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Discours de Marion Maréchal-Le Pen au CPAC 2018

Discours de Marion Maréchal-Le Pen au Conservative political action conference aux États-Unis.

« Aujourd’hui, je suis venue honorer 240 ans d’amitié. Notre amitié a commencé il y a longtemps, avant les plages de Normandie et les tranchées de Belleauwood, où l’écho de la bravoure de vos soldats résonne encore. Notre alliance est formée par la quête commune de la liberté.

Mon pays, la France, fut la première à reconnaître votre indépendance. Ce fut avec le sang français, répandu sur le sol américain, que commença notre amitié. Aujourd’hui, plus de deux siècles plus tard, ici à la CPAC, nous nous tenons à nouveau côte à côte dans une autre bataille pour la liberté.

Cette liberté est un bienfait. Libertés économiques et politiques, liberté d’expression, liberté de conscience sont nos trésors communs. Après 1500 ans d’existence, c’est nous, Français, qui devons à présent nous battre pour notre indépendance.

Non, la France n’est aujourd’hui plus libre. Les Français ne sont pas libres de choisir leur politique, qu’elle soit économique, monétaire, migratoire ou même diplomatique. Notre liberté est dans les mains de l’Union européenne.

Cette Union européenne n’est pas l’Europe. C’est une idéologique qui ne sait que regarder vers l’avenir tout en souffrant d’amnésie historique. Une idéologie hors-sol, sans peuple, sans racines, sans âme et sans civilisation. L’UE est en train de lentement tuer des nations millénaires.

Je vis dans un pays où 80% – oui, vous avez bien entendu – 80% des lois sont imposées par l’UE. La seule fonction de notre Assemblée est aujourd’hui de valider des lois faites par d’autres.

Que je sois claire : je ne suis pas offensée lorsque j’entends le président Trump dire « America First ». En fait, je veux que l’Amérique passe en premier pour les Américains. Je veux l’Angleterre pour les Anglais. Et je veux la France pour les Français !

C’est pourquoi je me bats pour que la diplomatie française conserve son rôle unique, de lien entre l’Est et l’Ouest. Une longue histoire nous a permis de former des liens privilégiés avec l’Afrique, la Russie, l’Asie et le Moyen-Orient.

Nous devons être capables de garder les capacités de décider pour nous-mêmes sur les sujets militaires et diplomatiques. Nos forces sont complémentaires.

Comme vous, si nous voulons que la France redevienne grande, nous devons défendre nos intérêts économiques dans la globalisation. L’UE nous soumet à une concurrence déloyale face au reste du monde. Nous ne pouvons accepter un modèle qui produit des esclaves dans les pays en voie de développement et des chômeurs en Occident.

Je refuse le monde standardisé proposé par l’UE. Je considère que les peuples ont le droit à une continuité historique.
Ce que je veux, c’est la survie de ma nation, être capable de transmettre, pas seulement mon héritage matériel mais aussi mon patrimoine immatériel.
Les jeunes Français ne sont pas encouragés à découvrir et à aimer cet héritage culturel. On leur fait subir un lavage de cerveaux, à base de culpabilité et de honte de leur pays.

Le résultat, c’est le développement d’une contre-société islamiste en France.

Après 40 ans d’immigration massive, de lobbies islamiques et de politiquement correct, la France est en train de passer de fille aînée de l’Église à petite nièce de l’islam. Et le terrorisme n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ce n’est pas la France pour laquelle nos grands-parents se sont battus.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Parce que l’UE et la France ont oublié un point crucial : « pour s’ouvrir à l’autre, il faut un cœur ferme ; pour accueillir, il faut rester, et pour partager il faut avoir quelque-chose à offrir[RBEJ1] ».

Dans cette perspective, le modèle de société que nous portons est basé sur une conception de l’humain enraciné dans sa mémoire collective et sa culture partagée.

Sans nation et sans famille, le bien commun, la loi naturelle et la morale collective disparaissent cependant que perdure le règne de l’égoïsme.

Même les enfants sont devenus une marchandise ! Nous entendons dans le débat public « nous avons le droit de commander un enfant sur catalogue ». « Nous avons le droit de louer le ventre d’une femme ». « Nous avons le droit de priver un enfant de mère ou de père ». Non, vous ne l’avez pas ! Un enfant n’est pas un droit.

Est-ce cela, la liberté que nous désirons ? Non, nous ne voulons pas de ce monde atomisé de l’individu sans genre, sans père, sans mère et sans nation.

Que voulons-nous alors ?
Comme vous, je veux retrouver mon pays !

Je suis venu vous dire qu’il y a aujourd’hui une jeunesse prête pour cette bataille en Europe : une jeunesse qui croit au dur labeur, qui croit que ses drapeaux signifient quelque-chose, qui veut défendre les libertés individuelles et la propriété privée. Une jeunesse conservatrice qui veut protéger ses enfants de l’eugénisme et des délires de la théorie du genre. Une jeunesse qui veut protéger ses parents de l’euthanasie et l’humanité du transhumanisme.

Comme la jeunesse américaine, la jeunesse française est héritière d’une grande nation. À qui beaucoup est donné, et de qui beaucoup est attendu.

Notre combat ne doit pas être seulement électoral : nous devons diffuser nos idées dans les médias, la culture et l’éducation, afin de stopper la domination des libéraux et des socialistes.

C’est pourquoi j’ai récemment lancé une école de management et de sciences politiques. Le but ? Former les chefs de demain. Ceux qui auront le courage, le discernement et les techniques pour défendre les intérêts de leur peuple.

Le défi est gigantesque, mais les 2 années qui viennent de s’écouler ont montré une chose : ne sous-estimez jamais le peuple ! Une bataille qui n’est pas menée est déjà perdue.

