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Politique

Liste des rassemblements en France contre l’antisémitisme du mardi 19 février 2018

Voici une liste de rassemblements contre l’antisémitisme partout en France ce mardi 19 février 2018. 

Merci de nous signaler tout rassemblement qui ne serait pas dans cette liste.

Lire également : L’appel des partis politiques à l’union contre l’antisémitisme (« Ça suffit ! »)

Sauf mention contraire, les rassemblements sont à 19h.

Agen, place Armand-Fallières

Amiens, place de la Mairie

Angers, 17h place du ralliement

Annecy, devant le monument aux combattants d’Annecy

Aurillac, 18h30 place des Droits de l’Homme

Bayonne, au pied du Château vieux

Besançon, sur l’esplanade des Droits de l’Homme

Béthune, sur la Grande Place

Bordeaux, place de la République

Brest, place de la Liberté

Caen, place Saint-Sauveur

Chartres, 18h devant le monument Jean Moulin – Esplanade de la Résistance

Clermont-Ferrand, place de Jaude

Dijon, place François Rude

Dunkerque,  18h stèle des Droits de l’Homme à la CUD

Foix, halle au grain

Grenoble, 18h30 place de Verdun

Lille, place de la République

La Rochelle, 18h à l’entrée du Vieux Port

Laval, 18h30 devant la mairie

Le Havre, 18h30 dans les jardins de l’Hôtel de Ville

Lorient, devant l’hôtel de ville

Lyon, place Bellecour

Marseille, sous l’Ombrière du Vieux Port

Mont-de-Marsan, devant le mémorial des enfants juifs déportés, au parc Jean-Rameau

Montluçon, place Piquand

Montpellier, 18h30 autour de la fontaine de la place des Martyrs de la Résistance

Moulin, place de l’Allier

Nantes, devant le Monument aux 50 Otages

Nice, 18h30 place Garibaldi

Nîmes, Maison Carrée

Niort, place de la Brèche

Orléans, place de la République

Paris, place de la République

Pau, devant la Préfecture

Poitiers, place Leclerc

Rennes, place de la République

Rouen, place de l’Hôtel de ville

Saint-Brieuc, place du Général de Gaulle

Saint-Malo, 17H30 esplanade de la Grande-Passerelle

Sarreguemines, devant le palais de justice

Strasbourg, place de la République

Tarnos, 18h30 devant la Mairie

Toulouse, devant le mémorial de la Shoah

Tours, place Anatole France

Valence, devant la Préfecture

Vannes, sur l’esplanade du port

Vichy, place Charles De Gaulle

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Politique

L’affaire Alain Finkielkraut

L’affaire Alain Finkielkraut a tourné à la polémique nationale, car personne n’est dupe : malgré tous les discours plus ou moins en faveur des gilets jaunes, il est évident que les invectives agressives contre Alain Finkielkraut relèvent d’une démarche fondamentalement d’extrême-droite. Tout le monde a très peur que la France tourne violemment très mal.

L’agressivité contre Alain Finkielkraut en marge d’un cortège des gilets jaunes n’est pas une anecdote. Qui n’a pas perdu entièrement le sens de ce qu’est la civilisation a très bien compris que c’était l’expression du Fascisme, de l’agressivité antisémite à prétention anticapitaliste. Ou, pour dire les choses plus clairement, que c’était un truc de nazi.

Benoît Hamon a parfaitement résumé le point de vue des gens de Gauche au sujet de toute cette affaire :

C’est là la voix de la raison, de la Gauche qui ne sombre pas dans le populisme et qui sait bien reconnaître la nature des choses, au-delà des apparences. Franchement, de toutes manières, en quoi Alain Finkielkraut est-il d’ailleurs une référence pour quelqu’un dont l’agenda intellectuel n’est pas décidé par les plateaux de télévisions ou Le Figaro ? Depuis quand un intellectuel, convergeant ouvertement avec la Droite, représente-t-il quelque chose de si central, de si important ?

Benoît Hamon a donc entièrement raison de dire qu’il combat les idées réactionnaires et radicales d’Alain Finkielkraut, et pas ce dernier sur le plan personnel, car ce n’est pas du tout cela qui compte. La personnalisation est ici un terrible piège populiste, ou médiatique. Et il a raison de dire clairement que tout cela relève de l’antisémitisme. Il est inévitable donc d’opposer à ce court passage sur Twitter, plein de vérités, celui de Jean-Luc Mélenchon, qu’on pourrait remplacer par un simple « bla bla bla bla ».

L’opinion de Jean-Luc Mélenchon est évidemment également celle de l’ultra-gauche, qui organise mardi un contre-remplacement à la manifestation lancée par la Gauche contre l’antisémitisme. Au nom de la lutte contre l’instrumentalisation de l’antisémitisme – qui existe mais est totalement secondaire – l’ultra-gauche vise la même chose que Jean-Luc Mélenchon : la relativisation de l’antisémitisme, sa mise sur le même plan que le racisme « en général ».

Sauf qu’il n’y a pas de racisme en général. Et que l’antisémitisme est un racisme extrêmement particulier de par sa tradition, son ampleur, son rôle moteur comme « anticapitalisme romantique ». Il n’est pas étonnant que l’ultra-gauche et les populistes, qui rejettent la Gauche et ses traditions, qui relèvent donc directement de l’anticapitalisme romantique, ne puissent donc pas dénoncer l’antisémitisme, ni même le voir.

C’est là inévitable de par une vision du monde simpliste, de type anarchiste, populiste, sans fondement historique, culturel, économique, et surtout en-dehors de toutes les traditions de la Gauche.

Au-delà de l’insulte « sale juif » lancé par un manifestant, les propos exprimés par d’autres témoignent de cette logique incohérente, de cet illogisme puissamment cohérent dans l’absence de raison, de connaissance culturelle, historique… Les propos suivants sont tellement idiots qu’ils portent en eux tout le danger de l’aberration se prétendant une proposition politique pour le pays.

« Barre-toi, sale sioniste de merde. Sale merde. Nique ta mère. Palestine. Homophobe de merde. T’es un raciste, casse-toi! Dégage fasciste. La France, elle est à nous. Sale enculé. Espèce de raciste. Espèce de haineux. T’es un haineux et tu vas mourir. Tu vas aller en enfer. Dieu, il va te punir. Le peuple va te punir. Nous sommes le peuple. Grosse merde. Tu te reconnaîtras. Espèce de sioniste. Grosse merde. Il est venu exprès pour nous provoquer. Taisez-vous! »

« Facho! Palestine! Rentre chez toi… Rentre chez toi en Israël. Rentre chez toi en Israël. Antisémite. La France est à nous. Rentre à Tel-Aviv. T’es un haineux. Tu vas mourir. Nous sommes le peuple français. Rentre chez toi. Ici c’est la rue! »

La prétention à affirmer la « justice » de la part de l’anticapitalisme romantique est traditionnelle dans le Fascisme et on en a ici tous les traits. On a tous les ingrédients de l’éclectisme combiné aux faiblesses intellectuelles, avec systématiquement la négation de la lutte des classes, de l’existence même de ces classes, avec toujours un « peuple » opposé à une sorte de minorité aux contours indéfinis, extensibles à l’infini, selon les paranoïas, les préjugés, la stupidité.

Il était un article sur agauche.org publié bien avant l’affaire, annonçant que l’antisémitisme allait puissamment se relancer. Les faits lui donnent raison.

Lire également : L’inévitable prochaine montée de l’antisémitisme

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Réflexions

Il faut oser la récusation du conformisme

Il y a des gens pétris de certitudes qui remettent en cause ce en quoi ils croyaient. Dans certains cas, même si on est ébranlés, il faut oser la récusation de leur attitude. Loin d’aller dans le sens d’une rationalisation, ils passent en effet dans le camp du conformisme.

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L’anti-conformisme n’est pas une valeur en soi, sinon les intellectuels les plus excentriques auraient forcément toujours raison. D’ailleurs, ils pensent avoir toujours raison, parce que leur comportement en rupture avec les conventions est censé être authentique, dans une société où la vérité étouffe.

Il y a une part de vérité, mais les choses sont plus compliquées que cela, car il ne suffit pas d’être spontané ou d’imaginer l’être pour être dans le vrai. C’est d’ailleurs au nom d’une attitude spontanée que le conformisme s’inscrit dans la société. L’abandon d’un principe, d’une valeur, d’un couple, d’un engagement… ne se présente jamais tel quel. Ce serait révéler sa vraie nature et ce n’est pas psychologiquement tenable.

L’abandon, la trahison, la capitulation… ce même et unique phénomène prend la forme d’une « prise de conscience », d’une rationalisation appliquée aux faits, d’une mise à niveau dans le sens du « réalisme ». La personne qui abandonne son chien a besoin de se mentir à elle-même, aussi prétend-elle qu’elle remet les compteurs à zéro et que cela est sans conséquence, justement parce qu’elle remet les compteurs à zéro.

La jeune femme qui abandonne une relation sérieuse mais liée à une culture en décalage par rapport à sa vie d’entreprise, le jeune homme qui rejette tous ses anciens comportements pour rentrer dans le moule de sa position dans une entreprise ou administration… sont des figures typiques d’opportunisme se prétendant être quelque chose de supérieur. « Il faut savoir être raisonnable. »

Selon les sociétés, la pression est plus ou moins grande en ce sens. Dans des pays comme la Suède, le Danemark, l’Allemagne, l’Autriche… Vous êtes déjà considéré vieux si vous avez dépassé 25 ans et que vous êtes toujours dans les différents réseaux engagés de la Gauche. Une petite minorité assume des attitudes et des valeurs opposées aux normes dominantes, puis s’intègre finalement pour la plupart, seuls quelques uns restent dans le cadre de la contestation, pour plus ou moins des bonnes raisons.

Cela change avec la crise actuelle, mais tendanciellement cela a été vrai pendant quarante ans. En France, c’est tout à fait différent, puisqu’il y a toujours eu des anarchistes de 20, 30, 40, 50 ans ou plus, par exemple, tout comme des socialistes, des communistes, etc. Cela ne veut pas dire que la pression ne se fasse pas sentir et il y a bien entendu une vague de valeurs rétrogrades au-dessus de 30 ans, en particulier en liaison avec le syndicalisme.

C’est en effet un processus insidieux, où par défaut de volonté, par méconnaissance des valeurs, principes, de la théorie, on n’ose pas récuser, et on se fait malgré soi happer dans tout un milieu, dans tout une enchevêtrement de valeurs tout à fait conformistes dans leur substance.

Cependant, on imagine bien qu’oser la récusation du conformisme bourgeois implique une grande force psychologique, un courage par rapport à une certaine désocialisation. Le fascisme est ici très intelligent, car il propose une récusation qui n’en est pas une. Quand on est fasciste, on rompt, mais sans rompre. On ne se révolte pas contre la société, mais on est un révolté. C’est ce qui fait d’ailleurs que les gilets jaunes sont obligés de se rapprocher, voire d’être dans le Fascisme comme mouvement historique, car eux aussi veulent être révoltés, mais sans assumer la révolte autre que symbolique.

Tout le but de la Gauche doit être justement d’aider à l’affirmation d’une véritable révolte, d’une vraie récusation. Plus il y a de tels espaces, qui ne peuvent être liés qu’à la lutte de classes, sans quoi c’est une abstraction, plus la Gauche existera en tant que tel. On aura non plus simplement des gens de gauche, mais des gens à gauche.

