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Gilets jaunes : la capitulation de la Gauche devant le spontanéisme

Le mouvement ouvrier a toujours exigé la primauté de la conscience et de l’organisation. La croyance en le spontanéisme et en un vitalisme populaire n’a jamais abouti qu’au fascisme. Aussi, le populisme d’une partie de la Gauche pour les Gilets jaunes est littéralement suicidaire.

Gilets jaunes

Que l’ultra-gauche ait participé ici et là aux initiatives des Gilets jaunes, c’est dans l’ordre des choses. La croyance en une sorte de vitalité populaire spontanée amène à soutenir tout ce qui bouge, sans être trop regardant.

Que le regroupement d’extrême-droite Bastion social parvienne à largement s’y impliquer à Lyon, avec notamment le mot d’ordre « à bas les voleurs ! », c’est tout autant dans l’ordre des choses. Le fascisme se veut un mouvement de contestation par la base, au-delà des classes, contre les parasites. La jacquerie anti-taxe des Gilets jaunes est parfaitement adéquate pour cela.

Mais qu’une large partie de la Gauche capitule de même devant les Gilets jaunes, c’est inacceptable. Que l’on soutienne le mouvement n’est pas ici la question, car c’est une lutte. Mais il y a une différence entre soutenir pour apporter des valeurs et combattre les tendances négatives, et soutenir de manière unilatérale.

C’est bien la peine que Lutte Ouvrière souligne de manière régulière – et à juste titre –  l’importance des ouvriers, pour se précipiter dans le soutien aux Gilets jaunes, sans en critiquer aucune des modalités d’expression, résolument petit-bourgeois et non liés à aucune question de la production dans le capitalisme.

Pareillement, quel intérêt a le Nouveau Parti Anticapitaliste, si ce n’est la volonté de surfer sur la vague, de trouver cela très bien de manière unilatérale, de considérer les Gilets jaunes comme un mouvement social tout à fait comme il faut, etc. ? Les Gilets jaunes représentent tout sauf un « mouvement social » traditionnel et d’ailleurs cela n’a aucun sens d’appeler à ce que les associations et les syndicats suivent le mouvement. L’ancêtre du NPA, la Ligue Communiste Révolutionnaire, faisait des mouvements sociaux la base de son activité, mais désormais tout est différent.

Ces deux exemples sont très importants, même si Lutte Ouvrière et le NPA sont depuis longtemps bien plus d’ultra-gauche que de Gauche. Car ils montrent que des gens sérieux, tournés vers les ouvriers ou vers les « mouvements sociaux », sont dépassés par les Gilets jaunes. Ils ne comprennent pas la nature de ce mouvement, ils n’ont aucune clef pour l’interpréter.

Et la raison pour cela est qu’ils ne comprennent pas ce qu’est le fascisme. Ce que dit Jean-Luc Mélenchon sur son blog est d’ailleurs absolument terrifiant, le type ne comprend rien au fascisme, il soutient ouvertement la démarche fasciste sans même s’en apercevoir.

Ses explications suite à la manifestation parisienne de samedi, où il y voit un show sur les Champs-Élysées mis en place par le gouvernement, en arrivent à trouver tout à fait juste le pire des populismes.

« Tout ce qui se passe est hors norme. C’est pourquoi la réplique manipulatoire traditionnelle est complètement décalée par rapport au niveau de conscience populaire. C’est donc pour nous un important succès car des millions de gens ont été une fois de plus instruits en masse des stratégies médiatico-politiques du régime macroniste. L’identification du parti médiatique se fait à échelle de masse. Le mépris et le dégoût qui vont avec de même.

L’autre succès est naturellement le niveau de mobilisation et l’élévation du niveau de conscience qui s’est exprimé partout dans les mots d’ordre et les propos tenus face caméra ou dans les meetings improvisés. Les commentateurs n’attachent pas d’importance au fait que le mot d’ordre « Macron démission » soit un refrain partout. C’est pourtant un slogan qui est très rare dans l’histoire des mouvements sociaux du pays. À vrai dire, je ne crois pas qu’il ait de précédent. Même Hollande y échappa. Rien ne décrit mieux l’isolement du pouvoir actuel et sa perte de légitimité que ce slogan omniprésent. »

Voir en le slogan « Macron démission » quelque chose de positif, c’est tomber au niveau de l’ultra-gauche ou du fascisme. C’est réfuter la primauté de la théorie, avec le principe des valeurs positives, d’un projet rationnel, d’une organisation méthodique. C’est s’imaginer que « tout ce qui bouge est rouge », alors qu’à une époque de dépression du capitalisme, comme on peut le voir partout, l’agitation sociale est plus que poreuse au corporatisme, au populisme, au social-impérialisme.

Les Gilets jaunes révèlent ici de grandes faiblesses concernant la compréhension de ce qu’est le fascisme !

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Le PCF peut-il se maintenir tel qu’il est ?

Le PCF est passé d’une ligne insurrectionnelle à une participation gouvernementale soumise aux socialistes. Devenu un satellite de ces derniers, il est désormais orphelin de ceux-ci. Il est à l’heure des choix : trouver une identité propre, ou disparaître. En a-t-il les moyens ?

PCF Congrès 23 25 novembre 2018

En 1978 avaient lieu des élections législatives en France et elles furent un tournant historique à Gauche. La revue de Droite, L’Express, constatait ainsi le 13 mars 1978 par la voix de Jean-François Revel que :

« Le Parti communiste français était le premier parti de France au temps de Maurice Thorez. Du temps du secrétariat de Waldeck Rochet, il était le deuxième parti de France et le premier parti de la gauche. Sous Georges Marchais, il est devenu le deuxième parti de la gauche et le troisième parti de France. »

La Gauche a connu en effet depuis 1945 deux situations. La première est caractérisée par le refus catégorique des socialistes de se rapprocher des communistes. Les socialistes boycottaient la CGT et assumaient un anticommunisme forcené. Le PCF était le premier parti de France, mais les socialistes participaient au blocus général de celui-ci, aux côtés de la Droite, n’hésitant pas à aider à la naissance de la CGT-Force Ouvrière, ouvertement appuyée par les États-Unis.

Cette situation prévalut jusqu’en 1958, où la Gauche en général fut incapable de s’opposer au coup d’État de De Gaulle instaurant la Ve République. Son échec politique fut d’autant plus puissant qu’avec mai 1968 émergea une nouvelle génération de militants, d’activistes, de syndicalistes. François Mitterrand comprit cela, unifia les socialistes et fit en sorte de phagocyter le PCF.

Les socialistes finirent par dépasser électoralement le PCF, bien que celui-ci disposait d’une base de militants et de sympathisants encore sans équivalents. Et en 1981, François Mitterrand triompha aux présidentielles, plaçant le PCF dans l’orbite socialiste jusqu’à aujourd’hui.

De nombreuses tendances oppositionnelles sont apparues dans le PCF, désireuses d’en revenir aux « fondamentaux ». Depuis le tout début des années 1990 et jusqu’à aujourd’hui, elles ont su attirer un certain nombre de membres du PCF. Mais jamais elles ne furent en mesure d’influer ne serait-ce qu’un peu la tendance du PCF à n’être qu’un simple satellite des socialistes.

Le PCF, de par sa volonté de conserver ses élus, de participer au gouvernement, a une tendance naturelle à accepter les choix des socialistes ; en cela, le PCF est devenu comme Europe Écologie Les Verts.

Mais comme les socialistes se sont effondrés, le PCF doit faire des choix par lui-même. Or, au mieux, il produit des dirigeants comme Ian Brossat. Les membres du PCF se sont auto-intoxiqués, s’imaginant vraiment être le prolongement du PCF du Front populaire, du PCF de la Résistance, du PCF des années 1950, 1960, 1970, etc., alors qu’ils n’ont strictement aucun rapport avec rien de l’histoire de ce parti.

La sphère dirigeante du PCF n’est pas tant issu de la base historique de ce parti, que des éléments institutionnels et universitaires ayant parasité celui-ci et finit par prendre la direction culturelle, puis politique et idéologique. C’est pour cela qu’il y a un jargon universitaire post-marxiste, une esthétique très propre et lisse conforme à l’esprit universitaire, des postures revendicatives offusquées, etc.

Cependant, cela ne saurait être suffisant pour développer une identité propre. Cela peut permettre une affirmation, mais il serait naïf de penser que cela suffit, en soi, pour une affirmation autonome, notamment aux prochaines élections européennes. En même temps, ne pas maintenir une affirmation autonome, c’est inéluctablement disparaître dans la fusion avec d’autres.

Tel est le dilemme du PCF, le dilemme insoluble, car en quittant la classe ouvrière, le PCF a perdu le moteur de l’Histoire.

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L’appel de L’APRÈS d’Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann

Après avoir quitté le Parti Socialiste, Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann lancent un nouveau parti dénommé APRÈS, qui signifie Alternative pour un Programme Républicain, Écologiste & Socialiste. Ils ont publié un appel afin d’inviter à les rejoindre.

Appel de l'APRES

Le nom APRÈS et l’appel qui y est afférent montre cependant les grandes limites de leur démarche. Normalement, le socialisme est un terme général qui englobe tout le projet politico-culturel de la Gauche. Ainsi, l’écologie ne doit être qu’un aspect inhérent au programme, tout comme peut l’être la question républicaine si l’on souhaite raisonner en ces termes.

En mettant sur le même plan les notions de « Républicain », « Écologiste » avec celle de «  Socialiste », l’APRÈS fait une grande erreur. Elle dénature totalement le projet Socialiste pour en faire une sorte de synonyme de « politique sociale envers les classes populaires ».

Il n’y a d’ailleurs dans cet appel pas de véritable projet, mais une vague proposition qui se contente de dire « changer la vie » pour montrer la filiation à François Mitterrand en imaginant que cela suffise.

On l’aura compris, il ne s’agit pas d’une nouvelle organisation visant à changer le monde mais d’un rassemblement politique avec des vues électorales, et d’abord les prochaines Européennes. Cela était évident déjà vu la façon dont Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann ont quitté leur propre organisation le Parti Socialiste, en plein vote interne afin de la torpiller puisque leurs positions n’allaient pas être adoptées.

> Lire également : Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Mais franchement, quel sens cela a-t-il de jouer les vierges effarouchées par la désillusion de François Hollande, tout en disant que « depuis 25 ans, la social-démocratie européenne a peu à peu cédé devant le Libéralisme » ?

Pourquoi se réveiller maintenant à l’automne 2018, si ce n’est parce que c’est suffisamment tôt mais pas trop tôt non plus pour faire une alliance électorale à Gauche pour les Européennes ? Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann sont tous deux déjà députés européens et risqueraient de perdre leur mandat avec la déroute prévisible au PS, ceci expliquant certainement cela.

> Lire également : Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

Le contenu proposé n’est qu’un keynésianisme intéressé par les questions industrielles, mais ne relevant pas du mouvement ouvrier. C’est une organisation de Gauche de plus, appelant à l’unité certes, mais n’apportant rien de nouveau ni de vraiment concret qui justifierait la démarche autrement que sur le plan électoral.

Voici leur appel :

ap-res.fr/appeldelapres/

Appel de l’Alternative pour un Programme Républicain, Écologiste & Socialiste

Nous nous sommes engagés parce que nous voulions une société plus juste, une société plus libre, une société plus démocratique, parce que nous voulions agir pour améliorer la vie de nos concitoyens, au plus près d’eux évidemment, mais aussi plus largement porter des réformes qui mettent en œuvre un idéal révolutionnaire – Liberté, Égalité, Fraternité – pour changer la vie. Longtemps, il nous est apparu que le PS était le parti capable de transformer le réel dans ce sens. Nous constatons comme beaucoup d’autres avec tristesse et regret qu’il a cessé de l’être.

Depuis 25 ans, la social-démocratie européenne a peu à peu cédé devant le Libéralisme cessant de résister devant les multinationales et les intérêts privés des groupes financiers. Pendant quelques années, le socialisme français a semblé moins atteint par la dérive néolibérale initiée par Tony Blair. Las, le mandat de François Hollande a démontré qu’au pouvoir les dirigeants du PS avaient eux aussi abdiqué. On connaît les conséquences : des réussites ténues, mais une politique injuste socialement, inefficace économiquement, des écarts avec nos valeurs républicaines, une incompréhension puis un rejet par nos concitoyens, par le peuple de gauche. Nombre de dirigeants « socialistes » étaient prêts en 2017 à vendre leur âme pour un soutien du nouveau Président.

On aurait pu imaginer que le PS apprendrait de la double déroute présidentielle et législative : il n’en est rien… aucun bilan du quinquennat, aucune vision politique, l’inertie règne rendant incapable de parler au reste de la gauche et au mouvement social ou d’être entendus par les Français. La « Renaissance » promise aux militants ressemble à une glaciation.

Alors que la majorité de la social-démocratie européenne se montre au mieux ambigüe, au pire complaisante, envers le néo-libéralisme, les dirigeants nationaux du PS ont annoncé qu’ils se plieraient à ses choix pour son programme électoral et son candidat à la présidence de la Commission européenne. Ils refusent l’idée même de proposer à la gauche française de s’unir aux élections européennes, alors que la raison et l’urgence le commandent. Les mêmes logiques produiront les mêmes effets : compromissions avec les droites européennes et des promesses qui n’engagent donc que ceux qui y croient… la crédibilité s’efface devant la duplicité.

Nous, femmes et hommes de gauche, nous nous organisons pour que cela change.

Pour nous, la République, l’écologie et le socialisme sont une seule et même chose : la défense du bien commun.

Redonner force à la règle commune contre l’individualisme, protéger notre unique planète contre le productivisme, investir dans les moyens publics d’émancipation contre le libéralisme, tel est le programme. Comme toujours à gauche, il sera débattu et enrichi par tous ceux qui nous rejoindront autour de nos valeurs et de nos buts.

Il n’y a plus de temps à perdre dans la compromission désolée et la morne survie de chacun dans son coin. La résignation est une défaite, l’espoir est une première victoire.

Il est à nouveau temps de parler d’avenir.
Maintenant, c’est A.P.R.É.S !

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Place publique de Raphaël Glucksmann : les bobos veulent sauver leur peau

« Agir pour lutter contre le réchauffement climatique et préserver le vivant. Agir pour empêcher que la montée des inégalités ne disloque nos sociétés. Agir pour endiguer la vague identitaire et autoritaire qui s’abat sur nos démocraties. Agir pour construire une Europe démocratique, solidaire et écologique. Agir pendant qu’il est encore temps. »

Place publique, Libération

En soi, c’est là agir pour que rien ne change. La société tangue, l’économie capitaliste perd de sa stabilité, le nationalisme se renforce brutalement : c’est de plus en plus la panique pour les classes moyennes intellectuelles habituées à un certain confort, et surtout une certaine tranquillité.

C’est bien là le sens de l’initiative de l’intellectuel Raphaël Glucksmann de fonder un nouveau mouvement politique, dénommé Place publique, dont les lignes citées plus haut forment le début du petit manifeste.

Rien que le nom du mouvement souligne comme il se doit le côté à la fois populaire et démocratique attendu, sans marqueur historique de gauche pour autant (« socialiste », « communiste », « parti », « gauche », etc.). Ce qui fait qu’on se demande obligatoirement pourquoi un nouveau mouvement serait nécessaire, alors que cette perspective est déjà par exemple celle de Génération·s de Benoît Hamon ou d’Europe Ecologie Les Verts.

Ces deux derniers mouvements ont d’ailleurs immédiatement pris contact avec Place publique et ils avaient déjà, par le passé, demander à Raphaël Glucksmann d’être sur leurs listes pour les prochaines Européennes. Il a préféré tenter sa chance seul, suivant ainsi son profil carriériste, sa logique de bobo s’appropriant l’espace public.

Le profil des autres principaux membres est évidemment tout à fait parallèle à celui de Raphaël Glucksmann : Jo Spiegel, maire de Kingersheim, est un ancien socialiste adepte de la démocratie participative, Diana Filippova qui est chef d’entreprises appréciant les nouvelles technologies et les logiques de Think tank, Thomas Porcher est un économiste « hérétique » opposé au libéralisme économique, Claire Nouvian la fondatrice de l’association Bloom opposé à la pêche en eaux profondes.

Ces gens s’imaginent qu’il suffit d’avoir de leur expérience et des choses à dire pour s’inscrire dans l’histoire. Alors qu’il s’agit simplement de bobos étrangers au peuple, cherchant à défendre leur existence en niant le capitalisme et en prétendant que, actuellement, la France verrait sa « démocratie kidnappée par des lobbys qui dévoient chaque jour un peu plus nos institutions ». Le fait que le premier meeting se déroulera à la mi-novembre à Montreuil en Seine-Saint-Denis va de paire aussi, puisque le bas-Montreuil est devenu un important bastion des bobos cette dernière décennie.

On imagine très bien qui sera présent, quant on voit qui l’appel de Place publique présente comme les acteurs véritables de notre époque :

« Coopératives paysannes sur les circuits courts, associations se battant pour préserver les solidarités sociales ou lutter contre les discriminations qui défigurent la République, tiers lieux réinventant l’espace public, collectifs œuvrant à un accueil digne des exilés ou s’opposant aux projets climaticides, élus locaux mettant en place la démocratie participative, ONG luttant contre l’évasion fiscale, tous essaient, à leur niveau, d’infléchir le cours des choses. »

Autant dire qu’il s’agit là, comme EELV et malheureusement de Génération·s, de quelque chose n’ayant aucun sens historiquement. La petite-bourgeoisie, ici intellectuelle a peur de se prolétariser, et a peur de la bourgeoisie en même temps. Inexistante dans le fond, car n’étant que le sous-produit du développement du capitalisme dans toute son ampleur, la petite-bourgeoisie veut sauver sa peau, prétend définir l’actualité, maintenir le statu quo. C’est déjà condamné par l’histoire.

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Christophe Guilluy à propos de la Gauche et de l’immigration

La défense de l’immigration et la mise en avant de la figure du migrant ne font pas partie des principes traditionnels de la Gauche, parce que ce ne sont pas des positions populaires et démocratiques. Christophe Guilluy a expliqué cela à de nombreuses reprises et le fait à nouveau très bien dans No Society avec ce passage à propos du Parti communiste français reproduit ci-dessous.

Cependant, l’auteur du concept de « France périphérique » ne fait pas le choix de la Gauche et d’un engagement politique au service des classes populaires. Il fait partie de ces intellectuels qui ne vont pas au fond des choses, préférant vendre des livres qui disent toujours la même chose, se contentant d’une posture de commentateur invité sur les plateaux de télévision et les rédactions des grands quotidiens et magazines.

C’est pour cela que son discours, en l’occurrence ici son rappel à propos de la Gauche et de l’immigration, a finalement plus de chance de servir le populisme que les classes populaires elles-mêmes.

Pourtant, ce qui est dit est tout à fait vrai, et devrait être assumé entièrement par la Gauche, plutôt que de s’enfoncer dans le postmodernisme et le cosmopolitisme propre à la bourgeoisie des grandes métropoles.

Christophe Guilluy

Extrait de No Society de Christophe Giulluy :

> Lire également : Avec No Society, Christophe Guilluy fait le choix du populisme

« En milieu populaire, la régulation des flux migratoires n’est absolument pas conflictuelle, elle apparaît au contraire comme une option raisonnable. C’est en réalité la classe dominante qui l’a hystérisée en manipulant la question raciale.

D’ailleurs, à une époque où la gauche défendait encore les classes populaires, la régulation des flux n’était absolument pas un sujet tabou. Conscient des effets sur la classe ouvrière (dumping social, fragilisation du capital social et culturel), le Parti communiste français n’hésitait pas à demander l’arrêt de l’immigration.

En effet, pendant la campagne présidentielle de 1981, le premier secrétaire du PCF, Georges Marchais, expliquait qu’il fallait « stopper l’immigration officielle et clandestine » et qu’il était « inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France alors que notre pays compte près de 2 millions de chômeurs français et immigrés ». Si le PCF et plus largement la gauche rassemblait encore l’essentiel des voix populaires, c’est à cette époque que l’ostracisation des plus modestes a commencé, notamment dans une fraction de la gauche socialiste.

George Marchais pressentait la montée d’un discours qui visait à ostraciser la classe ouvrière pour mieux délégitimer ses revendications. Dans un discours prémonitoire, il dénonce clairement la dynamique qui allait conduire à la relégation culturelle des plus modestes puis à la rupture entre la gauche et les classes populaires :

 » Nous posons les problèmes de l’immigration, ce serait pour utiliser et favoriser le racisme, nous rechercherions à flatter les plus bas instincts, nous combattons le trafic de drogue, ce serait pour ne pas traiter de l’alcoolisme apprécié par notre clientèle… ils crient tous en chœur pétainisme […]. Quelle idée se font ces gens des travailleurs ? Bornés, incultes, racistes, alcooliques, brutaux, voilà d’après nos détracteurs, de la droite au Parti socialiste, comment seraient les ouvriers. »

Dans la bouche de Marchais, la régulation des flux ne relevait donc d’aucune dimension ethnique ou culturelle, elle visait à protéger les ouvriers du dumping social et de la fragilisation de leur capital social. Mais la légitimité et la subtilité de ce discours seront balayées par la grosse artillerie idéologique de la classe dominante et le déplacement d’une question sociale sur la question raciale.

Quarante ans plus tard, la relégation culturelle des classes populaires occidentales est effective. Le rôle joué par l’intelligentsia de gauche dans cette entreprise aura été déterminant. Elle annonce un divorce définitif du camp du progrès et de sa base populaire en offrant à l’ensemble des mouvements populistes de droite un électorat potentiellement majoritaire.

L’entreprise de diabolisation des opinions par la classe dominante et ses relais médiatico-académiques n’aura en effet aucun impact sur les classes populaires, on assiste au contraire à un durcissement des positions. Refusant les débats tronqués, hermétiques aux discours des experts et des médias, les classes populaires du XXIe siècle demandent, comme en 1981, la régulation des flux. »

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Société

Avec No Society, Christophe Guilluy fait le choix du populisme

Dans son dernier livre No Society, Christophe Guilluy prolonge sa fameuse réflexion sur « la France périphérique » en dénonçant la disparition de la « classe moyenne occidentale ». Si ses constats sont très souvent justes et pertinents, il fait le choix du populisme plutôt que de la Gauche.

Christophe Guilluy est célèbre pour avoir formulé à travers plusieurs ouvrages ce qu’il appelle « la France périphérique », c’est-à-dire le fait que les classes populaires françaises vivent en périphérie des grandes métropoles modernes et dynamiques.

Ce n’est pas une simple description du phénomène périurbain mais une analyse assez précise d’un certain nombre de territoires, aux abords de ces grandes métropoles mais aussi de petites et moyennes villes, ainsi que des zones rurales.

Au fur et à mesure de ses travaux, il a présenté un panorama social-culturel assez fin de la France populaire, avec un discours très critique à l’encontre de la bourgeoisie vivant au cœur de ces grandes métropoles, une quinzaine en France.

Pour autant, sa géographie, qui est en fait plutôt une sociologie de l’espace, avait un style tout à fait universitaire, avec une démarche propre aux milieux universitaires. Il ne se présentait pas avec un programme politique ou une approche idéologique, mais comme simplement un commentateur extérieur se voulant utile, empochant l’argent de ses livres au passage.

Il a pourtant eu originellement une approche de gauche, il s’était adressé à la Gauche à ses débuts. Sauf que ses travaux ne sont pas compatibles avec le post-modernisme et les théories post-industrielles qui ont gangrené la Gauche, au Parti Socialiste puis partout ailleurs.

Il s’est donc retrouvé isolé, pour finalement être apprécié surtout d’une partie des populistes, souvent issus de la Droite, qui voyaient en lui un moyen de s’adresser aux classes populaires.

Il est évident que Marine Le Pen aurait voulu faire de Christophe Guilluy un penseur de son mouvement, et qu’elle a largement profité de sa pensée, bien qu’elle n’a pas pu le faire suffisamment.

On aurait tort pour autant de reprocher cela à Christophe Guilluy alors que, d’une part, il s’est toujours différencié du Front National devenu Rassemblement National et que, d’autre part, c’est la Gauche elle-même qui a refusé de voir les évidences qu’il décrivait.

Cependant, on peut aisément penser qu’il est déjà trop tard pour la Gauche, que Christophe Guilluy lui a échappé pour de bon. Car avec No Society, dont le sous-titre est La fin de la classe moyenne occidentale, il assume maintenant des choix politiques et une orientation idéologique.

Sa pensée n’est pas d’extrême-droite mais correspond à un courant national-républicain assez précis, qui trouve aujourd’hui écho avec une figure comme Natacha Polony et le magazine Marianne qu’elle dirige dorénavant. Le propos de No Society était déjà présenté dans le détail à Natacha Polony lors d’une émission à l’issue des élections présidentielles de 2017, sur la chaîne Paris Première, qui est pour le coup tout à fait bourgeoise et métropolitaine.

Ce courant, à défaut d’être lui-même populiste, est en tous cas largement ouvert au populisme, et sert directement le populisme. Le discours du théoricien de la « France périphérique » à propos des classes moyennes illustre tout à fait cela. Les classes moyennes sont érigées en mythe pour regretter une France d’avant, qui serait un modèle.

« C’est la situation qui prévalait durant les Trente Glorieuses, période où la plupart des strates sociales de la société, de l’ouvrier au cadre supérieur, avaient le sentiment d’être intégrées et de bénéficier des grandes mutations économiques et sociales de l’époque. »

Le constat n’est bien sûr pas faux puisqu’une grande partie des classes populaires, dont la classe ouvrière, a fait le choix de l’intégration. On peut même dire que le phénomène de « France Périphérique » qu’il a décrit relève en grande partie d’une volonté subjective propre à ce mouvement d’intégration au capitalisme, par le biais de la maison individuelle avec jardin accompagnée de ses deux automobiles par foyer.

Autrement dit, les classes populaires et la classe ouvrière en particulier ne sont pas tant exclues du cœur des grandes métropoles qu’elles les ont elles-mêmes fuit, tout comme elles ont fuit le centre des petites et moyennes villes qui se sont alors dévitalisées. La critique par exemple de la « gentrification » d’anciens quartiers populaires urbains que font les sociologues est ainsi tout à fait partielle, puisque négligeant cet aspect essentiel qu’il n’y a eu aucune résistance populaire à ce phénomène.

Il en est de même pour ce qui est des quartiers de HLM, les cités, qui ont été quitté massivement par la classe ouvrière française dans les années 1980 et 1990 à mesure qu’arrivaient des populations immigrées, mais pas après l’arrivée de ces populations immigrées.

Dans sa substance, ce mouvement remonte même aux années 1960 et 1970, où les cités HLM n’ont été considérés comme modernes et satisfaisantes que par une petite partie de la classe ouvrière, la grande majorité faisait par contre le choix, ou projetant le choix de l’habitat individuel, avec jardin et automobiles.

Le problème de l’analyse que propose Christophe Guilluy, et c’est là qu’elle sert le populisme plutôt que la Gauche, est de soutenir cette intégration au capitalisme en souhaitant qu’elle aille encore plus loin, plutôt que de la critiquer. La Gauche, en tous cas dans son essence historique, n’a jamais souhaité un compromis de classe généralisé, mais seulement des statut-quo temporaires, devant à plus ou moins long terme mener au socialisme, c’est-à-dire au pouvoir de la classe ouvrière puis à la disparition des classes sociales.

La Gauche en France a très bien vu ce phénomène d’intégration au capitalisme par le repli en périphérie, qu’elle n’a pas apprécié ; il est évident que cette « classe moyenne » périphérique relève bien plus de l’aliénation que de l’émancipation.

Le panorama social-culturel qui en résulte, avec la télévision, les autoroutes et les centres commerciaux, est absolument désastreux. Cela signifie ni plus ni moins que la soumission complète au capitalisme, avec des rapports sociaux presque entièrement soumis aux grands groupes capitalistes et leurs franchises, organisant la vie des gens de bout en bout.

Cela va de pair avec une démarche insoutenable par rapport à la nature et aux rapports naturels, ainsi qu’une domination féroce des pays pauvres, ce que l’on appelle l’impérialisme.

Christophe Guilluy ne reconnaît d’ailleurs qu’un aspect de cette domination impérialiste, avec l’immigration. Mais cela ne suffit pas, car on ne peut pas évoquer ce phénomène de la classe moyenne occidentale, avec comme il l’explique les ouvriers et les employés portant l’american way of life ou l’european way of life, sans comprendre qu’il n’est permit que par une division du travail à l’échelle internationale provoquant elle-même la désintégration de ce modèle.

Critiquer la fermeture des usines en Europe ou aux États-Unis est insuffisant, et donc populiste, si ce n’est pas pour remettre en cause le mode de production lui-même. La fermeture des usines n’est pas un phénomène allant à l’encontre du way of life des classes moyennes mais en est précisément le produit. Autrement dit, jamais il n’aurait pu y avoir une telle intégration des classes populaires à la société de consommation sans le made in China, et c’est ce made in China qui en retour bouleverse le modèle économique qui l’a engendré.

Il est absurde de prétendre comme le fait Christophe Guilluy que Donald Trump ne serait qu’une expression du mouvement réel des classes populaires américaines, alors que c’est précisément l’inverse qui est vrai.

« Ce soft power des classes populaires, qui porte la vague populiste en contraignant politiques et médias à aborder des thématiques interdites, contribue à un retour au mouvement réel de la société, celui de la majorité. »

La propre du populisme est de ne faire qu’une critique en surface du capitalisme, sur des aspects partiels, en proposant le repli comme dynamique et la réaction comme expression culturelle. Donald Trump ne représente pas l’expression autonome des classes populaires, mais leur amertume, ou en tous cas l’amertume d’une partie d’entre elles face à leur prolétarisation ou leur ré-prolétarisation.

On ne peut qu’être d’accord avec Christophe Guilluy quand il explique que « les années 1980 seront marquées par l’émergence de Canal +, quintessence de l’idéologie libérale-libertaire dominante. »

Mais sa démarche ne sert que le populisme quand il critique le cosmopolitisme et l’inconsistance de cette bourgeoisie moderne et libérale des grandes métropoles sans critiquer la bourgeoisie en tant que telle, ni l’accumulation du capital en tant que telle.

Du point de vue des classes populaires, et surtout de l’intérêt objectif de la classe ouvrière, le richissime Donald Trump ne vaut pas mieux qu’Hillary Clinton. En l’occurrence, en France, on considère même au contraire que ce que représente Marine Le Pen amène à court terme une perspective pire que celle portée par Emmanuel Macron. C’est pour cela que la Gauche n’a pas hésité à voter contre Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles en 2017.