Le Brexit au Royaume-Uni, Manif pour tous en France, et, bien sûr, l’élection de Donald Trump prouvent une chose : quand les peuples ont l’opportunité de reprendre leur pays, ils la saisissent !

Par votre action et votre talent, vous avez réussi à remettre le conservatisme en priorité dans l’agenda politique. Construisons sur ce que vous avez accompli ici, afin que des deux côtés de l’Atlantique un agenda conservateur domine.

Je termine par une citation de Malher que j’aime particulièrement. Une citation qui résume le conservatisme moderne : « La Tradition n’est pas la vénération des cendres, mais la transmission de la flamme. » Vous fûtes l’étincelle. C’est maintenant à nous de nourrir la flamme conservatrice dans notre pays.

Vivent les nations libres, vivent les peuples libres et longue vie à l’amitié franco-américaine.

Merci. »

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Le retour de Marion Maréchal-Le Pen dans la vie politique française

Cela n’est nullement étonnant pour qui suit de près et analyse correctement la vie politique française : le départ de la vie politique de Marion Maréchal-Le Pen était en fait surtout la préparation de son retour. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce retour se fait rapidement, et par la « grande porte ».

L’ancienne députée du Front National a fait parler d’elle de deux manières, qui sont liées. D’une part pour la tribune qu’elle a publiée dans le magazine réactionnaire Valeurs Actuelles. D’autre part pour son intervention lors d’une conférence des conservateurs américains.

Valeurs Actuelles est un hebdomadaire qui a pris une grande importance dans les franges les plus réactionnaires de la Droite française. C’est un magazine d’opinion ayant de l’influence et un grand rayonnement depuis le début des années 2010.

La Conservative political action conference durant laquelle elle s’est exprimée, est également de grande importance. Cela représente un courant du parti républicain américain. Ce sont ces gens qui ont fait élire Donald Trump à la présidence. Le Président américain s’y est d’ailleurs exprimé, ainsi que son vice-président, Mike Pence, la veille. Et ce dernier s’exprimait juste avant Marion Maréchal Le Pen. C’est dire l’importance qui est accordée à cette française.

Sa venue a été commentée par les médias américains, avec notamment la chaîne réactionnaire Fox News présentant favorablement ses propos.

L’objet du discours était de dire qu’elle soutient la ligne « America First » porté par Donald Trump, et qu’elle souhaite en quelque sorte la même chose en France. Le but de ce discours était surtout de faire connaître ses opinions, faire parler d’elle. Elle est en ce moment aux États-Unis pour récolter des fonds afin de financer la fondation d’une École de sciences politiques marquée à Droite.

C’est justement de ce projet dont il est question dans sa tribune à Valeurs Actuelle.

Marion Maréchal Le Pen a mis en suspend ses mandats de représentation politiques pour se placer sur le terrain de la bataille idéologique. Elle entend mener un travail en profondeur, pour former la « jeunesse conservatrice de France ».

Valeurs Actuelles utilise le mot « métapolitique » pour qualifier sa démarche. C’est une notion portée en France par le fasciste Alain de Benoist, du courant dit de la « Nouvelle Droite ». Cela exprime l’idée qu’il faut travailler en profondeur dans la société française, pour y diffuser ses idées, sa morale, sa culture.

Marion Maréchal Le Pen a compris l’ampleur de l’échec et la profondeur du revers subi par sa tante Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle 2017. La société française n’est pas prête à accepter l’Extrême-Droite au pouvoir, ni n’est convaincu par les approximations de son projet. La petite-fille de Jean-Marie Le Pen entend y remédier, dans le sens d’une « métapolitique » ultra-conservatrice.

On voit qu’elle a des relais importants, avec une ambition très grande. Il y a clairement de quoi s’en inquiéter et suivre cela de très près.

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Le « Bastion social » et ses locaux à Lyon, Strasbourg, Chambéry, Aix-en-Provence, Marseille

« Si nous voulons incarner la transmission de la flamme devant brûler au sein de chaque âme européenne, alors nous devons être des soldats politiques, tant physiquement qu’intellectuellement. »

Ce discours, on le connaît : c’est celui de l’extrême-droite des troupes de choc, des bandes armées, des milices menant des opérations d’agression. C’est le style des chemises noires italiennes de Benito Mussolini, des chemises brunes d’Adolf Hitler. Et c’est le mythe d’une Europe « nationaliste » qui était le grand projet nazi du début des années 1940.

Or, c’est une réalité toujours plus prégnante en France et cela a une cause bien déterminée. Quand la gauche n’est pas capable de développer une ligne culturelle, elle laisse des espaces béants à la confusion qui permet l’émergence de l’extrême-droite, avec des thèmes « sociaux » nationalistes.

On l’a vu avec Alain Soral, avec Dieudonné, ces dernières années, et désormais on peut le voir avec le mouvement « Bastion Social », qui dispose d’un local à Lyon (Le Pavillon Noir), ainsi qu’à Strasbourg (L’Arcadia), Chambéry (L’Edelweiss), Aix-en-Provence (La Bastide), et compte en ouvrir un à Marseille (Le Navarin) le 24 mars 2018.

L’idée de ce mouvement est de fédérer les activistes d’extrême-droite non plus politiquement, mais culturellement, en s’appuyant sur des locaux, si possible sous la forme de ce qui est appelé une « occupation non-conforme ». En clair, l’objectif est si possible de réaliser un squat d’extrême-droite à visée culturelle, associative.

