classe ouvrière, de la population salariée.

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Politique

Un référendum en Nouvelle-Calédonie qui n’en était pas un

La Nouvelle-Calédonie a connu dimanche dernier un référendum sur l’indépendance : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ».

Nouvelle Calédonie

Tout au moins en apparence. En réalité, tout était joué à la base même. Le colonialisme français en Nouvelle-Calédonie, à 16 000 km de la métropole, a bloqué toute perspective, afin de conserver le territoire, les zones réservées dans l’océan (1,4 million de kilomètres carrés de zone exclusive), ainsi que les 25 % des réserves mondiales de nickel.

En effet, les Kanaks ne sont plus qu’une minorité sur l’île, ils ont voté en masse pour l’indépendance, mais ils plafonnent à 43,6  %, ils sont bloqués par la majorité d’origine européenne, mais aussi wallisienne et tahitienne, ainsi qu’asiatique.

De plus tout le monde sait bien que dans le cas d’une indépendance, la situation est telle que le pays nouveau basculerait immédiatement sous la coupe de la Chine ou de l’Australie. Il y a des revendications anti-coloniales, mais aucune dynamique démocratique réelle, pour ne pas parler de dynamique pour le socialisme.

L’indépendance de la Nouvelle-Calédonie n’apparaît donc que comme une aventure que, logiquement, dans tous les cas, la majorité ne veut pas essayer. Et en proposant l’indépendance telle quelle, les dirigeants kanaks ne font que servir l’inscription toujours plus prononcée de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Les indépendantistes du Parti travailliste et de l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE) ont d’ailleurs parfaitement compris la situation et n’ont pas participé au référendum. Ils ont tout à fait compris que tout était joué d’avance et n’ont pas manqué de le dire. Seulement ils font face au problème de fond, celui du grand choix.

Le grand slogan de l’USTKE est « usines tribus même combat ». Sauf qu’il va falloir choisir. Soit c’est le choix des tribus et alors la seule revendication possible va être identitaire et ethnique, en appelant à couper le pays en deux, puisque le nord est kanak, contrairement au sud où la colonisation de peuplement a pris le dessus. Ou alors en appelant à expulser les autres, comme l’a fait le FLN algérien, sauf que là ce sera matériellement impossible.

Soit c’est le choix des usines, de faire des kanaks, qui sont socialement marginalisés de manière très brutale, le fer de lance des revendications démocratiques, voire socialistes, mais cela signifie accepter la formation d’un peuple calédonien, dont les Kanaks seraient une minorité.

Or, de par l’idéologie racialiste diffusée par les féodaux et les courants universitaires post-modernes, le choix démocratique et socialiste n’a strictement aucun espace.

Cela fait que la principale force sociale, les Kanaks, ne soutiennent pas la cause démocratique, socialiste, et que donc forcément les autres composantes du peuple préfèrent se rattacher au colonialisme français.

On reconnaît ici, en arrière-plan, une question essentielle, celle de la priorité donnée à la Cause démocratique, socialiste, sur un « droit des peuples » abstrait qui n’a jamais eu sa place à Gauche. L’histoire n’est pas l’histoire des ethnies et de leur affirmation, mais celle de la lutte des classes.

Tant qu’il n’y aura pas une génération d’avant-garde saisissant cela en Nouvelle-Calédonie, il n’y aura aucune perspective, à part le triomphe du colonialisme français et un repli identitaire kanak basculant dans le romantisme réactionnaire.

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Politique

« A l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique »

Emmanuel Macron est très présent dans les médias à l’occasion du centenaire du 11 novembre 2018 et dans une interview pour Europe 1, il est encore revenu sur ce qui est bien un leitmotiv : l’armée européenne.

Emmanuel Macron

Cette fois, il nomme expressément les ennemis potentiels. Et fort logiquement, on trouve les États-Unis, car Emmanuel Macron représenter la bourgeoisie pro-européenne, à l’opposé de la bourgeoisie gaulliste, qu’il appelle de son côté les « nationalistes ».

Emmanuel Macron a la même idéologique que l’UDF, cette frange libérale et moderniste (Valéry Giscard d’Estaing, Simone Veil…), et s’oppose à l’idéologie qui était celle du RPR. L’alliance RPR-UDF qui a marqué plusieurs décennies est désormais impossible, de par le contexte international.

Être de gauche et ne pas voir cela, c’est soit tomber dans le piège des modernistes – qui a fonctionné impeccablement puisque Emmanuel Macron a siphonné une large partie des socialistes – soit rater qu’il se passe quelque chose d’extrêmement important dans la société française, une rupture au sein de la bourgeoisie, de l’État lui-même.