Que la bourgeoisie moderne et libérale des grandes métropoles se serve de cela est une évidence, ce n’est pas nouveau. Mais l’inverse est encore plus vrai, la critique de l’antifascisme fait perdre beaucoup de temps aux classes populaires en embrouillant leurs conceptions.

Il est ainsi très grave d’écrire :

« Présenté comme « populiste » (lire « fasciste ») par les classes dominantes, ce mouvement, conduit par une majorité, est au contraire fondamentalement démocratique. »

La critique du fascisme, et donc du populisme, a été théorisé par la classe ouvrière elle-même, jamais par les classes dominantes qui ne font que s’en servir partiellement, et seulement pour une partie d’entre elles d’ailleurs. C’est par essence une critique populaire et démocratique, et certainement pas l’inverse. Le populisme est par contre un détournement réactionnaire de questions démocratiques, en prétendant représenter les classes populaires alors qu’il ne fait que les enfoncer dans des conceptions erronées et des valeurs arriérées.

L’horizon défendu dans No Society est ainsi absolument détestable quand on est à Gauche.

Ce qui est expliqué finalement, noir sur blanc, c’est que la bourgeoisie ne devrait plus s’isoler dans les « citadelles » que sont les grandes métropoles mais devraient tendre la main aux classes populaires, pour que tout continue comme avant.

La crise endémique du mode de production capitaliste est bien sûr niée, au profit d’une grande illusion quant à la possibilité d’intégration à long terme de la population au capitalisme.

S’il n’appelle pas directement à céder au populisme, le propos de Christophe Guilluy dans No Society ne sert en dernière analyse que la diffusion de celui-ci. Ce thème des classes moyennes est d’ailleurs un thème tout a fait classique du pré-fascisme en France, dont le populisme actuel n’est qu’une expression moderne.

Eric Zemmour ne dit de toutes façons, au fond, pas autre chose que lui et Natacha Polony à propos des classes moyennes et du regret d’une France d’avant, pacifiée et intégrée, sans lutte de classe, sans contestation de la bourgeoisie. Le populisme n’est, dans cette perspective, qu’un moyen de capter les classes populaires pour les dévier de leur intérêt propre.

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Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

Emmanuel Maurel a quitté le Parti Socialiste pour fonder un nouveau parti. Fustigeant les erreurs de son camp, il fait souvent référence au mouvement ouvrier et aux classes populaires pour s’en revendiquer. Qu’en est-il vraiment ?

Emmanuel Maurel

Le mois dernier dans un entretien vidéo au Figaro, Emmanuel Maurel expliquait :

« je suis sur une position traditionnelle du mouvement ouvrier sur l’immigration »

Ces mots sont très importants car presque plus personne à Gauche ne se revendique du mouvement ouvrier. De la même manière, lors de la campagne pour la direction du Parti Socialiste, il avait expliqué que sa ligne était d’unifier la gauche et de :

« reconquérir le cœur des ouvriers, le cœur de la France qui se lève tôt et que l’on n’entend pas »

On peut bien-sûr penser que ce ne sont que des mots, et que de toutes manières il est bien étrange de parler de la classe ouvrière quand on a été au Parti Socialiste si longtemps, tellement ce parti est devenu celui de la bourgeoisie moderniste et libérale des centre-villes des grandes métropoles.

Mais cela n’est pas suffisant. Rien que dans le nord de la France, et particulièrement dans le département du Nord, il existe une filiation très forte entre cette organisation et ce qui reste du mouvement ouvrier.

Emmanuel Maurel est une figure intellectuelle de gauche typique. C’est quelqu’un de très cultivé, aimant la politique et le débat d’idée, qui veut être proche du peuple et répondre à ses aspirations. Seulement, il n’est pas quelqu’un reconnaissant le marxisme et pensant que la classe ouvrière puisse elle-même s’organiser pour conquérir le pouvoir.

S’il a été au Parti Socialiste, c’est parce qu’il ne considère pas les choses en termes de classes sociales et d’idéologies qui leur sont afférentes, mais en termes de politique simplement. La question serait celle des bons ou des mauvais choix politiques.

C’est pourquoi il a été capable la semaine dernière de quitter son parti en plein débat et échéance électorale interne, alors que cette façon de faire est insupportable si l’on considère au contraire que les principes sont ce qui doit primer.

> Lire également : Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Son « mentor », dont il a écrit une biographie, est Jean Poperen. Ancien membre du Parti Communiste, exclu en 1959 après avoir eu d’importantes responsabilités internationales, ce dernier est devenu un figure socialiste en France, particulièrement en ce qui concerne la question de l’unité de la Gauche.

Tant que le Parti Socialiste était la force la plus importante à Gauche, il était logique pour Emmanuel Maurel d’en faire partie. Il considère par contre que le Parti Socialiste a échoué sur le plan politique avec François Hollande, alors qu’il était majoritaire quasiment partout en 2012.

Il quitte donc le Parti Socialiste en voulant le refonder sur de nouvelles bases. La présidence d’Emmanuel Macron incarne pour lui l’aboutissement des erreurs récentes de son camp :

« nous lui avons fait la courte échelle […] C’est notre créature et aujourd’hui, on s’en mord les doigts. »

Quand Emmanuel Maurel explique qu’il s’était « engagé pour défendre les intérêts des gens modestes, mais aussi des stratégies de rassemblement des forces populaires », alors qu’aujourd’hui « le PS ne correspond plus à l’idée [qu’il se] fait du socialisme », ce n’est pas une critique idéologique. Simplement le regret d’une mauvaise orientation politique.

De ce point de vue, on ne peut pas considérer qu’il fasse partie du mouvement ouvrier. Sa critique n’est pas celle du mode de production, mais des « capitalistes qui se défient des règles ».

Il est par contre un homme politique de gauche ayant compris l’importance de la question ouvrière et ne cédant pas aux positions postmodernes et postindustrielles. C’est pour cela qu’il considère que « la question économique et sociale reste centrale » par rapport aux questions identitaires et républicaines.

C’est pour cela également qu’il défend une ligne intermédiaire par rapport à l’Union Européenne, n’appelant pas à en sortir mais par contre à « désobéir » aux directives qu’il rejette (sur l’austérité budgétaire, les travailleurs détachés, etc.)

C’est là encore un choix très étrange, très « politique », ne correspondant pas aux choix nets et tranchés, idéologiques, qui sont traditionnellement ceux du mouvement ouvrier.

Emmanuel Maurel ne fait pas parti du mouvement ouvrier car le « fil rouge » du parti qu’il souhaite créer sera « la république sociale, une maison de la Gauche républicaine », et que cette approche « républicaine » n’est pas celle de la classe ouvrière.

Son crédo n’est pas celui de la lutte de classe mais la bataille électorale. Il a déjà souvent à la bouche le mot « 2022 » et tout le monde aura compris qu’il se construit sur mesure un tremplin pour les élections présidentielles de 2022, misant tout autant sur l’éparpillement des forces de la Gauche que sur les dynamiques politiques existantes ici et là.

S’il peut être une figure sympathique et ayant une démarche positive sur un certain nombre de sujets, ses alliances avec le Mouvement Républicain et Citoyen à la ligne sociale-gaulliste, ou bien à la France Insoumise et le populisme social-chauvin de Jean-Luc Mélenchon, ne s’inscrivent pas dans la tradition et l’intérêt du mouvement ouvrier.

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Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann, dirigeants de l’aile gauche du Parti Socialiste, annoncent leur départ et affirment avoir plusieurs centaines de membres, d’élus et de cadres prêts à les suivre. Il agissent de manière non-démocratique, en torpillant leur propre organisation de l’intérieur pour des raisons électorales.

Ce week-end, le Parti Socialiste tenait son conseil national consacré à la question des élections européennes. Alors qu’il présentait lui-même un texte, le député européen Emmanuel Maurel a annoncé sa démission la veille du vote. Le lendemain, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann a fait de même.

Ils présenteront la semaine prochaine une nouvelle organisation avec la liste de ceux qui les suivent, et s’allieront à la France Insoumise.

En agissant ainsi, de manière non démocratique puisqu’il y a une participation à un vote qui est littéralement saccagé, l’objectif d’Emmanuel Maurel et de Marie-Noëlle Lienemann était bien entendu d’affaiblir jusqu’au bout le Parti Socialiste, qui comptait annoncer ce week-end son positionnement aux Européennes, alors que par ailleurs Ségolène Royal a été sondée pour prendre la tête de la liste.

Au-delà du fait qu’on apprécie ou non le Parti Socialiste, la ligne du Parti Socialiste, la démarche d’Emmanuel Maurel et de Marie-Noëlle Lienemann est discutable. On ne quitte pas une organisation alors qu’on participe à un vote : si l’on considère que ce n’est pas acceptable, on sort avant, mais on ne s’engage pas pour se dédire juste avant, pendant ou après.

L’autre problème touche le sens de la démarche elle-même. Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann ne cachent nullement qu’ils comptent fonder un nouveau parti qui utiliserait le terme de socialiste, afin de s’allier directement à La France Insoumise pour les Européennes, ainsi qu’avec le Mouvement républicain et citoyen.

Cela signifie que ce départ prend comme axe les élections et non pas les valeurs. Au lieu d’un débat sur le fond – que Benoît Hamon a essayé de mener avec Génération-s, même si c’est sans succès – on a une question électorale qui se profile.

C’est là revenir au défaut historique des socialistes français. Marie-Noëlle Lienemann dit qu’il faut en revenir au « socialisme de Jaurès » : c’est bien vu, Jean Jaurès n’a jamais raisonné qu’en termes électoraux, comme d’ailleurs tout le Parti Socialiste SFIO du début du XXe siècle. Le socialistes ont toujours appartenu à des petits appareils très minoritaires, uniquement actifs lors des élections. Faut-il vraiment en revenir là ou affirmer la nécessité du contenu ?

Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann contournent le problème au nom de l’actualité. Tous deux considèrent que le Parti Socialiste, pour prendre l’exemple assez sordide de Marie-Noëlle Lienemann pour se justifier, est un « canard sans tête », et que de toutes façons La France Insoumise est incontournable. Il n’y aurait donc pas le choix.

Et il y aurait même la possibilité d’un « Front populaire », l’expression étant régulièrement reprise par eux pour s’expliquer.

Rappelons pourtant que le Front populaire est né de la combativité ouvrière en 1934 pour contrer le fascisme. C’était une initiative d’urgence, mettant en perspective une menace terrible et sanglante, qui avait triomphé en Italie avec Mussolini en 1922 et en Allemagne avec Hitler en 1933. Et il y avait aussi l’idée de faire avancer la cause du socialisme, qu’assumaient alors tant le Parti Communiste que la SFIO. Or, il n’y a aujourd’hui ni menace directe de coup d’État fasciste en France, ni des organisations significatives voulant le socialisme. Ni le PCF, ni La France Insoumise, ni la gauche du Parti Socialiste qui vient de sortir ne veulent le socialisme.

Emmanuel Maurel a raison quand, dans une interview au Monde où il explique son départ, il résume le dénominateur commun de la gauche électorale actuelle de la manière suivante :

« Notre fil rouge, c’est la République sociale. Promouvoir la laïcité, défendre les services publics, l’égalité des territoires, un modèle social de qualité, faire vivre la souveraineté populaire… Privilégier le commun sur le particulier. On doit faire la synthèse avec les luttes nouvelles, à commencer par l’écologie. »

Mais peut-il exister trois forces à gauche proposant cette même vision édulcorée du keynésianisme de François Mitterrand ?

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Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction

Les adhérents du PCF avaient jusqu’à hier pour choisir un texte servant de base commune en vue du congrès extraordinaire le moi prochain. En optant pour le texte alternatif « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle » mené par André Chassaigne, ils ont sanctionné la direction de Pierre Laurent et les orientations prises ces dernières années.

André Chassaigne

Le résultat du vote a mis en avant un texte d’opposition qui va dans le sens de la sauvegarde à tout prix du « parti ». Le contexte est celui de la bataille du PCF pour sa survie dans le cadre de la recomposition de la Gauche, et beaucoup considèrent qu’il y a péril en la demeure.

Dans le fond, ce qui y est dit par l’opposition n’est pas très différent de la base commune qui était proposée par la direction. Les divergences concernent surtout des choix stratégiques et politiques.

Le texte de la direction avait déjà été adopté avec difficulté au Conseil National par 49 sur 91 votants et 168 membres, montrant de nombreuses tensions internes. Cette fois, il a été rejeté largement par la base des militants avec seulement 11 461 votes (38%) contre 12 719 voix (42%) pour le principal texte d’opposition.

La proposition alternative « Pour un printemps du communisme », qui représente une minorité favorable à La France Insoumise, a réuni pour sa part 3 607 votes (12%) et celle de la minorité « orthodoxe » intitulé « PCF : Reconstruire le parti de classe », a réunit 2 385 voix (8%).

> Lire également : « Communisme » : le congrès extraordinaire du PCF de novembre 2018

Ce que reproche la base à la direction, c’est surtout d’avoir affaibli le PCF et de risquer sa déliquescence. Le choix de l’alliance avec Jean-Luc Mélenchon dans le cadre du Front Gauche a en effet surtout servi de tremplin à des ambitions personnelles.

L’absence d’un candidat « communiste » au profit de Jean-Luc Mélenchon lors des dernières élections Présidentielles a ensuite été vécue comme un échec terrible par un certain nombre de militants. Le très faible score aux dernières élections législatives (2,72%) n’est ainsi pas tant compris comme un échec sur le plan idéologique mais le résultat de mauvais choix incarnés par Pierre Laurent.

Celui-ci pourrait d’ailleurs démissionner avant même le congrès qui aura lieu fin novembre. Plusieurs fédérations très fortes ont en effet largement voté contre la direction, notamment dans le Pas-de-Calais, qui est la plus importante :

– Le Val de Marne (2343 inscrits) avec 446 votes pour la base commune et 770 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Nord (2679 inscrits) avec 307 votes pour la base commune et 1020 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Pas-de-Calais (2876 inscrits) avec 51 votes pour la base commune et 1414 pour le « manifeste du XXIe siècle ».

Il faut remarquer par contre que la direction a été très soutenue dans deux fédérations importantes :

– La Seine-Saint-Denis (2096 inscrits) avec 826 votes pour la base commune et 221 pour le « manifeste du XXIe siècle »

– Les Bouches-du-Rhône (2470 inscrits) avec 855 votes pour la base commune et 534 pour le « manifeste du XXIe siècle

Si cette mise en minorité de la direction représente quelque-chose d’important, il serait erroné de considérer pour autant que cela est un immense coup de tonnerre au sein du PCF. Il s’agit surtout d’une expression de la base réclamant des garanties quant à la sauvegarde de la structure et des traditions qu’elle représente, ou qu’elle s’imagine qu’elle représente.

Le texte vainqueur est surtout celui qui est le plus conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la fin du XXe siècle.

Pour autant, les deux « tendances » ne devraient justement pas former de tendances, mais s’unir pour proposer une nouvelle base commune de discussion en vue du congrès. L’idée étant de maintenir coûte que coûte l’unité, comme l’a expliqué le président de la Fédération Loire-Atlantique Aymeric Seassau :

« Il va falloir rapprocher les deux textes arrivés en tête […]. Il y a des ponts et des intentions comparables… Chacun a conscience que le PCF est un outil précieux et je pense que tout le monde aura à cœur de préserver le parti.»

La question qui se pose par contre est celle de la tête de liste de Ian Brossat pour les prochaines élections européennes. La position qu’il représente à propos de l’Union Européenne, qu’il défend de manière sociale-libérale, est ouvertement critiquée dans le texte « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle ».

> Lire également : Ian Brossat du PCF et la défense de l’Union européenne

On peut en effet y lire de manière assez tranchée :

« Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. »

Le texte reproche à la direction de ne pas avoir mené de véritable débat sur le sujet :

« Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.
Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.
De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.
Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.
Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.
Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité. »

Cependant, il ne faut pas s’imaginer que le PCF va se déchirer sur cette question. Cela fait plusieurs années déjà que le PCF accompagne la Gauche postmoderne et postindustrielle sur un certains nombres de thématiques sociétales. L’apparition de Ian Brossat n’est que l’aboutissement de ce processus. De nombreux points de vues libéraux sont assumés, comme par exemple sur la question de l’immigration, avec ces derniers jours un soutien total à l’association « SOS Méditerranée » et son navire « l’Aquarius ».

> Lire également : La fausse gauche et les migrants de l’Aquarius

Pendant que les militants finissaient de voter pour un texte de base commune hier, les deux figures que sont Ian Brossat (représentant la direction) et Andrée Chassaigne (représentant l’opposition) se présentaient ensemble au Sommet annuel de l’élevage à Clermont Ferrand. Cela symbolise une volonté d’unité et de relativiser le résultat du vote.

Le PCF réussira-t-il malgré ces tensions à se maintenir comme force importante de la Gauche, avec ses 50 000 adhérents ? Ou bien va-t-il devenir de plus en plus une relique du passé, se maintenant contre contre vents et marrées avec une présence seulement anecdotique à Gauche, malgré ses 50 000 adhérents ?

> La base commune de la direction : « Le communisme est la question du XXIe siècle »

> La nouvelle base commune : « Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle »

> Le texte de l’opposition « orthodoxe » : « PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »

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« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »

Ce texte a été proposé par des adhérents du Parti Communiste Français comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018.

« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes » représente une tendance de type syndicaliste. C’est une opposition qui se veut « orthodoxe », prônant le retour au Parti de George Marchais, qu’il désigne comme la dernière vraie figure du PCF.

Sa principale figure est Emmanuel Dang Tran, qui dresse un bilan très critique de la direction actuelle, proposant de « faire vivre le PCF avec, sans ou contre la direction ».

On peut résumer cette tendance par quatre points :

  1. une ligne « économiste » qui ne s’intéresse pas aux questions culturelles ;
  2. une ligne largement opposée à la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ;
  3. contre faire de l’Union Européenne et des migrants des thèmes principaux ;
  4. contre l’association à un mouvement général de gauche et à la reconstruction de la sociale-démocratie.

PCF

« Le PCF a besoin d’un congrès vraiment extraordinaire : celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-effacement-liquidation ». La direction du Parti s’applique à ce que ce ne soit pas le 38ème, qui n’a d’extraordinaire que le nom et qu’elle entend boucler comme d’habitude. Les élections législatives de 2017 ont pourtant mis en évidence les résultats catastrophiques de cette stratégie, peut-être pas pour les tenants de l’institution, mais gravement pour les communistes sincères, le monde du travail, son avant-garde, ceux qui sont à la recherche de l’outil politique pour résister à l’intensification de l’attaque capitaliste dans la lutte des classes.

A l’exigence renforcée d’un congrès extraordinaire, nous, militants, responsables d’organisations locales du PCF, nous répondons par un texte alternatif d’une autre forme que précédemment. Nous proposons une motion d’actualité, de circonstance. Elle constitue d’abord une motion de censure pour exprimer le rejet des choix de la direction et montrer que le PCF ne se réduit pas à elles. Elle est aussi un appel à s’organiser plus largement pour se réapproprier le Parti par la base, en le faisant vivre, sur les rails de la lutte des classe, avec, sans ou malgré ses directions.

Il y a deux ans, pour le 37ème congrès, nous avons produit le texte « Reconstruire le parti de classe, donner la priorité au rassemblement dans les luttes ». Il continue à porter largement les analyses de la situation politique générale, suivant nos fondamentaux théoriques. Nous posons quelques points d’actualisation – Macron/Trump/UE/Syrie… – dans la motion pour le 38ème congrès, sans reprendre toutes les questions. Elle en reprend le titre, résumé de notre démarche.

Rompre avec le réformisme mortifère, renouer avec des positions communistes

Le résultat des législatives, 613.000 voix, et encore en comptant les candidats soutenus par d’autres partis, est le plus mauvais de toute l’histoire du PCF. Avec 1,23% des inscrits, on frôle l’insignifiance. Nous ne considérons pas que la cause profonde de ce désastre soit un accident de l’histoire ou une erreur tactique, ou encore le grand méchant Mélenchon. C’est le reflet de la stratégie d’effacement du Parti, de ses positions et son organisation, à la date actuelle. Les 613.000 voix de 2017 sont à situer dans une série, suivant les 960.000 de Hue en 2002 et les 707.000 de Buffet aux présidentielles de 2002 et 2007, élections réputées plus difficiles. Petit rappel : nos candidats avaient obtenu 5.793.000 suffrages aux législatives de 1978.

La seule chose que n’avait sans doute pas envisagée la direction en 2016/2017, c’est d’avoir à présenter, seule, des candidats étiquetés PCF. 450 ont été envoyés au casse-pipe pour que quelques-uns, aux prix de négociations humiliantes, soient possiblement élus. Les promoteurs de la Mutation au congrès de Martigues en 2000 posaient le primat de la présence dans les institutions sur l’action dans les luttes. En 2017, ils sont exaucés ! Malgré la perte d’influence sans précédent, le PCF gagne 4 députés. Déjà, à Paris, en 2014, grâce à l’accord octroyé par la municipalité social-libérale Delanoë-Hidalgo, les élus PCF ont 4 fois plus de places que ne leur en aurait données la proportionnelle intégrale… Rappelons combien cet accord a lourdement plombé les candidats communistes ailleurs.

En juin 2017, le contraste était béant. Quand les communistes sincères étaient accablés par le résultat électoral, la direction poussait un ouf de soulagement, puisque le groupe parlementaire, donc l’institution, était préservé. Ensuite, le choix de temporiser, le refus de réagir, même symboliquement, à la hauteur du nouveau désaveu ont donné aux communistes et à ceux qui s’intéressent au PCF un signal désastreux. Chez les camarades – et nous le mesurons à cette phase du congrès – cela va de la colère à la résignation, en passant par l’éloignement en douceur, le découragement et le dégoût. Dans le monde du travail, dans les syndicats, chez les sympathisants, dans la population l’indifférence gagne, au point que chez certains plus jeunes, le sigle PCF ne soit même plus toujours identifié.

Depuis un an, la direction du Parti a poursuivi comme si de rien n’était, ajoutant à la consternation de ceux qui attendent encore une position de lutte du PCF. Aux adhérents, on a proposé un questionnaire/sondage bidon, en s’appuyant, comme nous l’avons dénoncé, sur un logiciel de fichage et de marketing politiques acheté à la société américaine « Nation Builder ». Sur l’UE, la direction du PCF a organisé un forum à Marseille en novembre 2017, pour le compte du Parti de la Gauche européenne. Sous l’égide d’une vidéo de Tsipras, les dirigeants du PCF et du PGE, en vue des élections européennes, ont illustré leur ligne réformiste de « réorientation » du l’UE du capital et ses institutions. Nous demandons, plus que jamais, la sortie du PCF du PGE, outil d’intégration des partis progressistes à l’UE du capital.

Plutôt que songer à relever le Parti, la direction a repris immédiatement sa recherche d’intégration dans une recomposition politique à gauche. La phase de décomposition-recomposition de la social-démocratie, après les élections de 2017, offre de nouveaux partenaires possibles, moins directement plombés par le bilan de Hollande : le Rocardien Hamon, ministre pendant la réforme ferroviaire de 2014, Maastrichien convaincu ou les rescapés d’EELV, le parti cofondé par Cohn-Bendit. Dans ce contexte, la direction du PCF espère sortir du tête-à-tête avec Mélenchon, les présidentielles passées. Le caractère hétéroclite et la concurrence entre dirigeants de la « France insoumise » (FI) offre aussi d’autres interlocuteurs potentiels. Dans cet esprit, la direction a pris l’initiative d’un meeting, raté, le 30 avril 2018 (Hamon se décommandant au dernier moment). Surtout, elle a officiellement lancé une offre de rassemblement de toutes les forces de « gauche », qui se disent anti-Macron, pour les élections européennes (qu’elles soient pro- ou anti-maastrichiennes).

Dire stop aux combinaisons politiciennes qui accélèrent notre effacement

Pour nous, la question n’est pas de refuser systématiquement des alliances politiques. Mais elles dépendent de l’objectif et leur recherche ne peut être un préalable. Ce qui est un préalable, pour pouvoir s’allier, c’est exister soi-même ! Et le rassemblement prioritaire auquel doit viser un parti communiste, c’est le rassemblement dans la lutte des classes.

Face à la politique au service du Capital, encore accélérée, par Macron, l’orientation maintenue du PCF l’a rendu incapable de contribuer efficacement à la convergence des luttes. La direction s’est inscrite dans les manifestations des samedis 21 septembre 2017 et 5 mai 2018, malgré les réticences de la CGT. Avec les leaders de gauche, en concurrence pour prendre le leadership de l’opposition, ces manifestations politiciennes « pot-au-feu » ont court-circuité l’objet essentiel des convergences de luttes (et de grève). Le samedi 26 mai 2018, la manifestation à laquelle la CGT a appelé à participer, dans des conditions précises, a montré qu’une juxtaposition de luttes diverses ne faisait pas la convergence, notamment autour des cheminots, tandis que les récupérations politiciennes évidentes ont démobilisé. La direction du PCF fait, dans son texte de congrès, un symbole de sa perspective d’union de cette modeste marée.

Agir dans les luttes pour des ruptures immédiates

La lutte des cheminots est appelée à se poursuivre, sans doute sous d’autres formes. Elle était et reste porteuse de très larges convergences : services publics, statuts du travail, retraites. La ligne de la direction du PCF, après le refus de s’opposer frontalement à la réforme ferroviaire de 2014, sans revenir à la collaboration de Gayssot dans le gouvernement de « gauche plurielle », est inapte à construire ces convergences, malgré l’élan de solidarité des communistes vers les grévistes. Aucune initiative nationale, de type pétition ou « votation », n’était envisageable en dehors d’une unité – impossible – de la gauche (hors PS) : voir la réunion du 10 avril « unitaire des partis de gauche et écologique », dont un bon nombre ont soutenu la « réforme ferroviaire » de 2014. Pour la direction du PCF, il n’est pas question non plus de remettre, nationalement, en cause le cadre européen (malgré l’opposition de classe massive à l’UE et, là, sur un sujet économique et social fondamental !). Du coup, sur le fond, elle s’est limitée à évoquer des « dérogations » possibles, notamment dans les régions, aux directives de mise en concurrence. Elle a sorti une pétition aussi peu lisible et mobilisatrice que fausse et abracadabrantesque pour « faire pression sur le BCE pour une réorientation de sa politique de Quantitative Easing en vue de la création d’un fonds européen pour les services publics, notamment le ferroviaire, qui pourrait reprendre la dette de la SNCF ». Le salut par l’UE et la planche à billets ? Alors même, de surcroît, que la question, importante, de la dette n’est pas dans le projet de loi (le gouvernement, ayant gagné sur la concurrence et la transformation en sociétés anonymes, est prêt à la reprendre).

Dans sa logique, la direction a rejeté notre proposition de pétition pour le maintien du monopole public SNCF sur les trains de voyageurs, le retour au monopole pour le fret, la réunification dans un seul établissement public de la SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et pour la défense du statut et des conditions sociales des cheminots. Nous avons dû la déployer à partir de nos organisations de base du Parti. Quel gâchis !

Le vrai congrès extraordinaire sera celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-liquidation ».

A défaut d’être « extraordinaire », le 38ème congrès s’annonce-t-il donc exactement comme les précédents ? Non pas tout à fait. Pour deux raisons. Devant la violence du désaveu électoral, la direction a pris, d’abord, la précaution d’avancer de 6 mois la tenue du congrès normal pour éviter que les communistes se prononcent, au bon moment, en connaissance, sur les candidatures et les ralliements aux élections européennes. Ensuite, les clans dirigeants se divisent sur deux textes, celui adopté par le Conseil national du 3 juin 2017 et celui, alternatif, porté par les « économistes », des ex-huistes, des personnalités comme André Chassaigne et André Gerin, des « identitaires », ralliés par différents groupes trotskystes. Nous dénommerons par la suite ce texte « texte direction-bis » puisqu’il reprend globalement les thèses les plus réformistes, celles des économistes, l’acceptation de l’UE du capital et du PGE, les théories révisionnistes de la « visée communiste » et du « dépassement du capitalisme », inventées sous Hue pour renoncer au socialisme et à la rupture avec le capitalisme. Dans un contexte de lutte des places, illustrée par la scandaleuse tribune de jeunes dirigeants dans la presse bourgeoise pour réclamer des places correspondant à leurs ambitions (le PCF parti comme les autres !), le texte « direction-bis » vise avant tout à faire porter le chapeau de l’échec à Pierre Laurent, son équipe rapprochée et aux choix tactiques qu’ils ont assumés en 2016 et 2017 (dont les « primaires » pourtant défendues par des tenant du texte-bis).

Divisée, la direction du PCF continue à faire l’impasse sur le bilan de 25 ans d’abandons et de reniements des fondements du Parti.

Mais, les deux clans dirigeants s’entendent notamment sur l’entourloupe principale de la préparation du congrès. Toute la préparation des élections européennes est décidée en dehors de l’expression des communistes, c’est-à-dire du vote sur les différentes motions le 6 octobre. La ligne, dans l’axe du PGE, élaborée pour les européennes a été actée par le Conseil national du 31 mars 2018. Un « chef de file » des candidats a été désigné hors de toute procédure statutaire. Il s’agit d’un des « trentenaires » ayant affiché sa disponibilité à ses ambitions. Ian Brossat, symbole de l’alignement sur le social-libéralisme à Paris, se trouve érigé de fait porte-parole du Parti. Le tour de passe-passe consiste à faire croire aux adhérents qu’il y aura une présence communiste autonome aux élections européennes. Après le 6 octobre, même après le congrès lui-même, tous les arrangements à « gauche » seront possibles, indépendamment de l’avis des communistes.

Dans le contexte nouveau, après le résultat des présidentielles, et les nouvelles perspectives de recomposition à gauche, on retrouve le plan B de la consultation de fin 2016 sur les présidentielles, tronquée et non statutaire déjà, sans appel à candidature et dans le refus d’une candidature communiste sur un programme communiste. Le plan A, porté par Pierre Laurent, posait le soutien à Mélenchon. Le plan B, porté notamment par André Chassaigne, proposait d’attendre, de porter une candidature virtuelle, « rétractable », jusqu’au résultat des primaires du PS. Le plan B préférait s’assurer de miser sur le bon cheval, préférait un candidat issu du PS et souhaitait donner une visibilité, même factice, au PCF dans la période. Le plan A a prévalu car il commençait à être clair dans les sondages que Mélenchon, déjà lancé, devancerait Montebourg ou Hamon, que peu voyaient encore en piste.