Cette stratégie vise directement à faire un mouvement de contestation non-institutionnel, en se donnant une aura de radicalité, comptant profiter du fait que la gauche universitaire ou anarchiste vit en cercle fermé et profite souvent des espaces culturels et intellectuels institutionnels pour exister matériellement.
Une conférence de presse a ainsi été tenue il y a peu à Strasbourg et celle-ci a été justifiée notamment ainsi par le « Bastion Social » :

« La conférence de presse avait pour objectif de rappeler quelques vérités sur ce torrent médiatique qui a sévit autour de notre local [à Strasbourg]. Je rappelle que M. Ries, maire de Strasbourg, subventionne à hauteur de 23 000€ par an un local d’extrême gauche, le Molodoï, avec l’argent public et qu’il a également financé 500 000€ de ses travaux. »

Voici la version du Molodoï, qui assume tout à fait, sans voir de problèmes, à ce que la mairie soutienne un projet pourtant censé être alternatif, ce qu’il n’est par définition pas, pour recevoir une somme pareille.

« Rapidement, lorsqu’il a fallu chiffrer nos désirs nous nous sommes rendu compte de notre incapacité à financer les travaux. Dès lors nous nous sommes tournés vers la municipalité qui, depuis le premier bail emphytéotique signé en 1991 accompagne financièrement le projet associatif Molodoï à l’aide d’une subvention annuelle de fonctionnement.

Le montage financier, à hauteur de 500 000 euros, nécessitera que la ville de Strasbourg soit porteuse du projet de chantier et donc que nous abandonnions temporairement notre emphytéose.

Muni d’un bail précaire -dûment négocié- dont la durée de validité s’adaptait à la durée des travaux, nous avions ainsi la garanti de retrouver notre emphytéose lors de la remise des clefs de fin de chantier.

Nous y sommes et vous allez découvrir un lieu qui n’est pas métamorphosé mais embelli. La seule concession que nous ayons dû faire est le paiement annuel d’un forfait de 3000€ soit un « loyer » de 250€ mensuel.

Les grincheux/euses parleront d’une augmentation de plus de 200% puisque depuis 1994 le forfait n’était que de….15€ annuels ! Les joyeux/euses souligneront qu’avec un nouveau bail de 20 ans et une salle toute fraîche, ce forfait nous coûtera 60 000€ pour un investissement de 500 000€ de travaux…

D’autres nouveautés vous attendent : nous proposons un service supplémentaire aux associations utilisatrices qui souhaitent vendre de la bière pression. Une tireuse 4 becs est désormais installée en permanence au bar de la salle. Mais attention, le prix de la bière étant beaucoup plus cher au litre (2,40€ à la pression pour 1,32€ en bouteille) les associations n’auront pas d’obligation de fonctionner avec la tireuse et pourront continuer avec le bon vieux système des 75 cl.

Car nous souhaitons instamment que les associations gardent à l’esprit la nécessité de pratiquer des prix les plus bas possible : le Centre Autonome Jeune Molodoï doit rester un lieu de cultures alternatives, abordable pour tous et ne doit pas participer à la gentrification du quartier. Nous serons vigilant.e à ce que les prix d’entrée et les prix des boissons ne s’envolent pas au prétexte de servir des bières exotiques.

Depuis 2004, le Molodoï embauchait de jeunes ingénieurs son en contrat aidé de deux ans, histoire de se former et de faire ses premiers pas dans une salle polyvalente aux événements multiples.

La politique du gouvernement mettant fin aux emplois aidés (sauf pour la police!) les désignant comme des vestiges d’un temps révolus, nous oblige à embaucher en CDD. Les charges financières vont donc augmenter pour la salle et dans cette perspective, nous avons décidé d’augmenter le forfait « grande sono » de 450 à 500€. »

Subventions et contrats aidés, aides massives aux travaux : il est évidemment impossible de prétendre par la suite être en conflit avec un État si généreux avec soi.

Et cette compromission a un prix, car là-dessus, l’extrême-droite peut asseoir sa légitimité. En disant que, finalement, les gens de gauche apparemment les plus contestataires profitent de l’argent de gens qu’ils sont censés haïr, l’extrême-droite en profite pour discréditer la gauche en général.

La démagogie a alors un vaste espace pour affirmer qu’être de gauche, c’est finalement boire sa bière dans des locaux associatifs au milieu d’étudiants et d’universitaires, en cercle fermé, alors qu’être d’extrême-droite serait véritablement une rébellion.

C’est ce que fait le « Bastion Social » en dénonçant la « finance apatride », en se revendiquant d’une « inspiration nationaliste-révolutionnaire », en se voulant une « troisième voie, tant éloignée du capitalisme destructeur des peuples et des civilisations que du marxisme internationaliste. »

Et son succès tient à quelque chose d’également très important. Le grand problème de l’extrême-droite, c’est la révolution française. L’extrême-droite est historiquement liée au catholicisme et récuse 1789 et le principe de république, notamment avec l’Action française.

Or, cela signifie que le nationalisme ne peut pas profiter du drapeau français comme moyen d’expression, ce qui est un grand handicap politique. D’où l’utilisation des croix celtiques comme symboles pour les nationalistes, du trident pour les nationaux-révolutionnaires.

« Bastion Social » est ici, pour la première fois historiquement depuis 1945 si l’on met de côté le Front National qui lui visait directement à être un mouvement de masse, un mouvement nationaliste jouant sur la « préférence nationale » au nom des couleurs bleu – blanc – rouge.

C’est un changement d’une grande importance, permettant d’être davantage fédérateur. Et qui se justifie idéologiquement par un discours nationaliste européen, où chaque patrie viendrait s’intégrer au projet.
Et dont l’objectif est de manière très claire la constitution de brigades de choc, de confrontation, de provocation.

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Fondation des « Patriotes »: un nouveau parti nationaliste

« J’ai beaucoup d sympathie pour les électeurs et sympathisants du FN qui sont déçus, j’en fais partie. »

Voilà la ligne, l’identité du mouvement des « Patriotes » de Florian Philippot, qui vient de tenir son congrès de fondation.