C’est naturellement une vieille problématique. La Gauche a toujours connu ce problème : quand elle penche trop d’un côté, elle se déconnecte de la société, quand elle penche trop de l’autre côté, elle devient conformiste et s’intègre aux institutions. Cela été vrai pour le PCF, passé de la volonté de rupture à la soumission à la Ve République considérée auparavant comme un coup d’État, ou encore François Mitterrand qui expliquait qu’on ne pouvait pas être socialiste sans vouloir rompre avec le capitalisme, pour ensuite soutenir ce dernier pendant des années.

Au-delà de l’éventuel opportunisme d’un tel ou un tel, car cela existe bien entendu, il faut bien contribuer à empêcher que des gens sincères échouent, car ils s’enlisent, se pétrifient, basculent dans le conformisme.

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Politique

Acte XIV des gilets jaunes : la routine malsaine est installée

Les restes des gilets jaunes ont désormais atteint leur maturité. Alors qu’il y a une semaine avait lieu leur pathétique tentative d’un 6 février 1934, quatre-vingt cinq ans après, ils sont désormais installés dans la routine : celle du populisme haineux, de l’aigreur coriace et de la rancœur néfaste.

Le grand symbole du quatorzième samedi des gilets jaunes, c’est bien entendu la série d’invectives plébéiennes contre le philosophe Alain Finkielkraut, avec des propos évocateurs des arrières-pensées : « sale sioniste », « la France elle est à nous », etc.

Il faut voir les images, où on a des gens qui se forcent à jouer la haine, qui en-dehors de tout raisonnement se précipitent dans la mise en scène de l’aigreur, de la rancœur. Voilà le visage du fascisme, voilà ce qui est le contraire du socialisme. L’agressivité barbare contre un vieil homme, contre un penseur… ne peut être porté que par la lie de l’humanité.

On a maintenant un même et unique schéma, improductif, totalement limité sur le plan politique. Des déambulations plus ou moins inorganisées en début d’après midi dégénèrent et se transforment en relative pagaille en fin d’après-midi, avec des gens très hostiles.

Les chiffres du ministère donnent toujours moins de participants, avec cette fois-ci un peu plus de 40 000 personnes dans toute la France, autour de 5 000 à Paris et à Bordeaux, à peu prêt autant à Lyon et Toulouse, 1 600 à Nantes, 110 seulement à Strasbourg, etc.

Quiconque observe ces scènes avec un petit peu d’attention voit bien que la police est cependant très sereine, qu’elle ne fait pas spécialement grand-chose pour empêcher ces gens. Tout au plus sont-ils contenus dans tel ou tel quartier, à l’aide de fumigènes, de tirs de balles en caoutchouc et de grenades de désencerclement.

Contrairement à ce que prétendent les gilets jaunes de manière hystérique, la police ne fait presque pas usage de la force. Au contraire, elle contient très bien ces foules informes, de manière minutieuse, sans quasiment aucun contact, puisque c’est la doctrine du maintien de l’ordre en France que d’éviter l’affrontement. Dans d’autres pays, ou il y a quelques dizaines d’années en France, on aurait dans de telles situations des images permanentes de gens en sang, de policiers usant énergiquement de leur matraque, avec certainement plusieurs morts déjà.

Tel n’est pas du tout le cas ici. Et s’il y a un peu de casse, des tags, quelques vitrines brisées, et des simulacres d’affrontement avec la police, avec une volonté de violence certaine de la part des manifestants les plus offensifs, cela ne représente en fait pas grand-chose. Ce spectacle de « révolution » suffit néanmoins, pour l’instant, à combler l’esprit vide et bien triste de gens s’imaginant perturber le système, alors qu’ils ne perturbent rien d’autre que le quotidien des gens présent dans ces centre-villes. Et encore, parce qu’en fait les Français vaquent à leurs occupations, occupent les terrasses des cafés en plein soleil, font les magasins, se baladent dans les parcs, mais s’écartent quand le ou les quelques milliers de gilets jaunes locaux arrivent dans le secteur.

On a là une routine terrible qui s’est installée en France, nauséabonde, extrêmement malsaine. Il ne faudrait pas croire que le problème concernerait seulement les gilets jaunes, qui pourrait facilement être contenus, ou même réorientés dans certains cas, si la société le voulait. Ce qui est le plus inquiétant, c’est cette passivité, cette lassitude du reste de la population mais qui ne s’exprime pas : elle se contente de ne pas apprécier, tout en acceptant la routine des samedis après-midi.

Il est évident que le pouvoir en place s’en satisfait, qu’Emmanuel Macron entend bien profiter pleinement de l’espace politique que cela lui offre. Sauf que cela est un jeu très dangereux.

On a en France avec les gilets jaunes quelques dizaines de milliers de gens au style fasciste, presque toujours très politisés, penchant tantôt à l’extrême-droite, tantôt à l‘ultra-gauche, qui s’acharnent encore et toujours dans le nihilisme, les raccourcis idéologiques, la faiblesse politique et la plus grande fainéantise sur le plan culturel.

Ces gens s’enfoncent dans une attitude et des pratiques qui ne mènent à rien, ce qui ne peut que contribuer à les maintenir toujours plus dans l’irrationnel, dans l’hystérie et le chaos.

La Gauche a ici une grande responsabilité. Dans leur grande majorité, les dirigeants de la Gauche française sont tellement coupés des classes populaires françaises qu‘ils n’osent pas critiquer les gilets jaunes, de peur de critiquer le cœur prolétarien de la France. C’est là une terrible erreur, une grossière erreur, qui aura malheureusement des conséquences désastreuses avec ces répétitions de samedis malsains.

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Société

La question du retour en France des soldats français de Daech

Le retour en France de plus d’une centaine de membres de l’État islamique est considéré par l’État comme un devoir juridique. Cela pose une multitude de problèmes : moraux, juridiques, politiques, avec à l’arrière-plan le fait que la France n’a jamais assumé que l’islamisme était politique. Les conséquences sont incalculables.

Les islamistes faisant des attentats en visant des personnes au hasard sont des criminels, c’est une simple évidence. Mais leur criminalité ne relève pas de la tuerie spontanée ; elle est au contraire le fruit de longues réflexions, d’innombrables analyses, au service d’un projet politique sur une base religieuse.

L’État français a bien entendu toujours su cela. Il a considéré toutefois qu’en raison de l’importance de l’immigration depuis des pays musulmans, il fallait étouffer cette dimension. Ainsi, les islamistes des années 1990 ont été frappés par une justice les considérant comme des mafieux, quand ils n’ont pas été tués de manière extra-légale. Qu’on dise que Khaled Kelkal mérite la peine de mort est une thèse qui peut se tenir, mais en attendant il n’a pas été arrêté : il a été exécuté par les forces de l’ordre.

De la même manière, les tueurs de Charlie Hebdo, pour qui il ne s’agit pas d’éprouver une quelconque sympathie, auraient pu être arrêtés. Repliés dans une imprimerie entourée de forces armées, ne comptant pas se suicider… Il aurait été facile de les épuiser, d’utiliser des gaz, etc. L’État français n’a eu cependant aucunement l’intention de se coltiner un procès ultra-médiatisé avec des activistes d’Al Qaeda.

Après les attentats sur le territoire français de l’État islamique, l’État français a envoyé des soldats spéciaux en Irak et en Syrie afin justement d’en liquider les participants. La révélation de cela par François Hollande alors président de la république avait fait scandale alors. Avec l’effondrement de l’État islamique, cela ne suffit cependant plus. L’État français risque de se retrouver avec plus d’une centaine de combattants.

La logique voudrait qu’ils soient jugés pour leurs crimes en Irak et en Syrie. D’ailleurs le peuple français ne veut plus d’eux : ils ont choisi le meurtre et l’horreur avec un sentiment de toute puissance dans un autre pays, ils doivent en payer le prix. Et puis comment les juger en France pour des actes commis si loin, comment établir les faits ? Le peuple français considère de toute façon qu’il n’y a pas à chercher et qu’ils ont choisi un camp si criminel que la justice doit être brève, expéditive.

Seulement, évidemment, l’État français est pris à son propre rôle et veut récupérer « ses » citoyens, comme si les combattants de l’État islamique étaient des touristes perdus lors de leurs vacances. L’État français applique ici, de manière mécanique, sa conception « républicaine ». C’est absolument intenable et c’est la porte ouverte à une instabilité générale pour le Droit en France.

Une réponse de Gauche à cette instabilité ne pourra pas être de l’angélisme, de la naïveté ou une lecture infantile de l’islamisme. Ce serait une trahison du principe de Justice. La lettre ouverte au président de la République, écrite par Albert Chennouf-Meyer, père d’Abel, assassiné par Mohammed Merah, est à ce titre plein de dignité. « Mon avenir est derrière moi, je mettrai tout en œuvre pour éliminer les assassins de mon fils (…). L’État, l’armée, la république a oublié ses enfants, moi, je n’oublie pas mon fils ! »

Il n’est personne dans le peuple pour ne pas savoir que ce sont là des paroles correspondant à une exigence fondamentale de vérité et de justice.

Lire également : Lettre ouverte à Monsieur le président de la république, Emmanuel Macron, par Albert Camus-Meyer

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Société

Lettre ouverte à Monsieur le président de la république, Emmanuel Macron, par Albert Chennouf-Meyer

Cette lettre ouverte a été publiée sur Facebook par Albert Chennouf-Meyer, père d’Abel, assassiné par Mohammed Merah il y a 7 ans.

Lettre ouverte à Monsieur le président de la république, Emmanuel Macron.

Monsieur le président, vous allez dans les semaines à venir décider, à moins que c’est déjà fait, faire revenir 130 djihadistes français dont une partie, ont les mains rouges du sang de nos enfants.

Je tiens à m’élever de toutes mes forces contre cette criminelle décision.

Vous n’êtes pas sans savoir que parmi les #islamistes de retour, qu’il y a des individus qui ont contribué à aider le terroriste musulman #MohamedMerah, l’assassin de sept innocentes personnes dont 3 enfants de moins de 8 ans ainsi que mon fils, Abel, alors âgé de 25 ans.

Je pense plus particulièrement au retour de Quentin le Brun, originaire du #Tarn.

Je vous demande solennellement de surseoir à cette décision, voire de refuser leur retour et les confier à la Syrie, pays souverain et apte à les juger.

Monsieur le président, Le 15 mars, je commémorerais le 7ème anniversaire de la disparition tragique de mon fils et je « fêterais » mon 67ème anniversaire par la même occasion.

Je jure sur l’honneur, sur la mémoire d’#Abel, mon enfant arraché très tôt à la vie à cause des préceptes arriérés d’une secte, que je ne resterai pas inactif.

Mon avenir est derrière moi, je mettrai tout en œuvre pour éliminer les assassins de mon fils. Je n’ai plus rien à perdre, l’islam m’a enlevé un fils, je ne peux pas laisser vivre paisiblement les complices de l’assassinat de mon fils de retour 7 ans après leur forfaiture. S’il faut le tuer, je le ferais !

L’État, l’armée, la république a oublié ses enfants, moi, je n’oublie pas mon fils !

Je suis sain de corps et d’esprit et je jure sur la Sainte Bible, que j’exécuterais le contrat que j’ai susurré à l’oreille de mon fils avant qu’on ferme son cercueil !

Tous les matins, ma famille affronte la question de mon petits-fils, #Éden, né après la mort de son père, qui nous demande « où est-ce qu’il est son papa ?» !