Regardons les propos d’Emmanuel Macron, qui sont incompréhensibles pour qui n’a qu’un regard schématique :

« Ces élections vont permettre de voir quels sont les projets européens. On ne protège pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne et si on a pas une Europe qui sache protéger ses entreprises, ses travailleurs face aux géants du numérique. »

« Nous avons besoin d’une Europe plus forte, qui protège. Il s’agit d’avoir conscience de ce que nous sommes et de ce que nous vivons : la paix et la prospérité dans laquelle vit l’Europe depuis 70 ans est une parenthèse dorée dans notre histoire. »

« nous protéger à l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique. »

« Une colère contre une Europe ultra-libérale qui ne permet plus aux classes moyennes de bien vivre. On a besoin d’une Europe qui protège les salariés. »

Emmanuel Macron a un vrai projet. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen veulent une armée française forte et interventionniste, Emmanuel Macron veut lui une armée européenne forte, car il pense qu’il faut passer à une autre échelle.

Il profite de la question de la paix avec le 11 novembre pour prétendre défendre celle-ci, alors qu’en fait il veut la constitution d’un nouveau bloc militaire dans le repartage du monde.

Cela fait de la question du militarisme une chose essentielle, car sinon on tombe dans un camp ou dans un autre, on en revient à soutenir un militarisme ou un autre, au lieu de défendre la paix. C’est au nom du refus du militarisme allemand que les socialistes ont soutenu l’Union sacrée en 1914, ce qui était une erreur grossière.

Et cela est d’autant plus important qu’on voit bien la dramatisation qui se profile pour les prochaines élections européennes, où apparaît déjà que tournent autour de 20 % tant les modernistes d’Emmanuel Macron que les nationalistes de Marine Le Pen, tous les autres étant loin derrière.

Il y a ici un moment de tension historique.

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Politique

Interview d’Emmanuel Macron au Courrier Picard

Les gens conscients de l’évolution du monde comprennent bien qu’on va dans le sens d’un repartage, d’une guerre. La grande masse des gens, par contre, croit encore que tout est stable et que le capitalisme va de cycle de consommation en cycle de consommation, que l’irréparable ne saurait être commis, car cela ne serait logique pour personne.

Emmanuel Macron

C’est ici toute la question de la bataille pour le socialisme à l’échelle mondiale qui se pose et le grand souci, c’est que beaucoup de ceux qui savent sont cyniques. Ils pensent que la France peut tirer son épingle du jeu, ils raisonnent en des termes nationalistes.

Emmanuel Macron, dans une interview au Courrier Picard, exprime tout à fait cela. Il reconnaît parfaitement que la tendance est à la guerre. Mais au lieu d’aller combattre le mal à la racine, il considère que c’est ainsi et qu’il faut raisonner en se limitant aux « intérêts du pays ».

Voici comment il dit cela, de manière ouverte :

« Je veux attirer l’attention de chacun : Est-ce que les nationalismes ne sont pas en train de revenir ? Si.

Est-ce que les gens qui sont en train de pousser le retour à des conflits ne sont pas en train de remonter dans de nombreux pays en Europe ? Si.

Est-ce que des gens qui aujourd’hui veulent réduire les droits de la presse, l’indépendance de la justice, la possibilité de se former de manière libre ne sont pas en train, dans certaines régions de l’Europe, d’être de plus en plus puissants et de plus en plus désinhibés ? Si.

Est-ce qu’on n’assiste pas dans le monde à un retour de pouvoirs autoritaires, à des risques de proliférations des armements ? Si, c’est la réalité (…).

Je ne veux pas faire le prophète de mauvais augure, et rien n’indique aujourd’hui que des conflits en Europe seraient en passe de renaître. Mais quand vous avez les États-Unis qui annoncent leur sortie du traité FNI sur les armements intermédiaires en disant que les Russes ne les respectent plus et qu’il y a de plus en plus d’armements du côté chinois qu’on ne voit pas, qui en est la première victime géopolitique ? L’Europe et sa sécurité.

Je vous rappelle que ce traité FNI est né après la crise des Euromissiles, il y a trente ans et à quelques centaines de kilomètres de chez nous. Donc il ne faut pas penser que le monde dans lequel nous vivions et dans lequel l’Europe vit depuis 70 ans est acquis pour toute éternité.

C’est tout le sens de la nécessité de se souvenir : c’est se souvenir de la précarité de la situation dans laquelle nous vivons. Le pire a été vécu par notre pays et notre continent quand il s’est divisé et il ne faut pas céder en quoi que ce soit à cela.