Ce mouvement se veut l’enfant légitime de la ligne tenue par Marine Le Pen lors du débat télévisé face à Emmanuel Macron entre les deux tours des présidentielles. L’échec de Marine Le Pen a fait reculer celle-ci sur la question de la sortie de l’Europe ; Florian Philippot se pose comme canal historique.

Sa ligne est celle du « Frexit », l’équivalent français du Brexit.

Il y a encore beaucoup d’amateurisme, le site du mouvement étant plus que mal sécurisé. Cependant, il ne faut pas se leurrer, ce nouveau mouvement d’extrême-droite a un espace réel pour exister, car Florian Philippot tente de rassembler le plus largement possible en supprimant l’aspect raciste qui, d’une manière ou d’une autre, marquait le Front National.

A cela s’ajoute l’ajout de l’idéologie « sociale » apporté par Florian Philippot, qui a fait du Front National un véritable mouvement d’extrême-droite, au sens où il y a l’alliance du national et du social, alors qu’avec Jean-Marie Le Pen, il n’y avait qu’une ligne pro-libérale.

Florian Philippot, qui tente de chercher à exprimer cela par des formules bien net, résume cela en disant :

« J’ai mis le FN sur des rails gaullistes, on a changé le logiciel, les scores ont augmenté. Mais ça a déraillé, le FN est revenu sur des rails lepenistes. »

Or, on sait très bien comment la démagogie « sociale » nationaliste est difficile à combattre pour la gauche. En jouant sur le repli sur soi, sur l’unité au-delà des classes sociales – des classes sociales par ailleurs niées par la « nouvelle » gauche -, en jouant sur la peur de la compétition de la mondialisation (les « Chinois », les « Américains, etc.), le nationalisme a aisément de la vigueur.

Il faut d’ailleurs souligner deux choses importantes. D’abord, le congrès de fondation des « Patriotes » s’est tenu ce week-end à Arras, histoire de montrer que le but est la conquête du Nord, aux dépens des traditions ouvrières, de gauche.

Font partie des 6500 adhérents revendiqués du mouvement José Évrard, député élu avec le Front National après avoir longtemps été membre du PCF. Mentionnons également le fait que le vice-président des « Patriotes » est Franck de Lapersonne, un tribun de très haute volée avec une vraie connaissance idéologique des principes d’extrême-droite.

Ensuite, le siège des « Patriotes » est à Saint-Ouen, en banlieue parisienne, un bastion de la ceinture rouge, avec un maire PCF de 1945 à 2014. C’est une sorte de vague écho à la tentative de Jacques Doriot, dirigeant communiste de Saint-Denis, qui s’est tourné vers le fascisme dans les années 1930 avec le Parti Populaire Français.

Notons également que le siège est loué à Marcel Campion, le patron des forains, connu pour ses rodomontades médiatiques, ses coups de force en mode blocage des voies, etc.

On a ici tous les ingrédients typiques de l’extrême-droite : des réseaux et des cadres nationalistes, une dynamique « sociale » revendiquée où la nation est présentée comme le seul vecteur possible, une orientation populaire pour affaiblir la gauche en général, tout en prétendant ratisser le plus large possible.

Florian Philippot explique ainsi cela au sujet des membres :

« On a des gens du FN, de DLF, de l’UPR, de la France insoumise, de LR… et deux tiers de nos adhérents ne viennent d’aucun parti. »

Ce n’est pas pour rien que Florian Philippot ne mentionne ni le PS, ni le PCF. Son but est de liquider la gauche et il se positionne comme fer de lance d’un discours capable de faire cela. Les « Patriotes » sont censés agir comme l’éperon du souverainisme, c’est-à-dire du nationalisme.

Au projet d’une France socialiste, le nationalisme des « Patriotes » oppose l’union au-delà des classes sociales. Pour aujourd’hui, cela ne rime pas à grand chose. Mais pour demain – et qui est de gauche sait que le capitalisme est instable, toujours victime de crises profondes, d’une tendance au militarisme, à la guerre – cela peut suffire pour donner naissance à un vaste mouvement nationaliste, dans une fièvre qui suivrait une crise.

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« Les journées ouvrières des 9 et 12 Février 1934 »

Voici un extrait de l’ouvrage de Marc Bernard, Les journées ouvrières des 9 et 12 Février 1934 (« L’appauvrissement révolutionnaire de Paris »). Il fut publié dans la foulée de ces journées qui suivent la tentative de coup d’Etat par l’extrême-droite le 6 février 1934.

«  Depuis plusieurs années le centre de Paris, la ville proprement dite, est devenu réactionnaire. Le 6 février on vit ce phénomène curieux se manifester avec une force d’une puissance inouïe, d’un Paris entièrement soumis aux organisations de droite.

Cette brusque volte-face d’une capitale que l’on avait toujours connue à l’avant-garde des révolutions, de cette ville qui avait fait celles de 1793, de 1848, de la Commune, a étonné certains, qui n’ont pas très bien vu les causes de ce changement d’orientation politique.

Les réactionnaires ont triomphé, prétendant avoir conquis Paris à leurs méthodes ; les gens de gauche et d’extrême-gauche ont été navrés et inquiétés par ce reniement de tout un passé de lutte.

La vérité c’est que Paris, peu à peu, et plus particulièrement au cours de ces vingt dernières années, a vu émigrer vers la banlieue sa population ouvrière.

Ce qu’on appelle « la ceinture rouge » s’est formé au détriment des forces révolutionnaires de la capitale, de jour en jour envahie par l’élément bourgeois qui, débordant certains quartiers du centre de la ville, s’est répandu bien au-delà de ses premières frontières, et par la foule de petits-bourgeois : employés, boutiquiers, etc., dont le nombre n’a cessé de croître.