Monsieur le président, votre devoir premier selon la constitution, est de protéger le peuple. Je ne vous demande rien d’autres que d’empêcher ce barbare de revenir dans le pays qui l’a vu naître et dont il a contribué à tuer plus de 250 concitoyens.

Respectueusement Monsieur le Président !

P.S : Mes avocats, Maîtres Béatrice Dubreuil et Frédéric Picard seront informés de cette initiative, qui est personnelle et individuelle !

J’ai déposé un exemplaire de cette lettre sur le site de la Présidence.

Aldebert Camus-Meyer

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Politique

L’appel des partis politiques à l’union contre l’antisémitisme (« Ça suffit ! »)

Ce mardi 19 février 2019 aura lieu à Paris une initiative commune des partis politiques français pour marquer le coup contre l’antisémitisme. Si la Droite est également concernée (mais pas le Rassemblement National et Debout La France), c’est la Gauche qui est à l’origine de la démarche. En voici l’appel, lancé par le Parti Socialiste, qui ne peut cependant pas être publié sans que soit noté une série de points au sujet de cette question brûlante.

En effet, il y a déjà lieu de constater que la reprise d’une vague d’antisémitisme fait suite à un puissant recul provoqué par le mouvement « Je suis Charlie ». Or, la Gauche a totalement balancé par-dessus bord ce qui a été pourtant la plus grande mobilisation de masse depuis 1945 ! On peut tout à fait être critique de « Je suis Charlie », mais en reconnaître la dimension surtout positive est essentiel. La Gauche a ici failli en passant ce mouvement par pertes et profit, comme s’il n’avait jamais existé.

Le second point, tout aussi important, est que les juifs et juives de notre pays ne supportent plus la Gauche, se sentant profondément trahi alors qu’ils ont toujours été proche d’elle dans leur grande majorité. L’utilisation ultra-démagogique de la question palestinienne par une partie de la Gauche (surtout le PCF, le NPA, l’ultra-gauche), avec une rhétorique antisioniste directement parallèle à un antisémitisme larvé, a provoqué une cassure très profonde. Il faudra des années de travail pour changer cela et les actes symboliques ne suffiront plus.

Le troisième point, et non des moindres, est enfin qu’il ne suffit pas de se dire opposé à l’antisémitisme pour ne pas être soi-même antisémite. Disons les choses telles qu’elles sont : le niveau d’autocritique de la Gauche au sujet de l’antisémitisme est totalement nul. Il n’y aucune étude historique, culturelle de l’antisémitisme, il n’y a aucune réflexion de fond sur la dimension anticapitaliste romantique de l’antisémitisme, il n’y a aucune recherche sur les erreurs et fautes ayant pu être commises.

Lorsque François Hollande, avant d’être élu président de la république, a lancé son « mon ennemi c’est la finance », cela peut plaire à une Gauche voulant taxer les riches, mais c’est intellectuellement un raccourci terrible, correspondant à l’opposition antisémite d’un capitalisme « productif » à un capitalisme « parasitaire ». Cela ne veut pas dire bien entendu que François Hollande soit antisémite, la question ne se pose même pas. C’est toutefois un bon exemple de profonde erreur d’approche, d’une utilisation des mauvais codes, d’un incompréhension des profonds enjeux culturels à l’arrière-plan à l’échelle de la société.

 

« Ça suffit ! » : l’appel à l’union contre l’antisémitisme

14 février 2019

Les actes antisémites se sont dramatiquement multipliés au cours de l’année 2018. Ça suffit !

L’antisémitisme n’est pas une opinion, mais un délit. Il est redevenu une incitation au meurtre. Ilan Halimi, les enfants de l’école Ozar Hatorah, les victimes de l’Hyper Cacher, Sarah Halimi, Mireille Knoll, tous ont été assassinés, parfois torturés, parce que Juifs. Ça suffit !

Nous sommes tous concernés. L’antisémitisme n’est pas l’affaire des Juifs. Il est l’affaire de la Nation toute entière.

Nous portons dans le débat public des orientations différentes, mais nous avons en commun la République. Et jamais nous n’accepterons la banalisation de la haine. C’est pourquoi nous appelons l’ensemble des Français à se réunir dans toutes les villes de France pour dire ensemble : NON, l’antisémitisme, ce n’est pas la France ! »

Un grand rassemblement est organisé à Paris,
place de la République
Mardi 19 février 2019 à 19 heures

Parti Communiste Français • Gauche Républicaine et Socialiste • La République en Marche • Europe Écologie Les Verts • La France insoumise • Les Républicains • Parti Radical de Gauche • Mouvement des Citoyens • Mouvement Démocrate • Union des Démocrates et des Écologistes • Les Centristes • Parti socialiste • Union des Démocrates et Indépendants • CAP 21 • Mouvement Radical • Agir • Les Radicaux de Gauche • Génération.s • Alliance Centriste • République & Socialisme • Mouvement des Progressistes • Place publique • GayLib • MJLF • ULIF • LICRA • SOS Racisme

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Réflexions

La France, un pays de petits propriétaires

Si les gilets jaunes n’ont pas abordé la question de la petite propriété, c’est qu’ils correspondent à la situation française, avec la majorité du pays qui est formée par une très large couche de petits propriétaires. Et cette couche qui rêve d’accumulation est bloquée non pas tant par les 1 % les plus riches, mais par les 10 % des Français qui possèdent la moitié du patrimoine total. Les gilets jaunes expriment une petite-bourgeoisie asphyxiée par la bourgeoisie.

Maison de la cité Jolivet, quartier La Fuye-Velpeau, à Tours

Quand on voit le panorama de la propriété en France, du patrimoine, on comprend tout de suite pourquoi la division entre « riches » et « pauvres » est dans notre pays une caricature, qui ne vise qu’à masquer que les vraiment pauvres sont entièrement mis à l’écart, d’où leur absence de participation aux gilets jaunes.

La moitié des ménages selon la définition de l’INSEE, donc un peu plus de la moitié des français (un ménage comportant parfois plusieurs personnes), dispose en effet d’un patrimoine d’environ 160 000 euros, consistant à 80 % en la propriété d’un logement. En fait, ce sont environ 60 % des Français qui possèdent leur logement ou sont en train d’en payer les traites.

C’est un chiffre énorme, faisant de la France avant tout un pays de petits propriétaires. Bien entendu, cette petite propriété n’a pas une valeur énorme, et les intérêts de la grande majorité de ces petits propriétaires sont les mêmes que celles des pauvres. Le souci c’est que disposer d’une petite propriété amène une mentalité de petit propriétaire.

Le petit propriétaire est conservateur, opposé au socialisme, avec une mentalité de petit entrepreneur, va dans le sens du respect des traditions, etc. Il entend protéger son bien et pour cela il a besoin que la société soit stable, les conflits gelés. Les gilets jaunes ne lui ont justement pas fait peur, parce que jamais ils n’ont aborde de thèmes allant dans le sens d’une remise en cause de la propriété.

C’est précisément pour cela que les gilets jaunes sont un mouvement réactionnaire, appuyant l’idéologie conservatrice de la France profonde, où l’État n’est conçu que comme tampon avec les « riches ». L’État n’est vu que comme pompe à fric redistributrice. Les gilets jaunes parlent de crise sociale, mais de par leur mode de vie, c’est finalement une crise du patrimoine qu’ils expriment.

Car au-delà du fait que les riches deviennent plus riches, il y a le fait que la vie coûte plus cher. Les riches imposent un rythme financier bien trop haut. On sait par exemple à quel point une ville comme Paris est devenu un bastion bourgeois ces 25 dernières années. Le slogan « Paris soulève toi » est en décalage complet avec la réalité : il suffit de regarder le prix au mètre carré et le nombre de propriétaires.

En fait, si l’on prend les 10 % des Français les plus riches, ceux-ci ont un patrimoine d’environ 600 000 euros. Avec cela, ils écrasent les autres, pas seulement parce qu’ils sont plus riches, mais parce que ce patrimoine représente à peu près la moitié du patrimoine en France. Ils peuvent truster les meilleures choses, leur compétition entre eux balaie littéralement les autres.

En fait, personne ne peut suivre et il ne reste que les miettes, les marges du pays. Ils forment le véritable problème dans notre pays, bien plus que les 1 % qui ont plus de deux millions d’euros de patrimoine et qui vivent dans leur bulle ! Mais comme les petits propriétaires rêvent de devenir des grands propriétaires, ils ne peuvent pas dénoncer les grands propriétaires, seulement les très grands propriétaires.

A cela s’ajoute l’existence des « indépendants », ces petits capitalistes qui ont eux en moyenne pratiquement 600 000 euros de patrimoine. Eux « vivent » le capitalisme et sont en permanence sous pression, en raison de la concurrence mais aussi de leur démesure. Ils ont joué un rôle essentiel dans le démarrage des gilets jaunes, cette rébellion de l’intérieur du capitalisme lui-même.

Cette lecture en termes de patrimoine éclaire beaucoup de choses : non seulement la nature des gilets jaunes, mais également la vanité de nombreux discours misérabilistes masquant que la France est un pays de petits propriétaires.

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Écologie

Les chasseurs doivent comprendre le sens de la chasse à courre

Une partie significative des chasseurs trouve la chasse à courre abjecte. Pourtant, les fédérations de chasseurs la soutiennent unanimement et sans conditions. Cela reflète le sens même de la démarche de la chasse et les chasseurs sont prisonniers d’une profonde incohérence.

A Vielsalm (province de Luxembourg), chasse à courr, l'Hallali. Vers 1903.

La chasse à courre est une démarche en apparence et dans sa substance fondamentalement différente de la chasse en général. En effet, la chasse se pratique comme une sorte de communion individuelle ou entre amis, alors que la chasse à courre existe sous la forme d’un rituel à la fois conventionnel et profondément hiérarchisé.

La chasse se veut plus amicale, davantage conviviale ; le rapport à la nature se veut plus naturel que culturel, puisque la chasse à courre exige elle tout un code vestimentaire, d’attitudes, de comportements, etc. C’est pour cela que les chasseurs apprécient, d’une manière ou d’une autre sans forcément la cautionner, la figure romantique du braconnier.

Cependant, force est de constater et cela est indiscutable, que l’ensemble des représentants des chasseurs soutient de manière catégorique la chasse à courre. Les chasseurs doivent prendre conscience de la signification de cela. Il ne s’agit pas en effet simplement du fait que la « direction » des chasseurs soit composée de bourgeois conservateurs coupés de la base, etc.

Non, cela va bien plus loin. Il existe bien une passerelle tout à fait solide et logique entre la chasse et la chasse à courre. Les chasseurs ne peuvent souvent l’admettre, et pourtant les faits parlent d’eux-mêmes. La complexité du problème vient du fait que cette passerelle ne consiste justement pas en les chasseurs, mais en la chasse elle-même.

La manière dont les chasseurs voient leur démarche est une chose. La manière dont elle se pratique en est une autre. Il existe un gigantesque décalage entre comment les chasseurs s’imaginent être et comment ils sont en réalité. La chasse à courre est la révélation de ce décalage, elle montre que le principe de chasser consiste précisément en le fait de chasser, et que les motivations pour cela sont les mêmes dans leur fondement pour la chasse comme pour la chasse à courre.

Les chasseurs pensent se distinguer des pratiquants de la chasse à courre, car leur attitude psychologique n’est pas ce harcèlement, et pourtant dans sa base elle est similaire, elle est bien une terreur pratiquée dans un environnement naturel. Cette communion sympathique que le chasseur croit pratiquer, c’est en réalité une attitude de guerre.