Il n’a jamais été sérieusement question de présenter un candidat communiste aux présidentielles. Les sondages culminaient à 1 ou 2% comme aujourd’hui, lorsqu’une liste PCF aux européennes est sondée. Comment pourrait-il en être autrement après un tel effacement des positions communistes et le choix de le poursuivre, notamment en étant « eurocompatible » ? Aux européennes, le seuil pour obtenir des sièges, désormais sur une liste nationale est de 5%. Les élections auront lieu en juin 2019, la constitution des listes en mars. Bien après la consultation biaisée des adhérents, les directions pourront combiner et choisir le « bon cheval » ou le moins mauvais pour conserver quelques sièges.

Unis dans cette opération politicienne (meeting Laurent-Chassaigne-Brossat du 2 juillet), les textes du Conseil national et de la « direction-bis » diffèrent très peu – appel au bilan biaisé et partiel, autocritique superficielle, thèmes de diversion, socle idéologique réformiste, sauf dans la charge dirigée par le texte-bis sur le secrétaire national et sa gestion récente. Les deux tendances de la direction se rejoignent désormais aussi dans la condamnation, l’épisode présidentiel passé, du « populisme » de Mélenchon. Dire que lorsque nous avions démasqué le Mitterrandien et Maastrichien Mélenchon, dès 2008, on nous avait qualifiés de calomniateurs…

Un troisième texte, issu d’un autre groupe dirigeant, dont les « refondateurs » et certains idéologues de la Mutation, affiche son attirance pour la FI et sa volonté d’un dépassement de la forme parti en général et d’une disparition maîtrisée du PCF en particulier. Dans leur clarté, ces poissons-pilotes de la liquidation devraient avoir l’honnêteté de quitter le PCF et de laisser ceux qui veulent le continuer.

La FI « populiste », le contraire du parti de classe

Si ce n’avait pas été Mélenchon et la FI, d’autres auraient « plumé la volaille communiste », tant notre Parti est désarmé. Dans notre texte du 37ème congrès, nous avons longuement analysé, de façon très critique, la forme d’organisation prônée par Mélenchon et le Parti de Gauche. La critique est à affiner et à approfondir avec la FI et son succès relatif uniquement ou presque électoral, en partie (seulement) dans la classe laborieuse. Electoralisme, méthodes lobbyistes, fond politique social-démocrate et keynésien (aides ciblées au capitalisme) : les formules, à comparer à celles de Podemos en Espagne, de Syriza en Grèce, ou de « Cinque Stelle » en Italie sont les plus éloignées de notre conception du parti de classe en lien avec les luttes. Dans son ensemble très hétéroclite, qui semble lié par l’opportunisme, le populisme propre de Mélenchon nous est inacceptable quand il rejoint le chauvinisme, fait le lit du populisme de droite et confine à la xénophobie, quand il dénonce « les travailleurs détachés qui mangent le pain des Français » ou conspue les retraités allemands qui saigneraient les peuples du sud. Il n’y a aucun avenir pour des communistes dans la FI !

Le concept historique de « gauche » est mis en question, notamment par certains de la FI qui, comme l’ex-FN (dans les limites du parallèle), se disent ni de droite, ni de gauche. Pour nous le repère historique de « gauche » continue d’exister dans le pays comme ferment progressiste, même si la « gauche institutionnelle » est complètement discréditée et discrédite la notion « gauche », ce qui est grave. Pour autant, Parti communiste, nous nous adressons en priorité, bien sûr d’un point de vue de « gauche » anticapitaliste, aux travailleurs suivant leurs intérêts de classe objectifs, avant leur identification politique.

La lutte des classes traverse aussi le PCF

Notre texte-motion alternative a pour objectif de permettre de sanctionner ces choix des groupes dirigeants du PCF, mais pas seulement. Nous sommes conscients d’à quel point sont consternants, décourageants, pénibles les démêlages des stratégies et calculs politiciens. Nous devons nous faire à l’idée que la lutte des classes traverse, depuis longtemps maintenant, les organisations révolutionnaires historiques de notre pays, dont le PCF. Le PCF, son histoire, son existence, l’existence d’un parti communiste indépendant, entièrement tourné vers l’intérêt des travailleurs dans la lutte des classes, sont devenues des questions de lutte en soi.

La contradiction fondamentale est la même depuis plus de 25 ans et la victoire de la contre-révolution à l’est (ceci constaté indépendamment de nos critiques). L’anticommunisme s’est trouvé considérablement renforcé au point que l’idéologie dominante espère aujourd’hui renvoyer aux oubliettes de l’histoire le seul mouvement politique qui a mis en échec le capitalisme sur une partie du monde.

L’existence et le rayonnement des partis communistes est un enjeu de la lutte des classes.

Les partis communistes ont tous subi la déflagration. Ils ont réagi en fonction du niveau de leur intégration dans la démocratie bourgeoise et de leur ancrage dans la lutte des classes. Après souvent des luttes internes douloureuses, des partis sont clairement restés communistes : le KKE en Grèce, le PCP au Portugal, les « petits » partis luxembourgeois ou allemand, le PC du Venezuela, etc. D’autres appareils dirigeants ont fait aussitôt leur « coming out » socio-démocrates, en Suède, dans la plupart des pays de l’Est, et surtout en Italie allant jusqu’à se convertir en parti démocrate à l’américaine. L’étude comparée de ces situations est un point très important de notre démarche.

En France, les nouvelles directions successives se sont retrouvées devant une contradiction qu’elles n’ont pas encore surmontée. La préservation des fortes positions institutionnelles, héritées de l’Union de la gauche, a largement prévalu et, pour cela, elles ont courbé l’échine devant l’idéologie dominante. Les reniements en série au moment de la « gauche plurielle » en ont été le révélateur. Mais elles n’ont jamais réussi à changer le nom du Parti. C’était exclu au congrès de 1991. La tentative a avorté avant le congrès de 2000. La tentative, même, d’autodissolution après juin 2007 a été retirée. Notre appel d’alors « Pas d’avenir sans PCF » y a beaucoup contribué.

Elles se sont heurtées à la résistance des adhérents, même après le sabordage des organisations de base, les cellules. Le PCF a perdu de l’ordre de 90% de ses adhérents de 1995 en nombre, et encore davantage en militants. Elles sont heurtées au fait historique PCF, à ce que le Parti des grandes conquêtes sociales et de la Résistance, notamment, continue à représenter dans l’inconscient intellectuel du pays. L’appareil dirigeant a compris qu’il perdait tout s’il cessait d’être le dépositaire, ingrat, de ce glorieux héritage.

Une solution s’est alors imposée : rester gardiens du PCF, mais l’effacer dans un ensemble, dans une recomposition politique à « gauche ». Plusieurs scénarios ont été et sont toujours, plus que jamais, envisagées, concurrents ou complémentaires, impliquant tous l’effacement du PCF : gauche plurielle avec tout le PS, maintenant avec une partie ou les ex-PS et EELV, « maison commune de la gauche », « collectifs antilibéraux », « front de gauche » etc. La liste « Bouge l’Europe » en 1999 avait déjà donné un avant-gout caricatural de cette stratégie.

Après l’échec de la candidature unique des « collectifs anti-libéraux » en 2006, la direction est allée chercher Mélenchon pour créer avec lui, en 2008, en parallèle du 28ème congrès, et en doublant les communistes (encore une fois), le « Front de gauche ». La suite de l’histoire est rappelée plus haut.

« Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre sa direction »

Nous sommes lucides sur les effets de tant d’années de reniements. Le Parti est en déliquescence. Sa vie a disparu de la plupart des localités, presque complètement des entreprises. Elle se limite à la préparation des élections dans d’autres, à des élus, souvent (pas toujours) coupés de base.

Les directions successives portent, de façon absolument incontestable, la responsabilité de la destruction du Parti. Nous ne nous sommes jamais fait l’illusion de « remettre sur les rails de la lutte des classes » ces directions. Leur survivance institutionnelle implique de lui tourner le dos, de « transformations en transformations ». Le slogan de ce congrès « révolutionner le Parti », et non le système, révèle la perspective de tourner en rond et de s’enfoncer.

Tout observateur peut vérifier ce processus. Nous ne le contrerons pas en faisant des choix illusoires du moindre mal, de congrès « de la dernière chance » en congrès de la « dernière chance ». L’expérience est déjà faite, s’ajoutant à l’analyse.

Face au capital, aujourd’hui plus que jamais, notre peuple a besoin du PCF !

Nous voulons maintenir un parti communiste en France, issu du marxisme et du léninisme, de l’organisation du mouvement ouvrier français qu’ils ont fécondée depuis 1920. Pour cela, nous ne lâchons pas et ne lâcherons pas la bataille du PCF, de ce qu’il représente d’historiquement irremplaçable, dans la population, dans la classe ouvrière, dans le mouvement syndical d’origine révolutionnaire. La bataille pour la légitimité de ce que représente le PCF doit aller jusqu’au bout.

Nous appelons, à nouveau, les communistes, qui ont quitté le PCF ou, cas le plus fréquent, en ont été écartés mécaniquement, faute de fonctionnement, à se réapproprier le Parti, cellule par cellule, section par section. Nous entendons et affirmons vouloir, mieux que précédemment, appuyer ce processus, en partant de la base, avec une visibilité nationale. Les communistes et ceux qui n’aspirent qu’à le devenir sont plus forts que les directions gestionnaires de la faillite.

Relancer partout l’action communiste

La démarche que nous mettons en avant est loin d’être uniquement critique, c’est avant tout une démarche constructive, une démarche de RECONSTRUCTION du PCF à partir des luttes. Notre démarche reste une coordination respectant la situation de chaque organisation du PCF et militant. Nous revendiquons d’être identifiés nationalement comme « RECONSTRUCTEURS » dans le PCF (maintenant qu’une expérience complètement différente portant ce nom est tombée dans l’oubli).

C’est dans ce sens que nous avons abordé, depuis nos organisations locales du PCF et leur coordination, les batailles essentielles contre la politique au service du capital de Hollande, puis de Macron, depuis le dernier congrès. C’est dans ce sens que nous envisageons la suite des grandes batailles en cours et qu’annonce le pouvoir.

Nous nous reconnaissons dans la formule que prononça le grand résistant communiste André Tollet lors d’une conférence de presse, en 1999, de camarades décidés, déjà, à combattre la ligne de mutation-liquidation du Parti. Certains d’entre nous y participaient. « Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre (malgré) sa direction ». Pour nous, ce n’est pas qu’une formule. C’est une pratique essentielle. Le cas général, en partant des priorités de la lutte, ce n’est ni « avec », ni « contre » mais « sans ». Les directions du Parti ont abandonné le terrain de classe, l’animation du Parti de classe et de masse. Leurs transformations en ont fait un parti de postures, replié sur les enjeux électoraux et institutionnels. Nous l’avons analysé comme un choix politique méthodique de dévitalisation, des années 1990 à aujourd’hui (« révolutionner le Parti » !). Pour autant rarement, sauf sur l’UE, la direction n’est en état de désavouer officiellement les positions « naturelles » des communistes, celles que les travailleurs attendent d’eux. Elle ne les défend plus. Elle les substitue par un galimatias réformiste, notamment produit par les « économistes ». Elle les contredit par ses pratiques dans ses compromis et compromissions dans les organes exécutifs, gouvernement de « gauche plurielle », régions, etc. Mais elle se trouve rarement en état de s’opposer ouvertement à ces positions. A nous de les tenir, dans cette contradiction, pour faire vivre l’organisation communiste, pour rester fidèles à notre engagement.

Développer un programme communiste dans une perspective de rupture avec le capitalisme: le socialisme

Notre priorité est l’orientation du Parti. Nous utilisons tous les moyens d’expression, sites internet, échanges de matériels de propagande, appels nationaux pour aller dans cet objectif. Pour l’essentiel, nous continuons à affirmer et mettre en débat les analyses de notre texte du 37ème congrès, annexé à celui-ci.

Notre campagne récente, avec la pétition nationale pour le maintien du monopole public SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et la casse, avec celle du statut, des conditions de travail des cheminots en est l’illustration.

De même, nous impulsons une large campagne rassembleuse, par toujours partant de nos préoccupations prioritaires, mais ne s’y opposant pas, contre le « prélèvement à la source », la hausse de la CSG, la perspective de fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG.

C’est une bataille capitale, de l’ordre de celle que le PCF, seul, en 1990 a mené contre le gouvernement Rocard, mais aujourd’hui dans un cadre aggravé de remise en cause du financement de la sécurité sociale par la solidarité et la cotisation sociale.

Plus que jamais, la défense de la production répondant aux besoins, dans le cadre social national, est notre revendication. Le cas d’Alstom, filière énergie, comme filière ferroviaire a soulevé les possibilités de mobilisations populaires. La nationalisation, en régime capitaliste, n’est pas toujours le remède, si elle n’est que la nationalisation des pertes. Dans une possibilité d’élévation du rapport de force dans le pays, suivant les exemples de 1936 et 1945, elles restent une solution que le Parti soit défendre.

Nous renvoyons les camarades vers notre texte précédent pour les grandes campagnes de luttes en cours.

Le capitalisme n’a plus besoin de la démocratie bourgeoise ?

L’avènement de Macron, suite à une manipulation de l’idéologie dominante a permis, momentanément, au système de contourner la crise de la démocratie bourgeoise, de l’alternance gauche institutionnelle/droite menant la même politique. Nous avons analysé l’effondrement de la social-démocratie comme le résultat de la dégradation du rapport de classe mondial et national et de la disparition ou de l’effacement des partis communistes. Macron concentre le ventre mou de ceux qui pensent qu’ils ont le moins intérêt à ce que les choses changent. Est-ce durable ? C’est douteux.

Le risque figuré par les exemples voisins est celui d’une alliance électorale, dans un contexte général de dépolitisation, à droite, notamment sur les questions, mises en avant de migration. Notre riposte, plus que jamais, implique, au plan national et internationaliste, la recherche de la concordance sur la base de l’intérêt de classe de chacun. A la fois contre les guerres impérialistes, les exploitations, et contre la mise en concurrence des travailleurs.

Le capitalisme mondialisé, c’est la guerre

La montée des tensions inter-impérialistes mondiales fait monter les risques d’affrontements voire de guerre. Communistes, nous devons mesurer ce que représente l’élection de Trump comme président des Etats-Unis et la lutte politique interne, inédite, qui a traversé le capitalisme américain entre Hillary Clinton et Trump. Elle se poursuit. La puissance capitaliste, encore dominante, est traversée par une contradiction interne qu’il nous faut mesurer, entre option nationaliste et option « cosmopolite ».

Notre parti doit reprendre son combat contre l’impérialisme et pour la paix

Notre campagne pour la paix, historiquement contre notre propre impérialisme, pour le désarmement unilatéral de la France, nucléaire et non-nucléaire, pour la sortie de l’OTAN et des politiques de défense européennes est notre priorité. Quel sens peut avoir la perspective d’un monde multipolaire ? Hier, le bloc socialiste, divergent sur le fond du bloc capitaliste, pouvait représenter un équilibrage. Aujourd’hui, suivant notre interprétation du développement capitaliste chinois, nous risquons d’être exposés à une montée des blocs impérialistes, et de leurs alliances conflictuelles, comme avant 1914.

Notre conception du socialisme charpente nos luttes

D’ici le prochain congrès, nous célébrerons le 100ème anniversaire du congrès de Tours et de la fondation de notre parti. Ces derniers mois ont vu les commémorations, malheureusement modestes, du centenaire de la Révolution d’Octobre et du bicentenaire de la naissance de Karl Marx auxquels nous avons cherché à donner le plus d’échos possible.

Nous n’oublions pas que le PCF que nous voulons continuer est issu d’une triple origine : premièrement, l’organisation et l’expérience nationales du mouvement ouvrier, notamment certaines étapes de la Révolution française, la Commune de Paris, après 1920, les grandes conquêtes sociales, la Résistance, les combats anticoloniaux, deuxièmement les théories de Marx et d’Engels ET, troisièmement, la conception léniniste du Parti. Le marxisme et le léninisme ont fécondé le mouvement ouvrier français et abouti, dans le cadre de la lutte des classes mondiale, à l’organisation ouvrière anticapitaliste la plus efficace, dans notre pays, dans l’intérêt des travailleurs et de la population.

Nous avons pu, en pleine lutte cheminote, envoyer des délégations à Trèves pour la manifestation du Parti communiste allemand, le 5 mai 2018, jour de l’anniversaire de Marx. Le raccourci d’expérience fut saisissant. Quelques fanatiques divers de l’anticommunisme associaient Marx à des crimes contre l’Humanité. Mais l’idéologie dominante, notamment par la voix du Président de la Commission européenne, Junker, ou par les dirigeants allemands, pas seulement socio-démocrates, n’ont pas hésité à commémorer Marx, pour mieux le renvoyer vers un passé révolu, un musée de la philosophie. Pour sa part, le pouvoir chinois a célébré en grandes pompes l’anniversaire. Un résumé caricatural peut en être : les enseignements du marxisme nous ont montré comment le capitalisme permettait de hausser les moyens de production, de s’enrichir – nous avons déjà gagné le socialisme – nous utilisons, momentanément, le capitalisme. L’expérience chinoise, dans laquelle nous ne pouvons pas nous reconnaître, appelle toute notre attention, sur ce plan théorique aussi.

L’actualité des théories de la plus-value, de la baisse tendancielle du taux de profit, de la crise capitaliste, de la lutte des classes comme moteur de l’histoire, que nous devons à Marx et Engels, est pour nous évidente. Nous affirmons que, plus que jamais, elles doivent faire l’objet d’une diffusion et d’une étude de masse.

Plus que jamais, l’exigence de rupture avec le capitalisme !

En juin 2008, Marie-George Buffet affirmait à propos du Congrès de Tours : « Nous sommes au 21ème siècle, le monde a changé, les modèles se sont écroulés. Aussi, dans cette belle ville de Tours, si nous ne retenions de son célèbre congrès qu’une seule chose : le formidable espoir, cette énorme volonté politique de la part de nos camarades de construire une société meilleure. » En novembre 2017, Pierre Laurent déclare : « Le communisme, pour nous, c’est précisément le mouvement continu de cette émancipation humaine contre toutes les dominations, toutes les aliénations. C’est un mouvement continu de conquête démocratique… »

Comment peut-on être révolutionnaire sans envisager de rupture ? Comment peut-on conquérir des progrès immédiats pour les travailleurs et le peuple sans, dans le cadre de la lutte des classes, porter des ruptures, une perspective de rupture avec le capitalisme ? C’est impossible.

Pour nous cette rupture porte toujours le nom de socialisme. Et sa conquête a besoin d’un outil politique: le Parti communiste.

La différence entre réformisme et révolution est toujours fondamentale.

En 1920, nos glorieux aînés faisaient le choix, longuement débattu, d’adopter les 21 conditions de l’adhésion à l’Internationale communistes. Certaines sont devenues obsolètes. Mair remettre, encore et toujours, en débat, celles qui sont essentielles et d’actualité est notre préoccupation première de communistes, au 21ème siècle.

Nous mettrons toute notre énergie à une célébration du 100ème anniversaire du PCF, en décembre 2020, qui réaffirme toute l’actualité de son organisation révolutionnaire.

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes » Karl Marx – Manifeste du Parti communiste »

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CGT : Philippe Martinez a tort d’assimiler les migrants aux ouvriers

En publiant une tribune dans le quotidien Le Monde, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez s’adresse à la bourgeoisie « de gauche » et lui apporte son soutien quant à l’utilisation des migrants comme thème électoral.

Philippe Martinez CGT

Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a publié une tribune dans Le Monde. Mais les ouvriers ne lisent pas Le Monde. Et sur internet, l’article est en accès payant. Est-ce normal ? Absolument pas, et cela d’autant plus qu’il parle au nom de la CGT elle-même :

« La CGT, présente au cœur des entreprises et des services, forte de son expérience en faveur des travailleurs migrants, tient à rétablir un certain nombre de vérités. »

Mais c’est qu’il ne s’adresse pas aux ouvriers, seulement aux bourgeois « de gauche ». Et il leur parle d’immigration justement, avec un discours très similaire au « manifeste pour l’accueil des migrants », publié parallèlement par Politis, Regards et Mediapart.

Selon lui, pareillement, les migrations sont incontournables :

« Le fait migratoire est un phénomène incontournable, stable et continu dans l’histoire de l’humanité. Prétendre que l’on peut stopper ou maîtriser les mouvements migratoires est un leurre politicien et une posture idéologique. Les plus hauts murs n’empêcheront jamais des personnes de fuir, au péril de leur vie, la guerre, la misère économique ou les persécutions. »

Il est sans nul doute très grave qu’un dirigeant syndical mette en avant le thème des migrants dans une optique électoraliste, avec les élections européennes en ligne de mire… Il agit ici de manière bien nette en faveur de la Gauche post-industrielle, post-moderne qui a besoin de « nouveaux sujets » à défendre… Du moment qu’il ne s’agit pas des ouvriers.

On retrouve d’ailleurs, dans le même mensonge que le « manifeste pour l’accueil des migrants », l’assimilation par Philippe Martinez des concepts de migrants à ceux de réfugiés, ce qui est honteux.

Lire également : Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » : antipopulaire par excellence

Cela aboutit inévitablement à un populisme tout à fait erroné, qui fournit des armes à l’extrême-droite dans les rangs ouvriers. Car le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez assimile les migrants à des ouvriers.

« Nous ne faisons pas face à une invasion de migrants et notre pays doit accueillir humainement et dignement ceux qui fuient leurs pays. Cela se nomme la fraternité.

Ces salariés font partie intégrante de la classe ouvrière ! »

Or, c’est totalement erroné, car même en admettant que des migrants aillent à l’usine – ce qui ne sera que rarement le cas – cela n’en ferait pas des ouvriers pour autant : formellement, ce serait le cas, mais leur existence serait tout de même coupée encore de la classe ouvrière, de ses traditions. C’est d’ailleurs là l’intérêt de l’immigration pour le patronat.

Ce qui est d’ailleurs valable ici pour les migrants l’est pour toute personne ayant une origine non ouvrière et basculant dans la classe ouvrière : il faut du temps pour prendre ses marques, ses repères, absorber les valeurs ouvrières. D’où les perpétuelles restructurations organisées par le capitalisme pour empêcher la reconnaissance entre ouvriers, l’émergence d’une pensée commune, l’organisation commune.

> Lire également : La lettre de Georges Marchais suite à l’expulsion des maliens du foyer de Vitry

D’où l’immigration, non seulement dans les usines, mais en général, et notamment dans les quartiers populaires. Il en va d’une main d’œuvre bon marché, mais également avec un faible niveau de conscience politique, une coupure avec les réalités du pays. Il faut alors de nombreuses années, voire une vie afin qu’une connexion se fasse.

Cela, la Gauche l’a toujours su… quand elle avait des idéaux, ou plus exactement un idéal : l’instauration du socialisme ! Philippe Martinez est coupé de cette tradition. Mais qu’attendre d’un chef syndical, dans un pays où tous les syndicats se revendiquent de la charte d’Amiens de 1906 qui rejette tout débat politique, réduisant les syndicats à des organes traitant les choses sans envergure, simplement localement, ou par branches, divisant la classe ouvrière et le peuple ?

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Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » : antipopulaire par excellence

Les médias de la gauche postindustrielle Politis, Regards et Mediapart ont publié un « manifeste » en faveur de « l’accueil des migrants », signé par 150 figures de la bourgeoisie intellectuelle. Assimilant de manière outrancière migrants et réfugiés, dénonçant comme facho qui propose tout type de régulation, le manifeste exige qu’on accepte totalement un phénomène migratoire considéré comme inéluctable et massif à l’avenir.

Pour juger d’une chose, il faut voir de qui elle vient. Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » a comme source des philosophes, des écrivains, des professeurs de grandes écoles, des comédiens, des avocats, des éditeurs, des historiens, des sociologues, des présidents d’associations… Cela veut tout dire.

Face aux phénomènes modernes, la gauche postindustrielle, postmoderne, n’a qu’une seule thèse : accompagner. La PMA, la GPA ? Incontournable, il faut accompagner. Le cannabis ? On n’y peut rien, accompagnons. Les migrations ? Il faut accepter et accompagner… C’est la négation de toute utopie, de toute planification, de toute régulation et surtout de toute autorité de gauche, au profit d’un vrai libéralisme sur le plan de la culture, des mœurs, des normes, des principes.

Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » publié par Politis, Regards et Mediapart est un exemple de ce discours. Alors que nous vivons depuis de nombreuses années maintenant dans une Union Européenne qui a fait tomber les frontières pour mieux faire avancer le capitalisme, les 150 signataires de ce manifeste prétendent que ce serait révolutionnaire que de refuser toute régulation :

« Il est illusoire de penser que l’on va pouvoir contenir et a fortiori interrompre les flux migratoires. À vouloir le faire, on finit toujours par être contraint au pire. La régulation devient contrôle policier accru, la frontière se fait mur. Or la clôture produit, inéluctablement, de la violence… et l’inflation de clandestins démunis et corvéables à merci. Dans la mondialisation telle qu’elle se fait, les capitaux et les marchandises se déplacent sans contrôle et sans contraintes ; les êtres humains ne le peuvent pas. Le libre mouvement des hommes n’est pas le credo du capital, ancien comme moderne.

Dans les décennies qui viennent, les migrations s’étendront, volontaires ou contraintes. Elles toucheront nos rivages, et notre propre pays, comme aujourd’hui, aura ses expatriés (…). Nous ne composerons pas avec le fonds de commerce de l’extrême droite. La migration n’est un mal que dans les sociétés qui tournent le dos au partage. »

Cela n’est pas de gauche, la Gauche a toujours historiquement considéré les migrations comme un problème, tant pour les travailleurs qui émigrent et perdent leurs familles, leur propre pays, que pour les travailleurs du pays d’accueil qui voient une main d’œuvre bon marché utilisée comme levier pour affaiblir les salaires et diviser les travailleurs en général.

Sous couvert de solidarité, le « Manifeste pour l’accueil des migrants » ne sert qu’à accompagner le pillage des pays du tiers-monde et le dumping social des patrons. De quel accueil parle-t-on de toutes façons ? Les 150 signataires relèvent d’ailleurs de cette nouvelle Gauche pressée de nier l’existence de la classe ouvrière et vivant confortablement, surtout à Paris. Ce sont des philosophes, des écrivains, des professeurs de grandes écoles, des comédiens, des avocats, des éditeurs, des historiens, des sociologues, des présidents d’associations. Vont-ils accueillir qui que ce soit ?

> Lire également : La fausse gauche et les migrants de l’Aquarius

Et il y a un autre problème, c’est cette fixation sur les migrations. Les signataires prétendent que les migrations ne sont pas un problème. Pourquoi alors en faire un thème en cette rentrée 2018 ? Les signataires prétendent qu’il y en a qui font des immigrés des boucs-émissaires et des migrations la cause de tous les maux. Soit, c’est ce que fait le Front National, désormais Rassemblement National, depuis près de 40 ans. Est-ce là quelque chose de nouveau ?

Non, en réalité, ce manifeste n’est là que comme contribution au discours en faveur des migrations, en faveur de ce thème de la migration devant empêcher l’émergence de la question ouvrière. Les signataires font d’ailleurs exprès d’assimiler les termes de réfugiés et de migrants, qui n’ont rien à voir.

Les médias favorables à ce manifeste n’ont eu d’ailleurs de cesse ces derniers jours de bombarder de fausses accusations le mouvement allemand Aufstehen de Sahra Wagenknecht, l’accusant d’être une expression raciste à gauche de la Gauche. Scandaleux, vain, ridicule ! Mais qu’attendre de mieux de bourgeois vivant à l’écart du peuple, dans des forteresses intellectuelles entièrement institutionnelles, avec des mœurs n’ayant rien à voir avec celles du peuple, sans parler bien entendu de la vie quotidienne ?

> Lire également : La « gauche » postindustrielle en panique devant Aufstehen

Peut-on réellement leur expliquer que le capitalisme maintient les frontières tout en les faisant tomber en même temps, car l’expansion du capitalisme est à la fois naturelle, sans frontières, et en même temps vecteur d’une concurrence dont les États sont les cibles ? Peut-on leur dire que lorsque des grandes entreprises à l’esprit conquérant contrôlent des États, cela produit les guerres ?

Non, cela est bien trop dialectique pour eux. Leur raisonnement est qu’il faut soutenir la Gauche post-industrielle, post-moderne, pour les élections européennes. Afin de pouvoir, depuis les cafés parisiens, continuer de donner des leçons de morale au monde entier, et de continuer à ce que soit niée l’existence de la classe ouvrière.

> Lire :  Gauche postindustrielle : le « Manifeste pour l’accueil des migrants »

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Delphine Batho préside Génération Écologie et abandonne la Gauche

Alors qu’elle annonçait son départ du Parti socialiste, Delphine Batho avait expliqué en mai 2018 qu’elle prendrait la tête du mouvement Génération Écologie. Sa présidence est maintenant officielle depuis la convention nationale de Nantes le dimanche 9 septembre 2018. De ce fait, elle abandonne sa tradition politique de gauche et rend caduque sa démarche au service de l’écologie.

Delphine Batho a un parcours de gauche tout à fait typique. Elle a présidé l’organisation lycéenne FIDL, s’est faite remarquer pendant un mouvement de jeunesse concernant l’éducation en 1986 puis a assuré la vice-présidence de SOS racisme, avant de devenir cadre du Parti socialiste.

Elle a voulu se présenter à la direction de ce parti en janvier 2018, et présidait le groupe « Nouvelle Gauche » à l’Assemblée Nationale avant son départ en mai 2018.

Une écologie non partisane

C’est donc un revirement qu’elle opère en rejoignant une organisation marquée à droite, qui a par exemple produit le Ministre et soutien fidèle d’Emmanuel Macron, François de Rugy. Cela d’autant plus que lors de l’écartement de sa candidature à la direction du Parti socialiste en janvier dernier, elle parlait encore de la Gauche et s’exprimait par rapport à la Gauche.

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En fait, Delphine Batho est typique de ces politiques qui ont fait ou voulu faire de l’écologie un thème en tant que tel, de manière non partisane en apparence, mais tout à fait soumise à la réalité sociale et économique du capitalisme en réalité.

Les membres des « Verts » ont historiquement toujours vu ce problème et ont systématiquement cherché à justement s’affirmer « de gauche », bien que cela a en fin de compte surtout servit l’opportunisme de quelques individus.