La population ouvrière, artisanale, des faubourgs Saint-Antoine et même dans un certaine mesure de Belleville, Ménilmontant, etc., est allée se grouper dans la banlieue autour des usines ; une partie de cette population, quoique travaillant aux portes de Paris, s’est exilée dans les innombrables lotissements qui entourent la ville, fort éloignés parfois du lieu de leur travail, les moyens de communications rapides ne faisant plus de cet éloignement un obstacle insurmontable.

Cette émigration, sans cesse croissante, explique le changement d’orientation politique de la capitale ; Paris tend, de jour en jour davantage, à devenir une ville d’intellectuels, de bourgeois, de commerçants et d’employés : et l’on sait bien que ce n’est jamais parmi ces gens-là que le socialisme a recruté de nombreux adeptes.

Il est remarquable que, malgré l’énorme avance du socialisme, qui dura jusqu’à ces dernières années dans le monde entier, et particulièrement en France où le nombre d’élus socialistes au Parlement, au Sénat, dans les conseils municipaux de la presque totalité des villes, Paris à peu près seul, ait vu réactionnaires augmenter avec une constante régularité.

En dehors même de la répartition des sièges – monstrueuse iniquité qui exige plus de dix mille votants dans certaines circonscriptions, alors que moins d’un millier suffisent dans d’autres pour élire un conseiller – il n’en reste pas moins vrai que cette émigration ouvrière dans Paris, avec le glissement vers la droite des étudiants, coupés entièrement aujourd’hui du prolétariat.

Les combats du 6 février furent menés par une foule – en dehors des quelques éléments communistes qui furent rapidement absorbés – où dominait une écrasante majorité bourgeoise. Il suffisait de jeter un regard sur elle pour s’en apercevoir.

Le 12 février devait voir à Vincennes le regroupement des forces prolétariennes et populaires. »

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1934, quand la Droite faisait rêver…

Lorsqu’on pense aux années 1930 et que l’on est de gauche on pense spontanément au fascisme et au front populaire de 1936. Mais, en France, l’Histoire s’apprend de manière découpée, en section altérant la compréhension des processus de moyen long terme.

En effet, c’est souvent sous l’angle d’un « moment », celui de mai-juin 1936 qu’on parle du Front Populaire, ce qui met dans l’ombre la dynamique interne globale qui a vu émerger cette expérience populaire de gauche.

Car l’arrière-plan de l’unité populaire en 1936, c’est évidemment le 6 février 1934 des ligues factieuses et plus généralement c’est la montée du fascisme en France alors que le pays a aux frontières deux pays fascistes, l’Allemagne (janvier 1933) et l’Italie (mars 1922). L’extrême droite française connaît alors un développement massif et populaire, tandis que que les forces de gauche sont affaiblies.

En 1933-1934, au plan des forces numéraires, alors que la S.F.I.C compte environ 60 000 membres et la S.F.I.O 120 000 adhérents, l’Action Française compte près de 60 000 membres, il y a 90 000 « Jeunes Patriotes » et 180 000 Croix De Feu. Il faudrait aussi mentionner les chemises vertes d’Hervé Dorgères, rassemblant près de 400 000 « fascistes ruraux » agissant dans les campagnes…

A la pointée de l’offensive fasciste en janvier-février 1934, ce sont 130 000 hebdomadaires de l’Action Française qui sont vendus avec une agitation de rue permanente dans Paris.

Pendant le Front Populaire, malgré le recul momentané des forces d’extrême droite, deux principaux partis se partagent le terrain réactionnaire : le Parti Populaire Français de Jacques Doriot et le Parti Social Français du Colonel de La Rocque. Avec Le PPF on a là une véritable machine fasciste, sur une ligne violemment anticommuniste et national-socialiste, rassemblant en 1937, 120 000 adhérents. Le PSF est quant à lui un véritable monument de la culture politique nationale, parti réactionnaire de masse avec plus 500 000 adhérents en 1938.

A ces deux principales forces parlementaires réactionnaires s’ajoute bientôt un groupuscule clandestin pratiquant une stratégie de la tension à coup d’assassinats et d’attentats, le Comité Secret d’Action Révolutionnaire ou dit « La Cagoule ». Ce groupuscule lié à certains secteurs de la haute bourgeoisie maintient des liens lointains avec des personnalités plus ou moins proches du Colonel De La Rocque.

La valse des intimidations violentes et des attentats menés par « La Cagoule » et la « dédiabolisation » du PSF issu des ligues Croix de Feu créé une tension sociale et politique profonde sur le peuple de gauche. Tout en noyautant l’armée, l’enjeu stratégique fut bien de favoriser une profonde tension à l’intérieur de la gauche (comme en 1937 à Clichy ) afin d’appeler à un retour militaire à l’ordre sous la direction des forces fascistes.

Dans cette ligne, à l’agitation militaire et politique s’ajoute le pilonnage idéologique de la société par des fascistes qui tissent des liens et développent une presse à scandale, basée sur des faits divers montés en épingle et analysés sous un angle raciste et antisémite, rappelant ce que l’on nomme aujourd’hui « fachosphère ».

L’hebdomadaire L’Ami du Peuple, fondé par le parfumeur François Coty et qui revendiquait plus de 3 millions de lecteurs est un bon exemple de cette presse populiste. François Coty fonde d’ailleurs en 1933 son propre mouvement appelé « Solidarité Française » , mouvement qui aura une forte implication dans les émeutes anti-parlementaires du 6 février 1934…

Il serait erroné de saisir cette montée du fascisme comme simple « caisse de résonance » des dynamiques étrangères, car c’est bien une dynamique interne au pays qui l’alimente. Un exemple de cela est l’échec des « chemises bleues » fondées en 1926 par Georges Valois, ancien syndicaliste révolutionnaire puis acquis au nationalisme de l’Action Française. Les « Chemises bleues » qui comptent alors 25 000 membres, disparaissent pourtant en 1927, preuve qu’un simple décalque du fascisme italien ne prend pas dans les mentalités et les valeurs françaises.