Les chasseurs sont obligés d’admettre par ailleurs ici que tout le folklore de la guerre pullule dans la chasse. Que ce soit au niveau des vêtements, du principe du camouflage, des pièges et des appâts, il y a bien l’idée d’une militarisation, d’une stratégie militaire, d’un ennemi à vaincre. Si tous les chasseurs n’adoptent une telle démarche, il n’en reste pas moins que cette dimension est présente et partagée par beaucoup.

Les chasseurs doivent donc comprendre la différence qui existe entre comment eux se voient et voient les choses, et la réalité concrète. Sans nul doute que si l’on suit le vrai sens de beaucoup de chasseurs, alors le fusil serait traqué contre l’appareil photo. Car la chasse, dans son existence, est façonnée par le rapport perverti de l’humanité avec la nature. Elle exprime en soi également un profond malaise par rapport à un monde urbanisé, sans âme et anonyme, froid et stérile, rapide et vide.

Si les chasseurs prennent conscience de tout cela, ils peuvent faire un véritable apport à la société, en dépassant la chasse et en affirmant le besoin d’un rapport réel à la nature. Et si cette autocritique de leur part est forcément malaisée, la question de la chasse à courre est un véritable levier devant les aider.

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Politique

Tribune : « L’antisémitisme et le racisme sont un poison ! » par Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie

L’antisémitisme et le racisme sont un poison !

Voilà plusieurs jours que les médias et différents hommes et femmes politiques alertent sur la montée dangereuse de l’antisémitisme.
Il y a 30 ans, lors de la profanation du cimetière juif de Carpentras, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes dont le président de la République Mitterrand qui défilent dans les rues pour dire « non au racisme et à l’antisémitisme ». Que reste t-il aujourd’hui de ce « non » ?

Malgré les sursauts populaires lors de l’assassinat du jeune Ilan Halimi en février 2006, malgré l’énorme rassemblement républicain de la France «Je suis Charlie » en janvier 2015, les digues contre la haine raciale semblent toujours plus se fissurer.

L’antisémitisme n’est pas un racisme « comme les autres », il a cette particularité que n’ont pas les autres racismes : il est toujours complotiste. On ne hait pas un juif parce que juif, mais parce qu’il détient quelque chose ou influe sur quelque chose. De George Valois à Hitler, en passant par Georges Sorel, le journal Gringoire, l’islamisme fondamentaliste et Charles Maurras… Tous ont en commun la haine des juifs car selon eux ils seraient le vecteur d’une grande machination à l’échelle mondiale. Il n’y aurait plus de juifs que les fascistes voudraient tout de même leur mort.

Quiconque a appris les leçons du passé sait bien que les moments de crise sociale et de difficultés économiques sont le prélude au déferlement antisémite. Lors de ces moments de turbulences l’étranger à côté de chez soi devient toujours le bouc-émissaire et le juif le pseudo-organisateur de la misère. Dans la France de la fin du XIXè siècle, à l’antisémitisme de l’affaire Dreyfus correspond la haine anti-italienne illustré par le massacre des Aigues-Mortes. Dans la France des années 1930, au violent racisme anti-polonais du Nord répondait le terrible antisémitisme des ligues factieuses. La vague antisémite n’est qu’un reflet de la banalisation raciste car l’antisémitisme ne peut pas exister sans le racisme, et le racisme ne peut exister sans l’antisémitisme.

A l’époque où nous vivons, la division anti-démocratique est un véritable poison. Nous l’avons bien vu ces dernières années. Au regard de la dernière hausse des actes antisémites, qui ne peut pas s’inquiéter de manifestations où l’on a pu voir des antisémites défiler sous le vieux mot d’ordre démagogique « A bas les voleurs ! ». Ce mot d’ordre est d’ailleurs directement issu du 6 février 1934. Mais depuis les années 1930 les douloureuses expériences de l’Histoire ont permis d’amener ensuite les lois dites antiracistes. En effet la Loi Pléven (1971) et la Loi Gayssot (1990) font partie d’un patrimoine populaire de la lutte contre la haine raciste. Mais ces lois ne sont pas ou suffisamment peu appliquées et c’est pour cela qu’il faut un sursaut et une fermeté populaire.

On entend souvent des personnes défendre l’antisémitisme au nom d’une prétendue liberté d’expression. La liberté d’expression n’est pas un prétexte à la haine. Ce n’est pas normal que des personnes puissent déverser leur haine raciste et antisémite impunément en public. Les paroles et gestuelles haineuses entraînent les actes haineux qui entraînent la violence.

Nous devons nous unir face au racisme et à l’antisémitisme et ce rapidement, si l’on ne veut pas se retrouver coincés comme dans les années 1930. Il est plus qu’urgent que le peuple trouve la voie de son unité contre la haine, la barbarie et les semeurs d’illusions.

En tant que jeunes qui combattons l’antisémitisme nous subissons l’isolement.
Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie
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Réflexions

La capitulation en amour

Lorsque l’amour s’exprime pleinement et exige un projet, celui de vivre à deux, cela implique une vraie politique du rapport à deux. Il arrive que l’une des deux personnes capitule.

En politique comme en amour, il y a des capitulations. Le rapprochement, aussi étrange qu’il peut sembler, est tout à fait juste. L’amour n’est pas une croyance comme dans une religion, car ce n’est pas l’au-delà qui compte, mais la réalité la plus immédiate. Cette réalité, on la gère à deux, et en ce sens c’est de la politique. Il faut bien s’organiser, dans sa vie et dans son couple, agir en fonction de l’autre, considérer son lendemain en fonction de celui de l’autre.

Bien souvent d’ailleurs, cela se dégrade en économie. La dimension politique disparaît, tout devient une question mathématique. Ne comptent plus que les chiffres, les perspectives de ces chiffres, la logique de l’addition, de l’accumulation. Un couple qui marche, c’est un couple qui accumule et il est largement considéré, de manière regrettable, que vivre d’amour et d’eau fraîche ne peut être qu’une lubie temporaire d’adolescents. Triste époque, sans romantisme !

C’est un grand paradoxe d’ailleurs que l’amour, qui a une part si essentielle dans la vie, ne soit même pas un thème des études de philosophie en terminale, au lycée. Il y a pourtant de quoi dire. Le couple, est-ce deux personnes regardant dans la même direction, deux personnes se regardant ? Quand on est en couple, n’est-on plus que la moitié d’un tout ? Ou bien conserve-t-on radicalement son entité personnelle ?

Et comment trouve-t-on la personne qui nous correspond ? Faut-il la chercher ou pas ? On connaît ici les principes généraux : qui cherche ne trouve pas, et l’amour nous tombe dessus quand on s’y attend le moins (ou bien quand on n’attend plus rien ?) Qui a des attentes déjà dans son esprit part perdant, car il va plaquer des désirs abstraits sur une personne réelle rencontrée, et tout va rater.

Il y a également bien des valeurs culturelles rentrant en jeu. Ainsi, la Française ne prend pas l’initiative par rapport au Français, car c’est à l’homme de prendre l’initiative et de mener à bien le processus aboutissant au couple. Cela date du 17e siècle, de la fameuse Carte de tendre, indiquant ce qu’il faut faire pour un homme pour enclencher une relation. La Suédoise, elle, prend l’initiative par contre, par fierté féministe : c’est un code bien différent.

Un autre code est encore la notion de destin, le mazal dans la culture juive et le mekhtoub dans la culture maghrébine. Le mazal, l’étoile, représente aussi le destin et quelques personnes correspondant à un amour parfait, d’où l’expression « mazal tov », « bon destin », lorsqu’on se marie. Tout est écrit, c’est également la notion du mekhtoub, le destin, chez les maghrébins. Ici, ce n’est pas Inch Allah, « si Dieu veut », mais comme si tout avait été écrit par Dieu dans un grand livre au début du monde.

Prenez un couple relativement récent avec une personne de culture française, une personne de culture maghrébine ou juive. A la question « Serez-vous avec la même personne dans dix ans ? », la personne de culture française dira : plutôt non, l’autre dira : plutôt oui. C’est une question de mise en perspective. Dans un cas, si l’on y va, cela n’engage pas en soi son être totalement ; dans l’autre cas, si l’on y va, c’est qu’on considère qu’on est déjà dedans, et que c’est inévitable.

Il va de soi que de telles différences culturelles joue forcément un grand rôle et que si l’on rate cela, on ne comprend plus l’autre. Faut-il, qui plus est, considérer que l’amour vu par la culture française est post-moderne, ultra-individualiste, ou que l’amour vu par la culture maghrébine ou juive est féodale ? Évitons la voie médiane qui ne résoudrait rien au problème.

Car si problème il y a, et c’est là quelque chose de vrai partout, c’est la capitulation en amour. Il y a des gens qui s’aiment, mais avec l’un des deux qui finalement, décide de capituler. Il s’évapore, alors qu’il était encore présent il y a peu ; il se coupe de ce qu’il considérait encore auparavant comme son oxygène.

Il ne s’agit pas ici de traiter la fin d’un amour, car c’est bien d’autre chose dont il s’agit. Il est bien connu par exemple que certaines femmes, par le peu de confiance qu’elles ont en les hommes ou bien en l’homme rencontré, pratiquent l’adage « fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve ». De peur de se faire plaquer, on casse la relation soi-même avant. On a beau expliquer le concept aux hommes, rares sont ceux qui comprennent de quoi il en retourne.

Il est bien connu également que certains hommes ne cherchent d’abord que le désir et qu’éventuellement, alors à force d’attachement ou de tendresse, l’amour se forme éventuellement. C’est ici la quête d’un partenaire sexuel qui se transforme, finalement, en couple de fait. Cela manque d’envergure à première vue, cependant il y a par la suite la réalité d’une vie fondé sur le concret, et non sur le projet.

Le souci de l’amour en effet, c’est qu’en plus du sentiment, il est également de fait un projet. Lorsque Roméo et Juliette tombent amoureux, cela implique en soi un projet ; l’impossibilité de la réalisation du projet rend impossible l’amour, d’où le suicide (Shakespeare ne connaissait pas encore le Socialisme et la révolution). L’amour devient alors hautement politique, car il faut être à la hauteur du projet. Cela n’est pas possible sans un certain niveau de conscience, sans une capacité d’engagement.

Beaucoup abandonnent : la personne est trop loin, il n’y a pas assez de moyens matériels, les cultures sont trop différentes, la personne ne répond pas aux clichés qu’on s’est imposé, on a un plan de carrière qu’on ne veut pas modifier ou bien, ce n’est pas à négliger, on attend le prochain tour, en se disant qu’on tombera amoureux de quelqu’un de « mieux » !

C’est en ce sens que le capitalisme est un tue-l’amour. En se considérant comme une petite entreprise, les gens ne sont plus capables de s’engager, ni d’être naturels. Ils évaluent tout selon un plan de carrière, avec un regard froid, tueur, cruel. Et cruel envers eux-mêmes, mais cela ils s’en aperçoivent trop tard.

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Réflexions

Le cycliste, un beauf comme un autre

Faire du vélo, c’est bien et c’est mieux que prendre la voiture, si on peut éviter. Mais croire qu’avec cela on évite l’agressivité, le fétichisme, l’individualisme, c’est lourdement se tromper.

bicyclettes

Ah, le vélo ! Quel plaisir de plonger dans les rues de la ville, libre de tout souci de transport en commun, en se précipitant à coups de pieds sur le pédalier ! « A bicyclette… » On se sent comme grisé, et cette euphorie n’a pas seulement un lien avec l’endorphine produit par l’effort donné. Il y a également ce sentiment, à la fois snob et rassurant, de faire quelque chose de bien pour l’environnement. On ne pollue pas, on ne contribue pas à la toute-puissance de l’automobile.