Or je considère qu’aujourd’hui il y a les ferments d’une division européenne, il y a un retour des nationalismes et il y a un retour des inquiétudes et des peurs. Parce que les gens ont l’impression que le monde dans lequel nous vivons n’est plus fait pour eux.

Il faut avoir des réponses au niveau national, européen, international qui soient des réponses de souverainetés bien supérieures. Et il y a aujourd’hui des indices d’une remilitarisation du monde. Tout cela ne va pas dans le sens d’un monde pacifié, d’une fin de l’histoire et d’une fin du tragique, je crois tout le contraire. »

Ce qu’explique Emmanuel Macron, somme toute, c’est que la concurrence entre la Chine et les États-Unis va être le détonateur d’une guerre et que les pays européens doivent s’unir pour former un troisième bloc.

Ce n’est pas combattre la guerre, cela, mais chercher à en profiter. Il a beau jeu de critiquer les nationalistes, qui eux pensent que la France peut tirer seule son épingle du jeu. Il veut juste faire pareil, mais avec une alliance européenne, le moteur franco-allemand étant bien entendu au coeur de son projet.

On remarquera que Benoît Hamon ne dit finalement pas autre chose, que Jean-Luc Mélenchon lui prône le « cavalier seul ». Cela n’est pas du tout de Gauche ! Ce qui est de Gauche, c’est la dénonciation des armées, de la militarisation, de la guerre !

Voilà le grand critère qui a toujours séparé la véritable Gauche de ceux qui cèdent au capitalisme et à ses guerres : l’union sacrée de 1914, où les socialistes et les anarchistes se sont précipités dans l’ultra-patriotisme en trahissant leurs valeurs, est ici un triste rappel du piège à éviter.

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Culture

Many Nights – Motorama (2018)

Motorama est un groupe russe qui propose une une cold-wave puissante et envoûtante. Leur dernier album Many Nights continue d’explorer une approche très esthétique du post-punk anglais avec une touche post-soviétique tout à fait moderne et plaisante.

Tout le monde le dit tellement c’est flagrant : la voix du chanteur Vladislav Parshin rappelle celle de Ian Curtis de Joy Division. On n’est plus cependant à Manchester dans les années 1980 mais à Rostov-sur-le-Don au XXIe siècle, au carrefour entre l’Asie et l’Europe.

Le ton est plus mélancolique que torturé ; les thèmes abordent souvent la nature et pas seulement les tourments individuels. Ce sont les steppes orientales qui sont évoquées dans le magnifique Kissing the ground, les montagnes de l’Altaï dans Homeward ou bien une île de la mer de Bering dans le très immersif Bering island.

Le propos et l’approche sont malgré tout souvent pessimistes, comme dans He will disappear. La démarche du groupe apporte en tous cas une grande attention à l’authenticité plutôt qu’à une musique formatée et insipide :

« J’essaie d’enregistrer le tout dans un seul élan pour conserver l’ossature dans sa fragilité. A mon sens, parfois, voire souvent, les maquettes sont meilleures que les versions définitives. »

Cela se ressent en concert avec un set très long, des instruments basiques et une certaine froideur qui peut déconcerter, mais n’est pas surjouée. Des images sympathiques sont projetées en fond, en noir et blanc, avec de la nature sauvage et des petites scènes pop’ de la vie quotidienne russe d’avant ou d’alors.

Les clips du groupe sont également toujours très cinématographiques. La musique de film influence leur démarche, notamment avec le soviétique Edouard Artemiev qui a composé pour Tarkovski.

> Lire également : Le film “Stalker” d’Andrei Tarkovski (1979)

Loin de se limiter à cet horizon très riche, les influences de Motorama sont multiples et volontairement mondiales, avec cette recherche de l’universel qui caractérise les grands artistes.

Many Nights de Motorama est sortie le 21 septembre 2018 sur le label indépendant bordelais Talitres.

wearemotorama.com

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Politique

Christophe Guilluy à propos de la Gauche et de l’immigration

La défense de l’immigration et la mise en avant de la figure du migrant ne font pas partie des principes traditionnels de la Gauche, parce que ce ne sont pas des positions populaires et démocratiques. Christophe Guilluy a expliqué cela à de nombreuses reprises et le fait à nouveau très bien dans No Society avec ce passage à propos du Parti communiste français reproduit ci-dessous.