Ce qui marchera en France, c’est le national-catholicisme , comme le prouve ensuite la politique du régime de Vichy fondée sur un corporatisme maurassien : défendre le « pays réel » identifié aux villages ruraux cimentés par la morale du clergé et le conservatisme de « La Terre ». La prégnance des « chemises vertes » rurales dans les années 1930 a ainsi fourni l’armature politique et idéologique au pétainisme.

Aborder le Front Populaire de 1936-1938 c’est donc nécessairement prendre en compte la vitalité et l’importance des forces fascistes françaises développées sur une base nationale. Il est peu étonnant que la réaction antifasciste unitaire de 1934 se soit élancée essentiellement des campagnes , comme illustration de l’agitation profonde que connaît le cœur de la société française de l’époque.

Les années 1930 ont été l’histoire de la gauche autant que l’histoire de l’extrême droite, et c’est en cela d’ailleurs qu’elles constituent un puissant miroir de notre époque actuelle…

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Autriche : l’extrême-droite obtient l’intérieur, les affaires étrangères et la défense

L’Autriche de l’après-guerre a connu un régime marqué par un grand compromis, entre la droite du Parti autrichien du peuple et le Parti social-démocrate.

Les postes étaient partagés, les deux camps coexistant parallèlement, toute la société se divisant suivant cette ligne. Symbole de ce compromis, l’aigle nationale se voyait coiffé d’une couronne en forme de tour, symbole de la ville, du bourg, du bourgeois.

Et, dans ses pattes, il tient un marteau et une faucille, se libérant de chaînes : c’est le symbole de la social-démocratie, de la classe ouvrière, du socialisme.

Ce compromis était contre-nature, mais la social-démocratie l’acceptait, car elle préférait les Etats-Unis au communisme. Il n’a été remis vraiment en cause que dans les années 1980-1990 avec l’irruption du FPÖ, le parti de la liberté d’Autriche, avec à sa tête Jörg Haider.

Mais l’alliance du Parti autrichien du peuple et du FPÖ, en 2000, avait provoqué un cordon sanitaire international, l’Autriche connaissant un isolement diplomatique, l’extrême-droite n’obtenant de toutes façons que des postes ministériels secondaires.

L’époque a changé et le nouveau gouvernement qui vient de se former en Autriche correspond au cauchemar de tous les gens de gauche. Non seulement l’extrême-droite arrive au gouvernement, non seulement elle obtient six ministères, mais en plus parmi ceux-ci il y a l’intérieur, les affaires étrangères et la défense.

C’est très exactement le genre de moment où l’on se dit : cela recommence, ce sont de nouveau les années de crise de l’après-première guerre mondiale, avec tout ce chantage nationaliste, cette crispation de la société.

Quelle personne de gauche ne peut pas trembler à l’idée que le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre des affaires d’étrangères, soient d’extrême-droite, membres d’un parti fondé par le chef de brigade SS Anton Reinthaler ?

Une extrême-droite dont les parlementaires, lors des sessions, portent un bleuet. Cette fleur était le symbole de reconnaissance des nationaux-socialistes à partir de 1933, année de leur interdiction.

Une interdiction mise en place par… les nationalistes-catholiques autrichiens, ayant comme dirigeant Engelbert Dollfuss, le dictateur de « l’État des corporations » de 1932 à 1934.

Engelbert Dollfuss qui avait encore, jusqu’à il y a quelques mois et la rénovation du parlement, son portrait dans le club parlementaire de la droite !

Cerise sur ce gâteau indigeste, l’annonce de l’alliance formant le nouveau gouvernement, entre le Parti autrichien du peuple et le Parti de la liberté d’Autriche, s’est faite sur le mont Kahlenberg, lieu du camp de base des armées de l’empire ottoman devant Vienne, symbole de leur dernière grande offensive en Europe centrale, mis en échec en 1683.

C’est une alliance contre-nature, puisque le Parti autrichien du peuple, formant la droite, est de tradition nationaliste – catholique, alors que le Parti de la liberté d’Autriche, l’extrême-droite, représente le courant nationaliste – pangermaniste.

Mais les descendants des austro-fascistes et des nationaux socialistes ont su s’entendre, disposant d’une majorité largement suffisante, puisque aux élections législatives la droite a obtenu 31,5 % des voix, l’extrême-droite 26 %.

L’occasion était trop belle et de toutes manières, droite et extrême-droite sont d’accord pour se tourner ouvertement vers la Russie, tout en restant dans l’Union Européenne.

Qui plus est, avec un chancelier de droite, Sebastian Kurz, qui n’a que 31 ans, le gouvernement peut se prétendre comme représentant une Autriche se modernisant, au moyen d’une équipe nouvelle. Le dirigeant d’extrême-droite Heinz-Christian Strache, âgé de 48 ans, est quant à lui vice-chancelier.

L’Autriche s’enfonce donc dans la droite et l’extrême-droite de manière significative.

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Ces gens de gauche qui passent à droite selon Sternhell

Si on se rappelle des travaux de l’historien Zeev Sternhell, on a froid dans le dos sur ces gens de gauche qui, par perte des valeurs de tout un mouvement historique, basculent dans des idées troubles, populistes, nationalistes.

Sternhell dresse un panorama historique montrant que le fascisme est né en tant qu’idéologie portée par les éléments décomposés de la gauche qui, incapables de trouver un chemin de gauche qui convainc et mobilise, cherche ailleurs un chemin qui persuade et agite.