Et puis, les automobilistes, quelle bande de cons ! Entre leur agressivité, leur irresponsabilité, leur fétiche de la voiture, leur confiance aveugle en la route, l’autoroute, le pied sur le champignon comme vecteur du déplacement ! Quelle joie alors d’être cycliste, au cœur de la ville, loin des beaufs et de leur style de vie !

Ce dernier point de vue est-il une caricature ? Pas tant que cela, finalement. Car les cyclistes ressemblent finalement sur beaucoup de points aux automobilistes. Ils ont le même fétichisme complet de leur propre activité. Ceux qui relativisent celle-ci sont des ennemis et le mépris du cycliste pour le piéton vaut bien celui de l’automobiliste. Quant à l’agressivité, elle devient rapidement la même.

Il ne faut pas croire non plus que le vélo soit quelque chose de simple, du type on monte dessus et hop c’est parti. Il faut en effet aller d’abord le chercher, dans la rue ou dans le local à vélos. Il faut le décadenasser. Ah mais voilà que faire des antivols ? Alors, là, il faut soit l’accrocher sur le vélo, ce qui est une opération hautement intellectuelle, car il faut bien le caser pour pas que cela ne dérange quant on roule. Ou bien on le met dans un sac : ah, il faut un sac à dos! Mais quel type de sac ? Et il faut toujours l’avoir sur soi, même quand on s’est garé et qu’on n’a plus l’antivol ?

Ce n’est pas tout : il faut regarder la météo. La pluie exige un certain habillement. Et puis on a vite chaud quand on pédale, on est en sueur, il faut prévoir le coup pour ne pas être trop dérangé après coup. Il y a le vent également, à prendre en compte.

Et puis il ne faut pas oublier les lumières ! C’est une question de sécurité. Là évidemment on peut la jouer à la française, avec le style nonchalant. Toutefois une véritable sécurité, c’est une lumière fixe devant, une lumière clignotante derrière, des réfléchissants à la fois devant et derrière, ainsi que plusieurs sur chaque roue pour les côtés, et sur chacun des deux côtés de chaque pédale.

Ouf ! Tout cela pour dire que c’est une intendance. Que le côté spontané et libre du cycliste relève de la mythomanie. Que même si on prend un vélo empruntable sur abonnement, il reste la question de la conduite, de l’habillement, de le trouver, de le garer au bon endroit, etc.

Tout cela fait que le cycliste a une démarche complexe, que lui imagine simple, et c’est pourquoi il devient aussi bien un beauf, sans même s’en apercevoir, dans ses attitudes avec les autres, en particulier les piétons, mais aussi les autres cyclistes, ou bien les automobilistes.

Somme toute, le cycliste, c’est un peu le motard mais avec une moto sans moteur. Ce qui lui accorde une dimension écologiste indubitable, et puis cet aspect sportif. C’est plutôt bien ! Mais cela se retourne aussi bien en son contraire, avec la même pose que le motard, le même individualisme, la même attitude qui est celle de la caricature exposée dans les films américains, avec ce motard sans casque roulant à fond la caisse sur une route traversant le désert.

Les motards et les cyclistes se croient bien dans un désert, ne portant plus leur attention qu’envers eux-mêmes surtout…

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Société

L’échec du féminisme à la «me too» devant la culture beauf

Une certaine forme de féminisme a beau s’affirmer à la suite du mouvement « me too », il ne peut pas modifier la situation. Tant que la culture beauf dispose de gigantesques moyens d’expression, elle noiera toute opposition. Quelques pointes critiques n’ébranlent pas un véritable système d’attitudes et de comportements.

#metoo

La grande question à l’arrière-plan de tout programme féministe, c’est de savoir s’il faut s’adresser aux hommes ou à chaque homme en particulier. Et si le fond du problème consiste en une culture, beauf ou patriarcale comme on voudra, ou bien en des réactions individuelles erronées. Selon qu’on voit les choses d’une manière ou d’une autre, cela change tout, tant pour la manière d’exprimer le féminisme que pour évaluer ses réussites et ses échecs.

On sait comment l’individualisme n’a eu de cesse de progresser ces dernières années ; le féminisme n’a pas échappé à cela. L’une des conséquences immédiates, c’est qu’il a perdu tout sens critique. L’affirmation d’une femme, de quelque manière que ce soit, est considérée comme du féminisme… même si dans la pratique, il s’agit d’une soumission complète aux valeurs de soumission. C’est le principe de la femme « osant » se maquiller de manière professionnelle, poser nue, avoir telle robe et tels talons aiguilles, etc.

Il y a un nombre incalculable de mannequins, actrices, chanteuses, femmes de la politique et de l’économie, intellectuelles, qui se prétendent féministes simplement parce qu’elles font carrière. Le féminisme se réduit ici à la revendication de l’avancée sociale, du projet individuel. Le féminisme disparaît ici dans une sorte de magma pro-égalitaire, où les femmes sont mises sur le même plan que les étrangers, les immigrés, les migrants, les gays, les lesbiennes, les handicapés, etc. etc.

Évidemment à chaque fois, il ne s’agit pas des immigrés ou des handicapés, mais de chaque immigré, de chaque handicapé, pas des gays ou des lesbiennes, mais de chaque gay, de chaque lesbienne. C’est toujours l’individu qui est l’alpha et l’oméga de tout ce type de raisonnement. Et, par conséquent, cela ne peut aboutir qu’à des échecs, exprimés par de dramatiques « faits divers », notamment des agressions. Celles-ci apparaissent comme toujours incompréhensibles, car s’opposant au « droit » de chacun de faire ce qu’il veut.

Ce qui est ici gommé, de manière totale, c’est la culture beauf qui traverse toute la société. Il suffit pourtant de voir que le bombardement visuel d’un clip de rap diffusant tous les clichés sexistes a un impact concret bien plus important que n’importe quelle remarque en faveur de l’égalité. Même quelqu’un qui est favorable à l’égalité peut en arriver dans sa vie quotidienne à reproduire les traditions sexistes. Et cela est vrai pour les hommes bien entendu, mais également pour les femmes.

L’une des principales erreurs du mouvement féministe à la « me too », ou bien les Femen, voire en fait la plupart des organisations et regroupements féministes, c’est de partir du point de vue que toutes les femmes sont favorables au féminisme. Ce n’est malheureusement pas vrai du tout. La majorité des femmes même, peut-on dire, a tout à fait intégré des règles du jeu où elles assument une certaine passivité, afin de manœuvrer par derrière. Cela leur semble plus pertinent, plus vraisemblable, qu’un hypothétique féminisme où elles seraient vraiment autonomes.

Les films présentent d’ailleurs de manière ininterrompue un tel modèle. Même dans les cas où la femme a des initiatives, elle dépend de l’homme qui se retrouve être le protagoniste véritable. Il suffit de voir un James Bond récent, ou bien n’importe quel film catastrophe, de science-fiction, d’action. La femme qui agit se retrouve toujours coincé à un moment, et qui vient débloquer la situation ? L’homme, bien entendu. Il y a là quelque chose pernicieux, contribuant de manière massive à la prédominance des hommes. Et pourtant, on ne trouve aucune critique massive, ou même aucun début de critique, de ces insupportables scénarios.

Finalement, que voit-on ? Que le féminisme individualiste, tourné vers l’individu, est tout à fait acceptable pour le capitalisme. Il valorise l’individu, il donne une image de progrès de la société, c’est donc tout à fait utile. Par contre, jamais la femme en tant que femme n’est valorisée. Cela serait là du « naturalisme », ce serait là lui donner une « essence », ce qui est insupportable pour une société dont le fondement est l’existence individuelle radicalement séparée de tout le reste.

Ce qui amène au problème fondamental du féminisme : considère-t-il que la femme est un homme comme les autres, ou bien est-il dans l’optique que les hommes doivent se plier aux exigences des femmes ? Et dans ce dernier cas, dans quelle mesure les femmes sont-elles différentes ou bien supérieures aux hommes ? Ce qui aboutit inéluctablement à la question du rapport à la vie : la femme est-elle supérieure à l’homme, de par son rapport plus développé à la vie ?

On est tout à fait libre de le penser, et même est-ce sans doute un devoir. L’égalité hommes-femmes ne pourra pas se mettre en place sans, disons, un certain matriarcat. Croire qu’on pourra briser la culture beauf sans une certaine révolution des mentalités, sans une certaine soumission des hommes à des valeurs de paix, d’orientation vers la nature, les animaux, est une illusion pure et simple.

Cela n’intéresse pas du tout le féminisme à la « me too ». Il n’est pas du tout dans cette problématique et n’a aucune réflexion à ce sujet. Il est simplement une expression de la volonté de carrière de femmes appartenant aux couches supérieures de la société. Il exprime la volonté de ne pas être dérangé par la culture beauf – ce qui est déjà pas mal – mais il ne compte nullement supprimer cette culture beauf. Comment toutefois penser que cela serait possible ?

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Société

Le mariage des prêtres, entre histoire et théologie

La question du mariage des prêtres peut se prêter à un petit aperçu historique, prétexte à une compréhension plus approfondie de ce qu’est une religion. C’est un débat nécessaire pour la Gauche, qui a perdu énormément de terrain dans sa lutte anti-cléricale ou plus directement anti-religieuse.

Le mariage, Giulio Rosati, 1885

A l’occasion des propos du pape François sur le mariage des prêtres, un article publié sur agauche.org a affirmé que le refus de ce mariage était un principe théologique inaliénable du catholicisme. Aucune « modernisation » ne serait possible, ni même souhaitable finalement, car la religion ne sert que les réactionnaires.

Un lecteur a alors fait la remarque comme quoi le mariage des prêtres n’a été interdit qu’au cours du moyen âge, afin que les prêtres cessent « de léguer les propriétés religieuses à leurs familles ». La théologie, finalement, ne jouerait un rôle que secondaire.

Cette question est tout à fait intéressante, au-delà de son simple thème, car elle pose la question du rapport entre l’économie et la culture, l’idéologie, la théologie. Pour dire les choses plus crûment on a la vieille problématique que les marxistes appellent l’opposition infrastructures / superstructures, avec tout une panoplie d’évaluations différentes de leur rapport. Vu le poids des religions dans le monde, on n’échappe pas à l’approfondissement d’une telle mise en perspective.

Cependant, en ce qui concerne la question proprement dite, notre lecteur a vraisemblablement raté l’évolution, la transformation, l’actualité de ce qu’est l’Église catholique comme religion. Le refus de la réalité matérielle au profit d’un monde idéal immaculé est en effet le cœur du catholicisme et cela de plus en plus. Ou, si l’on veut, le catholicisme est bien plus que du cléricalisme : c’est un mysticisme complet. Ce que les gens religieux ne voient pas le plus souvent, parce qu’ils ne s’intéressent pas à de telles fantasmagories.

Regardons ce qu’il en est, de manière organisée. Déjà, le catholicisme refuse le mariage, par définition même, pour ceux qui font le choix de la pureté. Il fait en effet une grande distinction entre les croyants et le personnel religieux, et même au sein de ce personnel religieux il y a une hiérarchie très importante.