Le discours de Delphine Batho n’est pas celui-là. Elle explique maintenant que :

« Génération Écologie devient le parti de l’écologie intégrale. Pour nous, c’est l’impératif écologique qui doit déterminer toutes les décisions de politique économique, les choix sociaux éducatifs, culturels, etc. On est en rupture complète avec les visions qui voient l’écologie comme un département ministériel parmi d’autres. On met cet enjeu au centre de tout. Nous voulons faire émerger une force nouvelle dans le paysage politique. »

L’écologie est présentée comme ayant une existence propre, se suffisant à elle-même, en dehors des cadres idéologiques traditionnels.

C’est une définition anti-politique, qui revient à neutraliser la question écologique en lui ôtant sa dimension subversive et critique vis-à-vis du système en place. Et en se rendant volontairement vulnérable par rapport à la Droite sur le plan politique et sur le plan des valeurs.

Écologie et utopie de gauche

Pour la Gauche, le socialisme est censé représenter le projet de société de manière globale, intégrant toutes les questions, tous les sujets. L’écologie, de ce point de vue, n’est qu’un aspect de la critique du capitalisme puisque c’est l’essence même de l’économie de marché et de la privatisation des profits qui empêche d’adopter un rapport correct à la Nature.

Il y a eu, et il y a encore, la nécessité d’avoir une affirmation culturelle écologiste spécifique. C’est indispensable pour les personnes afin de porter un style de vie et une radicalité subjective à la hauteur des enjeux historiques pour la planète Terre. C’est aussi nécessaire politiquement, parce que sans ça les exigences écologiques peuvent rapidement fondre ou être relativisées par rapport à telle ou telle nécessité économique ou sociale.

Pour autant, cette affirmation culturelle écologiste ne suffit pas. Ce n’est qu’un aspect de la critique et de l’utopie de gauche.

La démarche portée par Génération Écologie est exactement l’inverse de cela.

Culturellement, on peut dire que c’est le grand vide, et politiquement il n’y pas de rapport avec les classes populaires et la classe ouvrière. Il n’y a pas du tout un style, une attitude « écolo », mais plutôt un appareil politique intégré aux institutions et abordant la question de manière technique, bourgeoise.

La preuve d’ailleurs est que cette organisation qui revendique 2000 membres n’est pas capable d’avoir un site internet digne de ce nom proposant un véritable contenu. Sa seule actualité est en fait de soutenir Nicolas Hulot, puis de souhaiter « bon courage» à François de Rugy qui le succède au ministère de la transition écologique et solidaire.

Il faut en effet une grande arriération sur le plan culturel pour s’imaginer comme elle le fait qu’en 2018, « l’écologie est de plus en plus majoritaire culturellement dans la société ». Bien sûr que les gens en général ne veulent pas laisser une planète poubelle à leurs enfants ou peuvent-être affectés par exemple à l’idée que les océans sont de plus en plus des grandes poubelles à la merci du plastique de l’industrie.

Mais enfin cela ne suffit pas à faire un engagement culturel permettant le changement. C’est au mieux un constat pessimiste n’aboutissant pas à grand-chose, quand ce n’est pas finalement un prétexte au cynisme et au relativisme.

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Delphine Batho se retrouve là car elle a échoué à gauche. Elle n’a jamais fait le choix de la radicalité mais a toujours pensé que le système était réformable, qu’on pouvait arriver à quelque chose avec les institutions et les grandes entreprises.

Elle s’est donc retrouvé confronté à des enjeux immenses, sans avoir les moyens d’y faire face. Sur le plan personnel, elle a très mal vécu de se retrouver confrontée à des lobbies. C’était d’ailleurs l’objet de son éviction du Ministère de l’écologie sous François Hollande, après qu’elle avait critiqué le budget de son administration et compris que cela répondait à des influences privées.

« Est-il normal que le PDG de Vallourec, Philippe Crouzet, ait annoncé ma chute prochaine voilà des semaines aux États-Unis ? » avait-elle demandé de manière franchement dégoûtée à l’époque.

Son point de vue et sa démarche sont strictement équivalents à ceux de Nicolas Hulot. Il y a la même focalisation sur la question des lobbies, la même « neutralité » transpartisane, et surtout la même incapacité à être à la hauteur des enjeux malgré des constats tout à fait pertinents et réalistes.

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Une radicalité dans la forme seulement

En abandonnant la Gauche, Delphine Batho abandonne aussi sa capacité à se rendre utile et à servir la planète Terre. Sa démarche restera peut-être confidentielle, mais elle risque aussi de faire perdre beaucoup de temps et d’énergie écologiste.

Le problème avec des gens comme Delphine Batho, c’est que le discours propose une grande radicalité dans la forme, mais il n’y a pas derrière les moyens idéologiques et culturels de les assumer.

Cela est tellement évident lorsqu’on lit une telle déclaration, engagée en apparence, mais tellement naïve et soumise au mode de production capitaliste quand on voit ce qui est proposé ensuite :

« L’anthropocène, c’est la guerre. C’est le nom qu’on donne à cette nouvelle ère, dans laquelle nous sommes, en train de détruire le vivant et les conditions qui permettent l’existence humaine sur terre. Aucune institution internationale, aucune institution démocratique ne résistera aux guerres pour l’énergie, pour l’eau. On voit ce que cela entraîne aujourd’hui en termes d’impact sur les mouvements de population et migratoires. C’est une logique de déstabilisation profonde de toutes les sociétés et des institutions démocratiques.

Pour moi, c’est ça le vrai clivage. Il est entre les Terriens, c’est à dire ceux qui sont lucides sur cette situation et qui veulent y apporter une solution et ceux qui sont dans le camp des « écocideurs », qui font preuve ou d’aveuglement ou, c’est plus grave, de cynisme, dont le chef au niveau planétaire est Donald Trump. »

Et donc, plus loin :

« Génération Écologie, c’est le contraire des Verts. Ils ont eu leur chance et l’ont laissé passer. Ils sont devenus un des partis de gauche. Moi, j’inscris l’écologie intégrale dans la définition d’un nouveau clivage entre ceux qui sont les promoteurs des logiques destructrices de l’anthropocène et ceux qui sont des Terriens. Les Verts, ils ont passé leur temps à taper sur Nicolas Hulot au lieu de l’aider, de créer les rapports de force dans la société, dans le paysage politique, pour pousser. Comme je l’ai fait sur les néonicotinoïdes, sur le glyphosate. Ils ont passé leur temps à l’affaiblir.

Ça n’a pas rendu service à la cause et donc, en fait, la direction nationale des Verts est devenue une machine à trahir l’écologie. Et ils ne se sont jamais attelés à la question fondamentale qui est, et c’est mon projet, comment on rend l’écologie majoritaire en France. Avoir un président de la République qui soit pour l’écologie, un Premier ministre qui soit pour l’écologie, un ministre des Finances qui soit pour l’écologie, etc. Et ça ça passe par un travail de fond sur la crédibilité économique et sociale d’un projet qui place cette question-là au centre de tout. »

Delphine Batho critique ouvertement la Gauche et s’écarte de la tradition de changement politique vers le socialisme, vers une société nouvelle débarrassée du profit individuel et des valeurs de la bourgeoisie.

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« Le communisme est la question du XXIe siècle »

Dans le cadre de son congrès extraordinaire du 23 au 26 novembre 2018, le Conseil National du Parti Communiste Français propose un texte devant servir de base commune de discussion.

Ce texte est censé refléter et synthétiser le point de vue majoritaire des adhérents. Il représente en l’occurrence surtout le point de vue de la direction incarnée par Pierre Laurent et Ian Brossat. Il n’a été voté que par 49 des membres du Conseil National sur 91 votants et 168 membres, ce qui montre qu’il y a d’importantes tensions au seins de ce parti.

La proposition du base commune que nous reproduisons ci-dessous sera soumise au vote des adhérents du PCF avant le congrès. Ceux-ci pourront choisir entre celle-ci ou l’une des trois autres bases communes alternatives ayant obtenus une reconnaissance officielle. Deux autres textes ont été proposé mais n’ont pas recueillis les critères suffisants. Ils ne sont que des contributions sans caractère officiel.

Rédigé sous la forme de 48 thèses, ce texte de la direction du PCF est très généraliste et vague, il n’affirme pas grand chose. Il y a cependant une  orientation « européenne » très affirmée.

Le texte ne s’inscrit clairement pas dans la tradition du mouvement ouvrier et de la classe ouvrière. Le mot « ouvrier » n’est présent que deux fois. Une fois de manière vague en parlant de « mouvement ouvrier » et une autre fois pour diluer « l’ouvrier » dans « la classe des salarié·e·s ».

PCF Proposition de base commune du conseil national

 

Le communisme est la question du XXIe siècle

 

BASE COMMUNE DU CONSEIL NATIONAL

Nous entrons dans un moment historique d’immenses bouleversements. Depuis plusieurs décennies, les puissances du capital ont renforcé leur mainmise sur le monde, allant même jusqu’à répandre le mythe de leur domination éternelle : la « fin de l’histoire ». La crise systémique qui touche désormais le capitalisme fracasse sous nos yeux cette légende  : l’histoire a repris sa marche. Dans les convulsions de notre époque et alors même que de nouveaux krachs menacent, rien n’est écrit du futur de notre planète et de notre humanité : les forces du capital cherchent par tous les moyens la voie de la préservation de leur domination, ne reculant devant aucune guerre, aucun pillage, aucun saccage ; les courants réactionnaires se déchaînent, des mouvements populistes se présentent comme des recours… N’en chemine pas moins, objectivement, la nécessité du dépassement du capitalisme, tout comme l’ambition de dépassement des systèmes de domination patriarcal et raciste qui s’imbriquent pour le pire. Beaucoup d’alternatives se cherchent, se tentent, se construisent, depuis la mobilisation mondiale des femmes avec le mouvement #metoo/balancetonporc jusqu’aux expérimentations des fablabs, en passant par la lutte des Togolais·es·pour leur liberté, les jeunes États-unien·ne·s mobilisés pour l’interdiction des armes, le mouvement social pour la défense du service public ferroviaire, les mobilisations antiracistes ou le prix Nobel de la paix octroyé aux militant·e·s de l’interdiction des armes nucléaires.

En France, cependant, alors même que l’autoritarisme d’Emmanuel Macron est fortement contesté, le parti qui porte en son cœur cette alternative de dépassement a essuyé dans la dernière période des revers historiques qui exigent de produire toute la nouveauté que la période appelle, changer résolument tout ce qui doit l’être pour entrer, à la hauteur des défis de notre monde, dans un nouveau siècle. C’est la raison profonde de notre congrès extraordinaire. Il nous faut trouver les voies d’essor de ce communisme de nouvelle génération qui conjugue démocratie poussée jusqu’au bout et orientation révolutionnaire visant à sortir enfin de la société de classe, à relever jusqu’au bout le défi écologique, à assurer la paix et le libre développement de la personne humaine dans toutes ses dimensions. Ainsi, pour le PCF, le moment est venu de déployer hardiment le combat communiste, de renouveler en profondeur sa stratégie politique et d’engager toutes les transformations nécessaires de son organisation.

Le capitalisme nous entraîne au désastre

Thèse n° 1 : Le capitalisme est aujourd’hui un frein majeur au développement de l’humanité.

L’humanité a atteint un stade de développement qui lui permet de répondre à des défis hier encore inimaginables, de la sonde Rosetta posant Philae à 510 millions de km jusqu’au développement inédit des nanotechnologies. La révolution numérique amplifie chaque jour cette dynamique. Pourtant, maints grands besoins de l’humanité restent sans réponse alors que nous disposons, comme jamais jusqu’ici, des savoirs, savoir-faire et ressources pour y répondre. C’est la folle boussole du capitalisme, aimantée par le seul taux de profit, qui est aujourd’hui cette criminelle cause de souffrances et d’humiliations, cet insupportable frein au développement de toute l’humanité qui nous empêche de faire ce que nous concernent des pouvons et savons pourtant faire.

Thèse n° 2 : Le capitalisme entraîne l’humanité et notre planète vers l’abîme, à vitesse accélérée : la crise écologique et anthropologique qu’il génère prend des proportions inédites.

Le capitalisme, guidé par cette insatiable et aveugle soif de profit et d’accumulation, met en péril l’humanité et notre environnement : bouleversements
climatiques – source immédiate de risques gigantesques –, paradis fiscaux supports de la circulation de tous les trafics, pollutions alarmantes, fraude des trusts généralisée, réduction inédite de la biodiversité (-58 % d’espèces vertébrées en 40 ans), maltraitance des humains allant jusqu’à la marchandisation des corps (gestation pour autrui, trafic d’organes et même renouveau de la traite d’humains), déforestation massive (129 millions d’hectares en 25 ans)…

Le capitalisme menace le devenir même de l’humanité à échéance de moins en moins lointaine. « Après moi le déluge ! Telle est la devise de tout capitaliste », écrivait Marx dans Le Capital. Le propos prend, de nos jours, une actualité tragique. Qui peut penser que l’humanité et notre planète pourront résister des décennies durant à ce régime de choc capitaliste ?

Thèse n° 3 : Le capitalisme mondialisé fait face à des transformations inédites.

La phase actuelle de développement et de crise du capitalisme est marquée par des transformations de très grande ampleur : expansion territoriale et polarisation entre centres dominants et périphéries dominées ; privatisation et marchandisation progressive de toutes les activités humaines ; financiarisation des économies et création monétaire massive au service des marchés financiers ; concentration de la propriété dans un petit nombre d’actionnaires à la tête de firmes multinationales gigantesques et augmentation des dividendes versés aux actionnaires et des intérêts payés au banques ; restructuration des entreprises et transformations des systèmes productifs ; transformation de l’organisation du travail afin de déposséder totalement les travailleurs·euses de la maîtrise et de la finalité de leur travail ; politiques libérales renforcées, singulièrement en Europe dans la dernière décennie ; libéralisation des échanges pour réduire les barrières tarifaires et abaisser les normes sociales ou écologiques. La révolution informationnelle, qui commence déjà à franchir un nouveau stade, notamment avec l’intelligence artificielle, est centrale pour notre combat communiste car elle accélère ces transformations autant qu’elle peut permettre leur dépassement.

Thèse n° 4 : Le capitalisme dépossède de pouvoir un nombre inédit d’humains.

Le capital se concentre aujourd’hui dans un nombre de mains qui n’a jamais été aussi étroit. Quelques firmes transnationales – souvent à base nord-américaine – concentrent pouvoir et argent à échelle mondiale. En France même, elles représentent la moitié des emplois des entreprises.

Elles s’affirment comme des acteurs de premier plan, se soustrayant aux souverainetés populaires et allant même jusqu’à s’opposer et s’imposer aux États. Des plateformes privées (Facebook, Google…) en viennent à s’arroger des prérogatives régaliennes, sans aucun contrôle démocratique, tout en échappant à peu près à toute imposition. Propriétaires d’innombrables données personnelles, elles en font un usage marchand visant à accroître leurs profits, au mépris des libertés.

Pour le capital, la démocratie est une entrave. Ainsi, les développements nouveaux du capitalisme en viennent à faire reculer toutes les conquêtes partielles en matière de démocratie et de liberté. Alors que la révolution des connaissances appelle comme jamais le pouvoir du grand nombre, ils concentrent celui-ci dans des mains toujours moins nombreuses.

Thèse n° 5 : Le développement du capitalisme aggrave la crise de sens dans laquelle il enfonce l’humanité.

Faire de tout une marchandise : c’est la logique capitaliste. La généralisation de la marchandisation, sous l’effet d’une intense lutte de la classe dominante, se déploie à marche forcée. Cela vide toutes les valeurs et nourrit une profonde crise de civilisation. Le seul objectif d’une vie humaine devrait être de « devenir milliardaire » ou d’acquérir une Rolex avant 50 ans. Si certain·e·s s’épuisent à courir après ces objectifs si vides, la crise de sens touche désormais des pans très larges des sociétés humaines.

C’est particulièrement sensible dans le domaine du travail. Pour que quelques-un·e·s fassent des profits toujours plus gigantesques, on empêche des millions d’individus de travailler correctement, quand on ne les amène pas à effectuer un travail qu’ils savent sans utilité voire dangereux pour autrui et pour eux-mêmes. Tous les secteurs sont concernés, depuis l’agriculture jusqu’aux métiers de la santé en passant par les industries.

Thèse n° 6  : Le capitalisme présente des signes de péremption de plus en plus marqués.

Le principe selon lequel, dans le travail, celui qui possède décide de tout et impose à celui qui ne possède pas ce qu’il doit faire et comment il doit le faire est au cœur de la logique capitaliste d’aliénation. C’est une injustice que nous dénonçons de longue date. C’est, aujourd’hui, un principe lourdement mis en difficulté par le mouvement réel de l’humanité. C’est l’efficacité même qui commande que les travailleuses et les travailleurs réfléchissent eux-mêmes au travail à accomplir. Le travail prescrit de l’extérieur est un frein au développement global et, désormais, à certains égards, un frein au profit capitaliste lui-même. Face à cette contradiction montante, certains secteurs dynamiques du capitalisme sont obligés de ruser : Google permet ainsi à ses ingénieurs de consacrer 20 % de leur temps de travail payé à de libres projets personnels. Bien sûr, c’est pour mieux s’assurer de la propriété de ceux-ci en cas de succès, mais quel aveu de péremption des logiques capitalistes !

Oui, celles et ceux qui produisent doivent diriger et non obéir. Oui, « le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».

Thèse n° 7 : C’est à une crise systémique que le capitalisme est confronté.

Le fait économique majeur de la décennie qui a suivi la crise financière de 2007-2008 est que le système capitaliste poursuit une spéculation financière effrénée. Les institutions mises en place après le choc de la crise financière de 2008 n’ont cessé de développer les contradictions qu’elles prétendaient résorber. Le capitalisme vit désormais sous perfusion d’argent gratuit distribué sans critère aux spéculateurs par les banques centrales : la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne distribuent chaque mois plusieurs dizaines de milliards de dollars et d’euros à taux nul aux banques et aux grands groupes. Ces sommes considérables – qui pourraient être si utilement dépensées – alimentent ainsi les profits bancaires, alourdissant le coût du capital tout en préparant un nouveau krach avec les énormes bulles spéculatives qu’elles nourrissent. À l’heure où les signes d’une nouvelle crise financière se multiplient, élever le niveau de conscience concernant l’utilisation de l’argent par les banques et mettre en débat cet enjeu dans les luttes est une priorité pour les communistes.

La crise systémique, c’est l’impasse. Impasse sur l’emploi, sur les services publics, sur les droits sociaux, sur le type de croissance. C’est l’impasse en matière d’écologie. C’est l’impasse pour la sécurité des peuples qui demandent à vivre en paix. C’est l’impasse sur la démocratie…

Cela rend impérieux un processus de dépassement du capitalisme, la sortie, pour l’humanité, de cette préhistoire.

Le communisme est à l’ordre du jour de ce siècle

Thèse n° 8 : Relevons le défi écologique et anthropologique. Changeons de cap : l’humain d’abord !

Nous, communistes de France, proposons une alternative à ce désastre. Le profit et l’accumulation ne peuvent commander le présent et le devenir de l’humanité et de notre planète.

Les humains et les ressources naturelles sont considérés comme des moyens au service du profit de quelques-un·e·s ; nous voulons, quant à nous, remettre les choses à l’endroit et placer l’humain d’abord. C’est ce que nous appelons l’écommunisme. La boussole doit être celle du bien-vivre, du développement durable de l’humanité, de la réponse à ses besoins, potentiels et aspirations, incluant nécessairement la dimension écologique. Ceux-ci ne sauraient être définis abstraitement, une fois pour toutes, ou, d’une façon technocratique, par un marché, un parti ou une administration : ils doivent être définis collectivement dans la délibération démocratique.

Thèse n° 9 : Face à l’accaparement de tout par quelques-un·e·s, poussons à fond l’appropriation par le plus grand nombre.

Ces ruptures d’ampleur qu’appelle le mouvement réel de notre monde ne peuvent s’opérer en laissant les mêmes pilotes en place. La classe des propriétaires des grandes structures économiques ne peut décider seule de ce qu’on produit, où et comment on le fait et, cerise sur le gâteau, en retirer les bénéfices. Celles et ceux qui travaillent et créent les richesses doivent acquérir les pouvoirs leur permettant de décider.

L’appropriation par le plus grand nombre est à l’ordre du jour : nationalisations authentiques (et non simples étatisations hors d’atteinte du pouvoir populaire) donnant la grande place à celles et ceux qui travaillent dans ces secteurs, les usagers et la Nation elle-même ; développement de structures et de services publics démocratisés à échelles locale, nationale, continentale, mondiale  ; développement inédit de l’économie sociale et solidaire  ; développement volontariste des « communs », ces structures qui se multiplient sous nos yeux, notamment dans le domaine numérique, en marge de l’État et des marchés.

Thèse n° 10 : Pour le développement intégral des individus.

Parce que notre société reste, fondamentalement, une société de classes et que l’oppression de classe est sexuée, elle ne permet pas le développement plein et entier de la personne, dans toutes ses dimensions. L’actuelle division du travail épuise les individus sans leur laisser le temps de développer d’autres aspects de leur personnalité. Les politiques d’éducation et de formation, telles qu’elles sont conçues, empêchent de plus en plus de jeunes d’accéder à une culture de haut niveau et de développer leur créativité. Au nom de la rentabilité, le travail est privé de son sens ; la pensée, la création, le sport sont sommés de se soumettre à la loi du marché. Nombre de nos loisirs sont même réduits à des divertissements uniformisés. Au-delà, on enferme les personnes dans des rôles ; on les assigne à des identités.

Au contraire, notre combat communiste place en son cœur l’ambition du libre développement de la personne dans toutes ses dimensions. C’est un enjeu de justice : nous sommes toutes et tous capables d’apprendre, de créer, d’innover : pourquoi certain·e·s en seraient-ils privé·e·s ? Au-delà, c’est une nécessité politique, économique, civilisationnelle : pour faire face aux défis productifs d’aujourd’hui et de demain, pour permettre effectivement l’activité citoyenne de direction collective, pour que chacune et chacun, par son libre développement, puisse donner toute sa mesure et, par là, faire croître comme jamais le libre développement collectif.

Cela appelle à transformer radicalement l’éducation pour qu’elle réponde à cette ambition. Cela appelle une forte réduction du temps de travail, appuyée sur les formidables gains de productivité, ouvrant la voie à des possibilités inédites de développement de la personne et une organisation nouvelle des temps de la vie.

Thèse n° 11 : Pour une société d’êtres humains égaux et libres, face à la mise en scène d’un « choc des civilisations ».

Le chaos du monde actuel est propice à la montée de toutes les haines. Dans le monde et dans toute l’Europe, le racisme redevient, à grande échelle, un des instruments de la domination de classe  : exacerber la concurrence des exploité·e·s et des dominé·e·s. Inégalités sociales, précarisation du travail, assignations territoriales dans des quartiers délaissés de la République, discriminations racistes structurelles (embauche, logement, contrôle au faciès) se conjuguent pour mettre à l’index, en état de sous-citoyenneté, une part croissante de la population, et singulièrement de la jeunesse, injures quotidiennes à nos principes républicains.

L’idéologie dominante propose un portrait caricatural et très appauvri de l’humanité, réduite à une division raciste et religieuse en quelques blocs civilisationnels censément homogènes : c’est le prétendu « choc des civilisations » (« l’Occident » serait blanc et chrétien, alors que son histoire est beaucoup plus plurielle ; le « monde arabe » serait tout uniment musulman ; etc.).

Profondément anticolonialistes, anti-impérialistes de la première heure, partisans décidés de l’émancipation individuelle et collective, nous rejetons ces manœuvres qui divisent artificiellement celles et ceux qui ont intérêt à s’unir, en même temps qu’elles humilient et briment des millions d’individus, ramenés à une couleur de peau, une religion réelle ou supposée, une « civilisation » présentées comme des menaces ou des crimes. Nous affirmons l’égalité de tous les êtres humains et récusons toutes les grilles de lecture racistes. Nous combattons le système de domination raciste, toutes les violences – y compris policières – et toutes les discriminations – y compris territoriales. Il est urgent de porter un antiracisme qui revendique l’égalité de traitement pour toutes et pour tous, qui agit contre toutes les formes de discriminations, d’humiliations et d’oppressions, qui combat avec force l’offensive xénophobe, antimusulmane, antisémite et contre toutes les formes de racisme.

La mise en scène de ce « choc des civilisations » est une entrave au libre développement de chacun·e, dans la complexité et la diversité de ses origines et trajectoires, de ses opinions, de ses croyances. Se libérer de ces chaînes relève de notre combat communiste, comme condition et manifestation du développement de l’humanité tout entière.

Thèse n° 12 : Pour une humanité débarrassée de la domination patriarcale, pour des femmes et des hommes égaux et libres.

La domination patriarcale est un puissant frein au développement de l’humanité. L’indépendance économique des femmes par le travail, le renforcement de leur formation, conquêtes majeures au sein du capitalisme, rendent cette moitié de l’humanité chaque jour plus actrice de sa vie et de l’humanité entière. Cela manifeste aux yeux de toutes et tous son égale capacité et dignité. Les tactiques patronales de discrimination visant à faire des économies sur le dos des femmes en rétribuant moins celle-ci à travail de valeur et de qualifications égales sont de moins en moins supportées et apparaissent pour ce qu’elles sont : une inégalité systémique, une injustice d’un autre temps.
L’ampleur des campagnes #metoo/balancetonporc révèle à la fois la gravité et le caractère structurel des violences faites aux femmes – elles sont très nombreuses, de tous âges et tous milieux sociaux, à en être victimes – comme la puissance d’un refus  : celui d’être considéré comme un objet. Pour atteindre l’égalité et laisser la personnalité de toutes et tous se développer librement, notre combat appelle à s’émanciper de ces dominations. Les combats féministes bouleversent l’ensemble des rapports sociaux, la place assignée à chacune et chacun ; ils permettent à l’ensemble de la société de faire un bond en avant.

Dans le même sens, la progression des droits des personnes lesbiennes, gays, bi, transgenres, intersexuées (LGBTI+), fortement discriminées elles aussi par le système patriarcal, inimaginable il y a un demi-siècle encore, est le signe qu’une société nouvelle cherche à éclore.

Aujourd’hui, ces conquêtes, inachevées, sont fragiles et peuvent être remises en cause. Ainsi, notre combat communiste vise non seulement à les conforter, mais à leur donner une ampleur neuve, dans une société de liberté, d’égalité, de dignité.

Thèse n°13 : Pour un monde de paix.

Le monde est bouleversé sous la pression des appétits capitalistes et impérialistes, par les
guerres. Cela le rend dangereux à un point inconnu depuis la fin de la Guerre froide. Les nationalismes et obscurantismes voient leur vigueur redoubler, se présentant comme des réponses alternatives à une mondialisation capitaliste brutale et dépourvue de sens ; ils mènent les peuples dans d’aussi meurtrières impasses. La « fin de l’Histoire » n’a pas eu lieu ; cette fable élaborée alors que le capitalisme semblait triompher, dans les années 1990, a été pleinement invalidée par le mouvement de l’Histoire même. Le capitalisme, dans sa phase mondialisée, génère au contraire de violentes contradictions qui aiguisent les tensions et nourrissent des foyers de guerre partout sur la planète. Les traités de libre-échange qui se multiplient à l’écart des décisions souveraines dessinent des zones d’affrontements qui accumulent des stocks alarmants d’armements. Et la menace nucléaire est à nouveau brandie dans des formes nouvelles.

D’Erdogan à Trump en passant par Netanyahou ou Poutine, redouble d’actualité l’analyse de Jaurès : le capitalisme porte en lui la guerre « comme la nuée dormante porte l’orage ».
La paix ne peut pas s’épanouir au milieu de la guerre économique. La survie et le développement de l’humanité permettent et requièrent au contraire l’essor des coopérations internationales dans un cadre de paix et de droit. Elle est conditionnée par un indispensable dialogue sanctionné par des instances internationales modernisées et démocratisées, par une refondation progressiste de la construction européenne qui doit s’émanciper de l’OTAN. La France doit s’inscrire de façon active dans le processus d’interdiction des armes nucléaires, engagé en juillet 2017, par une très large majorité (132 États) de l’assemblée générale de l’ONU.

La paix, le désarmement et tout ce qui les nourrit s’avèrent ainsi des enjeux cardinaux de notre combat.

Thèse n° 14 : Pour une France hospitalière et fraternelle, une Europe solidaire.

Les enjeux migratoires sont au cœur de notre époque et représentent un véritable défi mondial. Aucun pays n’échappe aujourd’hui à ces enjeux, enjeux qui relèvent de choix politiques réfléchis. Il s’agit donc pour les institutions internationales, États et citoyen·ne·s, de travailler à définir des solutions communes dans une démarche d’accueil, de devoir d’humanité et de co-développement. Si le droit à la mobilité est reconnu par la Déclaration des droits de l’homme, des migrations forcées ne cessent d’augmenter. Seul un tiers de la population mondiale arrive à faire valoir son droit à la mobilité, et les drames humains se multiplient. Notre responsabilité est d’accueillir les migrant·e·s avec dignité, dans le respect des droits internationaux et des conventions des droits de l’enfant.

Au moment où l’Europe consacre des milliards d’euros à la « sécurisation des frontières », la France doit porter un autre espoir, celui de la patrie des droits de l’homme, du droit à la circulation pour toutes et tous, de l’ouverture du droit d’asile aux réfugié·e·s économiques et climatiques, d’ouverture de voies légales de migration, de politiques volontaristes d’accès au droit au travail, à la santé, aux transports, au logement, à l’apprentissage du français. De plus, la France doit s’investir pleinement pour un pacte mondial de solidarité sur les enjeux migratoires, l’année où l’ONU appelle à des initiatives.

 En France, un combat stratégique

Thèse n° 15 : La France présente des dimensions stratégiques pour notre combat.

Sixième puissance mondiale, la France est de ces nations qui peuvent peser sur le cours du monde. Que la lutte des classes y tourne à l’avantage des possédant·e·s ou des travailleurs et travailleuses, et les conséquences peuvent s’en faire sentir pour de nombreux peuples dans le monde. Les luttes y prennent ainsi une portée qui dépasse les seules frontières hexagonales.

Emmanuel Macron tente aujourd’hui d’utiliser le rayonnement international de la France et sa puissance d’intervention militaire extérieure pour retrouver un rôle de leader du « camp occidental », à l’égal de Trump. Cet effort est vain ; il est même dangereux car il n’est pas mis au service de la construction d’un nouvel ordre du monde fondé sur la justice, le droit, la coopération et la paix. Notre pays a pourtant des atouts pour jouer, en grand, ce rôle de progrès.