Il l’a fait dans plusieurs ouvrages, dont Ni droite ni gauche L’idéologie fasciste en France, qui lui a valu une haine générale des historiens français, qui ont tous une ligne très simple au sujet du fascisme français « Circulez, il n’y a rien à voir ».

Voici un passage représentatif de ce que dit Sternhell, dans La droite révolutionnaire (Les origines françaises du fascisme, 1885-1914).

« C’est aussi en France que l’on constate dans toute son ampleur ce phénomène-clef du fascisme : le passage de gauche à droite d’éléments socialement avancés, mais violemment opposés à l’ordre libéral.

Car le fascisme est allé puiser tant dans la gauche que dans la droite et, parfois, dans certains pays, beaucoup plus dans la gauche que dans la droite.

Il ne s’agit point ici d’un phénomène spécifique à la France : le comportement du ministre travailliste Oswald Mosley, la pléiade de syndicalistes italiens autour de Mussolini ou l’accueil réservé au nazisme par Henri de Man recoupent les réactions des militants du Parti populaire français ou du Rassemblement national populaire.

Cependant, depuis les radicaux d’extrême gauche, au temps du boulangisme, jusqu’à Déat et Doriot et les milliers de militants socialistes et communistes qui gravitent autour d’eux, en passant par Sorel, Lagardelle et Hervé, nul autre pays que la France n’enregistre de revirements aussi nombreux et aussi spectaculaires. Nul autre parti ne perd en faveur d’un parti fasciste un tel nombre de membres de son bureau politique que le PCF (…).

Un fascisme qui est une révolte contre les bassesses de la vie bourgeoise, contre ses valeurs et son régime, et un fascisme qui découle en droite ligne d’une crise du socialisme, provenant elle-même de l’impuissance du marxisme à répondre au défi que présente la crise du capitalisme.

La littérature fasciste de l’entre-deux guerres – Drieu, Brasillach, Rebatet ou Céline – n’a que fort peu de choses à ajouter aux thèmes développés par Barrès, Le Bon, Drumont, Berth ou Sorel. Mis à part le motif ancien combattant et les références à Rome ou à Berlin, on croirait avoir sous les yeux une version modernisée du Testament d’un antisémite ou des Cahiers du Cercle Proudhon. »

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Gérard Filoche est indéfendable

Être de gauche, c’est se mettre au service des gens, vouloir leur bonheur, et réfléchir avant d’agir. Une fois que l’on a dit cela, on sait que dans l’histoire il y a eu des grands combats d’idées, des différences, la plus connue étant celle ayant provoqué la scission suite au Congrès de Tours de 1920.

Dans la tradition socialiste comme dans la tradition communiste cependant, qui puisent à une même source, le mouvement ouvrier, on réfléchit avant d’agir. On choisit ce qu’on fait, de manière rationnelle, après avoir débattu.

C’est le principe du parti, du débat d’idées dans le parti, du fait d’assumer tous ensemble ce qui a été décidé de manière démocratique, de considérer que les idées mises en avant portent le progrès et de se poser comme locomotive de l’histoire.

On sait à quel point tout cela a été galvaudé et l’erreur fatale de Gérard Filoche sonne comme un avertissement. Quand on se coupe des traditions de la gauche historique, quand on n’est pas au niveau culturellement, on bascule du mauvais côté.

Gérard Filoche

C’est un avertissement parce que Gérard Filoche s’est posé justement comme le grand gardien des traditions historiques au sein du Parti Socialiste. Il avait même créé sa propre fraction, « Démocratie & Socialisme », qui prônait une sorte de retour aux sources.

Seulement le problème, c’est que Gérard Filoche est comme Jean-Luc Mélenchon : c’est un tribun. Tant lui que Jean-Luc Mélenchon balancent des idées, des propositions, mais ils ne réfléchissent pas, ils ne pensent pas, ils n’ont pas de socle bien déterminé.

Cela en fait des populistes de gauche, qui au pire apparaissent comme des Don Quichotte de la cause sociale, comme Georges Marchais en son temps, au mieux comme des sortes de nouveaux François Mitterrand.

Gérard Filoche a été d’une grande complaisance avec son propre populisme. Il faisait figure de trouble-fête, pas réellement pris au sérieux par la direction du Parti Socialiste, mais toujours utile pour donner une image de gauche à ce parti gouvernemental.

Acceptant ce rôle, prenant régulièrement la parole dans les médias ou sur son blog, Gérard Filoche a toujours cherché à apparaître comme spontané, emporté, émotif, voire aux bords des larmes même.

On pouvait alors la puce à l’oreille, tout de même, en se rappelant qu’il a une expérience politique énorme, étant l’un des principaux cadres de la Ligue Communiste Révolutionnaire dès les années 1960, appartenant pendant 25 ans à sa direction.

En ce sens, en tant que membre du Parti Socialiste qui plus est depuis 1994, il ne saurait y avoir de hasard dans son choix d’une image à caractère nazi. En publiant une telle image sur tweeter, Gérard Filoche savait pertinemment ce qu’il faisait.

A moins de le prendre pour un imbécile, ce qu’il n’est certainement pas, une autre explication est impossible.

Ayant échoué à rompre sur une base révolutionnaire avec le Parti Socialiste, il ne lui restait plus qu’une option : la fuite en avant de type ultra-populiste. Sa trajectoire est, en fait, une sorte de condensé de ce qu’a fait Jean-Luc Mélenchon sur plusieurs années.

Voir cela en se rappelant ce que raconte l’historien Sternhell sur les gens de gauche qui passent à droite fait très peur quand on voit la nature de l’image qu’a posté Gérard Filoche sur Tweetter, lui valant une exclusion quasi-immédiate du Parti Socialiste. Au grand dam de Gérard Filoche, qui prétend avoir agi vite et mal, mais être de bonne foi, dénonçant un « procès en sorcellerie », une « cabale » (cette expression étant historiquement issue de l’imaginaire antisémite, ce que quelqu’un de cultivé comme Gérard Filoche ne peut pas ne pas savoir).