Cependant, l’auteur du concept de « France périphérique » ne fait pas le choix de la Gauche et d’un engagement politique au service des classes populaires. Il fait partie de ces intellectuels qui ne vont pas au fond des choses, préférant vendre des livres qui disent toujours la même chose, se contentant d’une posture de commentateur invité sur les plateaux de télévision et les rédactions des grands quotidiens et magazines.

C’est pour cela que son discours, en l’occurrence ici son rappel à propos de la Gauche et de l’immigration, a finalement plus de chance de servir le populisme que les classes populaires elles-mêmes.

Pourtant, ce qui est dit est tout à fait vrai, et devrait être assumé entièrement par la Gauche, plutôt que de s’enfoncer dans le postmodernisme et le cosmopolitisme propre à la bourgeoisie des grandes métropoles.

Christophe Guilluy

Extrait de No Society de Christophe Giulluy :

> Lire également : Avec No Society, Christophe Guilluy fait le choix du populisme

« En milieu populaire, la régulation des flux migratoires n’est absolument pas conflictuelle, elle apparaît au contraire comme une option raisonnable. C’est en réalité la classe dominante qui l’a hystérisée en manipulant la question raciale.

D’ailleurs, à une époque où la gauche défendait encore les classes populaires, la régulation des flux n’était absolument pas un sujet tabou. Conscient des effets sur la classe ouvrière (dumping social, fragilisation du capital social et culturel), le Parti communiste français n’hésitait pas à demander l’arrêt de l’immigration.

En effet, pendant la campagne présidentielle de 1981, le premier secrétaire du PCF, Georges Marchais, expliquait qu’il fallait « stopper l’immigration officielle et clandestine » et qu’il était « inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France alors que notre pays compte près de 2 millions de chômeurs français et immigrés ». Si le PCF et plus largement la gauche rassemblait encore l’essentiel des voix populaires, c’est à cette époque que l’ostracisation des plus modestes a commencé, notamment dans une fraction de la gauche socialiste.

George Marchais pressentait la montée d’un discours qui visait à ostraciser la classe ouvrière pour mieux délégitimer ses revendications. Dans un discours prémonitoire, il dénonce clairement la dynamique qui allait conduire à la relégation culturelle des plus modestes puis à la rupture entre la gauche et les classes populaires :

 » Nous posons les problèmes de l’immigration, ce serait pour utiliser et favoriser le racisme, nous rechercherions à flatter les plus bas instincts, nous combattons le trafic de drogue, ce serait pour ne pas traiter de l’alcoolisme apprécié par notre clientèle… ils crient tous en chœur pétainisme […]. Quelle idée se font ces gens des travailleurs ? Bornés, incultes, racistes, alcooliques, brutaux, voilà d’après nos détracteurs, de la droite au Parti socialiste, comment seraient les ouvriers. »

Dans la bouche de Marchais, la régulation des flux ne relevait donc d’aucune dimension ethnique ou culturelle, elle visait à protéger les ouvriers du dumping social et de la fragilisation de leur capital social. Mais la légitimité et la subtilité de ce discours seront balayées par la grosse artillerie idéologique de la classe dominante et le déplacement d’une question sociale sur la question raciale.

Quarante ans plus tard, la relégation culturelle des classes populaires occidentales est effective. Le rôle joué par l’intelligentsia de gauche dans cette entreprise aura été déterminant. Elle annonce un divorce définitif du camp du progrès et de sa base populaire en offrant à l’ensemble des mouvements populistes de droite un électorat potentiellement majoritaire.

L’entreprise de diabolisation des opinions par la classe dominante et ses relais médiatico-académiques n’aura en effet aucun impact sur les classes populaires, on assiste au contraire à un durcissement des positions. Refusant les débats tronqués, hermétiques aux discours des experts et des médias, les classes populaires du XXIe siècle demandent, comme en 1981, la régulation des flux. »

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Culture

Jeux vidéos : Read Dead Redemption 2 ne vaut pas un Kingdom Come: Deliverance

Le jeu vidéo Read Dead Redemption 2 sortie la semaine dernière rencontre un immense succès commercial et critique. Un titre comme Kingdom Come: Deliverance, sortie en début d’année, présente pourtant un intérêt bien plus grand mais n’intéresse pas grand monde. Nous vous proposons un comparatif entre ces deux jeux de rôle historiques en monde ouvert.

RDR2 – Une facilité déconcertante

Dans Read Dead Redemption 2 (RDR2), on incarne un bandit évoluant dans un environnement typique des westerns. Une intrigue tout à fait banale sert de fil conducteur au déclenchement de quelques missions très scénarisées, comme dans GTA.

La direction artistique et la réalisation technique encensées par quasiment tout le monde sont bien sûr réussies, ou en tous cas conformes aux attentes. Cependant, le jeu en lui-même ne présente que très peu d’intérêt.