Parmi les grandes puissances capitalistes, la France présente une configuration singulière. Malgré les réactions, reniements et répressions, la France reste intimement marquée par le souffle de sa Grande Révolution, de ses révolutions du XIXe siècle, de ses intenses luttes de classes du XXe, de ses mobilisations féministes. Notre peuple en porte un puissant héritage : de sa devise républicaine à la Sécurité sociale en passant par son ancrage laïque, le préambule de 1946 ou la vivacité de ses organisations révolutionnaires syndicales et politiques. Les luttes sociales et politiques en 2018 en témoignent de manière vivante.

Cette configuration, singulière en Europe et dans le monde, fait de notre pays, au cœur du monde capitaliste, une terre qui appelle le déploiement offensif de notre combat communiste.

Thèse n° 16 : La France est au cœur d’un affrontement de classe visant à saborder tous les leviers de modernité conquis de haute lutte : défendons-les, développonsles, ressourçons-les.

Activement soutenu par le grand capital financier et ses relais médiatiques, qui en ont fait leur nouveau champion, le Président de la République a réussi en 2017 à capter le besoin de renouveau de la société française. Mais son « nouveau monde » montre son vrai visage : inégalitaire, brutal et autoritaire, tout entier dédié aux grands intérêts capitalistes. Même rhabillé en start-up, le modèle Macron tape toujours plus dur. Derrière les masques, c’est le vieux monde capitaliste.

La Sécurité sociale, les services publics sont des conquêtes majeures, leviers originaux de modernité arrachés par le combat de classe. Ils n’ont cessé d’être l’objet d’attaques de la part du patronat et leur originalité s’est parfois émoussée quand il aurait fallu la renforcer. Nous sommes aujourd’hui confronté·e·s à une lutte de très haute intensité visant à les liquider purement et simplement, pour faire place nette à une domination de classe sans frein. Le pouvoir Macron, c’est la volonté de pousser le plus loin possible l’adaptation de notre pays à la domination capitaliste mondialisée de ce siècle.
Ces conquêtes doivent, au contraire, être précieusement préservées, ressourcées dans une appropriation populaire effective et amplifiées pour répondre aux défis posés par notre temps. Il ne s’agit pas de normaliser la France au regard des appétits capitalistes internationaux mais de pousser plus loin tout ce qu’elle compte de modernité.
Communistes, nous ne défendons pas le vieux monde et ses lourdes limites. Nous voulons
prendre appui sur les conquêtes d’hier et le mouvement profond d’aujourd’hui pour relever les défis du siècle posés à l’humanité. À celles et ceux qui produisent les richesses de prendre, enfin, les affaires du monde en main.

Les chemins révolutionnaires dans la France de notre temps

Pour une mise en mouvement consciente du plus grand nombre pour des objectifs de conquête

Thèse n° 17 : Il existe, en France, une puissante aspiration populaire à de grands changements mais le mouvement populaire reste trop faible.

La mise en mouvement du plus grand nombre, créatrice et consciente, est la condition sine qua non du mouvement communiste. La construction de cette mise en mouvement se trouve ainsi placée au cœur même de notre pratique politique. Nous pouvons nous appuyer, aujourd’hui, sur une puissante aspiration populaire à de grands changements. Le statu quo est tellement rejeté que l’homme des principales forces du capital, Emmanuel Macron, a dû intituler son livre de campagne présidentielle « Révolution ». Malgré le déferlement médiatique soutenant chacune de ses contre-réformes, il ne parvient pas à obtenir d’adhésion majoritaire. La dureté de bien des vies, la conscience diffuse des périls, la crise de non-sens du capitalisme mondialisé, la curiosité qui se développe autour des notions de « communs », le regain d’intérêt pour les
idées de Marx ou le communisme dans la jeunesse en constituent d’autres signes. Pour autant, le mouvement populaire effectif est encore trop faible. Nous avons des obstacles à lever.

Thèse n° 18 : Développer la conscience de classe est un enjeu stratégique.

La mise en mouvement du plus grand nombre implique une élévation du niveau de conscience des intérêts en présence. L’idéologie dominante s’emploie à diviser la grande classe des salarié·e·s. Pourtant, les conditions objectives pour une alternative au système capitaliste sont aujourd’hui particulièrement aiguisées, notamment du fait d’une concentration inédite de la classe capitaliste. Face à elle, et par-delà ses mille nuances – de l’ouvrier à la chercheuse en passant par le chômeur, le cadre ou la caissière –, la classe des salarié·e·s est unie objectivement, dans sa subordination aux grands propriétaires qui, seuls, décident et profitent véritablement. L’émergence des « auto-entrepreneurs » dans la dernière période n’est pas synonyme de création d’une classe aux intérêts distincts. Leurs intérêts sont ceux des salarié·e·s. Face à la concentration actuelle du capital apparaissent même des possibilités d’alliance très fortes avec nombre de travailleurs indépendants et de petits patrons, eux aussi soumis au pouvoir d’une classe dominante de plus en plus étroite.

Pourtant, force est de constater que cette classe n’a pas conscience de ses intérêts communs. En effet, une des principales forces de la politique de la classe capitaliste, celle d’Emmanuel Macron en témoigne, est qu’elle parvient à diviser de manière significative les salarié·e·s et simultanément à faire adhérer une partie d’entre eux aux thèses patronales. Ainsi, les différences de statuts ou la domination patriarcale sont utilisées pour tirer les droits des travailleurs·euses vers le bas, les différentes méthodes managériales et le développement de l’intéressement accentuent la mise en concurrence les salarié·e·s et la participation aux bénéfices se fait au détriment de l’augmentation des salaires. Ainsi, la mise en mouvement créatrice des salarié·e·s et de leurs allié·e·s de classe appelle une intense bataille idéologique pour faire croître une large conscience de classe.

Thèse n° 19 : Développer l’alliance de toutes celles et de tous ceux qui ont intérêt à l’extinction des dominations pour, ensemble, parvenir à les faire reculer.

Par-delà même ces structurants intérêts de classe, nous visons à rassembler toutes celles et tous ceux qui ont intérêt au dépassement du capitalisme et au libre développement de la personne. Le sort réservé à la jeunesse de notre pays, aux femmes, aux étranger·e·s, à celles et ceux que l’idéologie dominante tend à présenter comme des ennemis de l’intérieur en raison de leur couleur de peau ou de leurs croyances réelles ou supposées ; tout nous appelle à travailler ensemble et, ensemble, combattre ces dominations dont l’extinction serait profitable à toutes et tous. Ce sont des questions de tout premier ordre et des préoccupations majeures pour des millions de personnes dans notre peuple, prêtes à se mobiliser en plus grand nombre encore, depuis Parcoursup jusqu’aux violences policières, en passant par #metoo/balancetonporc ou
la chasse aux migrant·e·s.

Au-delà, nous visons à rassembler toutes celles et tous ceux que la République délaisse dans les banlieues, les quartiers populaires, le péri-urbain ou la ruralité. Nous promouvons une République de l’égalité dans tous les territoires.

Thèse n° 20 : Notre stratégie communiste s’ancre dans les luttes concrètes pour engager le dépassement du capitalisme.

C’est dans les luttes concrètes, sur tous les terrains, que se construisent les possibilités d’un dépassement réel du système capitaliste. C’est dans le mouvement réel, dans ces luttes et dans le combat pour y porter des alternatives que s’ancre notre stratégie révolutionnaire, ce processus multiforme fait de succès partiels mais aussi de possibles reculs, de victoires de longue portée et de ruptures, d’élévation progressive des objectifs de conquête à mesure que se construisent et évoluent les rapports de forces.

Aussi, nous devons déployer notre présence, notre visibilité, notre activité dans un plus grand nombre de bassins de vie et d’emplois, en appréhendant la réalité dans ses contradictions, en développant notre autonomie de pensée et d’actions, pour être d’abord identifié·e·s pour ce que nous sommes et pour le changement de société que nous portons.

Les questions qui font le quotidien de notre peuple soulèvent toutes des questions politiques qui peuvent être utilement nourries de l’apport communiste.

Thèse n° 21 : La mise en mouvement populaire, pour grandir, a besoin de victoires.

Travaillons, à toutes échelles, à en obtenir et popularisons-les. Le fatalisme s’est répandu dans de larges couches de notre société. C’est le fruit d’une dure bataille idéologique mais aussi d’une succession factuelle d’échecs de mobilisations. La lutte trouve un écho plus vigoureux et large quand on peut l’espérer victorieuse. Il est, dès lors, stratégique, à toutes échelles, de penser des batailles qui visent à être gagnées et s’en donnent les moyens, que nous en soyons à l’initiative ou que celles-ci soient déjà en cours. Pour partielles qu’elles puissent être, ces victoires ne peuvent devenir des leviers d’une mise en mouvement plus large qu’à la condition d’être connues et popularisées.

Thèse n° 22 : Faire grandir cinq transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.

Nous sommes à l’écoute et en appui des mouvements de notre peuple que nous tâchons de pousser le plus loin possible, en nous y impliquant avec esprit de suite et cohérence de sens global. En outre, notre programme reste celui développé dans « La France en commun ».

Au vu des aspirations de notre peuple, de ce qu’il identifie comme devant faire l’objet de mobilisations, comme des défis objectifs que nous identifions pour la période actuelle et à venir, nous nous engageons pour obtenir de nouvelles conquêtes qui contribuent à faire grandir cinq grandes transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.

• Ouvrir la porte au communisme dans la production et le travail. Le pouvoir de décider ce qui est produit, d’organiser le travail, d’utiliser les bénéfices est confisqué par une poignée de grands actionnaires qui ruinent notre pays, ses travailleurs et travailleuses, à l’image de ceux de Carrefour, groupe qui verse des dividendes records, prévoit près de 4 000 licenciements et impose des bas salaires à celles et ceux qui, par leur travail, assurent sa richesse.

À l’échelle mondiale, les assauts ne sont pas moindres et ont aussi des effets en France (1,4
milliard de personnes vivent avec moins de 5 $ par jour, 73 % de la population mondiale
n’ont pas de protection sociale adaptée…). L’heure est venue de faire grandir les pouvoirs de décision économique pour les travailleurs, travailleuses et usagers, en France, en Europe et dans le monde. Dans le même mouvement, nous portons l’ambition de garantir à chacune et chacun le droit à un travail émancipé et à du temps libéré. Alors que l’utilisation capitaliste de la révolution numérique conduit à des destructions massives d’emplois et au développement effréné de la précarité jusqu’à l’uberisation des activités, décidons au contraire, collectivement, de l’usage que nous voulons en faire. Les potentialités de cette révolution permettent, en effet, de tout autres perspectives : développer de nouveaux métiers, réduire le temps de travail au profit d’autres activités humaines, pour dépasser le marché du travail avec la création d’une sécurité de l’emploi et de la formation.

• Engager la révolution écologique. Cet enjeu est souligné dans nos textes de congrès depuis plusieurs décennies. L’urgence de la situation appelle cependant une montée en puissance de notre part sur ce front, dans la suite des assises communistes de l’écologie : dans notre pays, près de 50 000 décès prématurés sont dus à la pollution atmosphérique ! L’heure est venue de développer un nouveau mode de production, de nouveaux modes de consommation, de nouveaux modes de déplacement. Cela passe par la relocalisation d’activités économiques, la lutte contre les perturbateurs endocriniens, la relance massive des secteurs de l’industrie (transport, isolation…) comme de la recherche loin du démantèlement auquel nous assistons, l’introduction de critères sociaux et écologiques ambitieux et contraignants pour les entreprises, la détermination démocratique et la maîtrise publique des énergies – à commencer par l’énergie nucléaire qui doit être absolument placée, pour être viable, à l’écart des logiques de l’argent – la refonte du modèle agricole français avec une réduction des intrants chimiques, le développement de services publics démocratisés, un nouveau modèle d’échanges internationaux fondés sur la coopération, loin des accords de libre-échange généralisés et d’une division internationale des processus productifs écologiquement insoutenable. Cette lutte, d’emblée, s’inscrit du local au mondial, avec les peuples mobilisés des pays en développement qui exigent que les pays riches et industrialisés, responsables du
réchauffement climatique, s’acquittent de leur dette écologique

• Faire reculer les dominations patriarcales, combattre le racisme et faire échec aux nationalismes. Dans les discours et dans les faits, ces dominations vivaces défigurent notre pays, génèrent discriminations, humiliations et souffrances. Il est urgent de faire grandir la conscience que le fait d’être français n’implique pas une couleur de peau ni une religion, et réciproquement. Face aux Zemmour, Finkielkraut, à la «  Manif pour tous  » et autres puissantes offensives réactionnaires, notre agenda place haut les combats à mener pour l’égalité professionnelle, le droit à disposer de son corps, le juste partage des pouvoirs, le libre développement de chacune et de chacun, en France et dans le monde.

• Protéger et développer les services publics. Les capitalistes veulent tout privatiser, tout
transformer en marchandise. Ils font subir un traitement de choc aux services publics en
les privant de moyens humains, financiers et en soumettant leur gestion au dogme de la
rentabilité jusqu’à les entraver dans leurs missions. La situation de l’hôpital public en est le
témoin. Nous devons au contraire les promouvoir pour répondre aux besoins humains et relever le défi écologique : pas de démocratie ni de métiers d’avenir sans système éducatif à la hauteur de la révolution des connaissances ; pas d’accès aux soins pour toutes et tous, pour une protection sociale du XXIe siècle sans service public de santé et secteur public du médicament ; pas de réponse au défi climatique sans service public de l’énergie ou du transport ferroviaire. Le statut de la fonction publique est essentiel pour relever ces défis car il garantit l’égalité, l’indépendance et la responsabilité des fonctionnaires.

• Prendre le pouvoir sur l’argent. C’est une question objectivement incontournable et, de plus en plus, perçue comme telle. Nous pourrions ainsi envisager des batailles d’ampleur contre l’évasion fiscale et viser à briser plusieurs de ses mécanismes comme le « verrou de Bercy ».

Au-delà, prendre le pouvoir sur l’argent nécessite la connaissance précise des activités bancaires, la constitution d’un secteur bancaire public incluant des nationalisations, une maîtrise populaire du crédit, une réorientation radicale de la Banque centrale européenne pour placer son pouvoir de création monétaire au service des besoins du plus grand nombre. Enfin, il nous faut travailler à forger une monnaie commune mondiale pour échapper à la domination du dollar et permettre au grand nombre des humains de maîtriser leur monnaie commune.

À la conquête des pouvoirs

Thèse n° 23 : Il n’y a pas d’émancipation politique sans émancipation culturelle.

Le capitalisme prend les allures d’une forme de dictature de la pensée dont l’ambition est d’imposer son hégémonie culturelle en s’emparant des imaginaires. Des œuvres, des langues, des lieux, des festivals, des artistes disparaissent tandis que de grands groupes globalisés font main basse sur la production artistique, sur les médias et le web. Ils fabriquent et diffusent massivement des « produits culturels » standardisées et uniformisés. Pris au piège de l’austérité et minés par les critères libéraux, les établissements culturels publics voient leur liberté de création, leur esprit critique, leur fonction citoyenne, menacés. C’est d’autant plus dangereux que néolibéralisme et néopopulismes convergent du même pas obscurantiste. L’élitisme et le populisme culturel apparaissent comme une arme pour parler au nom du peuple tout en lui refusant
le droit de se construire en acteur de sa propre histoire. Remettre l’art, les savoirs, la culture et l’éducation populaire au cœur de notre combat émancipateur, reconquérir une hégémonie culturelle progressiste sont des enjeux majeurs de la construction d’une nouvelle conscience de classe et d’une alternative à la destruction capitaliste comme à la haine populiste. À l’ordre de la marchandise, du divertissement, du repli identitaire, opposons le risque de la création, l’ambition de la démocratie culturelle, comme de l’ouverture au monde pour construire un nouvel universalisme de liberté, d’égalité et de fraternité.

Thèse n° 24 : Nous sommes confronté·e·s à une nouvelle phase de concentration autoritaire des pouvoirs.

Peinant à susciter l’adhésion, les forces dominantes sont tentées par l’autoritarisme. De puissants systèmes médiatiques aux mains des puissances d’argent contrôlent un flot continu d’informations. Des transnationales nées de la révolution numérique étendent leur emprise dans des domaines inédits. La démocratie, en crise, est mise en danger. Faute d’avoir une prise réelle sur les décisions, des millions de citoyennes et de citoyens se retirent du jeu démocratique.

En France, Emmanuel Macron veut franchir une étape majeure dans la concentration des pouvoirs. Dans l’entreprise, toutes ses lois visent à priver les salarié·e·s et leurs syndicats de droit d’intervention. Il veut aussi une nouvelle concentration institutionnelle : moins de pouvoirs pour les communes, moins de parlementaires et de pouvoir au parlement, toujours plus pour un État aux mains d’une technocratie financière. Une présidentialisation monarchique sert de levier à une recomposition politique lourde : un pouvoir toujours plus éloigné du contrôle populaire. Nous opposons à cela une conception de la politique fondée sur l’accroissement des pouvoirs du plus grand nombre.

Thèse n° 25  : Nous visons la conquête du pouvoir d’État pour faire croître les pouvoirs du plus grand nombre.

Dans la mondialisation capitaliste, le rôle des États reste majeur et le Parti communiste français ne saurait se désintéresser de l’État français, 6e puissance mondiale. Nous avons déjà détenu une petite part du pouvoir d’État, ce qui a puissamment contribué à apporter des transformations profondes à notre pays  : droit de vote et d’éligibilité des femmes, Sécurité sociale, statut général de la fonction publique, nationalisations, loi de solidarité et de renouvellement urbains… Dans une situation qui appelle des transformations plus radicales encore, mêlant processus au long cours, seuils et ruptures, le Parti communiste français vise plus que jamais la conquête du pouvoir d’État.

Pour autant, le PCF ne vise pas à se substituer simplement à une autre force à la tête de cette machinerie. Cette conquête vaut pour nous en ce qu’elle s’inscrit dans notre combat visant à ce que ceux et celles qui produisent les richesses gagnent le pouvoir de décider. Nous visons, dans ce sens, la constitution d’une nouvelle République.

Thèse n° 26  : Notre stratégie de conquête des pouvoirs ne se limite pas à l’État national.

Tout le pouvoir ne réside pas, ni n’a vocation à résider dans l’État. Les lieux de pouvoir sont pluriels. Nous visons la conquête de pouvoirs des salarié·e·s à l’échelle de l’entreprise. Nous visons la conquête de pouvoirs dans les différentes institutions, trop souvent fermées à l’initiative et au contrôle populaires. Nous visons la conquête de pouvoirs dans les collectivités. Dans ce sens, nous aspirons à une décentralisation des pouvoirs au plus près des citoyennes et des citoyens et nous mobilisons contre le démantèlement de la démocratie de proximité.

L’Union européenne est devenue, par sa construction au service des marchés et sous domination des grandes puissances, un niveau clé de la lutte de classe. Pour nos peuples et pour changer le cours de la mondialisation, des transformations fondamentales dans ses orientations, institutions financières et de coopération politique – donc des ruptures avec les traités actuels – sont un objectif stratégique. Nous nous battons à la fois pour une autre politique de la France en Europe, et pour des fronts européens dans les institutions et en dehors d’elles. Nous pensons notre action à l’échelle continentale avec le Parti de la gauche européenne, le groupe GUE/NGL et toutes les coopérations progressistes engagées jusqu’ici et à engager dans la prochaine période pour ouvrir des fronts victorieux.

Face à un capitalisme mondialisé, nous pensons notre action à l’échelle mondiale, avec les
forces politiques progressistes mais aussi les mouvements de la société émancipateurs comme #metoo/balancetonporc ou la lutte, mondiale, contre les géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…) pour leur soumission à l’impôt et l’appropriation de nos données. Notre démarche stratégique est fondamentalement internationaliste. La part internationaliste de notre combat doit être renforcée face à des stratégies, de fait, pensées et mises en œuvre à cette échelle.

La croissance de la force communiste est un objectif stratégique ; le rassemblement majoritaire, un chemin incontournable.

Thèse n° 27 : Les élu·e·s communistes sont un atout précieux dans ce combat.

Dans notre stratégie révolutionnaire, les milliers d’hommes et de femmes engagés au Parti
communiste qui assument des responsabilités dans les institutions sont un atout majeur. Qu’ils y soient majoritaires ou non, ils sont des points d’appui précieux pour les luttes progressistes : ils en sont directement partie prenante, au plus près des habitantes et habitants, articulant réponses immédiates et perspectives de transformation profonde. Au-delà, face aux attaques du capital, aux politiques d’austérité et de concentration autoritaire des pouvoirs, ils tiennent une place singulière dans l’action, mêlant résistance et expérimentations, en lien privilégié avec le grand nombre des citoyennes et citoyens.

Ainsi, acteurs de rassemblements, à tous les échelons et dans toutes les configurations, les
élu·e·s communistes sont une des conditions de progression de nos idées, de nos combats, du mouvement populaire de progrès.

Pleinement communistes, pleinement rassembleurs pour de nouvelles majorités politiques

Thèse n° 28  : Pour une mise en mouvement populaire permanente  : initiative communiste et fronts d’unité populaire.

La construction de mouvements populaires, d’expérimentations sociales, de majorités politiques capables de réaliser concrètement l’avancée des aspirations émancipatrices de notre peuple est le cœur de notre stratégie. L’émancipation des travailleurs est l’œuvre des travailleurs eux-mêmes : cela dit clairement la transformation révolutionnaire démocratique que nous visons. Par ses propositions, sa capacité d’analyse et d’initiative, le Parti communiste se place au service de ce mouvement émancipateur. Il n’y a pas de formule politique intangible capable d’enfermer ce mouvement de création continu. Le combat communiste, la lutte de classes la plus large mise en mouvement populaire appellent des mobilisations politiques aux configurations évolutives et multiformes.
Ces constructions, majoritaires ou suffisamment amples pour entraîner le mouvement de la société, supposent d’impulser en même temps la politisation et l’intervention populaire la plus large possible et l’initiative communiste dans la société. Nous avons souvent du mal à déployer les deux, ce qui fragilise les rassemblements en construction ou en limitent la portée.

L’initiative communiste dans les luttes populaires doit être déployée avec plus d’audace et de constance, ce qui nécessite des changements dans l’animation de notre parti et dans les liens que nous entretenons à la société.

La politisation des mouvements populaires nécessite plus d’initiatives et d’engagement au service du débat populaire, plus d’espaces à créer pour lui permettre de se déployer, et de combattre la tendance à la délégation vers d’autres du débat politique ou à l’ignorance de ces enjeux.

Pleinement communistes et pleinement rassembleurs, c’est la ligne de conduite que nous devons nous atteler à mettre en œuvre. Les alliances politiques ou électorales sont pour nous un des moyens et non une fin au service de ces objectifs.
Notre stratégie est donc indissociablement initiative communiste pour des luttes populaires transformatrices et construction de fronts d’unité populaire pour porter ces luttes et les rendre victorieuses. C’est une création continue, qui ne saurait être intégralement planifiée à l’avance mais qui doit être mieux impulsée, évaluée et coordonnée en permanence.

Thèse n° 29  : Le Front de gauche a finalement échoué, non sans rencontrer des succès.

Lors de son Congrès de 2008, le PCF appelait à la constitution de « fronts les plus larges possibles visant des objectifs politiques précis », s’appuyant sur « une construction unitaire permanente avec des cadres, des fronts, des alliances adaptés aux contenus portés et aux échéances affrontées ». De cette impulsion initiale naît le Front de gauche.
Cette construction originale a motivé l’engagement de dizaines de milliers de personnes, l’espoir de millions d’autres, autour du programme « L’humain d’abord » diffusé à plus de 500 000 exemplaires.

Pour autant, dès le début du Front de gauche, nous avons été confronté·e·s à une difficulté : là où nous voulions construire de larges fronts, nous avons dû, au gré des échéances électorales et au nom de la préservation du rassemblement, nous contenter d’un front réduit à la dimension d’alliance de forces politiques aux stratégies de plus en plus divergentes. Nous avons manqué d’initiatives pour impulser une intervention populaire pérenne dans des fronts de lutte sectoriels portant des plateformes politiques de transformation sociale. Cela a renforcé à la fois l’illusion d’un Front de gauche comme potentiel parti, auquel adhérer directement, et celle d’alliances conçues comme ne pouvant concerner que des forces en tous points d’accord avec nos propres objectifs.
De 2012 à 2015 nous n’avons pu ou su renforcer le Front de gauche, ni faire de la profonde
aspiration à l’unité de ses sympathisant·e·s, une force de cohésion empêchant son éclatement et élargissant sa dynamique. Nous n’avons pas pu ou su trouver les moyens et les lieux pour trancher démocratiquement les débats politiques d’orientation.

Nous avons abordé les échéances de 2017 avec deux objectifs politiques assumés, à savoir :

• construire une authentique candidature présidentielle de progrès capable d’accéder au 2e tour et de l’emporter ;

• consolider nos deux groupes parlementaires.

Nous avons échoué à atteindre notre 1er objectif mais rempli le second. Pour autant, nous
avons essuyé, en nombre de voix, un résultat national catastrophique lors du 1er tour des élections législatives.

N’avons-nous pas commis des erreurs d’appréciation sur la situation politique à gauche au début de l’année 2016 ? En particulier, n’avons-nous pas sous-estimé l’état de décomposition des principales forces de cet espace politique, leur rejet global par l’opinion qui englobait jusqu’aux « frondeurs » socialistes ?

La fondation de la France insoumise et la candidature unilatérale de Jean-Luc Mélenchon ont marqué l’acte de décès du Front de gauche. Si le programme porté par cette candidature reprenait une grande partie de « L’humain d’abord », il n’en reste pas moins qu’il en excluait des points essentiels. Cette campagne poursuivait un tout autre objectif stratégique et politique que celui du Front de gauche. Il s’agissait pour la direction de la FI d’utiliser la campagne présidentielle pour construire une nouvelle organisation visant à occuper tout l’espace politique de la gauche – et au-delà – en absorbant, en marginalisant ou en éradiquant toutes les autres forces afin de créer un espace hégémonique « populiste ».

Pour autant, la dynamique dont cette candidature a bénéficié doit beaucoup à l’espoir qu’a incarné le Front de gauche. Si nous n’avons pas pu ou su faire vivre à la hauteur nécessaire notre campagne autonome, entraînant l’effacement de la voix communiste lors de cette élection, nous ne sommes pas pour autant étrangers au résultat de cette candidature qui a semé des illusions mais aussi des graines très positives. Le grand nombre de celles et ceux qui ont voté pour ce candidat était – et demeure – authentiquement mû par une aspiration progressiste profonde. C’est pourquoi nous ne pouvons pas laisser ce potentiel être entraîné dans une aventure « populiste » sans avenir, étrangère aux repères de classes, peu sensible aux exigences de dépassement du capitalisme, encore très marquée de ce point de vue par ses origines sociales-démocrates. À nous de créer les conditions, les cadres et les espaces politiques pour
travailler avec toutes celles et tous ceux qui ont eu le Front de gauche au cœur, avec toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2017.

L’échec du Front de gauche s’inscrit lui-même dans une série d’échecs de nos expériences de rassemblement depuis la fin du Programme commun : union à la base, nouveau rassemblement populaire et majoritaire, pacte unitaire de progrès, gauche plurielle, comités antilibéraux. À partir du mouvement de la société française et d’une analyse des échecs rencontrés depuis mars 1978, nous devons construire une nouvelle offre stratégique qui soit un véritable changement de paradigme. Cette stratégie nouvelle ne consiste pas à refaire mieux ce qui a échoué, mais à faire différemment : il s’agit de soutenir et d’impulser en permanence dans la société des mouvements de luttes à visée transformatrice. C’est une démarche stratégique qui doit s’articuler autour des mouvements contradictoires de la société, et guider notre stratégie électorale de
conquête du pouvoir. L’élection présidentielle pose un problème spécifique lourd au PCF depuis 1965. Ce problème croît à mesure que la présidentialisation de la vie politique progresse.

Il nous faut, à la fois, travailler à préparer dès maintenant les échéances de 2022 et mettre en échec les logiques de délégation de pouvoir à un homme providentiel qui vont à l’encontre de toute notre démarche politique.

EN DÉBAT : Bilan

Au-delà de ce qui est écrit dans la thèse sur le bilan du Front de gauche et
des échéances électorales de 2017, des camarades portent des approches
différentes de notre bilan.
Une idée est qu’il faut réaliser un bilan de plus longue portée sur le PCF et les
partis communistes dans le monde depuis la chute du mur de Berlin. Certain·e·s
pensent que nos choix stratégiques désignés par le terme d’ «expérience » de
rassemblement n’ont en fait jamais été révisés depuis le 30e congrès du PCF
à Martigues et que l’abandon du socialisme au profit d’une visée communiste
nous prive des moyens de répondre aux questions que se posent des millions
de gens.
L’idée est avancée que l’échec du Front de gauche tient à un rôle effacé du Parti
et à une priorité donnée aux enjeux électoraux et à la recherche d’alliances, par
rapport aux luttes et à la promotion des idées communistes. Pour d’autres
camarades, cela tient dans le fait d’avoir voulu constituer plusieurs fronts et
non de consolider un front unique, notamment par le biais d’adhésions directes
au Front de gauche.
Concernant les échéances électorales de 2017, le bilan du choix de candidature
et le processus de décision font débat.
Des camarades pensent que le fait de ne pas avoir poursuivi jusqu’au bout
notre volonté de rassemblement des candidats de gauche en réduisant le vote
des communistes à l’alternative entre un candidat communiste et Jean-Luc
Mélenchon est un problème.
Pour d’autres, la décision de ne pas présenter de candidat à la présidentielle
de 2017 et de soutenir le candidat de la France insoumise, les conditions dans
lesquelles cette décision a été prise, et surtout sur ses conséquences, ont
contribué à la promotion du candidat de la France insoumise comme principal
opposant. Une autre idée est que l’absence de nos propositions dans le débat
présidentiel a grandement contribué à notre effacement et à notre échec aux
élections législatives. Des camarades pensent que cette désignation s’est faite
sans la moindre condition politique et que la gestion des parrainages n’a pas
permis de peser pour un accord législatif positif pour le PCF.
Des camarades estiment que l’échec de 2017 tient au fait que la direction de
notre parti cherchait un impossible rassemblement de toute la gauche alors que
la direction de la FI voulait une rupture claire avec un PS rejeté par les milieux
populaires. L’impasse est venue de l’impossibilité d’apporter une solution à ce
différend, conduisant à la rupture. Cela tient à une longue succession d’erreurs
d’appréciation du PCF de la situation politique, notamment sur ce qu’est
devenu le PS, ses électeurs, ainsi que sur les « frondeurs ».