Nul ne peut prétendre pourtant, comme Gérard Filoche le fait, que « l’image Macron + argent est totalement banale ». Encore moins dans une image associant l’argent, les États-Unis et Israël. On est là dans une argumentation typiquement nazie, tout comme en témoigne ce que Gérard Filoche a lui-même écrit :

« Un sale type, les Français vont le savoir tous ensemble bientôt »

Cette opposition entre « les Français » et les parasites extérieurs est un thème essentiel de l’antisémitisme. On est ici dans l’idéologie du « ni Washington ni Tel Aviv » historiquement porté en France par les courants « nationaux-révolutionnaires ».

Le message posté sur twitter par Gérard Filoche, reprenant une image de propagande antisémite

Par ailleurs, les personnes que l’on voit à côté d’Emmanuel Macron sont le PDG d’Altice Patrick Drahi, le banquier Jacob Rothschild et l’ancien conseiller de François Mitterrand Jacques Attali.

Le choix de leur présence vise à associer Emmanuel Macron à la figure nazie des « banquiers juifs » dont il serait la marionnette.

On a même des billets de banque en arrière-plan, et une planète, avec marqué « en marche vers le chaos mondial », ce qui correspond clairement à l’imaginaire fasciste. Qu’Emmanuel Macron ait un brassard nazi, où la croix gammée est remplacée par un dollar, est bien entendu ici une provocation servant de cerise sur le gâteau.

Que cette image ait été produite par « Égalité & Réconciliation », qui pour une fois a maille à partir avec la justice pour cela (Alain Soral est convoqué au tribunal en janvier pour cela), n’a rien d’étonnant et Gérard Filoche ne pouvait pas ne pas voir la dimension antisémite.

Il a joué avec le feu, il a agi sans réfléchir. Cela l’exclue par définition de la gauche, et encore plus quand cette actions sans réflexion converge avec l’extrême-droite.

Gérard Filoche est indéfendable et pourtant il y en a qui font semblant d’être naïfs, comme dans cette pétition de soutien, également mise en avant dans l’Humanité.

L’honneur d’un militant, Gérard Filoche

Oui, Gérard Filoche a retweeté un montage photo mettant en cause Emmanuel Macron dont, dans la précipitation, il n’a pas immédiatement perçu le caractère antisémite. Il s’est rapidement rendu compte de son erreur, a retiré le tweet, s’est excusé publiquement, a répondu aux journalistes. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais le tweet a été relayé sur la Toile pendant plusieurs jours, au point de devenir une affaire d’État.

Les condamnations, sans la moindre prise de recul, ont abondé. Le PS qui, ces temps-ci, peine tant à parler d’une seule voix, a retrouvé son unité pour exclure à bon compte une de ses dernières voix de gauche, sans autre forme de procès.

Voilà le plus inquiétant : les réseaux sociaux sont devenus le procureur le plus expéditif et le plus implacable, et, derrière eux, certains médias aussitôt aboient à l’unisson. Filoche est donc antisémite : la sentence de Facebook est tombée. Qu’il disparaisse sur-le-champ ! Nous ne pouvons accepter cette accusation scandaleuse, cette atteinte portée à l’honneur d’un militant qui a consacré sa vie entière à défendre les libertés syndicales et le Code du travail, à lutter contre le racisme et l’antisémitisme (il fait partie des fondateurs de SOS ­Racisme).

Cette polémique, comme celle qui oppose Charlie Hebdo et Mediapart, témoigne d’une extraordinaire dégradation du débat public. Journalistes et politiques rivalisent dans la surenchère et dans l’anathème. Il faudrait admettre une bonne fois que Twitter ne favorise pas l’intelligence dans le temps long, qui est celui de toute pensée politique digne de ce nom. Gérard Filoche a aujourd’hui l’occasion cuisante de s’en rendre compte, tandis que ses détracteurs continuent de tapoter furieusement sur les claviers de leurs smartphones.

Pendant ce temps, l’antisémitisme et le racisme répandent leur poison. Manuel Valls, si prompt à dénoncer l’antisémitisme, affirmait cette semaine encore que les musulmans « sont un problème ». Ce n’est pas la première fois, et il n’a jamais été inquiété pour ce type de propos. Ça suffit.

Pour signer ce texte : http://pour-lhonneur-de-gerard-filoche.org

Premiers signataires : Guy Bedos, artiste, Christine Blum, consultante, Jacques Bidet, philosophe, Patrick Brody, syndicaliste, Patrick Chamoiseau, écrivain, Annick Coupé, syndicaliste, Jean-Baptiste Del Amo, écrivain, Christine Delphy, sociologue, Christian de Montlibert, sociologue, Annie Ernaux, écrivaine, Karl Ghazi, syndicaliste, Jean-Marie Harribey, économiste, Anne Hessel, Danièle Kergoat, sociologue, Pierre Khalfa, économiste et syndicaliste, Jean-Marie Laclavetine, écrivain et éditeur, Philippe Marlière, politiste, Gus Massiah, économiste, Gérard Mauger, sociologue, Christiane Marty, altermondialiste, Jean-Pierre Mercier, syndicaliste, Gérard Mordillat, écrivain, Gérard Noiriel, historien, Willy Pelletier, sociologue, Michel Pialoux, sociologue, Michel Pinçon-Charlot, sociologue, Monique Pinçon-Charlot, sociologue, Louis Pinto, sociologue, Patrick Raynal, écrivain, François Ruffin, réalisateur.

Cela n’a pas de sens. Gérard Filoche a choisi une approche populiste, qui a été aveugle sur sa propre nature. Il est indéfendable.