Il est d’une facilité déconcertante, avec en plus une jouabilité très mauvaise de par le nombre de touches qu’il faut sans cesse utiliser sans que cela ait une justification pratique.

KCD – Un jeu vidéo pour adultes

Tel n’est pas le cas de Kingdom Come: Deliverance (KCD) qui lui est un véritable jeu vidéo pour adultes, nécessitant un apprentissage technique de ses mécanismes complexes ainsi qu’une réflexion et une implication intellectuelle importante.

Ce dernier a été produit par le studio tchèque Warhorse et propose d’incarner l’ascension d’un jeune villageois de Bohème en 1404. S’il a beaucoup déçu à sa sortie par un nombre ahurissant de bugs qui n’ont été corrigés qu’avec une première mise à jour, sa réalisation est satisfaisante et surtout, le système de jeu est très élaboré et abouti.

C’est un peu l’inverse de Read Dead Redemption 2 dans lequel les ennemis sont immensément nombreux mais aussi absolument inutiles puisqu’il y a un système de visée automatique qui se charge de verrouiller les cibles et qu’il n’y a qu’à appuyer sur un touche pour tirer en masse.

Les combats sont au contraire très intenses et complexes, au point qu’il est quasiment impossible au début de la partie de venir à bout de deux ou trois ennemis qui auraient une armure.

RDR2 – Un arrière-plan décadent et réactionnaire

C’est une toute approche que proposent les studios Rockstar Games. En dehors des récurrentes fusillades, il suffit de suivre des chemins tout tracés et d’appuyer parfois sur un bouton indiqué à l’écran, ici pour ouvrir un tiroir, là pour apaiser un cheval, etc. L’expérience proposée n’est qu’une immersion passive où tout a lieu automatiquement, avec un arrière-plan culturel décadent et profondément réactionnaire.

Arthur Morgan, le personnage, vit au sein d’une bande dans des camps temporaires et isolés, à la manière de « zadistes » refusant le monde moderne et faisant de leur délinquance une posture romantique. C’est dans la continuité du premier opus (dont ce second est un prequel) où l’on incarnait l’un de ces membres en quête de rédemption. Il fallait à un moment travailler pour les révolutionnaires mexicains tout en servant les dirigeants de la dictature militaire avec la posture nihiliste d’un rebelle sans cause.

Ce nouvel épisode pousse encore plus loin cet aspect contre-révolutionnaire, en glorifiant à l’envi la posture du cowboy américain au-dessus de tout et de toutes valeurs, dont Donald Trump est le parfait avatar moderne. Le travail ouvrier est considéré comme une perte de temps par rapport à la truanderie. La représentation caricaturale de la zone industrielle de Saint-Denis (qui est une reproduction miniature de la Nouvelle-Orléans à l’époque), bien que très joliment réalisée, appuie cette vision du monde réactionnaire.

KCD – Un contexte historique riche et détaillé

Dans Kingdom Come: Deliverance par contre, le travail et les activités manuelles du peuple sont mis en scène très régulièrement et sont présentés d’une manière positive, à commencer par le travail de mineurs qui est indirectement au cœur de l’intrigue. Les truands vivant en camp à l’extérieur de la société sont au contraire présentés de manière très critique et sont des ennemis qu’il faut affronter durement.

Surtout, l’arrière-plan culturel de cette aventure médiévale est l’avènement d’un grand bouleversement social en Bohème qui débouchera sur la révolution taborite, c’est-à-dire une guérilla pour établir l’égalité sociale et le collectivisme.

Sans en dévoiler le contenu, il faut évoquer ici la quête intitulée « Les voies impénétrables » où l’on rencontre un prêtre adepte des prêches de Jan Huss, figure historique à l’origine du protestantisme, qui est d’une finesse et d’une légèreté humoristique absolument réjouissantes.

L’épisode du monastère est lui aussi très intéressant, non seulement en termes de jeu, d’autant plus qu’il est difficile à finir avec une vraie enquête à mener pour s’en sortir, mais aussi de par sa puissante critique progressiste de l’Église.

Cette bande annonce met en perspective la scène du monastère par rapport à la vie du personnage en dehors :

La question du réalisme

Rien de tout cela dans le western virtuel, pourtant présenté par de nombreuses personnes comme étant extrêmement réaliste. Cela est censé justifié certaines lenteurs ou certains aspects peu intuitifs. Sauf que le personnage peu supporter des dizaines de balles dans son corps avant de s’écrouler, à moins de manger une boite de conserve en plein combat pour se régénérer…

Le réalisme, si c’est cela qui est recherché, est beaucoup plus présent dans le jeu médiéval tchèque où, par exemple, des blessures au combat peuvent entraîner une hémorragie mortelle après la victoire, à moins d’êtres soignées par un bandage, qu’il faut bien sûr avoir en sa possession au préalable et qui ne peut pas être utilisé en plein combat.