Cette hiérarchie est d’ordre mystique ; elle est notamment théorisée par le (pseudo) Denys l’aréopagite. Pour faire court, lors de l’Eucharistie, le pain est vraiment le corps du Christ et le vin vraiment son sang. Mais pour que cette opération qu’on peut appeler « magique » ait lieu, il faut un magicien. Ce magicien c’est le prêtre.

Et comment fait-il apparaître le corps et le sang ? En étant l’époux de l’Église. Il a, si l’on veut, des super pouvoirs parce qu’il est marié à un seul être, l’Église qui aurait été établie à la demande du Christ. S’il se mariait à quelqu’un d’autre, il perdrait ses super-pouvoirs : il ne peut donc pas se marier avec un être humain. Ou bien, on peut inverser la proposition : si avec les protestants on enlève la dimension « magique » du dimanche, alors le vin est seulement du vin, le pain seulement du pain, et le prêtre peut se marier (il est alors simplement pasteur, par ailleurs).

En termes juridiques catholiques romains, cela donne cela dans le Code de droit canonique de 1983 :

« Can. 277 – § 1. Les clercs sont tenus par l’obligation de garder la « continence parfaite et perpétuelle » à cause du Royaume des Cieux, et sont donc astreints au célibat, don particulier de Dieu par lequel les ministres sacrés peuvent s’unir plus facilement au Christ avec un cœur sans partage et s’adonner plus librement au service de Dieu et des hommes. »

Le catholicisme est ici une religion « fusionnelle », comme l’hindouisme. Ni le judaïsme, ni l’Islam ne vont aussi loin dans ce rejet de la réalité matérielle. Voilà pour la dimension théologique.

Maintenant, on se doute bien que si telle ou telle conception a a gagné dans l’Église catholique romaine, ce n’est pas simplement parce que son argumentaire théologique était supérieur. Il y a des intérêts matériels que les différents points de vue reflétaient. Et effectivement pour empêcher la dispersion des biens de l’Église, le célibat a été instauré de manière rigide. Auparavant les hommes mariés avant de devenir prêtres pouvaient le rester, mais devenir abstinents. Comme cela ne marchait pas vraiment et qu’on avait peur que les fils réclament le poste ou les terres ou le privilèges, il a été procédé à la fin de 1100 à la suppression de l’ordination des hommes mariés.

Seulement, on aurait tort de voir simplement une sorte de machiavélisme de l’Église. Il faut en effet voir qu’avant l’an 800, l’Église n’était pas forte comme elle le fut justement après. Ce n’est qu’avec l’appui d’une féodalité développée que la religion a connu une expansion très forte qui a, on s’en doute, demandée davantage de personnel. On passe, si l’on veut, des petits monastères dans les campagnes, des églises romanes, aux églises gothiques, aux cathédrales. Avec le célibat forcé, l’Église a juste fait le ménage dans ses nombreuses recrues.

Ce qui a été machiavélique, ce n’est pas tant de décider subitement le célibat, mais de l’avoir mis de côté simplement pour devenir une religion de masse, et une fois établie, de remettre tout en ordre… De plus, si l’Église fait ce rappel à l’ordre, ce n’est pas simplement pour ses propres intérêts. C’était aussi en rapport avec sa concurrence avec la noblesse, mais ceci nous éloigne du sujet.

Donc, il y a eu ménage de fait, qui rentre évidemment en adéquation avec ses intérêts, mais il y a bien une vie autonome de l’Église. On peut prouver cela de deux manières. D’abord, l’Église d’Orient n’applique pas ce principe, sauf pour les moines et les évêques. On peut dire que l’orient n’a pas connu la même féodalité que l’occident, mais cela ne fait que déplacer le problème : pourquoi y a-t-il telle chose en occident, telle chose en orient ?

Ensuite, et c’est le grand paradoxe, le célibat du clergé ayant reçu les sacrements est, dans l’Église catholique, une règle de discipline et non d’un point de foi. Cela signifie concrètement qu’on ne touche pas au dogme si l’on instaure le mariage des prêtres : c’est juste une mesure administrative, rien de plus. C’est donc, somme toute, assez facile à mettre en place.

Mais l’Église catholique ne veut pas le faire, elle ne cesse de le rappeler. Pourquoi ? Parce qu’elle prétend être la porte vers l’au-delà. Et une structure tournée vers l’au-delà ne peut pas prétendre en même temps être tourné vers le monde matériel. C’est pour cela que les juifs, les musulmans, les protestants vaquent à leurs occupations, tout en étant de bons juifs, de bons musulmans, de bons protestants. Chez les catholiques, ce n’est pas possible : seul compte l’au-delà.

Si jamais se pose d’ailleurs la question ici des djihadistes, qui veulent atteindre l’au-delà, il faut bien voir que leur Islam « fusionne » le monde matériel et l’au-delà. Les lois musulmanes sur Terre sont déjà une préfiguration, voire un moment de l’au-delà. C’est la conception du Tawhid, de l’unicité divine.

Chez les catholiques, l’univers est quant à lui coupé radicalement en deux, et seul l’au-delà compte. La religion n’est pas qu’une structure liée à l’économie ou des intérêts matériels : elle naît aussi comme opium du peuple, inquiétude métaphysique, quête mystique de l’au-delà. En fait, elle se nourrit de l’absence de reconnaissance du monde matériel, à quelque échelle que ce soit.

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Guerre

La concrétisation de l’avion de combat franco-allemand

Le moteur franco-allemand de l’Union Européenne ne vise pas qu’à la réalisation de projets d’ordre directement économique. Il promeut également une grande perspective militaire, dont l’avion de chasse est un aspect important, à côté du projet de char commun.

 

Quand on fabrique des avions de combat, ce n’est pas simplement pour la défense quand c’est une grande puissance qui le fait. On ne peut pas être de Gauche et posséder une quelconque naïveté à ce sujet. Alors lorsqu’il s’agit de deux grandes puissances qui s’allient, on se doute de ce qui se trame.

En l’occurrence, il s’agit de la France et de l’Allemagne, pour un projet qui en apparence concerne un avenir assez lointain. Le « SCAF » (Système de combat aérien du futur) est censé entrer en fonction en 2040 seulement. Vues les tensions mondiales actuelles, vingt ans c’est plus que lointain, c’est pratiquement un autre horizon.

Cependant, les premiers éléments doivent être prêts déjà dans quelques années, avec une démonstration publique des moteurs. De plus, c’est une manière de faire pression sur les autres pays de l’Union Européenne. Ainsi, dans quelques semaines l’Espagne doit rejoindre le projet, mais le ministère français des armées a prévenu : il faudra forcément reconnaître « la prééminence et le leadership franco-allemand dans le développement du SCAF ».

Enfin, cela participe à une généralisation des initiatives franco-allemandes. Un projet sur le long terme est censé montrer le sérieux de l’ensemble et débloquer toute une série d’initiatives du même type. Quand on annonce que les Rafale français et les Eurofigther allemands vont disparaître au profit d’un avion commun muni de drones d’accompagnement, on montre que l’affaire est sérieuse, la tendance générale. L’Allemagne a de son côté également exclu les F-35 américains de Lockheed pour le remplacement de ses Tornado, pour bien souligner la rupture en cours.

Le projet de Scaf s’appuie évidemment sur le tout récent traité franco-allemand. Dans celui-ci la France et l’Allemagne annoncent qu’elles « entendent favoriser la compétitivité et la consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne ». Elles se posent « en faveur de la coopération la plus étroite possible entre leurs industries de défense, sur la base de leur confiance mutuelle », et se proposent « [d’]élaborer une approche commune en matière d’exportation d’armements en ce qui concerne les projets conjoints ».

Pour cette raison, le projet de Scaf est particulièrement goupillé : l’architecture du programme et le concept sont attribués à Dassault Aviation et Airbus, l’architecture et l’intégration du moteur à Safran, l’entretien et les services à MTU.

Safran vient pour ce faire d’inaugurer une fonderie de nouvelle génération d’aubes de turbine à haute pression, à Gennevilliers, en banlieue parisienne. La Direction générale de l’armement lui a attribué le Plan d’études amont « Turenne 2 », s’étalant de 2019 à 2024, pour 115 millions d’euros. L’idée est de faire en sorte que les moteurs soient plus puissants et supportent ainsi une température de 2100°C, au lieu de 1850°C. L’avion doit être en mesure de transporter effectivement plus d’armement encore.

Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, à l’occasion de la signature qui vient d’être faite il y a quelques jours justement à Gennevilliers par les deux ministres des armées, Florence Parly et Ursula von der Leyen, en a profité pour affirmer le traditionnel lyrisme des fabricants d’armes, comme quoi ils sont les meilleurs, etc.

« Cette nouvelle mesure est un élément fondamental pour assurer l’autonomie stratégique européenne de demain. Dassault Aviation mobilisera ses compétences d’architecte et d’intégrateur systèmes pour répondre aux besoins des nations et permettre à notre continent de rester à l’avant-garde du domaine primordial des systèmes de combat aériens. »

Dire que l’Europe est à l’avant-garde ne serait vrai que si l’on prend la Russie, et encore serait-ce là nier la haute technologie américaine, sans parler de la course effrénée de la Chine pour rattraper le niveau. A cela s’ajoutent les Britanniques, qui ont leur propre avion de combat, le Tempest, réalisé par BAE Systems allié au groupe italien Leonardo. On voit ici comment l’Italie mène sa propre barque.

C’est une véritable course à l’armement qui se joue et le moteur franco-allemand entend généraliser la démarche. Si pour l’avion de combat, c’est la France qui prime dans le projet, ce sera l’Allemagne qui aura le dessus pour la mise en place du « char de combat du futur », qui prendra la place tant du Leclerc français que du Leopard allemand. Pour ce faire, la société allemande KMV a formé une société à capitaux mixtes KNDS avec le français Nexter.

La Gauche doit refuser ce militarisme. Elle ne doit pas tomber dans le piège chauvin expliquant que la France doit avoir son « indépendance » militaire, mais bien lutter contre le militarisme.

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Réflexions

La culture se cultive

Le terme de culture doit être pris au sens strict : la culture cultive, se cultive et laisser les choses en friche, c’est se perdre. Cela va donc à l’opposé de la culture comme acquisition définitive d’idées ou de valeurs ou de connaissances.

Le Jardin des délices, Jérôme Bosch, 1500-1505

La culture a toujours été l’un des grands thèmes de la Gauche ; il y a toujours eu le souci d’élever le niveau des travailleurs et de leur donner l’accès aux connaissances scientifiques et techniques, aux arts, à l’histoire… Surtout qu’avant les années 1960, le niveau matériel était faible et il était très difficile d’y parvenir. Le mouvement ouvrier a donc toujours particulièrement souligné la valeur de la culture, qui ne devait pas rester dans les mains des couches sociales dominantes, mais parvenir entre toutes les mains, être saisi par tous les esprits.

Il va de soi qu’un telle conception n’était pas du tout partagée par les syndicalistes et par les anarchistes, partisans de la propagande par le fait et considérant tout cela comme des obsessions propres aux intellectuels. La Gauche française a été longtemps malmenée par un tel rejet de la culture et l’un des épisodes les plus dramatiques fut l’affaire Dreyfus. La Gauche, faisant de la culture son drapeau, voyait bien ce que cela représentait sur le plan de l’humanité, des valeurs, alors qu’évidemment les « ultras » s’en désintéressaient complètement.