Une autre idée est qu’une fois le choix fait de soutenir Jean-Luc Mélenchon, cette
décision n’a pas été réellement mise en œuvre. Pour certain·e·s camarades, une
campagne communiste autonome de celle du candidat de la France insoumise
n’était pas possible.
Un débat existe aussi sur la caractérisation du programme de la FI en 2017,
«  L’avenir en commun  ». Pour certains camarades, il reprenait l’essentiel du
programme «  L’humain d’abord  ». Pour d’autres, en étaient supprimées des
propositions communistes clés.
Enfin, des camarades estiment que lors des échéances de 2017 nous avons
esquivé la question essentielle du désengagement croissant des citoyen·ne·s
du processus électoral et que cela ne peut que conduire ceux-ci à ne pas se
reconnaître dans notre parti.

Thèse n° 30 : Les forces politiques du capital se recomposent, en force, autour de trois pôles aux porosités marquées.

Les conditions dans lesquelles nous affrontons la période politique ont été bouleversées par les échéances de 2017. Pour autant, la recomposition des forces en présence est encore en cours ; elle n’est pas stabilisée. Nous avons affaire à un projet global et articulé, radicalement pensé, du capital financier pour inscrire la France dans le nouveau désordre planétaire et les concurrences qu’il génère. Pas simplement à une aggravation des attaques de la classe dominante contre les conquêtes du monde du travail et de la démocratie. L’instrument privilégié de ce projet est un césarisme qui profite de la désintégration de l’ordre politique ancien, de la crise de la politique et de la
démocratie représentative, de l’affaiblissement du mouvement ouvrier, de la dislocation de la gauche, de l’inexistence d’une alternative progressiste massivement crédible, de l’estompement des repères à partir desquels se sont noués pendant plusieurs décennies les affrontements politiques et sociaux. Ce projet est d’une portée tout aussi considérable que celui qu’avait, dans un contexte tout à fait différent, porté le gaullisme à la fin des années 1950. Sa visée est, non seulement, de liquider ce qu’il demeure de l’héritage du CNR, mais encore de transformer qualitativement les structures de l’économie du pays, de changer profondément les équilibres institutionnels en asphyxiant les dernières formes de contre-pouvoir ayant subsisté sous la Ve République, d’étrangler le « modèle républicain » français pour lui substituer, dans l’organisation de la vie collective, une logique, inspirée des classes dominantes états-uniennes, le tout adossé à une cohérence idéologique se présentant comme une réponse aux défis de ce début de siècle.
Cela donne une force considérable à LREM dans son entreprise de recomposition au service du regroupement de toutes les forces libérales.

Cette opération politique libère, à droite, un espace de convergences pour les forces de droite radicalisées autour de Laurent Wauquiez et de l’extrême-droite. Si le premier de ces pôles est traversé de crises et mis en difficulté par l’opération LREM, il n’en demeure pas moins particulièrement implanté ; malgré le désastre de la candidature Fillon, son écho continue de porter loin. Le second de ces pôles connaît également une reconfiguration et une réorientation, symbolisée par l’éviction de Florian Philippot et le renforcement d’un discours libéral qui s’encombre moins de masques. Malgré le salutaire et cinglant échec infligé à Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle, l’enracinement de l’extrême droite reste à un niveau historique et rien n’indique un reflux jusqu’ici.

Cette montée des périls ne s’arrêtera pas d’elle-même ; c’est une puissante alternative de progrès, porteuse d’un fort projet de classe qui, seule, peut lui faire efficacement face, dans la durée.

Thèse n° 31 : Les forces de progrès se recomposent dans la difficulté et l’éclatement.

L’effondrement du PS, marque du discrédit du projet social-démocrate, bouleverse la situation à gauche. Le quinquennat Hollande a abîmé comme jamais l’idée de gauche. De fait, l’identification positive à la référence « gauche » a considérablement faibli, mais celle-ci n’a pas disparu et notre peuple n’a rien de bon à attendre de sa disparition, d’autant que la vérité qui se fait jour sur le projet Macron le révèle au plus grand nombre comme un authentique projet de droite.

La géographie de la gauche s’en trouve d’autant plus chamboulée que la principale d’entre elles, la FI, refuse de s’en réclamer, usant de références multiples et variables dont celles du « populisme » et du « dégagisme ». Pour autant, les forces sociales qui la soutiennent sont majoritairement issues du mouvement de la gauche antilibérale qui s’est amplifié à partir de 2005, et que nous avons contribué à développer. D’autres forces, dans le giron de la social-démocratie, comme le mouvement Génération.s de Benoît Hamon apparaissent.

Aujourd’hui, les repères politiques de celles et ceux que nous ambitionnons de rassembler
sont éclatés et mouvants. La gauche sociale et politique est durablement diverse, comme le montre l’appel du 26 mai. Son rassemblement est nécessaire mais n’y suffira pas. Notre travail de rassemblement se reconstruira d’abord autour de contenus forts répondant aux exigences populaires.

Cette reconfiguration politique n’est pas figée ; elle appelle de notre part ambition et audace.

Thèse n° 32 : Vers un nouveau front social et politique.

Notre stratégie est faite de débats idéologiques, de luttes permanentes, de fronts partiels pour faire reculer le pouvoir LREM et le patronat qui le soutient, pour stopper son offensive de remodelage, pour ouvrir des brèches et construire des avancées concrètes à l’opposé des logiques capitalistes. Nous menons ces luttes à toutes les échelles, locales, régionales, nationale, européenne et mondiale.

Ces mouvements doivent préparer un changement de majorité politique dans le pays. Si les conditions n’en sont pas aujourd’hui réunies, le besoin d’une majorité alternative au pouvoir de Macron est d’ores et déjà posé. Nous avancerons sur le chemin de cette nécessaire reconstruction politique dans les luttes populaires en cours et à venir en faisant grandir l’exigence de transformation des pouvoirs politiques et de leurs orientations.

Quelle perspective pouvons-nous nationalement proposer qui ne renouvelle pas les échecs du passé récent ? Nous savons que les forces sociales et politiques dont la mise en mouvement est nécessaire sont diverses et traversées de débats. Les mobilisations du printemps contre la politique Macron l’ont confirmé.

Nous proposons aux forces disponibles d’expérimenter un nouveau cadre politique, pour continuer de faire avancer cette construction sans nier les débats : la création d’un forum national politique qui pourrait poursuivre le débat politique entre les forces disponibles, animer des campagnes communes, élaborer des constructions programmatiques ou électorales, sans rendre la participation de toutes les forces s’y associant chaque fois obligatoire. Tout en favorisant l’unité d’action politique, il laisserait à chaque force sa pleine et entière liberté d’initiative.

EN DÉBAT : Stratégie

Le débat sur le nécessaire renouvellement stratégique de notre parti et les
« nouvelles initiatives stratégiques » qui en découlent font partie des questions
les plus discutées par les communistes.
Les leçons qu’il convient de tirer du bilan du Front de gauche, de son échec
final, de notre score historiquement bas aux législatives, de la difficulté et de
l’éclatement dans lequel se trouvent les forces de gauche sont ardemment
débattues.

Au-delà des idées exprimées dans les thèses de la base commune, plusieurs
idées sont avancées  : les premières portent sur la relance de l’initiative
communiste. Pour les uns, le texte fait insuffisamment place à la relance de
l’initiative communiste et du projet communiste en lien avec les luttes, alors
même que le rassemblement sur des contenus doit être au cœur de toute
reconstruction.

Aussi, notre priorité stratégique doit être de réarmer idéologiquement le
mouvement populaire et de le construire politiquement, secteur par secteur,
par la constitution de fronts de lutte et de plateformes qui unissent sur des
objectifs précis. Cela implique une autonomie de la force communiste pour
réhabiliter les enjeux de classe jusqu’à ce qu’ils dominent les enjeux identitaires
et deviennent la matrice de la recomposition de la gauche.
Une autre idée estime au contraire que c’est l’insuffisante analyse des
mouvements de transformation émergents dans la société, producteurs de
modernité, qui place le PCF en marge.

Pour initier de nouvelles luttes offensives, la base commune avance 5
transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.
Sont-elles à la hauteur, pertinentes et, surtout, déclinées en termes
opérationnels  ? Des camarades pensent que non et souhaitent que le débat
soit poussé.

La seconde idée débattue porte sur la proposition de «  forum politique
national » : elle est jugée par certain·e·s prématurée et inadaptée.
Prématurée parce que les conditions pour qu’y prévalent des contenus
transformateurs ne sont pas réunies tant que nous ne reprendrons pas
l’offensive sur ces contenus. Inadaptée parce qu’elle ressemble à ce que nous
avons déjà fait et que ce forum risque de reproduire les échecs antérieurs.
L’avenir de la gauche fait aussi débat.

Nous donnions au Front de gauche l’objectif de supplanter au sein de la
gauche les forces sociales-libérales. Mais aujourd’hui, c’est la dislocation, voire
la disparition de la gauche qui est en jeu. Au moment où le projet Macron se
révèle profondément de droite, mettons-nous l’objectif de sa reconstruction au
centre de la stratégie et comment ?

À ce propos, l’idée est avancée que nous devons prendre différemment en
compte la nouvelle géographie de la gauche et l’émergence de la FI, qui
marquerait l’arrivée en tête de la gauche d’un projet de portée anticapitaliste.
La FI se trouve ainsi placée face au défi du rassemblement de la gauche sauf à
occasionner une désespérance supplémentaire. Nous avons une responsabilité
particulière, notamment dans les échéances locales à venir en raison de notre
implantation, pour poser la question de ce rassemblement, mener la bataille de
la reconquête pour une gauche aujourd’hui très affaiblie.

En somme, des thèses de la base commune et des idées avancées ressort l’idée
que nous devons poursuivre jusqu’au congrès le débat de notre renouvellement
stratégique. Nous sommes loin d’être au bout de ce débat.

Thèse n° 33 : Nous avons vocation à être présent·e·s à toutes les élections.

Avec la perspective de nourrir cette mise en mouvement consciente du plus grand nombre pour des objectifs de conquête, nous avons vocation à être présent·e·s à toutes les élections, y compris à l’élection présidentielle.

L’analyse concrète des différentes situations concrètes doit nous amener à déterminer les modalités précises de cette présence. Pour autant, dans le calendrier hyperprésidentialisé de la Ve République, nous devons préparer dès à présent l’ensemble de la période quinquennale et démontrer la pertinence de notre présence à toutes les échéances.

Les deux prochaines échéances qui nous attendent, élections européennes en mai 2019 et municipales en 2020, doivent être préparées dès maintenant à partir de leurs caractéristiques propres et des objectifs qu’elles peuvent permettre de faire avancer.
Les élections européennes auront lieu en mai prochain. Nous sommes en campagne avec un contenu de classe – portant les intérêts populaires contre ceux de la finance – et internationaliste – mettant en valeur le besoin d’une France libre de dire non et à l’offensive pour construire sans attendre des coopérations de développement commun à géométrie choisie. Cette orientation est la réponse progressiste à la fausse alternative entre « intégrationnisme » néolibéral de Macron et nationalisme tout aussi néolibéral du FN, les deux revers de la médaille capitaliste.

Dans le contexte d’un rejet populaire puissant des politiques de l’Union européenne, de crise des partis du consensus libéral au profit d’une droite encore plus réactionnaire ou de mouvements comme LREM, et de percées critiques des extrêmes droites, l’alternative réside dans notre capacité à créer un rapport de forces aux élections en faveur d’exigences sociales fortes.

Jeunes comme retraité·e·s, salarié·e·s comme indépendant·e·s, militant·e·s de la paix comme écologistes, féministes comme antiracistes, toutes et tous confrontés dans leurs combats aux traités et politiques de l’UE, doivent trouver dans les européennes de 2019 une occasion de porter leurs idées eux-mêmes aux côtés de candidats communistes incorruptibles face aux pouvoirs de l’argent, combatifs et déterminés à placer toujours l’humain et la planète au cœur de leurs actions. C’est ainsi qu’est construite notre liste, qui reste ouverte à de nouvelles jonctions avec le mouvement social et les partis de la gauche de transformation sociale et écologique. Nous travaillons à faire élire des député·e·s européen·ne·s communistes et issus de ces luttes de progrès dans la perspective d’un groupe de gauche confédéral, large et rassemblé au
parlement européen.

Pour les élections municipales, des rassemblements très larges sont possibles sur la base de projets promouvant la commune, les services publics, la démocratie locale, élaborés au plus près des citoyennes et citoyens. Dans ce cadre, il nous faudra travailler à une cohérence métropolitaine de notre stratégie. Bien avant la constitution de listes, c’est autour de projets locaux et d’une bataille nationale contre les plans de liquidation et l’asphyxie financière du pouvoir communal que nous voulons engager sans attendre le combat.

Le Parti communiste entre dans un nouveau siècle

Thèse n° 34 : Révolutionner le PCF pour révolutionner le monde.

Pour porter le combat communiste dans un monde qui change vite, et mettre en œuvre cette nouvelle stratégie, le Parti communiste français doit se révolutionner. Il doit réinventer son projet, sa démarche, ses pratiques, son organisation. Nous savons que cela ne se décrète pas. Nous avons de nombreux atouts mais beaucoup est à changer également. Ni table rase, ni simple continuation, mais évolution révolutionnaire : voilà ce qui guide nos transformations. Ce n’est pas la première fois que nous en parlons : nous avons engagé ces transformations en 2008, en décidant de demeurer le Parti communiste. Notre parti a changé, il s’est rajeuni, renouvelé, il reste une force essentielle, mais il s’est aussi affaibli. Au dernier congrès, conscient·e·s que nos transformations étaient insuffisantes, nous avons adopté un relevé de décisions. Il était ambitieux ; l’évaluation de sa mise en œuvre est à engager dans toutes les organisations du PCF
mais nous pouvons déjà estimer que nous avons peiné, collectivement, à le mettre en œuvre. Cette fois, il faut sauter le pas.

Thèse n°35 : Un parti démocratique pour l’engagement du plus grand nombre.

Pour faire échec aux ambitions du capital et promouvoir une alternative révolutionnaire, une ample mise en mouvement consciente est nécessaire. Celle-ci, pour prendre toute sa mesure et atteindre une dimension de masse, appelle une organisation démocratique rassemblant largement et coordonnant intelligences, expériences et énergies dans la durée.

C’est pour cette raison que nous travaillons à faire du Parti communiste l’organisation de la politisation populaire, de l’appropriation par le plus grand nombre des clés d’intelligibilité du monde, des intérêts qui s’y affrontent et des voies de sa transformation.

Il s’agit ainsi de contribuer à ce que travailleurs et travailleuses construisent eux-mêmes les chemins de leur émancipation, dans la maîtrise des enjeux et dans l’action.
Cette orientation fondamentalement démocratique est inséparable de notre conception de la mise en mouvement populaire et du rôle du PCF dans celle-ci.
Dans cet esprit, nous travaillons à faire du Parti communiste un parti de masse, ancré dans de larges couches de la société, en prise avec les souffrances, les oppressions, les discriminations, tout comme avec les colères, les espoirs et les luttes qui s’y déploient.
Pour atteindre cet objectif, nous visons à faire du collectif militant conscient et actif une force qui peut s’appuyer sur la réflexion et l’expérience de tou·te·s et de chacun·e. Parce que nous cherchons à avoir une analyse et une action pertinentes, nous devons mobiliser l’apport de chaque communiste. Nous pensons la voie de notre efficacité en visant un Parti communiste comme intellectuel collectif, ouvert sur la société. Cela implique de stimuler le débat, la production et la circulation d’idées et d’initiatives, d’amplifier leur coordination et leur mise en commun.

Thèse n° 36 : Un parti pour ne plus se laisser dominer, exploiter, aliéner.

Nous sommes le parti de celles et ceux qui produisent les richesses, face à ceux qui accumulent les dividendes. Quel que soit leur statut, elles et ils trouvent au Parti communiste l’organisation de lutte des classes. Le Parti communiste, sans exclusive, cultive sa singularité dans le paysage politique en étant une force à la disposition des milieux populaires.

Nous sommes le parti de celles et ceux que les dominations patriarcales et racistes briment et tentent d’abaisser. Au Parti communiste, elles et ils relèvent la tête et se battent pour la justice et la dignité.

Nous sommes le parti de celles et ceux qui ne s’en laissent pas conter sur le « capitalisme vert » et savent qu’il faut engager dès maintenant cette révolution écologique. Au Parti communiste, elles et ils s’organisent pour ce combat écologique.
Nous sommes le parti de celles et ceux qui ont l’internationalisme au cœur. Au Parti communiste, elles et ils militent pour la paix, la liberté et l’égalité des peuples.

Thèse n° 37 : Un parti pour la jeunesse qui veut s’engager, penser et construire un nouveau monde.

En respectant son indépendance d’organisation, nous soutenons, partout, le rayonnement du Mouvement jeunes communistes de France. Celui-ci s’est considérablement renforcé ces dernières années ; il est un point d’appui important pour la jeunesse dans toutes ses mobilisations.

Les communistes soutiennent cette dynamique en favorisant le développement d’espaces
d’accueil, de soutien logistique et d’échanges politiques avec le MJCF.
Levier de transformation de la société, les jeunes peuvent trouver au PCF une structure de lutte pour gagner leur avenir. Le PCF crée les conditions de leur accueil, en prenant en compte leurs aspirations et modes d’engagement spécifiques, en leur offrant aussi bien des possibilités de formation qu’un répertoire d’actions adapté.

Thèse n° 38 : Pour un parti féministe.

Les freins à la mise en place du livret ressource pour amplifier la lutte contre les violences
sexistes et sexuelles et du dispositif associé, mais au-delà le manque d’ambition pour la mise en responsabilité et la participation des femmes dans le Parti doivent être dépassés. Nous devons tirer toutes les conséquences du fait que le mouvement féministe, en plein essor mondialement, est un des plus puissants leviers d’émancipation. Il est temps de sortir des déclarations « il manque des femmes », « les femmes ne veulent pas être candidates » et dépasser le constat qu’aujourd’hui 45 % des adhérents sont des adhérentes, mais que 80 % des secrétaires fédéraux sont des hommes. L’égalité femmes/hommes doit être un axe de travail dans le pôle Vie du Parti. Créons des binômes paritaires, des coprésidences, des commissions locales féministes. Engageons un autre mode de répartition des tâches politiques plus participatif, plus partagé, y compris dans le temps, qui favoriserait les femmes.

Thèse n° 39 : Pour un parti de masse et de proximité.

Si un de nos objectifs est d’investir les luttes existantes pour en pousser le potentiel de transformation révolutionnaire, notre structuration comme notre nombre sont essentiels. Ainsi, le nombre d’adhésions que nous réalisons, le nombre de personnes à qui nous proposons l’adhésion et, de fait, le nombre de camarades mobilisé·e·s pour la proposer sont des éléments cruciaux dans notre volonté de conquête sociale et politique. Aussi, le renforcement du PCF ne se pose pas, d’abord, comme une question interne mais bien comme un élément indispensable au développement d’un large mouvement pouvant rendre possible l’alternative dont la France a besoin. Dans ce sens, nous lançons une grande campagne d’adhésions « Cent ans d’avenir » :

un appel national aux hommes et femmes de progrès. Faisons cause commune : c’est ce que peuvent décider des dizaines de milliers de personnes dans les deux ans à venir. Tous ensemble et dans toute la France, en 2020, nous fêterons le centenaire de notre parti et l’ouverture d’un nouveau siècle de combat communiste. Nous préparons dès à présent cette grande année de fêtes populaires. C’est un plan de travail qu’il faut élaborer dans toutes les structures du PCF, en démocratisant la question de l’adhésion, en développant des outils en ce sens, en fixant des objectifs et en faisant suivi, évaluation et points d’étape. Un temps national doit être consacré à cette question recensant notamment les expériences locales positives grâce auxquelles les militant·e·s communistes, par leur présence régulière contribuent déjà grandement au renforcement de notre organisation. En s’appuyant sur des luttes locales donnant à mobiliser sur des objectifs précis, les communistes gagnent en crédibilité, en audience et en contacts. Ceux-ci
devraient faire l’objet d’un suivi régulier sur le long terme dans notre objectif de renforcement.

Pour autant, notre nombre ne prend toute sa force que dans notre capacité à nous organiser, dans la proximité, dans l’ensemble du territoire. Nous devons donc travailler à des objectifs de déploiement du PCF. La question de la proximité est essentielle pour tisser contact humain et rapport de confiance dans la durée. C’est un atout décisif pour être pleinement dans les luttes, rayonner dans la société, peser sur les rapports de forces et, au-delà de nous-mêmes, mettre en mouvement largement. Pour cela, l’organisation de proximité des communistes doit viser partout où cela est possible l’échelle humaine : le quartier, la commune, le canton rural ou le lieu de travail. Cette proximité est également un élément indispensable pour permettre à chaque communiste de trouver sa place dans le PCF, au-delà du livret d’accueil des nouveaux adhérent·e·s que nous mettons en place.

Thèse n° 40  : Un parti pour faire toute sa place à la politique dans les lieux de travail.

Si de nouvelles formes d’exploitation apparaissent (« ubérisation », « auto-entreprenariat »…), l’entreprise demeure le cadre essentiel de l’opposition capital-travail. Des millions de salarié·e·s y sont confronté·e·s aux bas salaires, à la précarisation, la mise en concurrence, l’exploitation. C’est aussi le lieu où, par l’activité syndicale, se construit la solidarité revendicative, où prend corps la force du mouvement social. Pour autant, les difficultés de l’organisation à l’entreprise, au plan syndical comme au plan politique s’aiguisent.

À l’heure où la question du sens et du pouvoir dans l’entreprise est posée, à l’heure où l’appropriation de celle-ci par celles et ceux qui y travaillent s’invite à l’ordre du jour de l’humanité, il nous faut retravailler la question de l’intervention communiste à l’entreprise, dans un registre spécifique qui ne saurait se confondre avec l’activité syndicale. Les difficultés sont grandes mais nous devons être sensibles aux dynamiques positives enregistrées notamment parmi les cheminot·e·s dans le cadre de leur grande mobilisation : des cellules se sont créées, renforcées, redynamisées. Nous relançons, avec volontarisme, un secteur national dédié à l’activité dans les lieux de travail avec, comme premier objectif, de travailler à la mise en lien et au recensement des camarades des mêmes branches d’activité, avec la volonté de mettre en place un·e référent·e pour chacune de ces branches. Comme prévu dans le relevé de décisions, nous consacrerons un Conseil national à cette question.

Thèse n° 41 : un parti de la formation pour changer le monde.

Notre politique de formation doit nous permettre de remplir trois objectifs. Primo, élargir le nombre d’individus en maîtrise de concepts, de gestes, d’outils pour donner pleine mesure au libre rayonnement de chaque adhérent·e dans la société. Deuxio, permettre de faire vraiment de notre nombre une force active, un intellectuel collectif, par un haut niveau de culture commune partagée. Tertio, prendre hardiment le chemin d’un Parti communiste aux couleurs de toute la société, en se dotant de directions, à tous niveaux, n’étant pas le reflet passif des inégalités de tous ordres.

Dans ce sens, la formation devient une priorité d’organisation appelant une active formation de formateurs afin de démultiplier nos forces en la matière, la mise au point et en circulation de livrets et vidéos. Outre les stages de base et les stages à destination des cadres nationaux que nous souhaitons renforcer, nous développons, à échelle régionale, une nouvelle catégorie de stages à destination de tous nos cadres locaux et départementaux, dans l’esprit de ce qui est expérimenté actuellement. Nous développons à tous les niveaux de notre organisation des formations sur les violences sexistes et sexuelles pour lesquelles nous affirmons une tolérance zéro.

Les enjeux de formation sont de grande importance pour le PCF comme pour notre objectif stratégique de mise en mouvement populaire.

Thèse n° 42 : Un parti de solidarités concrètes.

Parce que le combat politique ne se résume pas, pour nous, au maniement de grands mots et de petites phrases, nous avons multiplié les initiatives de solidarité concrète dans la dernière période : ventes de fruits et légumes, marchés solidaires, aide aux devoirs, voyages à la mer…
Ces initiatives, par-delà l’aide effective qu’elles apportent, peuvent constituer des portes d’entrée pour l’engagement politique et donner de la force et de l’incarnation à nos batailles. Elles s’inscrivent dans notre bataille de politisation et de mise en mouvement populaires. C’est cet aspect que nous devons renforcer en faisant mieux encore de ces moments, avec esprit de suite, des portes d’entrée pour les grandes questions politiques.

Thèse n° 43 : Des campagnes identifiantes, identifiées et évaluées.

La démultiplication des campagnes nationales, fédérales, locales à laquelle viennent s’ajouter les exigences de l’actualité, ne permet pas toujours la claire identification de notre message par celles et ceux à qui nous nous adressons. En outre, une impression d’inconstance ou d’inachevé se répand pour les communistes qui mènent ces campagnes.
Concevoir une approche nouvelle de nos campagnes, alliant réactivité et esprit de suite, tout en restant au plus près des préoccupations locales concrètes, est essentiel. Travaillons à partir des idées forces de notre projet, telles que nous les exposons dans les premières parties de ce texte. Elles peuvent constituer des fils rouges, que nous veillons à décliner dans la diversité de nos campagnes ou de nos initiatives liées à l’actualité.
Ces objectifs font l’objet d’évaluation collective et de points d’étape.

Thèse n° 44  : Des réseaux nationaux d’initiative pour changer concrètement le
monde.

Les adhérentes et adhérents du PCF ont vocation à être organisés au sein de cellules, sections et fédérations. Sans qu’il s’agisse de créer une organisation nouvelle, nous développons des réseaux d’initiative thématiques pour coordonner plus efficacement les richesses militantes de notre parti et accroître son rayonnement effectif. Ces réseaux nationaux sont en effet ouverts à toutes les femmes et tous les hommes de progrès, offrant à ceux-ci la possibilité d’une expérience militante avec les communistes sans exiger un engagement global. Ils visent en outre à mieux faire circuler l’information pertinente pour un thème donné, en lien avec un secteur de travail (ou plusieurs), ou encore à organiser une campagne particulière. Il s’agit de libérer la prise d’initiatives des communistes, de les mettre en lien avec des personnes ressources sur un sujet, tout en nourrissant concrètement une mise en mouvement populaire large.

Pérennes ou ponctuels, ces réseaux doivent permettre d’élargir le nombre de personnes avec lesquelles nous avons un lien, d’approfondir le lien avec des contacts et aussi de démultiplier le nombre d’hommes et de femmes – communistes ou non – mis en mouvement.

La nouvelle plateforme numérique du PCF facilite cette mise en réseau.

Thèse n° 45 : Une plateforme pour mettre en réseau toutes les énergies communistes.

La révolution numérique a bouleversé la manière de faire de la politique, les relations sociales, les représentations et la construction des opinions. Elle a créé de nouveaux processus et lieux de politisation. Il nous faut nous en saisir pleinement. Il s’agit de se doter de nouveaux outils politiques. Nous mettons en œuvre une stratégie numérique globale afin d’acquérir une force de frappe sur la place publique numérique en maîtrisant l’articulation de celle-ci avec la place publique du monde physique, afin d’aider à la mise en mouvement, dans un cadre coordonné, nos adhérent·e·s et nos sympathisant·e·s.

Avec cet objectif nous lançons la plateforme numérique du PCF fin octobre 2018.

Celle-ci sera également un lieu-ressource pour les sympathisant·e·s, adhérent·e·s et responsables de notre parti, en permettant à chacune et chacun d’ouvrir un compte « Mon PCF ». Dans cet espace, sont regroupées des informations utiles – différentes selon qu’on soit sympathisant·e ou adhérent·e – avec, pour les communistes, un lien permettant d’enrichir nos propositions et, pour toutes et tous, un espace personnel où on pourra préciser centres d’intérêt et aspirations militantes, pour gagner en efficacité d’action et favoriser la mise en mouvement efficace.

Ces espaces constituent également des centres de ressources personnalisés pour suivre les initiatives proches de son domicile.

Il s’agit avec la plateforme de se donner les moyens de faire passer une personne d’un engagement dans une campagne numérique (pétition, abonnement à une lettre électronique…) à une action politique pérenne aux côtés du PCF ou en son sein. L’ouverture de la plateforme s’accompagnera de la mise en œuvre d’un plan massif de formation à l’usage politique des outils numériques dans notre parti.

Thèse n° 46 : Une stratégie de communication pour un nouvel écho au PCF.

La communication actuelle de notre organisation doit connaître un saut qualitatif pour s’affranchir de notre triple déficit : problème d’image, manque de permanence et atomisation profonde. L’objectif est de donner à voir la modernité du PCF et du combat communiste. Il nous faut améliorer notre réactivité à l’actualité en développant notamment notre porte-parolat et mener des campagnes de communication dans la durée, à l’appui de nos campagnes politiques. L’enjeu est double : produire des contenus idéologiques de qualité en lien avec le renouveau de la pensée marxiste et travailler à leur diffusion massive, notamment grâce à l’outil vidéo ; parallèlement, développer une communication plus large qui s’adresse à la fois à celles et ceux qui nous écoutent, tout en visant à élargir notre discours aux « communistes qui s’ignorent ». Les idées de bonheur et d’émancipation, la crédibilité du PCF à accéder au pouvoir et la refonte de notre signature « L’humain d’abord » sont au cœur de cette nouvelle stratégie de communication. Les éléments innovants du combat communiste et de notre stratégie doivent être appuyés par une communication redéfinie, notamment en direction des salarié·e·s et des femmes, et avec une priorité donnée à la jeunesse, celle-là même qui dans les enquêtes se déclare la plus ouverte à la question du communisme. Les modalités d’incarnation du PCF donnent à voir l’objectif de rajeunissement de l’image de notre parti. Pour unifier notre communication, nous créons une plateforme de maquettage en ligne, une charte graphique, une nouvelle symbolique, voire un nouveau logo. À l’issue de notre congrès un grand plan de formation en communication sera lancé en s’appuyant sur des référents régionaux.

Thèse n° 47 : Un parti de la bataille idéologique et de l’éducation populaire.

Des centaines de milliers de personnes cherchent à mieux comprendre le monde dans lequel ils évoluent, à identifier des clés d’intelligibilité. C’est une aspiration large ; c’est un enjeu politique majeur.