RDR2 – Une superproduction de l’industrie du jeu vidéo

En fait, les commentaires à propos de Read Dead Redemption 2, qui bat des records de vente, relèvent presque systématiquement de la même béatitude sans aucun esprit critique. C’est la soumission volontaire à une superproduction de l’industrie du jeu vidéo qui en met plein les yeux, avec une stratégie commerciale bien rodée mais un contenu très pauvre.

Il est d’ailleurs très cocasse de voire le site du journal Le Monde participer de plain-pied à cet « engouement », alors qu’il n’a jamais été parlé du titre tchèque, sauf de manière anecdotique pour relayer une accusation raciste absurde, reprochant le fait qu’il n’y ait que des « blancs » dans une histoire se déroulant en Bohème aux XVe siècle !

KCD – Une expérience de jeu très complète

Kingdom Come: Deliverance propose une véritable expérience de jeu avec de multiples façons de remplir les quêtes suivant son approche et le hasard des situations. Il faut toujours être attentif aux dialogues pour ne pas être perdu ou bien débusquer ce qui relève de la filouterie. Il appartient au joueur de développer la personnalité de son personnage, Henry, de manière très complexe, et pas seulement en étant « bon » ou « méchant ».

On peut par exemple choisir d’apprendre à lire, développer son éloquence, ne jamais manger de viande, ne jamais se gaver, acheter et entretenir ses propres biens plutôt que de pratiquer le vol et le recel, prendre en compte la façon dont on est habillé suivant les situations. De plus, il faudra nécessairement se spécialiser dans le maniement d’une arme en particulier, car il est très compliqué de les maîtriser toutes.

Il est en tous cas indispensable de développer les aptitudes de son personnage, non-pas pour des raisons cosmétiques mais parce que cela conditionne directement la réussite des quêtes. Même une personne habituée et habile aux jeux vidéos se retrouvera à un  moment coincée si elle n’a pas pris le temps de s’entraîner concrètement aux techniques de combat avec un entraîneur.

Conclusion

Culturellement, la perspective offerte par Kingdom Come: Deliverance est bien plus intéressante, instructive et réjouissante que celle proposée par Red Dead Redemption 2. À moins de trouver cela satisfaisant de simplement jouer au cowboy dans un décor virtuel comme le ferait un enfant.

 

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Qui décide du sort du vivant dans les forêts nationales ?

L’Office National des Forêts (ONF) assigne trois personnes prises au hasard parmi la foule des manifestants contre la chasse à courre. Il s’agit d’un procès civil par lequel l’institution chargée de gérer les forêts nationales entend faire payer à ces gens le fait que les chasseurs n’ont pas remplis leur objectif quantitatif d’animaux tués la saison dernière.

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En plus du problème moral évident que pose la chasse à courre comme pratique moyenâgeuse d’une brutalité ignoble, c’est la question du pouvoir politique dans les forêts nationales qui se trouve mis en évidence. Qui décide du sort du vivant dans les forêts nationales ?

> Lire également : L’ONF réclame 55 000 € à trois opposants à la chasse à courre

En matière civile, la pierre angulaire du système juridique est sans conteste la propriété privée. La bourgeoisie, en tant que classe sociale, devant son existence à la propriété privée des moyens de production, elle a logiquement mis en place un ensemble cohérent de règles régissant son maintien, par la transmission et le développement de la propriété privée.

Ce système juridique est un acquis de la bourgeoisie dans le cadre de la lutte des classes ; c’est une construction historique. Dans la dernière partie du Moyen Âge, plus la bourgeoisie française prenait de poids dans les échanges économiques au sein du royaume, plus les féodaux reculaient eux-mêmes. Avec le recul de ces derniers, c’est l’ordre juridique basé sur les privilèges de naissance qui perdait en pertinence.

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La féodalité réservait le travail aux membres des classes sociales inférieures : les paysans, les travailleurs des villes et les bourgeois. Cette configuration avait des conséquences sur la propriété, laquelle était largement collective (et non privée, donc). Les possessions royales et seigneuriales peuvent être considérées comme des propriétés, dans le sens où la chose a un maître qui décide de ce qui y est fait. Mais les nobles (donc évidemment le Roi) ne travaillent pas. Les droits sur le bien immobilier sont donc divisés entre la propriété éminente qui reste aux nobles et la propriété utile qui va à celui qui exploite la terre, le moulin, le bois, le four, etc. Le droit de chasser était réservé aux classes dominantes : le Roi, les nobles et les ecclésiastiques, chacun sur leur domaine respectif.