On pourrait dire pareillement, toutes choses étant égales par ailleurs, avec les gilets jaunes, ce mouvement anti-intellectuel et apolitique qui est une véritable torpille prête à couler la Gauche. Quand on connaît la valeur de la culture, on ne peut que réprouver le style populiste des gilets jaunes dans sa définition même. Car la culture se cultive et avec les gilets jaunes, c’est la stérilité culturelle assumée.

On sait évidemment que certains ont trop cultivé la culture, tout au moins pas la bonne ; les cadres du PCF dans les mairies et ceux du PS dans les ministères se sont forgés une véritable culture, mais celle-ci est devenue toujours plus personnelle, plus corrompue par une forme d’aisance matérielle et de reconnaissance sociale. Là c’est fatal, car on se coupe du peuple, on s’en sépare et on ne le remarque même pas. Le résultat est une profonde incompréhension de part et d’autre et cela aide bien entendu le populisme.

Que doit faire la Gauche pour insister que la culture se cultive, sans pour autant s’embourgeoiser ? Eh bien simplement toujours avoir en tête que quand on se cultive soi-même, on doit faire passer le message. La transmission est la base de la culture, parce qu’elle la fait vivre, la confronte au réel. Quand on a appris quelque chose et qu’on le transmet, on adapte ses connaissances à ce sujet, on les affine. Ce qui a perdu la Gauche française, c’est de ne pas avoir fait vivre cette transmission.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu des moments importants de cela. Les militants du PCF allant faire du porte à porte pour vendre l’Humanité dimanche ont été de véritables vecteurs de culture et de socialisation, tout comme un mouvement comme Touche pas à mon pote. Il serait faux de dire que rien n’a été fait, qu’il n’y a pas eu des milliers et des milliers de personnes de Gauche qui se soient sacrifiées pour se faire le vecteur de valeurs, de principes, de connaissances.

C’est dans l’ADN de la Gauche et la fête de Lutte Ouvrière, si elle propose étrangement des jeux dans l’ambiance médiévale, n’oublie pas pour autant d’avoir des ateliers de présentation de grands concepts scientifiques.

C’est là une tradition des Lumières si l’on veut, mais une tradition renouvelée, portée par le mouvement ouvrier, avec l’idée que puisque les classes dominantes ne sont plus à la hauteur, alors on va porter la culture à sa place. Il va de soi que ce n’est pas là une idée dépassée, bien au contraire, c’est une idée tout à fait actuelle. Et même la grande idée du moment, si l’on voit la déferlante de la fachosphère, de la quenelle de Dieudonné, des gilets jaunes et de tout ce populisme diffus, malsain, s’exprimant sur la base d’une dynamique élémentaire, primitive.

Il faut que la Gauche réactive la démarche de la culture, de faire vivre la culture, c’est de ce terreau que la Gauche pourra partir à la reconquête de l’ensemble de la population laborieuse. Tout est une question de valeurs, de principes, de morale, de connaissances.

Intérieur de la mosquée du Chah à Ispahan

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Écologie

Les devises existentialistes de la chasse à courre

Les équipages de chasse à courre ont traditionnellement une devise, qui reflète leur vision du monde. Cette dernière est un mélange d’esprit retors propre à l’esprit de traque et de raffinement aristocratique hautain.

chasse à courre

La chasse à courre correspond tout à fait à l’esprit d’extrême-droite, car elle est un mélange du raffinement le plus ultra et de la vulgarité la plus laide. Cela se voit particulièrement dans les devises employées, où il y a un vrai effort pour combiner ces deux aspects. Il faut que cela se voie : on est dans le chic et le sale, dans l’ordre et le désordre.

Quand l’équipage La Plaine a comme devise « Respect, chasse et discipline », c’est un triptyque devant souligner le côté ordonné d’une chose désordonnée par définition comme la chasse. Le respect est tant du côté ordonné que du côté désordonné : c’est cela qui fournit la dynamique réelle de la chasse à courre dans les attitudes, les postures, les manières.

On est très précisément dans la révolte contre le monde moderne, avec un rejet du confort et un éloge du raffinement. La traque est censée porter avec elle un dépassement de soi, elle est censée amener la formation d’un être humain d’autant plus régulier qu’il s’est comporté en sauvage, mais en sauvage organisé de manière méthodique.

Il y a par conséquent un esprit volontariste particulièrement marqué, avec un mot qui revient de manière régulière, persévérance : « Chasse avec passion et persévérance », « Perçant persévérant », « Méthode et persévérance », etc. La devise « Rends toi, nenni ma foi » va dans le même sens, avec davantage de pittoresque.

Il faut être capable d’être présent de manière entière dans cet affrontement, jusqu’au bout et sans être interrompu. On comprend pourquoi la présence d’opposants est un affront terrible pour des gens qui ont comme devise des « Courre toujours », « Toujours et partout », « Toujours au trou », « Chasse tout le temps à tout vent », « Chasser, toujours chasser », « Vas-y donc », etc.

Et leurs réactions sont d’autant plus agressives, que la chasse à courre oblige l’esprit à avoir un esprit de traqueur, de harceleur. Il y a un côté terriblement malsain dans la démarche, qui est typique d’une attitude médiévale à la fois pragmatique et perverse. Ce qui est mis en avant, c’est une posture très élémentaire, et très calculatrice en même temps.

L’équipage du rallye des Ambarres a ainsi comme devise « Ténacité et mauvaise foi », ce qui est d’un tel mauvais esprit qu’on pourrait l’attendre de gens à l’esprit mafieux, comme tel ou tel groupe de rap de banlieue. C’est l’esprit du forçage, du maintien coûte que coûte sans se préoccuper ni de l’avis des autres, ni des faits, ce qui est inévitable, car une fois qu’on est lancé dans la traque, il n’y a plus qu’elle qui compte.

Si les films Predator n’avaient une grande dimension critique anti-mafia (les prédateurs extra-terrestres s’amusent à chasser, mais ne visent que des tueurs, des criminels, et seulement si ceux-ci ont des armes à la main), ces gens adoreraient, en raison de l’ambiance pesante du filet qui se referme lentement sur la victime. La devise « Le matin au bois, le soir aux abois » est ici fascinante de perversité, si l’on peut dire.

Deux choses fondamentales sont alors liées à cette perspective : d’un côté, le social-darwinisme, avec le fait de se battre, de combattre pour survivre, et de l’autre la dimension censée être transcendante d’un affrontement avec la vie comme thème, exactement comme pour la corrida.

Pour le premier aspect, on a des devises comme « Exister c’est lutter », « Mériter », pour le second cela passe souvent par les animaux, vecteur de la transcendance : « Les chiens d’abord », « Au cul des chiens », « Petits par la taille, mais grands par leur courage » (pour la chasse aux lapins), ou encore « Par amour du lièvre » de l’équipage La Fontaine Saint Michel.

Cette dernière devise ne doit pas étonner. De la même manière que les afficionados considèrent que le taureau est mort dans une ode à la vie (qui est un « combat »), les veneurs font de l’animal traqué un symbole mystique du sens de la vie. La chasse à courre n’est pas pour eux une aberration, mais une démarche en fait strictement parallèle à l’existence, d’où des devises comme « Vénerie, la vie » ou encore « Chasse d’abord ».

La chasse à courre est un existentialisme, et en cela elle est résolument moderne. Elle est un existentialisme qui plonge dans l’attitude aristocratique où il n’y avait pas de sens de la vie, car pas de travail, mais avec toute la posture moderne du choix de l’identité.

Voilà pourquoi, par ailleurs, la gauche post-moderne, post-industrielle, ne s’y intéresse pas du tout. Le fond de la méthode est le même : on choisit qui on veut être, on donne un sens à sa vie, etc.

Cela explique aussi l’incompréhension totale des veneurs par rapport aux critiques qui leur sont faites. Ils se voient comme des gens aimant la vie, puisqu’ils lui donnent un sens. Tel rallye s’intitule Bon plaisir, tel autre Rallye bonne humeur avec, comme devise pour l’équipage, « Toujours gai ». Tel autre équipage a choisi « Qui va doux va loin ».

Qui veut donc critiquer la chasse à courre doit saisir cette dimension existentialiste, et soi-même échapper à l’existentialisme, sans quoi il y a le risque d’être fasciné, ou au moins d’éprouver un respect pour une entreprise difficile exprimant des choix individuels pour donner du sens à la vie.

Il faut savoir aimer la nature pour ce qu’elle est, apprécier le respect de la vie comme sens de la vie elle-même, et non pas chercher ce qu’il n’y a pas par oisiveté et désœuvrement, par nihilisme et aliénation.

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Réflexions

La disparition de la retenue dans l’intimité

L’ultra-libéralisme fait tomber toutes les frontières, toutes les limites, tous les principes, toutes les politesses. L’intimité disparaît ainsi également : le capitalisme a besoin d’individus, pas de personnes, de personnalités.

Echo et Narcisse, John Willian Waterhouse, 1903

L’irruption de la pornographie, du voyeurisme, de l’exhibitionnisme… est désormais une chose tout à fait acquise dans les mentalités françaises. Il y a évidemment un grand décalage entre les générations plus âgées et des jeunes pétris de la culture Instagram. Cependant, le triomphe de Facebook a suffi à exprimer le culte de l’ego qui était déjà solidement installé dans les esprits. Faire de sa vie une pièce de théâtre, un film, un show, ou plus exactement la présenter telle quelle, est une norme.

Naturellement, cela implique une fuite en avant pour se faire remarquer, d’où les phénomènes les plus extrêmes et les démarches les plus grotesques pour apparaître comme différent, au-dessus du lot, unique, totalement à part. Ce qui est ici frappant, c’est que ce n’est jamais par la culture qu’il est cherché à se distinguer, car cela prend trop de temps dans une société capitaliste qui exige de la rapidité, toujours plus de rapidité. Il faut que tout se déroule de manière courte, pour recommencer tout de suite après.

Les egos s’expriment donc surtout par l’axe du vêtement, où le combo Louis Vuitton x Supreme représente le nec plus ultra, la sexualité ou la présentation de son intimité. Il faut se souvenir ici de ce qui s’est dit en France au moment de l’arrivée de la téléréalité. Cela ne marcherait pas, c’est juste anecdotique, la France n’est pas l’Allemagne ou les Pays-Bas ou l’Angleterre, avec leur goût pour le trash. Et pourtant, la digue a bien cédé ; la télé-réalité est désormais incontournable à la télévision, et pas seulement, puisque avec internet, les possibilités d’exhibition sont très faciles, que ce soit avec des vidéos en ligne ou que l’on s’envoie au moyen des smartphones.

Les mœurs ont naturellement été radicalement modifiées par tout cela et il existe ici une différence très marquée entre les générations. Celles nées à partir de 2000, qui n’ont jamais connu aucun cadre normatif un tant soit peu serré, représentent la tendance la plus franche, l’avant-garde pour ainsi dire du libéralisme. Elles acceptent tout, ne refusent rien, faisant de chaque acte quelque chose qui ne doit pas être évalué par la morale, l’histoire, la philosophie, mais simplement par l’envie ou l’utilité. La seule opposition à cette démarche est au mieux religieuse.

Le retour en force des religions s’appuie beaucoup sur cette question de l’intimité. Les religions qui ont du succès sont des variantes ascétiques, anti-exhibitionnistes, des religions historiques. Il y a ainsi l’évangélisme, comme variante du protestantisme, le salafisme, comme variante de l’Islam, les Loubavitch, comme variante du judaïsme. Elles insistent particulièrement sur la défense de l’intimité. Elles n’insistent nullement sur son développement, sur l’affirmation de la personnalité, comme figure rationnelle, sensible, éduquée et ouverte à la nature. Bien au contraire, elles réduisent l’intimité à une chose non seulement privée, mais également tellement unique qu’elle doit être radicalement séparée de tout.