Dans ce sens, le PCF initie une Université permanente, intégrant les potentialités numériques de diffusion. Autour de quatre thèmes déployés dans l’année, celle-ci propose, chaque semaine, une conférence. Cette initiative n’est pas à destination des seuls communistes  ; nous la faisons connaître largement autour de nous, notamment, parmi la jeunesse, toutes celles et tous ceux qui cherchent.

Il s’agit d’ancrer fortement et visiblement le PCF dans une démarche d’éducation populaire, avec des retours incessants entre pratique et théorie dans une démarche de recherche-action. Dans ce sens, des déclinaisons régionales peuvent être envisagées.

Ces universités participent à la bataille idéologique, comme l’université d’été, nos productions, revues (Cause commune, revue d’action politique du PCF mais aussi Progressistes et Économie et Politique) et les précieux journaux progressistes de notre pays – à commencer par l’Humanité et l’Humanité Dimanche dont la diffusion militante est un enjeu majeur.

Thèse n° 48 : Pour des directions plus efficaces et plus démocratiques.

Pour être de mieux en mieux le parti de l’action populaire, animée par une activité militante de proximité dans tout le territoire, nous avons besoin d’une conception renouvelée des directions plus efficaces dans l’impulsion de l’initiative communiste.

D’ores et déjà notre parti permet à des milliers de femmes et d’hommes, notamment issus des milieux populaires, de prendre des responsabilités militantes et électives et d’être des leviers pour un large engagement dans notre pays. C’est un enjeu important que d’avancer plus loin dans ce sens, en particulier en permettant à des jeunes d’accéder à des responsabilités.

Les attentes des communistes envers leurs directions sont fortes : l’aptitude à impulser des initiatives nationales et locales qui contribuent au rayonnement des idées communistes, à conduire des batailles dans la durée et les évaluer, à générer un travail collectif, à fournir tous les éléments leur permettant de décider souverainement. Concernant notre parole nationale, en particulier, les communistes demandent plus de clarté, de visibilité, de cohérence dans les choix effectués et plus d’efficacité et de combativité.

Tout ceci nous oblige à repenser nos directions, à réfléchir à nos fonctionnements, aux outils dont nous nous dotons, aux coopérations nouvelles que nous initions et aux liens entre la direction nationale et les fédérations départementales grâce à des coordinations régionales.

Nous avons besoin de directions davantage en prise avec les réalités de la société, représentatives de la diversité du salariat, de la ruralité et des grandes agglomérations, associant des camarades engagé·e·s dans le mouvement social, des élu·e·s, des animateurs·trices du Parti. Pour cela le fonctionnement des directions doit évoluer pour tenir compte de la vie réelle de leurs membres, de leur temps disponible, afin de permettre la participation et l’engagement de toutes et tous.

Ainsi des moyens décuplés doivent être déployés pour créer les conditions de l’accès des
femmes aux responsabilités, conformément à nos statuts qui prévoient la parité dans toutes les instances de direction.

Le travail du congrès doit adopter une démarche totalement nouvelle. La commission des candidatures aura pour première mission d’animer le débat dans tout le Parti sur la conception nouvelle de nos directions, notamment du dispositif national de direction nécessaire. Concernant la direction nationale, elle travaillera à la réduction du nombre de ses membres, pour améliorer son mode de fonctionnement et de prise de décisions qui clarifiera les rôles respectifs du Conseil national, du Comité exécutif national et du ou de la secrétaire national·e. Nos statuts devront être rediscutés et modifiés après un bilan partagé à l’occasion du 39e congrès.

EN DÉBAT : Directions

La situation nous appelle à revisiter, sans aucun a priori, l’ensemble de nos
fonctionnements. Nous ressentons la nécessité de modifier la conception de
nos directions pour mettre en œuvre nos choix politiques, stratégiques et faire
vivre le débat démocratique au sein de notre organisation.

Des insatisfactions s’expriment quant au rôle et au fonctionnement de la
direction nationale notamment.

Il est donc nécessaire de clarifier les rôles respectifs du Conseil national et du
Comité exécutif national et de réfléchir :

à la façon d’améliorer le fonctionnement démocratique du Conseil
national pour en faire plus et mieux l’instance d’élaboration des positions
et des initiatives nationales ;

à la mission du CEN ;

au rôle qui revient au ou à la secrétaire national·e.

Des camarades avancent l’idée que, pour parvenir à modifier notre fonctionnement, il est nécessaire de renouveler profondément la direction nationale, jusqu’au secrétaire national.

D’autres considèrent que les questions auxquelles nous sommes confronté·e·s sont politiques, avant d’être des questions de personnes, et que le débat ne peut se poser en ces termes.

De même, les rôles respectifs des conseils départementaux et des exécutifs départementaux et leur fonctionnement doivent être repensés.

La redéfinition de ces rôles porte à reconsidérer la composition de ces instances : quels sont les différents profils à rechercher, en fonctions des tâches à accomplir, des besoins et objectifs politiques ?

Pour une autre organisation de travail du Conseil national, ne faut-il pas imaginer
une équipe d’animation en charge de préparer ses réunions, en amont, pour fournir à chaque membre les ressources nécessaires au débat et à la prise de décisions ?

Pour améliorer le fonctionnement global de la direction nationale, faut-il donner un nouveau rôle à la réunion des secrétaires départementaux ? Lequel ?

Pour des instances en prise avec la réalité de la société, il faut aussi définir des modes de fonctionnement différents (le processus de prise de décisions, le format des réunions, la collégialité, les horaires, les outils …) avec le double objectif de permettre la participation de camarades en activité professionnelle, et la prise de responsabilité vraiment effective des femmes pour une mise en pratique réelle de la parité.

Comment y parvenir ?

Comment et à quel moment évaluer les décisions prises, leur mise en œuvre, les campagnes, les initiatives décidées et impulsées par les directions nationales et locales ?

S’il est nécessaire d’interroger la constitution et le fonctionnement de chaque collectif de direction – de la section jusqu’au plan national – il nous faut aussi examiner la question de la prise de responsabilités à tous les niveaux, de ce que cela implique notamment de capacité d’animation et de prise d’initiatives, la conception que nous en avons. Beaucoup de sections, de fédérations sont, dans les faits, confrontés à la difficulté de cette prise de responsabilités.

Des propositions existent pour aller vers des binômes paritaires, ou
générationnels, ainsi que des modes de fonctionnement qui évitent que toutes
les questions reposent sur le ou la premier·e responsable.

C’est avec ambition et détermination que les communistes s’inscrivent dans les combats et les défis de leur temps.

Le Parti communiste est le parti de toutes celles et tous ceux qui souhaitent construire un monde de justice et de paix !

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« Communisme » : le congrès extraordinaire du PCF de novembre 2018

Le Parti Communiste Français va tenir son congrès extraordinaire en novembre 2018 et son déroulement risque d’être assez particulier, en raison de la cristallisation de nombreuses oppositions à la direction. Après 1989, celle-ci a impulsé une ligne sociale-gouvernementale balançant par-dessus bord toujours plus des traditions de la base, au nom du maintien des élus et d’une existence à travers l’union de la gauche.

Cela a eu indéniablement un succès, au sens où le PCF a maintenu son existence et une présence réelle dans les institutions. Le développement de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon est venu toutefois troubler cette démarche, son populisme attirant pas moins que la moitié de la base du PCF, l’autre moitié ayant peur de se faire phagocyter.

À cela s’ajoute une lisibilité électorale toujours plus faible, avec comme résultats des scores de 1,93% à la présidentielle de 2007 et 2,72% aux législatives de 2017.
Ce qui est en jeu désormais, c’est l’existence du PCF comme organisation « indépendante » : le choix de se lancer seul aux Européennes, avec Ian Brossat comme tête de liste, est la tentative de jouer le tout pour le tout.

Or, Ian Brossat a une ligne sociale-européenne qui déplaît fortement à une partie de la base, qui voit là une tentative de la direction de forcer une orientation bien déterminée, aux dépens des opposants. La direction n’avait d’ailleurs réussi à proposer une « base commune » en vue du congrès extraordinaire qu’avec 49 voix sur 91.

Cette « base commune » proposée par la direction y va pourtant très fort dans la radicalité verbale. Intitulée « Le communisme est la question du XXIe siècle », elle parle de dépassement du capitalisme et de maintien des « conquêtes de classe », exige des « nationalisations authentiques (et non simples étatisations hors d’atteinte du pouvoir populaire) », constate que « la classe des salarié·e·s est unie objectivement, dans sa subordination aux grands propriétaires qui, seuls, décident et profitent véritablement ».

Cependant, attention ! Il ne s’agit pas de la reprise du discours du PCF des années 1970 ou 1980. Pour la direction du PCF, dont l’université d’été reflète le style et l’approche intellectuelle, le « communisme » est une sorte de contrepoids démocratique au capitalisme, consistant en une mobilisation pour prendre le dessus sur « l’argent ».

Le mot « socialisme » ne revient par conséquent pas dans le document, à part pour affirmer que certains dans le PCF regrettent que ce concept ait disparu. A l’inverse, le rôle des élus est souligné, ainsi que les nécessités de pression populaire.

C’est-à-dire que le PCF veut se profiler comme force de l’idéal, de l’utopie, comme force anticapitaliste, sans aucunement proposer de transition, d’État socialiste, de contre-valeurs. C’est là la rupture fondamentale avec le mouvement ouvrier qui exigeait une société socialiste allant au communisme.

La question de la transition a, on le sait, donné naissance aux anarchistes-communistes, aux socialistes et aux communistes, qui s’opposent sur sa nature et sur son rythme. Cependant, le moment de transition n’était pas nié, il était plus ou moins raccourci, défini différemment, etc.

Avec le PCF on est ici dans quelque chose de tout à fait différent et l’écriture inclusive employée en donne l’origine : ses thèses sont celles d’intellectuels comme l’italien Toni Negri et le français Alain Badiou, voire même en poussant légèrement le bouchon comme le français Julien Coupat et le courant dit « communisant » de l’ultra-gauche.

Le « communisme » serait déjà là, comme force associative des gens d’en-bas ; il n’y aurait pas besoin d’idéologie ni d’organisation, mais simplement de bonne volonté pour établir des rapports qui « dépasseraient » le capitalisme. Quiconque a eu la possibilité de discuter avec des zadistes ou des gens de Nuit debout connaît bien cette approche par excellence petite-bourgeoise, au sens d’une négation tant de l’État que de la réalité du capitalisme comme type de production bien déterminé à l’échelle de la société toute entière.

La direction du PCF entend se profiler comme force utopiste maniant un discours totalement idéaliste au sujet du communisme, afin de maintenir son existence en récoltant les voix des couches sociales hostiles au renforcement du capitalisme et à l’augmentation de la pression sociale, sans pour autant faire de la classe ouvrière la clef de toute solution.

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Politique

La « gauche » postindustrielle en panique devant Aufstehen

L’émergence d’Aufstehen en Allemagne pose un réel souci à une gauche française passée avec armes et bagages dans le camp des valeurs postindustrielles et postmodernes. Un retour aux sources sur le plan des valeurs comme le propose Aufstehen ne peut que déplaire fortement à une gauche française pour qui le seul combat, c’est supprimer toute norme.

En 1931, la SFIO faisait une proposition de loi exigeant que les entreprises n’embauchent pas plus de de 10 % de travailleurs étrangers. C’est qu’à l’époque, la Gauche savait que les entreprises préféraient une main d’œuvre immigrée corvéable à merci, car sans conscience de classe, sans capacité d’organisation, sans niveau culturel élevé, plutôt que des travailleurs s’inscrivant dans un parcours historique bien déterminé.

C’est la raison pour laquelle la « gauche » postindustrielle et moderne est en panique complète devant l’initiative allemande d’Aufstehen, qui a avant-hier officialisé ses positions. Le Monde parle d’une « gauche antimigrants », Libération d’un « mouvement qui reprend les accents de l’extrême-droite sur la question migratoire », le Huffpost parlant d’une « gauche radicale et anti-migrants ».

Dans une de ses brèves publiées hier affirmant que Aufstehen serait « à plat ventre devant des idées réactionnaires », Lutte Ouvrière a présenté comme suit ce mouvement :

« Sahra Wagenknecht, députée Die Linke, classé à l’extrême-gauche au Bundestag allemand, vient d’annoncer la création du mouvement Aufstehen (Debout) avec comme axe politique la limitation du nombre de migrants et de réfugiés. »

Avant-hier, c’est Ian Brossat qui pour le PCF se lançait dans une attaque du même type, assimilant de manière ouverte migrants et réfugiés :

« En Allemagne, certains représentants politiques empruntent une pente dangereuse. C’est le cas de Sarah Wagenknecht, ancienne présidente du groupe Die Linke (gauche radicale) au Bundestag, qui vient de créer un mouvement populiste anti-migrants, « Aufstehen ».

Honte à elle et à tous ceux qui, se prétendant de gauche, adoptent un discours anti-migrants. Je salue nos camarades de Die Linke qui ne cèdent pas à cet appel à adopter le même discours que l’extrême droite s’agissant des questions migratoires.

Faire des réfugiés les boucs émissaires de la crise est une ignominie sans nom. Pendant ce temps-là, les capitalistes qui pratiquent le nomadisme sur fond de dumping social et fiscal dans une totale impunité peuvent continuer à délocaliser et à broyer vies et territoires en toute tranquillité.

Les progressistes d’Europe ont mieux à faire que plagier les arguments éculés de l’extrême droite selon lesquels les étrangers nous volent notre pain ou font baisser nos salaires. Il nous faut au contraire consacrer notre énergie à trouver des issues positives à la crise de l’accueil que vit l’Europe depuis trois ans.

C’est ce à quoi s’emploie le PCF, en proposant d’une part d’ouvrir des voies légales pour permettre l’arrivée en bonne condition des réfugiés qui fuient la guerre et la misère, et d’autre part qu’une clé de répartition européenne impose à l’ensemble des vingt-sept de prendre part à l’accueil et au devoir de solidarité.

Ian Brossat, chef de file du PCF pour les élections européennes »

On peut remarquer que Ian Brossat parle ici de capitalistes pratiquant le nomadisme, un terme classique du national-socialisme, les capitalistes étant assimilés aux Juifs censés être des « nomades ».

Cependant, il faut surtout noter qu’en réalité et contrairement aux propos de Ian Brossat, Sarah Wagenknecht se prononce en faveur de l’accueil des réfugiés, faisant simplement et logiquement la distinction entre ceux-ci et les migrants.

De toutes façons, la question des réfugiés ou des migrants, contrairement à ce que laissent entendre toutes ces réactions, n’est absolument pas centrale dans le positionnement d’Aufstehen. C’est un thème important, néanmoins ce n’est pas du tout un axe politique, comme le prétend Lutte Ouvrière.

Et pour cause ! Aufstehen, qui a dépassé les 110 000 personnes s’inscrivant dans sa démarche, n’est pas un parti politique. C’est un mouvement transversal unissant le maximum d’initiatives pour développer des thèmes sociaux et pacifistes, afin de renforcer la Gauche en demandant aux partis de prendre en compte les points de vue exprimés.

Le texte fondateur et introductif rendu public avant-hier explique ainsi simplement que les écarts de richesse sont devenus immenses en Allemagne, alors qu’il y a davantage de richesses, et qu’on est ainsi ramené aux différences sociales de l’époque de l’empereur Guillaume.

Rien que cette allusion culturelle à l’empire, à la hiérarchie aristocratique littéralement fantastique décrite admirablement en 1914 dans le roman de Heinrich Mann Le Sujet de l’Empereur, place Aufstehen dans le camp antifasciste, inacceptable pour la Droite. Il faut se souvenir que le drapeau du IIIe Reich reprend directement les couleurs du second Reich (le noir, le blanc et le rouge).

Et ce sont les profiteurs, ceux qui ici sont pour Emmanuel Macron des « winners », qui sont dénoncés :

« Ce sont avant tout les grandes entreprises et leurs propriétaires qui sont les gagnants de la mondialisation, du libre-échange, de la privatisation et du marché commun européen. Pour les riches, la promesse « Europe » a été remplie. Qui dispose de hautes qualifications et est mobile peut utiliser les nouvelles libertés.

A l’opposé de cela, exactement la moitié de la population en Allemagne a un salaire réel plus faible qu’à la fin des années 1990. Beaucoup de gens concernés voient en la permissivité et l’immigration avant tout une concurrence accrue et des emplois mal payés. Pour les employés des pays de l’Est travaillant dans les abattoirs allemands ou les soins pour personnes âgées, c’est également avant tout l’exploitation qui est devenue sans limites.

Et pendant que les monopoles s’arrosent de grandes dividendes, les plus pauvres se disputent pour les restes.

Depuis que l’État social ne fournit plus de sécurité suffisante, beaucoup se battent seuls pour eux-mêmes. Qui perd son job ou bien est mis à l’écart par de longues maladies se retrouve rapidement tout en bas (…).

Les dangers globaux grandissent. Dans les rapports internationaux, la loi du plus fort militairement remplace toujours plus les négociations et la diplomatie. Les guerres sont menées de manière effrénée, afin d’obtenir des matières premières convoitées ou bien d’élargir des zones d’influence géopolitique. Cela est particulièrement vrai des États-Unis. »

Pacifisme assumé et orientation sociale complète, telle est la logique d’Aufstehen, et il saute aux yeux que sa dirigeante, Sahra Wagenknecht, s’appuie sur la tradition socialiste allemande.

L’objectif de Sahra Wagenknecht n’est cependant pas un bouleversement social, mais un État social réparateur des liens sociaux. C’est un réformisme assumé, désireux de revenir aux traditions social-démocrates des années 1970.

Un tel projet est-il viable aujourd’hui? En tout cas, on ne peut qu’être étonné que la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ait salué la naissance officielle d’Aufstehen. La démarche populiste de « la FI » n’a rien à voir avec la tentative de libérer la parole populaire et Aufstehen ne prône pas comme les Insoumis une géopolitique agressive, bien au contraire.

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À gauche, et non pas simplement « de gauche »

Le plus grand souci de la Gauche, c’est que depuis le triomphe de la « nouvelle gauche » avec d’un côté François Mitterrand et de l’autre les milieux universitaires, c’est l’idée d’être de gauche qui a triomphé sur le principe d’être à gauche.

Que ce soit avec les socialistes regroupés dans la SFIO avant 1920 ou bien la SFIO et le Parti Communiste – SFIC puis le PCF, il y a toujours eu le principe suivant : une organisation s’appuie sur des principes et une analyse de la société. Il fallait travailler pour être à gauche, en comprenant la situation historique et les rapports économiques.

Avec le pragmatisme gouvernemental, la corruption électoraliste, la soumission au coup d’État de 1958 marquant la fondation de la Ve République, tout cela a disparu. Il s’agirait d’être « de gauche », face à la Droite. Il suffirait finalement d’écouter ce que disent les gens de Droite… et de dire le contraire !

Le souci bien entendu, c’est qu’il y a plein de moyens d’être opposé à la Droite. Il y a ainsi l’extrême-droite, pas les « fachos » mais la vraie extrême-droite, qui veut le triomphe d’un certain idéalisme nationaliste. Il y a aussi la Droite modernisatrice, qui a en horreur la Droite conservatrice. Ce n’est pas pour rien qu’historiquement il y a eu le RPR et l’UDF comme principaux partis de droite en France ! La République En Marche est d’ailleurs une réactivation de l’UDF.

Cela aboutit à ce que des gens s’imaginent de gauche, alors qu’ils ne sont finalement que pour moderniser le capitalisme et c’est cela qui explique que beaucoup de monde se définissant comme de gauche a apprécié les débuts d’Emmanuel Macron, qui allait secouer le « vieux monde » ! Cela reflète une perte de valeurs et un grand problème d’orientation !

François Hollande a été le dernier avatar d’ailleurs de ces menteurs appelant à voter pour eux avec le chantage suivant : si ce n’est pas moi, cela sera la Droite! Il faut se rappeler la véritable démonisation de Nicolas Sarkozy au moment de l’élection de François Hollande. Un tel populisme a liquidé la rationalité à gauche.

Quant à Emmanuel Macron s’oppose à la Droite classique, traditionnelle, mais il n’est pas à gauche pour autant. Il y a plusieurs droites, il y a celle qui préfère le calme du catholicisme et celle qui fait un fétiche de la frénésie des start ups. Il ne suffit pas de dire qu’on n’aime pas les conservateurs : la finance ne les aime pas non plus !

Ce constat est finalement facile à faire une année après l’élection d’Emmanuel Macron comme président, cependant il fallait déjà avoir compris cela avant pour bien en saisir la portée et être capable d’indiquer des chemins pour ramener les gens de gauche à gauche, pour commencer ! L’opposition à la chasse à courre est ici un marqueur incontournable, parce qu’elle attaque les notables dans l’arrière-pays, qu’il remet en cause l’appropriation de la nature par les traditions réactionnaire, et également qu’il exige un rapport nouveau, harmonieux, avec les animaux.

Pourquoi cela arrive-t-il seulement en 2018, alors qu’après 1968 s’est produit toute une critique des valeurs de la société industrielle façonnée par les grandes entreprises et un État à leur service ?

Ce qui s’est passé est finalement simple : les forces intellectuelles ont trahi et se sont précipitées dans les institutions, dans l’art contemporain, dans un véritable business associatif. La classe ouvrière a quant à elle été entièrement bloqué dans des initiatives par l’esprit de cogestion de la CGT et les rêveries autogestionnaires de la CFDT.

Ce qui compte par conséquent, c’est l’esprit de remise en cause de la vie quotidienne dans le capitalisme, mais pas pour aller en arrière, comme le font les zadistes ou les nostalgiques de la France des années 1960. Il s’agit d’assumer la société comme collectivité, c’est-à-dire le socialisme. Et d’être présent sur le terrain de la vie quotidienne!

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Benoît Hamon a-t-il raison d’employer le terme de « pauvrophobe »?

Benoît Hamon a pris la tête de la « fronde » à l’intérieur du Parti socialiste en fondant Génération-s et il a acquis une sympathie certaine chez les progressistes, car on voit bien qu’il cherche sincèrement à faire avancer les choses et les idées. C’est une figure active refusant la passivité et la résignation.

Malheureusement, son projet s’enlise toujours plus, car il vient à l’origine de la droite du Parti socialiste et ne parvient pas à revenir aux fondamentaux : il bascule toujours plus dans le camp de la modernité « posmoderne », « postindustrielle ». Dernier exemple en date : l’utilisation du concept de « pauvrophobe ».

Benoît Hamon est à la base un rocardien, c’est-à-dire un partisan de la « modernité » au sein du Parti socialiste. En ce sens, il préfigure Emmanuel Macron. Son parcours cependant en fait un être engagé et formé à l’école du Parti socialiste, avec ce réalisme froid et technocratique d’un côté, cette fibre sociale de l’autre.

Si l’on prend ainsi Benoît Hamon du côté des idées et de la tradition socialiste, ouvrière, on ne peut que se dire : ce type est une catastrophe. Si on le prend comme un bourgeois progressiste avec une grande fibre sociale et une vraie réflexion sur l’évolution catastrophique du monde, notamment sur le plan de l’écologie, ou encore du rapport aux animaux, on ne peut résolument pas le considérer comme un ennemi.

Les limites de l’horizon intellectuel de Benoît Hamon sont par là-même assez flagrantes. D’un côté, il parle de bourgeoisie… de l’autre, le concept de lutte des classes est pour lui insaisissable. Il ne peut pas dépasser intellectuellement et culturellement le capitalisme.

Ses propos dans une interview accordée au Journal du Dimanche reflètent de manière patente cette limite. Il n’y a pas d’exploitation, mais du « racisme social », pas de la misère provoquée par l’enrichissement toujours plus grands de la bourgeoisie, mais de la « pauvrophobie ».

Cela provoque un populisme anti-Macron à grands renforts de termes anglais censés montrer que le président de la République reflète un modèle « anglo-saxon » : winner, jetlag, ultra-bright, etc.

Emmanuel Macron prépare un plan antipauvreté. Un bon point pour lui ?

Macron, un plan antipauvreté ? Il est pauvrophobe. Il mène une guerre sociale aux gens « qui ne sont rien », comme il dit. Sa rentrée est placée sous le signe du racisme social : il veut punir les chômeurs en touchant au calcul de leurs indemnités. « Et en même temps », il a supprimé l’ISF et l’exit tax. Macron n’est pas le pragmatique ouvert qui prétendait rassembler largement pour réformer. C’est un vrai idéologue qui se méfie intrinsèquement du peuple. Où sont les résultats économiques du ruissellement ?

Il dit pourtant marcher sur deux jambes : libérer et protéger…

Il libère et protège surtout les siens, les winners. Le nouveau monde était une promesse intéressante, mais pas pour remplacer de vieux politiciens par des traders jetlagués qui infligent à ceux qui souffrent leur sourire ultra-bright. Nombre de citoyens espéraient une ère nouvelle de respect, je comprends leur déception face à ce mépris.

Il était inévitable que Benoît Hamon témoigne de cette limite à un moment donné, de par sa formation intellectuelle, ses goûts, sa nature sociale. Quelqu’un qui s’extasie devant l’art contemporain n’a, par définition, plus aucun lien avec la classe ouvrière.

Benoît Hamon est un modernisateur avec une fibre sociale-écologique, voilà pourquoi il tient finalement le même discours libéral sur les frontières qu’Emmanuel Macron, ainsi que sur l’Union Européenne, même si c’est pour revendiquer quant à lui « plus de social ».

Cela en fait quelqu’un d’assez intéressant, une fois qu’on a compris ces limites qui sont, très certainement, celle de la petite-bourgeoisie progressiste plus ou moins proche des centres-villes. Benoît Hamon est d’ailleurs très proche d’Europe Ecologie Les Verts, qui a la même base sociale. Leur unité semble d’ailleurs plus ou moins inéluctable.

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Aurélie Filipetti ou la trahison de la classe ouvrière

Grand espoir de la Gauche, Aurélie Filippetti abandonne la politique : aujourd’hui sort son roman « Les idéaux ». Ce qui est grave, c’est qu’elle pense avoir fait quelque chose, alors qu’elle n’a jamais été qu’un potentiel : sa vie jusqu’à présent n’a été qu’un parcours doré dans les plus hautes instances de l’État français, aux antipodes de la classe ouvrière.


Aurélie Filipetti est à l’origine une femme du peuple. Elle vient de la Moselle, son père était un mineur devenu maire PCF d’Audun-le-Tiche ; sa famille est issue de l’immigration antifasciste italienne fuyant le régime de Mussolini. Son grand-père résistant a d’ailleurs été arrêté par la Gestapo et est mort dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, juste après la libération.

Elle en parle dans son roman de 2003 Les Derniers jours de la classe ouvrière, valorisant ses origines sociales tout en ayant un vécu l’en éloignant toujours davantage. Elle fait en effet des études au lycée préparatoire à Metz, pour aller à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud et devenir agrégé de lettres classiques, ce qui est une des formations les plus conservatrices et traditionnelles qui soit.

Juste après elle adhère aux Verts, qui est un parti typique des centre-villes, en 1999. Dès 2001 elle est membre du cabinet du ministre Verts Yves Cochet, qui s’occupe de l’environnement, ainsi que conseillère municipale dans l’ultra-chic cinquième arrondissement de Paris. En 2003, elle est membre du secrétariat exécutif et porte-parole des Verts-Paris, pour rejoindre du jour au lendemain, en 2006, l’équipe de campagne de Ségolène Royal qui se présente aux présidentielles de 2007.

Elle devient député de Moselle, porte-parole du courant de Ségolène Royal dans le Parti socialiste (« L’Espoir à gauche »), soutient François Hollande en 2011, rejoint son équipe de campagne, en devient le ministre de la culture et de la communication. C’est là un parcours classiquement opportuniste.


Aurélie Filipetti a pourtant une certaine aura à Gauche, en raison de son opposition à François Hollande : en 2014, elle refuse de participer au gouvernement de Manuel Valls et rejoint les députés dits « frondeurs ». Elle soutient dans la foulée Arnaud Montebourg aux primaires ouvertes lancées par le Parti socialiste, puis rejoint le vainqueur Benoît Hamon.

L’histoire s’arrête là ! Car dans la foulée, Aurélie Filipetti perd son mandat de député de la Moselle en 2017, ne recevant que 11,8 % des voix, ce qui est un échec complet pour quelqu’un revendiquant un ancrage historique social et culturel. Elle devient alors professeur à Sciences Po Paris, ce qui nous ramène dans la haute bourgeoisie, puis chroniqueuse pour l’émission On refait le monde de Marc-Olivier Fogiel sur RTL.


Preuve de cet ancrage dans la haute bourgeoisie et l’esprit bourgeois parisien, Aurélie Filipetti a accordé à l’occasion de la sortie de son roman une longue interview aux Inrockuptibles, une revue représentant pratiquement par essence la bourgeoisie parisienne friquée mais se voulant de gauche.

On y découvre que le roman est autobiographique, et qu’elle confond l’histoire de la Gauche avec son propre vécu. Elle n’hésite pas à assimiler sa propre individualité à la Gauche elle-même :

« C’est vrai que quelque chose s’est effondré. Depuis 2007, j’ai vécu dix ans dans le milieu parlementaire, et ça s’est joué là. Surtout ce qui s’est passé en 2017, où tout ce que représentait le socle du fonctionnement du monde politique traditionnel a tout à coup volé en éclats.

Ce n’est pas une révolution, car au fond on assiste au retour du même. Malgré tout, les partis se sont autodétruits de l’intérieur et très rapidement, très brutalement, sans que cela soit prévisible. Qu’est-ce qui fait qu’un monde qu’on croyait très solide disparaît aussi rapidement ?

Bref, j’ai vu l’effondrement d’un certain idéal, d’où le titre [de son roman sortant aujourd’hui]. Mon premier roman s’intitulait Les Derniers Jours de la classe ouvrière, celui-ci c’est un peu « Les Derniers Jours de la classe politique » (sourire).

J’ai vu l’effondrement des usines sidérurgiques de Lorraine, et plus tard, la gauche y a fermé les derniers fours alors que j’étais au gouvernement, ce qui est d’une terrible ironie pour moi. »

Aurélie Filipetti a tellement fait de son parcours un fétiche qu’elle ne conçoit pas que la Gauche a existé avant elle, que sa base est la classe ouvrière qui, d’ailleurs, selon elle, n’existe plus. Pour elle, la Gauche, ce sont des gens ayant fait de hautes études devant participer aux institutions dans un esprit social, sans se faire corrompre.