Avec le travail, la bourgeoisie est alors porteuse du plus haut niveau de culture. Elle est capable de puiser dans l’Antiquité pour faire naître ce dont l’époque a besoin. La propriété telle que la bourgeoisie la conçoit est refondée à partir du droit romain, comme le souligne Friedrich Engels dans La décadence de la féodalité et l’essor de la bourgeoisie :

« Avec la redécouverte du droit romain, la division du travail s’opéra entre les prêtres, consultants de l’époque féodale, et les juristes non ecclésiastiques. Ces nouveaux juristes appartenaient essentiellement, dès l’origine, à la classe bourgeoise ; mais, d’autre part, le droit qu’ils étudiaient, enseignaient, exerçaient, était aussi essentiellement anti-féodal par son caractère, et, à un certain point de vue, bourgeois. Le droit romain est à tel point l’expression juridique classique des conditions de vie et des conflits d’une société où règne la pure propriété privée, que toutes les législations postérieures n’ont pu y apporter aucune amélioration. »

Selon l’adage latin Cujus est solum ejus usque ad caelum usque ad inferos, Qui est propriétaire du sol est propriétaire jusqu’au ciel et jusqu’aux entrailles de la terre. Peu importe donc sa naissance, celui qui est propriétaire d’un terrain possède tout ce qui s’y trouve. S’agissant des arbres, il les possède des racines à la cime. S’agissant des animaux, il dispose des taupes qui peuplent le sous-sol comme des colonies de passereaux qui volent en surplomb et de toutes les vies qui s’ébattent entre ces deux extrémités. Sauf interdiction particulière de la loi ou du règlement, le propriétaire peut donc détruire les êtres vivants sur sa propriété. Il peut chasser lui-même, ou céder ses droits de chasse.

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Les « parties » de chasse à courre ont parfois lieu sur des propriétés privées individuelles. On pense alors au vastes étendues boisées qui jouxtent les demeures de la Renaissance ou les pavillons de chasse du 19e siècle. La vie de château quoi !

L’ONF traîne des gens devant la justice parce qu’il considère qu’ils ont gêné des veneurs dans leurs chasses. Or, si c’est l’ONF qui est concernée, c’est donc qu’il s’agit ne s’agit pas de biens individuels.

En effet, l’ONF est chargé de l’exploitation des forêts qui appartiennent à l’État.

Or, en République, ce qu’il advient des choses de l’État est par principe décidé par le peuple. Ce n’est de toute évidence pas le cas dans de nombreux domaines. Il n’y a ainsi pas de débat public concernant le sort du vivant dans les forêts nationales.

Pourtant, les forêts nationales appartiennent au domaine privé de l’État. Par opposition au domaine public de l’État qui est régi par des règles de droit public, donc du droit de l’administration, le domaine privé de l’État est régi par des règles de droit privé, donc du droit de la personne privée.

On peut donc considérer que l’adage latin cité ci-dessus, selon lequel le propriétaire du sol est propriétaire du sous-sol et de ce qui est en surplomb, doit s’appliquer aux forêts nationales. Il appartient donc théoriquement au peuple, propriétaire des forêts nationales au travers de l’État, de décider du sort du vivant dans celles-ci.

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Mais à gauche on le sait, le droit ne fait pas la réalité, c’est bien plutôt les tensions qui s’exercent dans la réalité quotidienne qui poussent le législateur à produire les règles juridiques. Ainsi, le développement des règles qui concernent la vie dans les forêts nationales, particulièrement celles qui concernent la chasse, a suivi les flux et reflux du pouvoir féodal.

Les grands massifs forestiers comme ceux D’Île de France, de Picardie et de l’Ouest de la France ont été un enjeu important de la lutte de pouvoir qui a opposé sur près de quatre siècles la féodalité et la bourgeoisie. Les grandes forêts constituent une source de profit important et constituaient un poste industriel stratégique (construction navale, industrie verrière, etc.). Asseoir son pouvoir politique passait nécessairement par le contrôle de ces forêts.