Le levier des religions est ainsi encore l’ego, tout autant que la critique de l’exhibitionnisme, de la pornographie, du voyeurisme. Les religions ne dépassent pas ces formes décadentes, elles les évitent, en s’appuyant tout comme celles-ci sur le ressort de l’ego. Avec les religions, on n’a pas des gens refusant le voyeurisme, mais l’évitant, se disant qu’ils valent mieux que ça. Or, ce dont on a besoin, c’est bien d’un rejet de exhibitionnisme, du voyeurisme, de la pornographie.

Cependant, et malheureusement, beaucoup de gens de gauche sont ici imprégnés de libéralisme. Ils pensent qu’il n’est pas besoin de combattre cela, car finalement chacun aurait le droit de faire ce qu’il veut, même si c’est erroné. Tout serait une question de points de vue, et par conséquent mieux vaut discuter, faire évoluer les points de vue. C’est là ne pas comprendre la dynamique à l’arrière-plan : celle du capitalisme qui a besoin d’individus faisant sauter toutes les frontières, pour élargir le marché.

C’est exactement comme les gens cherchant à faire évoluer les points de vue au sujet de l’achat de 4×4 ou bien de viande. Ils ratent ce qui se déroule à l’arrière-plan : une intense activité du capitalisme pour trouver de nouvelles choses à vendre, de nouvelles choses qui puissent être achetées. Le capitalisme trouve d’ailleurs très bien qu’il y ait de nouveaux consommateurs de vélos ou d’alimentation végétalienne. Du moment qu’il y a des consommations nouvelles, que les consommations rentrent en compétition, tout cela est très bon.

Même les religions ne présentent pas un obstacle, car il y en a plusieurs, qui se concurrencent, et qui concurrencent la disparition de l’intimité, ce qui renforce d’autant l’esprit de concurrence, de diversification, de choix de consommation possibles. Voilà pourquoi il faut il considérer l’exhibitionnisme, la pornographie, le voyeurisme non pas simplement comme des phénomènes, mais comme des réalités idéologiques, vecteurs d’agression contre la personnalité, visant à la déformer pour la façonner en fonction des besoins du marché.

La retenue dans l’intimité est une valeur qu’il est par conséquent essentiel de protéger, à tout prix, car elle est la base de l’intégrité, psychique et physique, de chaque personne qui ne veut pas se voir réduit au statut d’individu, aliéné, formé par le marché, disponible pour la consommation.

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Politique

Acte XIII des gilets jaunes : un 9 février 2019 au goût de 6 février 1934

Presque en phase avec le 85e anniversaire de la tentative de coup d’État fasciste du 6 février 1934, les gilets jaunes ont essayé pareillement de forcer l’entrée de l’Assemblée nationale. Est-il vraiment encore possible de dire que les gilets jaunes ne sont pas un mouvement de type pré-fasciste ou fasciste ?

L’acte XIII des gilets jaunes était un défi pour eux, puisque c’était la première mobilisation après que la CGT se soit lancé elle aussi dans un mouvement parallèle. Ce dernier n’a pas eu d’ampleur autre qu’habituelle ; quant aux gilets jaunes, ils restent fidèles à eux-mêmes, avec encore et toujours ces drames propres à un mouvement chaotique et velléitaire, jouant avec le feu de la révolte de manière désordonnée.

Un manifestant a ainsi eu la main arrachée devant l’Assemblée nationale : ce photographe « gilet jaune » prenait les photos des manifestants cherchant à forcer les palissades empêchant l’accès à l’Assemblée et a commis l’étonnante et très lourde erreur de repousser de la main une grenade de désencerclement tombé à ses pieds.

Forcer l’accès à l’Assemblée nationale ! Est-ce qu’on sait ce que cela signifie ? Que contrairement aux mensonges des populistes et de l’ultra-gauche, les gilets jaunes ne dépassent pas l’horizon pré-fasciste ou fasciste. Il ne se tournent pas vers la question sociale. Ils n’adoptent pas les traits relevant de la lutte des classes. Ils ne s’ouvrent pas aux questions d’idéologie, de politique, de culture, de projet social. Ils sont résolument extérieurs à la Gauche et ils comptent bien le rester. Ils sont un mouvement contestataire, mais de Droite.

Car il est des symboles en politique et peu importe même que les gilets jaunes sachent ou non que le 6 février 1934, l’extrême-droite ait cherché le coup de force en essayant de prendre l’assaut de l’Assemblée nationale. Ce moment critique a été suivi, comme on le sait, de l’unité immédiate des ouvriers communistes et socialistes afin de mobiliser sur une base antifasciste ; il en découlera le Front populaire, né de l’unité de toute la Gauche, à la base.

L’antiparlementarisme est une valeur étrangère à la Gauche et celle-ci a toujours su à quoi s’en tenir avec ceux qui dénonçaient les « voleurs », le « parlement », la « république », le « complot » des « élites », etc. Le mot d’ordre des gilets jaunes « On lâchera rien tant que Macron et la 5e république ne seront pas destitués ! » ne peut avoir aucun rapport avec la Gauche. On peut penser ce qu’on veut de l’Assemblée nationale et vouloir, si on le souhaite, un pays de Soviets. Mais jamais la Gauche n’a fait de l’antiparlementarisme le vecteur de son message. Qu’on soit pour le parlement ou qu’on pense que ce n’est qu’une marionnette du capitalisme, dans tous les cas l’antiparlementarisme est l’expression de forces anti-démocratiques.

L’attaque du Parlement ne peut avoir été menée que par des gens objectivement au service du populisme, de la Droite « révolutionnaire ». On notera également, non pas l’incendie d’une Porsche car cela n’est guère critiquable pour le fond symbolique de la chose, mais celui d’un véhicule de la mission Vigipirate sous la Tour Eiffel, ce qui pour le coup relève de la stupidité politique la plus totale.

Tout cela montre par ailleurs de la fuite en avant de la part de ceux qui cherchent à contourner la politique, la Gauche, le peuple. Plus le mouvement régresse numériquement, plus sa charge « ultra » est forte pour compenser. Les faits sont là : le nombre de manifestants s’estompe, contrairement aux prévisions fantasmagorique des populistes, de l’ultra-gauche et même de la CGT, qui s’imaginaient que le mouvement ayant « continué », il allait connaître un saut qualitatif.

Il y a eu 6 000 personnes à Toulouse, 4 000 personnes à Paris, Bordeaux et Lyon, 1 500 à Lille, Marseille et Montpellier ou encore 1 000 à Clermont-Ferrand.

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Culture

Comment parler d’un film ou d’un roman sans le dénaturer ?

Il est important de parler de cinéma, de musique, de littérature. Ce n’est jamais aisé, car il y a toujours le risque de dénaturer des œuvres d’art à en parler trop librement. C’est qu’une véritable œuvre d’art transporte beaucoup plus de choses que ce qu’elle montre de prime abord : là est la difficulté.

Persona

Parler d’une œuvre d’art, que ce soit en littérature, en cinéma, en musique, en photographie… c’est attirer l’attention sur elle ; c’est dire, déjà qu’elle existe. Parfois on en a entendu parler ou bien on la connaît déjà, ce qui est vrai pour ce qui est considéré à tort ou à raison comme étant quelque chose de classique, de devant être célèbre de par sa nature. Parfois, c’est une œuvre qu’il a fallu extirper d’une certaine forme d’oubli. Dans tous les cas se pose la question du contexte.

Pourquoi ? Parce que si on ne parle pas du contexte, alors on donne l’impression que l’œuvre d’art est une création. Tel artiste, à tel moment, arrive d’on ne sait où, formant quelque chose à partir de rien. Or, ce n’est pas vrai, une œuvre d’art est une production. Ce sont les gens de droite qui résument une œuvre d’art à son « créateur », et le créateur à sa vie privée, ses expériences personnelles, etc. Quand on est de Gauche, on attribue toujours une œuvre à un mouvement de l’Histoire, on cherche à savoir en quoi elle est une expression du progrès d’une époque.

Cela étant, ce n’est pas le plus difficile. Car le problème le plus ardu, c’est de parler d’une œuvre d’art sans en massacrer la découverte. Dans le cas d’une photographie ou d’une sculpture, voire d’une peinture même (même s’il faut être prudent à cet égard), le coup d’œil est facile et rapide. La présentation de l’œuvre n’est finalement rapidement qu’un commentaire, puisqu’on a déjà vu à quoi ressemble ce dont on parle. En musique, cela revient au même, car il faut écouter la musique dont il est parlé et on peut le faire avec une oreille neuve, quoiqu’on ait appris à ce sujet.

Mais que faire pour les romans, les films ? On se doute que le premier point est qu’il ne faut surtout pas raconter la fin. Ce serait là enlever l’intérêt du film ou du livre, à moins de s’y consacrer avec le froid regard de l’expert, ce qui a sa dignité, mais tout le monde n’est pas obligé d’être un cinéphile ultra-averti ou un littéraire professionnel. Le souci naturellement est que la fin de l’œuvre correspond à une certaine mise en perspective et que parler de l’œuvre sans parler de sa fin est malaisée…

L’autre défi, c’est bien entendu de parler de ce qui se passe dans l’œuvre. Cependant, parler de ce qui se déroule dans un film ou roman, dans une pièce de théâtre, c’est déjà en dire trop, c’est en révéler les ressorts, c’est montrer l’architecture de l’œuvre qu’on est censé, justement, non pas tant découvrir que vivre. Il faut ainsi en parler, inévitablement, mais sans en dire trop. Il ne s’agit pas tant de l’écueil de faire un résumé en mode fiche de lecture, que d’enlever la fraîcheur de l’œuvre, d’effacer ses particularités, de nuire à sa force.

Notons bien que ce n’est pas l’œuvre qui est ici menacée. C’est la personne qui la lit, qui la voit, qui la vit. Car elle doit être marquée par les classiques, formée par les classiques. Les classiques sont inébranlables, on peut les lire ou les voir à l’infini, ils ne bougeront pas. Ce qu’il ne faut pas rater, c’est l’ouverture entière du lecteur et du spectateur, son interaction avec l’œuvre. C’est là la véritable substance de la culture.

Il ne s’agit pas de faire de l’œuvre d’art quelque chose aux propriétés magiques, dont il ne faudrait pas gâcher les effets. Il s’agit d’avoir en tête que la personne qui se confronte aux classiques doit devenir meilleure, qu’elle doit devenir une personne accomplie, ayant développé ses facultés. Il serait terrible donc de dénaturer une œuvre, en la réduisant à une forme devant procéder d’une accumulation, telle une simple référence abstraite, de snob ou d’intellectuel universitaire.

Sans doute que, pour éviter l’échec, faut-il toujours parler immédiatement d’une œuvre en en présentant la dimension vivante, l’aspect chatoyant, le côté lumineux, printanier pourrait-on dire. Quand on a exprimé cela, alors on peut en présenter le côté plus concret, présenter « de quoi ça parle ». Toutefois, il faut avant tout sacrifier, en quelque sorte, à la déesse de la culture, en montrant en quoi l’œuvre d’art dont on parle est une fleur pour la vie humaine, dans ses aspects naturel et social.