D’où ses vains reproches à François Hollande comme quoi il serait fasciné par la haute bourgeoisie, ou encore sa critique des grandes écoles permettant aux bourgeois d’intégrer l’appareil d’État. C’est à croire qu’Aurélie Filipetti ne sait pas que cela se passe ainsi depuis plus depuis la fin du 19e siècle et l’organisation moderne de l’État français !

Et quand l’interview se conclut par un appel à la libre-circulation des personnes, à un retour à l’esprit de la Révolution française, on ne peut que voir qu’Aurélie Filipetti a entièrement rompu avec la classe ouvrière.

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Discours d’Olivier Faure au séminaire d’été du Parti socialiste

Hier se concluait trois jours de séminaire pour la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR), c’est-à-dire 300 élus du Parti socialiste. En voici le discours de clôture, prononcé par le député de Seine-et-Marne Olivier Faure, premier secrétaire.

On notera qu’Emmanuel Maurel n’était alors plus présent à La Rochelle : il s’est éclipsé pour aller à Marseille, à l’université d’été de la France insoumise. Il fondera d’ailleurs le 7 septembre un « club » de gauche, en présence de Jean-Luc Mélenchon.

Cher François que nous sommes si heureux de retrouver après l’épreuve de la maladie,

Chers amis chers camarades,

Il y a un an nous étions dans cette salle quelques semaines après une défaite historique. Nous étions là par amitié, par habitude, sans doute aussi pour nous rassurer en démontrant par notre présence à La Rochelle qu’il est des rites immuables.

Nous étions tellement sonnés que nous en avions même oublié de nous diviser… un an plus tard, à la lecture des journaux, je nous retrouve, vivants !

En 2017 nous avons été fracturés. Notre existence même était devenue incertaine. Aujourd’hui nous avons redressé la tête et nous sommes toujours là. Grâce à vous, les élus, nous sommes une force d’alternative, vous montrez chaque jour dans vos territoires qu’un autre chemin est possible, que nous n’avons pas perdu notre force créative.

En 2017, la recomposition a surtout créé la confusion. Après avoir dû voter pour un autre afin de faire barrage au Front National, notre identité était devenue floue. Depuis notre congrès, nous avons engagé notre renaissance. Parce que nous avons été sévèrement battus nous devons changer, produire une nouvelle synthèse, construire un nouveau projet, et d’abord changer nos comportements, prendre conscience que nous réussirons ou que nous disparaîtrons ensemble.

En 2017, certains s’interrogeaient sur notre positionnement, étions-nous dans l’opposition, dans l’opposition constructive, dans le dialogue exigeant, que sais-je encore ? Aujourd’hui, il est devenu clair pour les français que nous sommes dans l’opposition, dans une opposition résolue et déterminée, parce que le pouvoir s’est dévoilé dans ses actes et que son visage n’est pas celui de la gauche, pas celui du socialisme, pas celui de l’humanisme.

Il n’a rien de commun avec nos valeurs, nos idées, nos combats. En 2017, le nouveau Président devait mener une « révolution » et faire entrer la France dans un « nouveau monde ». Ce projet répondait à une demande et il a levé une espérance dans le pays. Mais cette espérance a été trahie. Le fait politique majeur de cette année c’est la trahison par le Président élu, des termes du contrat démocratique noué lors de la présidentielle. Elu pour faire barrage au populisme, il devait être un rempart. Il est devenu une passerelle : antiparlementarisme, défiance vis-à-vis des corps intermédiaires, pouvoir personnel, recul sur le droit d’asile…

Le président a trahi le candidat en abandonnant toute dimension progressiste. Un an après, ce qui devait être un OPNI a été clairement identifié. Le « nouveau monde » se révèle être un mélange de conformisme technocratique et de libéralisme a-démocratique. Rien ne l’y a contraint, ni crise économique, ni circonstances exceptionnelles, c’est son choix. Cette trahison nous donne une responsabilité et une légitimité. Le drapeau du progrès, le drapeau de la République sociale ne nous a pas été repris sur le champ de bataille.

Le rôle historique nous revient de nouveau.

Le progressisme est orphelin, les français ont besoin du retour d’une gauche qui agit, les français ont besoin de notre renaissance. Quel est notre message en cette rentrée :

– Avec les affaires Benalla et Kohler, le dernier masque est tombé, celui de l’exemplarité. Emmanuel Macron n’est pas seulement le Président des riches, il est aussi le Président d’un clan, prêt y compris à faire mentir l’Etat. Les Français l’ont élu en espérant que sa frénésie de pouvoir serait mise au service du pays, pas pour que son autorité serve son clan et son camp. Cette trahison du contrat passé avec les Français nous oblige.

– Un an après notre terrible défaite nous sommes là, notre renaissance est engagée, nous avons repris notre rang au sein des grandes forces d’opposition, et nous allons marteler nos propres propositions comme autant d’alternatives. Oui la gauche et les socialistes sont bien de retour !

Si nous avons retrouvé ce rôle c’est grâce à l’action conjointe des élus et du parti.

Ensemble nous avons organisé la résistance face aux réformes libérales. Votre action dans les territoires a été essentielle pour défendre les solidarités et soutenir le monde associatif. Ensemble nous avons porté haut les valeurs de la France, pour exiger par exemple l’accueil des réfugiés de l’Aquarius.

Et je salue avec vous le courage des positions prises par Martine Aubry à Lille, Carole Delga en Occitanie, Anne Hidalgo à Paris, Johanna Rolland à Nantes et tant d’autres, l’énumération serait trop longue.

Ensemble nous avons rendu toute sa noblesse à l’action du Parlement qui s’est dressé face à l’exécutif, au moment même où le président voulait l’affaiblir, pour réclamer la vérité dans l’affaire Benalla. Et les socialistes ont joué un rôle majeur dans ce combat et je voudrais vous demander de saluer nos députés qui autour de Valérie Rabault ont porté une motion de censure de gauche, et nos sénateurs qui autour de Patrick Kanner et de Jean-Pierre Sueur ont contribué à faire du Sénat la voix de l’exigence démocratique. Merci à tous pour ces combats. Nous n’en avons pas fini !

Certains continuent d’appeler à une inflexion sociale. Mais même l’écho ne leur répond plus. Depuis le discours solennel de Versailles chacun sait qu’il n’y aura aucun rééquilibrage. Ni demain. Ni jamais.

Le discours présidentiel n’est complexe que parce qu’il emprunte ses mots à la gauche – « Société de l’émancipation », « état providence du 21ème siècle » – pour mener une politique de droite !

Pour Emmanuel Macron, l’égalité se résume à l’égalité d’accès au marché. Chaque individu doit pouvoir y contribuer par ses talents. Ensuite c’est le marché qui sélectionne et récompense les mérites de chacun. Les inégalités de revenus ne sont plus un sujet. Seules comptent les « inégalités de destin ». Chacun doit avoir sa chance par la formation, mais ensuite chacun doit accepter le marché pour seul juge.

Le Macronisme est une société à responsabilité où l’Etat limite son intervention aux premiers âges de la vie. Pour Emmanuel Macron, la lutte contre les inégalités ne passe plus par la redistribution des richesses produites. Chacun est « responsable » de son destin, donc de son chômage, de sa pauvreté, de son statut, dès lors que l’Etat a garanti des conditions de départ équitables.

C’est la justification de la réforme de l’assurance chômage qui mettra chaque chômeur devant sa « responsabilité ». Le rôle de l’Etat se limite à fluidifier le marché et à assurer un filet minimal de sécurité pour éviter tout risque d’explosion sociale.

Le modèle Français n’est pas le sien. Il voit dans les décennies passées une suite d’échecs. La solidarité, la redistribution, la lutte contre les inégalités, ne sont pas son affaire. Pour Emmanuel Macron, la vision c’est le marché jusqu’au bout.

Pour nous depuis Jaurès, c’est « la République jusqu’au bout ».

Deux visions du monde. Deux regards sur l’Humanité. Pour nous, le Capital c’est l’Humain. Alors oui chers amis, chers camarades, cette rentrée va être celle d’une force d’opposition, déterminée, offensive. Et les combats vont être nombreux.

Budgétaire évidemment. Le président nous dit : « Pour partager le gâteau, il faut qu’il y ait un gâteau ». Mais sa politique fiscale a coupé les moteurs de la croissance. La consommation des ménages a chuté dès lors que le choix a été fait de leur faire payer à eux, les 45 à 50 milliards de cadeaux fiscaux faits à quelques-uns ! Et comment chacun pourrait-il disposer de sa juste part quand les outils de la répartition sont abandonnés? Les services publics, la fiscalité et même les politiques sociales !

Tout l’argumentaire présidentiel reposait sur un maître mot : l’efficacité. Mais elle est où l’efficacité quand la croissance est trois fois inférieure à celle que nous connaissions à la fin du quinquennat précédent ? Que la création nette d’emplois dans le secteur privé s’est réduite de moitié ? Que l’investissement des entreprises a lui-même baissé de 50% ?

Elle est où l’efficacité quand les dividendes atteignent des niveaux inédits mais qu’on renonce à les taxer au même niveau que le travail ? et que c’est sur les politiques sociales que l’on s’apprête à rogner parce qu’elles coûteraient « un pognon de dingue » !

J’ai eu honte qu’un président Français puisse dire à Versailles : « Quelle gloire peut-on tirer de politiques sociales qui ont condamné à la pauvreté un enfant sur cinq? »

Le macronisme est un syllogisme : les politiques sociales n’ont pas supprimé la pauvreté et bien supprimons les politiques sociales ! Et c’est dans le creux de l’été qu’a été adressée une directive sur l’organisation territoriale des services publics.

Et que dit-elle? Que l’efficacité, c’est une prime d’intéressement pour les préfets qui réduiront les services publics ! L’efficacité c’est – vous ne rêvez pas – de proposer aux serviteurs de l’Etat une prime pour affaiblir l’Etat ! L’efficacité c’est au contraire d’utiliser les marges de manœuvre pour renforcer nos services publics, donner les moyens aux médecins, aux infirmières, aux aides soignantes d’exercer leur métier dans les hôpitaux et les EHPAD…

L’efficacité c’est de lutter contre le pire des gâchis, le gaspillage humain ! L’efficacité c’est d’accompagner les familles qui ne s’en sortent plus, l’efficacité c’est de mettre les moyens pour que l’enseignement supérieur ne soit plus une loterie mais un tremplin pour tous nos étudiants, l’efficacité c’est d’aider les locataires à se loger plutôt que de raboter les APL, l’efficacité c’est de maintenir les emplois aidés dans les associations qui assurent le lien social et qui remettent le pied à l’étrier aux publics les plus éloignés de l’emploi…

Nous proposerons à nouveau à l’automne, comme nous l’avions fait dès 2017 avec Valérie Rabault, un contre-budget qui reviendra sur les cadeaux superflus aux super-riches pour au contraire ouvrir une nouvelle étape dans la lutte contre les inégalités et notamment les inégalités entre territoires. C’est aussi à la retraite que le gouvernement s’apprête à toucher. Le pire est à craindre. Dans une série de déclarations contradictoires, les pensions de réversion ont été supprimées, puis rétablies pour les seules femmes n’ayant pas travaillé, et le président lui-même s’est engagé à ne pas toucher aux pensions existantes mais sans garantie pour l’avenir…

Nous défendrons un système solidaire, par répartition, nous refuserons le basculement vers toute logique assurantielle. Nous défendrons la prise en considération de la pénibilité, les espérances de vie réduites. Nous refuserons toute logique qui conduirait à individualiser le rapport de chacun à sa retraite avec la volonté de casser toute possibilité de revendication collective. Le combat social et le combat économique vont de pair. Face à la loi PACTE, nous proposerons de nouvelles règles de gouvernance des entreprises.

Dans les conseils d’administration le travail doit être reconnu à parité avec le capital. La stratégie des entreprises ne peut plus dépendre de la seule volonté d’actionnaires qui sont le plus souvent totalement étrangers à la vie des sociétés et qui cherchent simplement une rentabilité.

Nous voulons la codétermination pour que soit respectée une vision qui replace le travail, les travailleurs au cœur de la décision. Notre combat sera aussi environnemental. Tout nous alerte et la France devrait donner la priorité à l’économie circulaire, décarbonée, adresser des signes clairs au marché en mettant Ie paquet sur les énergies renouvelables, faire le choix du ferroviaire, respecter sa parole sur le réchauffement climatique, lier enjeux environnementaux et enjeux sanitaires.

C’est une vraie révolution des modes de production qu’il faut atteindre. Impliquant une transition vers l’agro écologie. Garantissant une alimentation de qualité, dans le respect de la planète et un niveau de vie digne à nos agriculteurs qui luttent contre la concurrence à bas coût. Au lieu de quoi : Le gouvernement se félicite d’une condamnation de Monsanto mais renonce à ses propres engagements sur le glyphosate et rejette notre proposition d’indemniser ses victimes?

Le gouvernement entend faire une planète «great again » mais autorise Total à importer 300 000 tonnes par an d’huile de palme. Le gouvernement nous parle de développement durable mais repousse à plus tard le rééquilibrage du mix énergétique. Le gouvernement tire des larmes de crocodile le « jour du dépassement » parce que la planète a déjà consommé ses ressources de l’année, mais met en œuvre par anticipation le traité de libre-échange CETA…

C’est ce même gouvernement qui vient de refuser notre proposition de placer au rang de principe constitutionnel la défense des biens communs face aux multinationales ! Le combat sera aussi institutionnel. Je préfère dire démocratique. Nos institutions doivent évoluer. Mais pas comme le pouvoir actuel nous le suggère en concentrant davantage de prérogatives dans les mains d’un seul et en affaiblissant le Parlement.

Avec Emmanuel Macron, la démocratie se cantonne à la désignation des gouvernants. Les syndicats, les associations, les ONG, les élus locaux et nationaux, les citoyens, tous ceux qui peuvent apparaître comme une force alternative, un contre-pouvoir, sont tenus en lisière. Ce n’est pas notre conception de la République. La République ce n’est pas l’Empire. La souveraineté populaire ce n’est pas le règne d’un seul.

Nous croyons à la confrontation, au dialogue, à la participation. Nous voulons faire de chaque Français, non pas un sujet, pas davantage un simple consommateur, mais un citoyen. L’objectif ce n’est pas l’Olympe pour quelques-uns mais l’agora où chacun prend part à la définition des choix collectifs. Obliger annuellement le gouvernement à solliciter la confiance du Parlement sur son programme, ouvrir un droit d’amendement citoyen, limiter les outils du parlementarisme rationalisé, définir les principes de rangs constitutionnels qui nous permettent de protéger les biens communs, il y a là de quoi faire avancer la démocratie !

Le combat portera également sur les politiques migratoires. Combien faudra-t-il encore d’Aquarius pour que cessent ces trocs ponctuels ? Le temps est venu pour que la France tienne un discours de vérité sur ces mouvements de population qui ne visent pas principalement l’Europe. Nous sommes très loin de toute submersion. Mais nous devons prendre notre part. C’est-à-dire remettre à plat les accords de Dublin qui font peser principalement sur quelques pays l’accueil des réfugiés. Ouvrir une liste de ports et éviter ces images désastreuses de pays qui se renvoient les navires. Décider ensemble d’une répartition équitable entre Etats membres.

Bien sûr, nous devons établir une distinction entre réfugiés relevant du droit d’asile et migrants économiques, mais cette distinction ne peut tenir qu’à la condition de renforcer l’aide au développement et de mener une lutte efficace contre le réchauffement climatique. C’est cette approche globale qui manque cruellement et qui fait le jeu de ceux qui utilisent le désordre actuel pour proposer un ordre qui contredit nos valeurs et nos principes.

Puisque le gouvernement semble incapable de s’emparer de ces enjeux dans la fidélité aux valeurs de la République c’est à nous d’agir, à nous la gauche, à vous, les élus de la République française. J’ai déjà eu l’occasion au début de mon intervention de saluer les actions emblématiques de grandes métropoles, je connais aussi les solidarités du quotidien qui se manifestent dans tant de villes et de communes. Puisqu’il revient aux collectivités, et d’abord aux villes, d’assumer des responsabilités que l’Etat ne prend pas, faisons-le tous ensemble, solidaires, avec les autres élus de gauche.

Je propose aujourd’hui qu’à l’initiative du Parti Socialiste et de la FNESER, nous proposions à tous les élus de gauche, et plus largement à tous les élus humanistes et progressistes, un engagement commun pour l’accueil et l’accompagnement des réfugiés. Il permettra de répartir l’effort d’accueil et d’organiser à l’initiative des territoires, la solidarité nationale, que l’Etat a abdiqué.

Notre agenda politique ne se limite pas à cette rentrée politique en France. Notre agenda il a été fixé par le congrès du Parti Socialiste : engager et accélérer la renaissance, lancer et conduire nos chantiers pour demain disposer d’un nouveau projet, transformer notre parti en lui donnant de nouveaux statuts et une nouvelle vie collective, ouvrir les portes et les fenêtres, redevenir le parti de l’espérance, le parti face à la montée des populismes et des nouvelles inégalités, le parti d’un nouveau projet humaniste et de progrès partagé.

Ce chemin de la renaissance a largement rassemblé les militants et les élus lors de notre congrès. De nouvelles équipes se sont constituées, de nouveaux visages sont apparus. De nouvelles actions sont engagées, notre plate-forme « la ruche socialiste » a été ouverte. Cette démarche de renaissance est ouverte à tous, je dialogue avec les responsables des autres sensibilités et mon rôle est de nous faire, de vous faire, tous travailler ensemble.

Ce n’est pas toujours le plus facile, je suis patient, parfois trop, on me le reproche, mais je sais où je vais. Avec la nouvelle direction nous avons un mandat pour trois ans, et notre programme d’action a été adopté par le Conseil national il y a 3 mois.

Nous avons à l’issue de ces trois ans, trois objectifs clairs : retrouver une crédibilité collective, reconstruire un projet d’alternative pour le pays, redevenir le principal parti de gauche à l’issue du cycle électoral des élections territoriales. Avec cette équipe, avec vous, je suis sur ce chemin, notre chemin. Mon agenda ne sera ni celui des médias ni celui des grognons, ce sera l’agenda fixé par les militants du Parti Socialiste.

J’aurai l’occasion de revenir sur l’ensemble de ces chantiers de la renaissance lors de l’inauguration de notre nouveau siège, à Ivry. Ce rendez-vous sera une fête, une étape de la renaissance, et un moment fort de travail et de réflexion collective avec une université des militants qui se tiendra tout au long des week-ends qui suivront notre installation.

Le cycle d’Epinay est terminé, l’époque Solférino, dont nous sommes fiers, avec ses grands moments est derrière nous. Dans ce nouveau lieu nous allons inventer ensemble un nouveau parti socialiste, nous allons engager une nouvelle histoire collective. L’agenda de la renaissance, ce sera aussi mener à bien notre travail sur le bilan de nos années de pouvoir. J’ai reçu mandat des militants pour mener ce travail et il sera publié en novembre conjointement au travail de la fondation Jean Jaurès.

Ce bilan est un bilan collectif, c’est le bilan de nos années de pouvoir, il plonge ses racines dans une histoire plus longue et s’inscrit dans le contexte de crise du socialisme et de la sociale-démocratie en Europe. Et après une élection où aucun candidat de gauche ne figurait au second tour de l’élection présidentielle.

Sans bilan sincère qui croira que nous avons compris les raisons de notre défaite ? Sans bilan sincère il n’est pas de renaissance possible. François Hollande a – légitimement – sa lecture des cinq années écoulées. C’est sa contribution à l’inventaire. Je n’en partage pas tous les termes. Je crois nécessaire la réhabilitation de notre bilan, de rappeler le contexte national, européen, international, d’en finir avec une certaine forme d’anachronisme, mais je crois aussi nécessaire la reconnaissance de nos erreurs et de nos manques.

Quoi que l’on puisse penser de la campagne du candidat désigné par nos primaires, le séisme a atteint une telle magnitude que rien ne serait pire que de considérer qu’il s’agissait d’un simple accident de parcours. Dans l’interprétation de notre défaite, il y a matière à un débat posé, sans caricatures et sans œillères.

Si nous savons le conduire sans postures, il nous vaudra l’estime de tous. Évitons nous les faux débats. François Hollande est à la fois celui qui nous a conduit à la victoire en 2012, et un acteur de notre présent ; Il joue un rôle important dans le dévoilement de l’imposture macroniste, il contribue au réveil du peuple de gauche, et cette contribution est précieuse.

Il a choisi de redevenir un militant du Parti socialiste. Le compter aujourd’hui dans nos rangs doit être pour nous tous une fierté. Mais le plus sage est de ne pas chercher à l’instrumentaliser pour exister. Je le sais trop averti et trop fin, pour ne rien exclure mais aussi pour ne rien préjuger. Et mon devoir comme chef de parti, notre devoir comme militants socialistes, c’est de nous poser la question de notre renaissance indépendamment de celle ou celui qui nous représentera le moment venu.

Dans cet agenda de la renaissance figurent aussi les élections européennes. Mi-septembre, sur la base du travail conduit par Christine Revault d’Alonnes, Emmanuel Maurel, Clotilde Walter et Boris Vallaud, le bureau national arrêtera le texte qui sera ensuite débattu dans nos fédérations et soumis au vote des militants et des sympathisants sur notre plate-forme. Le 13 octobre nous aurons notre projet. Le 7 et le 8 décembre le PSE adoptera notre plate-forme européenne.

Et au cours de cette période nous choisirons une tête de liste et une liste. Avant la fin du mois de septembre le bureau national en proposera les modalités d’élaboration au Conseil National qui se tiendra le 13 octobre. Les élections européennes auront lieu le 26 mai 2019 dans 9 mois. Les français se moquent aujourd’hui se savoir qui seront les têtes de listes des grandes formations politiques et la majorité d’entre elles n’en ont d’ailleurs pas.

Par contre ils veulent savoir comment l’Europe peut servir à la construction de l’avenir dans un monde menaçant, marqué par de profonds bouleversements, par la toute-puissance des nouveaux monopoles du numérique et par la brutalité des effets du changement climatique. Et c’est d’abord cela qui doit nous intéresser.

Cette étape sera difficile. Emmanuel Macron va chercher à résumer cette échéance à un débat entre « pro » et « anti » européens. Soit très exactement ce qu’attendent les nationalistes, les populistes, trop heureux de se poser comme seule alternative à la politique libérale de l’Union.

Si la construction européenne est une pensée unique alors la voie du chaos devient une option. Le choix que nous devons ouvrir à nos concitoyens, ce n’est pas pour ou contre l’Union européenne, mais la possibilité de construire l’Europe autrement. Souhaitons-nous une Europe qui dérégule nos sociétés ou qui en renforce les protections ? Qui protège nos droits, ou qui en réduise la portée ?

Nous, nous voulons une Europe qui défend ses valeurs et aussi ses intérêts dans le monde de Trump, de Poutine, d’Erdogan, où le rapport de force prévaut sur le multilatéralisme, où le réveil des empires, des nationalismes, des césarismes, ne peut se faire qu’au prix de l’endormissement des démocraties .

Etouffer ce débat, c’est nourrir la défiance envers l’Europe et dérouler un tapis rouge à Salvini, Le Pen et leurs amis. Face aux populistes, face à la droite libérale, l’Europe a besoin de l’affirmation d’une gauche socialiste et sociale-démocrate, écologiste et progressiste. Il ne sera pas possible de la réunir au sein d’une seule liste, le mode de scrutin et la situation politique le rendent illusoire, on peut le regretter, mais cette réalité s’impose.

Pour autant la gauche européenne, et donc la gauche française, doit montrer qu’elle peut se donner des combats communs si elle veut voir se lever une espérance de changement. Ce que nous avons fait en juillet sur la question démocratique, nous devons pouvoir le reproduire sur des sujets d’intérêt général. J’ai il y a quelques minutes évoqué l’initiative que nous devons prendre sur l’accueil des réfugiés.

Je veux donner deux autres exemples :

Sur le glyphosate, nous avons été les premiers à demander une commission d’enquête au Parlement européen et c’est aujourd’hui notre camarade Eric Andrieu dont je salue la persévérance et l’obstination, qui la préside aujourd’hui. Nous pourrions chercher à en tirer gloire pour nous-mêmes. Ce n’est pas notre état d’esprit. Sur un sujet comme celui-là qui engage la santé de nos concitoyens, je propose que nous unissions nos voix et nos forces pour obtenir du gouvernement qu’il suspende l’autorisation des produits à base de glyphosate afin de protéger les femmes enceinte, les nourrissons, les 68 millions de consommateurs français.

Je suggère un second combat commun, faire de l’égalité entre femmes et hommes en Europe un combat emblématique de toute la gauche. Je lance aujourd’hui un appel aux forces politiques et syndicales progressistes pour avancer dans cette bataille essentielle. Commençons par les avancées sociales de la directive « work life balance » auxquelles s’oppose Emmanuel Macron. Cette directive garantit pour l’ensemble des européens, des droits nouveaux sur le congé de paternité, le congé parental et le congé des aidants.

Continuons par un droit à l’IVG universel en Europe déjà voté par le Parlement européen mais bloqué par le Conseil, ce combat porté par le mouvement féministe et mis en avant récemment par Julien Dray. Voilà le visage de l’Europe à laquelle nous croyons. Celle qui harmonise de nouveaux droits, qui favorise l’Egalité entre les femmes et les hommes et permet de préserver la vie privée. Je proposerai dans les prochains jours une initiative ouverte à l’ensemble de ces forces de gauche afin de mener campagne et obtenir que le Gouvernement d’Edouard Philippe revienne sur sa position.

L’Europe sociale n’est pas un mythe mais un combat à mener. Je ne peux achever mon propos sans évoquer les élections municipales, et plus largement la préparation des élections locales de 2020 et 2021. Je l’ai souvent dit il y a un Parti socialiste malade, rue de Solférino et un autre qui continue d’aligner les succès dans les élections partielles.

Et pas seulement en Haute Garonne ! Ce parti c’est celui des territoires. Ceux où l’innovation continue d’être la règle. Et je salue le travail des 14 départements qui sous la direction de Jean-Luc Gleize président du département de la Gironde, expérimente le revenu de base.

Connaître le réel, le comprendre, chercher à l’améliorer, elle est là notre marque de fabrique. Et c’est pour cela que l’échéance probatoire de notre renaissance sera d’abord celle des municipales. Notre message doit être clair, il s’agit de lancer par les territoires un mouvement de renaissance de la gauche, il s’agit de faire de chaque territoire un laboratoire de l’alternative, il s’agit d’inventer de nouvelles solidarités, de nouveaux services publics, d’accélérer la transition écologique, de donner un nouvel élan à l’émancipation par la culture et l’éducation.

Oui il s’agit d’inventer l’avenir dans les territoires, de s’appuyer sur cette réserve inépuisable d’engagement citoyen et de créativité, de nourrir notre renaissance par notre action locale. Une renaissance dans l’action, une renaissance par la preuve. Qu’est-ce qui est le plus crédible, les déclarations d’intention ou de dire que Dijon est une ville zéro pesticides depuis un mandat ? Il ne s’agira pas seulement de faire gagner le Parti Socialiste, il s’agira de faire gagner la gauche, une gauche citoyenne, une coalition des progressistes.

Parce que nous sommes la première force locale à gauche, il nous revient d’engager ce mouvement et de faire des territoires aussi les creusets d’une renaissance citoyenne. Ce rendez-vous des élections municipales de 2020 est capital. C’est pourquoi il doit se préparer dès maintenant. Nous devrons prendre en compte chaque réalité locale, notamment pour les calendriers de désignations, et respecter l’autonomie de nos premiers secrétaires fédéraux et élus qui connaissent leur terrain.

Mais nous devons aussi construire une démarche collective, construire une cohérence politique, partager des lignes forces qui donnent corps à la construction d’une alternative dans nos villes. Je vous propose donc d’élaborer ensemble une charte commune à nos candidats et à ceux qui solliciteront notre soutien. Le parti jouera son rôle, Sarah Proust est notre secrétaire nationale à la reconquête des territoires épaulée par Pierre Jouvet et Sébastien Vincini qui animent le réseau des fédérations.

Mais c’est d’abord à vous, les élus, de vous impliquer pour construire cette charte. J’ai donc demandé à André Laignel, 1er vice-président de l’AMF, et à Sarah Proust de prendre tous les contacts, en lien étroit avec François Rebsamen, pour constituer le collectif d’élus qui pilotera l’élaboration de cette charte. Le parti dégagera des moyens et offrira un véritable service d’appuis aux candidat-e-s en partenariat avec les fédérations.

Et dans un an, à La Rochelle, nous aurons à nouveau une université de tous les militants. Et c’est ici que nous lancerons notre campagne des municipales ! Chers camarades, En politique rien n’est jamais définitif. Il n’y a pas de victoires définitives. C’est ce que les sociaux démocrates avaient fini par oublier. Nous étions persuadés que nos concitoyens n’accepteraient jamais de revenir sur les droits acquis. Que la marche vers le progrès humain était irréversible sur notre continent.

Nous avions pensé que le débat se limiterait à la nécessaire contagion de notre modèle audelà de nos frontières. Et nous n’avons pas vu venir d’autres fractures. Nous n’avons pas vu que nos lignes s’étiraient sur notre droite, sur notre gauche et que bientôt nous serions transpercés. Nous avons perdu le goût de la conquête. Nous nous sommes repliés sur nous-mêmes.

Nous avons préféré les batailles d’appareil aux guerres culturelles, les complots aux combats, les intrigues à l’Histoire. Et nous sommes entrés dans le temps de la défaite. Mais il n’y a pas de défaites définitives non plus. La politique c’est le rocher de Sisyphe. Chaque fois que nous saurons répondre à ces deux impératifs humains que sont le besoin d’être ensemble et d’écrire un avenir pour tous, notre rocher culminera. Chaque fois que nous nous écarterons des Français par de vaines querelles, notre rocher dévalera la pente. C’est ce que j’ai appris de nos victoires et compris de nos défaites.

Tirer les leçons, refuser la résignation, surprendre à nouveau, c’est maintenant notre feuille de route. Nous renouveler dans la fidélité à celles et ceux qui nous ont précédé, c’est maintenant notre devoir. Rien n’a jamais été donné à la gauche. Ce qui a été gagné a été conquis.

Nos ainés avaient le courage de ceux qui mènent le combat juste. Ils savaient qu’ils portaient quelque chose en eux qui ne peut être vaincu. C’est cette force-là, celle des valeurs que l’on défend sans complexe, des causes communes que l’on porte sans chercher à en tirer un bénéfice personnel, qui a donné le goût à des millions de femmes et d’hommes de consacrer leur vie à la gauche. Cette force-là elle est irrésistible !

Vive la gauche, vive la République et vive la France!