Un aspect culturel important se jouait également au travers de la possession des forêts. Les forêts domaniales étaient des propriétés éminentes du Roi. Classe victorieuse de la Révolution de 1789-1792, la bourgeoisie s’empare des forêts royales et en fait des possessions du domaine. Les arbres transformés en bois deviennent des marchandises qui intègrent les marchés. La chasse en forêt domaniale n’est plus un privilège mais devient un loisir de gentilhomme.

Paysans et roturiers sous l’ancien régime, puis aujourd’hui paysans et ouvriers sont exclus de la gestion de la forêt domaniale. La forêt royale est devenue domaine privé de l’État, l’ONF est chargée de son exploitation.

À aucun moment il n’existe de débat démocratique, localement ou au niveau national, pour décider la manière dont il faut traiter les êtres vivant en forêt.

Les associations de veneurs s’estiment lésés et se retournent contre l’ONF qui leur cède de manière unilatérale les droits de chasser dans les forêts nationales. L’ONF assigne en justice des personnes prises au hasard dans la foule des opposants à la chasse à courre. Cette histoire procède du déni de démocratie.

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Politique

Jean-Luc Mélenchon et « l’Empire »

Jean-Luc Mélenchon a lors de son meeting à Lille expliqué que « l’Empire » dominait désormais par la « judiciarisation de la vie politique ». Un exemple de plus de populisme outrancier, particulièrement chauvin.

Jean-Luc Mélenchon Lille 2018

Jean-Luc Mélenchon a de nouveau fait preuve de son populisme outrancier, avant-hier, lors d’un meeting à Lille. Lui-même empêtré dans des affaires judiciaires en raison du mode de gestion de La France Insoumise, il s’est appuyé sur le résultat des élections brésiliennes pour se poser en martyr des États-Unis, développant une rhétorique ultra-nationaliste.

Il n’a d’ailleurs pas hésité à employer le terme d’Empire, un concept propagé en 2000 par Michael Hardt et Toni Negri, figures de la gauche postindustrielle, mais surtout connu en France ces derniers temps par Alain Soral, l’une des principales figures de l’extrême-droite.

C’est pratiquement dès le départ du meeting qu’il a ainsi expliqué :

« Eh bien oui ce sont les Brésiliens qui, après la chute du communisme d’État, et qu’on nous ai dit que c’était la fin de l’Histoire, et que le libéralisme désormais triompherait, c’est eux [sic] qui nous avait ramené sur le sentier du renouveau, du social, de l’écologique, se donnant l’option préférentielle pour les pauvres comme ligne d’action gouvernementale et nous proposant de cette manière un modèle sur lequel construire notre pensée et rénover tous nos programmes.

Hier, l’extrême-droite a triomphé. Mais vous autres, vous avez réfléchi, vous avez regardé. Comment une chose pareille a-t-elle été possible ?

Il y a six mois à peine, après que la présidence du Parti des Travailleurs ait été expulsé de la présidence de la république, et qu’un gouvernement de coup d’État judiciaire se soit mis en place, de droite, pendant deux ans, on annonçait que dans ces élections présidentielles qui arrivaient, notre candidat, notre ami, Inácio Lula, était à 60 % d’intentions de vote.

Alors, l’ennemi a frappé. Cet ennemi, il a une adresse. C’est les États-Unis d’Amérique [sic], qui savent que le Brésil était avec les autres puissances qui se constituent dans ce groupe qu’on appelle les BRICS, pour désigner le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui sont en quelque sorte en opposition, en alternative à la domination des États-Unis d’Amérique sur le reste du monde […].

Alors cet adversaire s’est dit on ne peut pas laisser le Brésil retourner dans les mains du peuple avec l’option préférentielle pour les pauvres […]. Alors ils ont choisi une méthode politique, la judiciarisation de la vie politique. On a alors accusé Lula, l’homme de la gauche, d’être corrompu […].

Vous autres, quoi qu’il arrive, souvenez-vous en, parce que dans tous les pays, c’est la méthode qu’ils utilisent […]. La judiciarisation de la vie politique est dorénavant la stratégie de l’Empire partout, dans tous les pays du monde. »

Jean-Luc Mélenchon, on le voit bien ainsi, n’a pas d’autres explications que les complots et les coups bas d’un ennemi flou, qui consiste en la finance, l’Empire. Il oppose à cela une notion tout à fait flou également, le peuple.

C’est une manière de gommer les luttes de classes, d’éviter de reconnaître qu’il existe en France une bourgeoisie, une classe ouvrière. Jean-Luc Mélenchon fait de la France une sorte de pays du tiers-monde, où dominerait une petite oligarchie. Il y a pourtant en France 579 000 personnes qui disposent de 850.000 euros, hors résidence principale, objets d’art et de collection et biens courant…