Catégories
Société

La ministre des Sports va légaliser les combats de MMA

La ministre des sports Roxana Maracineanu a annoncé (sur twitter) que les combats de MMA allaient être légalisés à partir du 1er janvier 2020. Cette monstruosité, mélange d’ultra-technicité des sports de combat et de mentalité des gladiateurs de l’Antiquité, va désormais être officiellement présente dans notre pays, détruisant encore plus les consciences autour du mot d’ordre « du pain et des jeux ».

Aucune personne civilisée ne peut tolérer qu’une personne en frappe une autre, fasse du mal à quelqu’un d’autre. La sortie de la barbarie implique le respect démocratique de l’intégrité psychologique et physique de toute personne. Aucun plaisir ne doit exister au fait de voir quelqu’un souffrir, ou pire encore de le faire souffrir.

Seulement, cela est inacceptable pour le capitalisme qui a besoin que tout soit une marchandise. De plus en plus opportuniste, il promeut ce qui est sale, malsain, destructeur. Le MMA en est une illustration très claire et nul hasard que ce soit des libéraux qui œuvrent à sa reconnaissance. Des individus se tapant dessus sur un ring fermé (un « octogone »), c’est « leur » choix. Regarder ou pas, c’est un choix « individuel ». PMA pour toutes et MMA relèvent du même esprit ultra-libéral où tout est choix individuel, dans la négation de l’universel, de la civilisation.

Afin d’ailleurs de parer à une accusation d’anti-culture, le gouvernement va faire en sorte de placer le MMA sous tutelle d’une fédération existante pour sa structuration. Cela s’appelle une fédération sportive délégataire. Les candidates sont les fédérations de kick-boxing et muay thaï, karaté, lutte, judo, boxe française ainsi que la Fédération sportive et gymnique du travail du travail.

Nombre de ces fédérations étaient d’ailleurs vent debout contre le MMA, en particulier la fédération de judo. Il s’agit donc de calmer le jeu, pour des fédérations craignant une concurrence massive dans la jeunesse auprès des hommes, ainsi qu’une rupture par rapport à un certain état d’esprit. Il faut voir en effet que le MMA, dont l’acronyme en anglais signifie « Arts martiaux mixtes », n’est justement pas un art martial au sens historique du terme.

C’est un mélange des meilleurs techniques, mais en supprimant justement tout ce qui reliait les arts martiaux à des histoires nationales, avec donc une grande dimension morale appelant à la maîtrise de soi-même, à un comportement toujours noble, avec souvent par ailleurs un aspect particulièrement spirituel, voire militariste-légitimiste par rapport au régime, tout en en s’appuyant sur des pratiques populaires accumulées à travers le temps.

Le MMA est ainsi un pragmatisme technique, visant à l’efficacité pure, tant en combat où on se frappe qu’au sol avec des prises. Il n’y a pas de contenu historique et culturel. Il ne s’agit pas de former l’esprit. D’ailleurs, les combattants donnent pratiquement tout le temps l’impression d’être des guerriers des rues ayant survécu au pire, jouant sur la fibre individualiste, le spectaculaire pour avoir un impact médiatique, lors de grands shows bien rodés.

La légalisation c’est ainsi, sans même vraiment caricaturer, un moyen de faire en sorte de canaliser un nombre très important de jeunes hommes de banlieue et issus de l’immigration, pour les pousser à une activité servant l’individualisme et le capitalisme. Le ministère justifie d’ailleurs la légalisation en disant que cela existait déjà, qu’il faudrait encadrer, etc. Ce sont les mêmes arguments que pour la légalisation du cannabis.

On insistera pour finir sur le fait que le Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) est candidate pour héberger le MMA. Cette fédération omnisports organise déjà des cours de MMA. Ce serait un comble qu’elle devienne sa responsable ! Car la FSGT est née en 1934 de la fusion de la Fédération sportive du travail (FST) et de l’Union des sociétés sportives et gymniques du travail (USSGT), les structures organisées par le Parti Communiste SFIC et le Parti Socialiste SFIO.

Quelle insulte ce serait au mouvement ouvrier qu’un parcours démocratique, anti-militariste, pacifiste, pour un sport populaire relevant de la culture, se termine dans le soutien à l’un des pires produits du capitalisme… Le principal organisateur de MMA, l’UFC, a d’ailleurs été racheté en 2016 pas moins de quatre milliards de dollars par William Morris Endeavor, une très grande entreprise de divertissement télévisuel.

Catégories
Société

Légalisation du cannabis : l’appel des 70 salauds

Soixante-dix personnes liées à la Gauche et présentées comme médecins, élus et économistes ont signé un appel dans L’Obs en faveurs de la légalisation du cannabis. C’est une mentalité de salauds, car ils défendent une drogue ravageuse au lieu de la dénoncer. 

C’est tout de même incroyable. On a dix mille problèmes sur la table en France et sur toute la planète. Le réchauffement climatique prend toute l’actualité à la gorge, le sort des animaux est d’un morbide donnant la nausée. Il y a des conflits un peu partout et toujours plus le risque de confrontation plus que sérieuse, comme entre les États-Unis et l’Iran, sans parler des États-Unis et la Chine. Le travail est aliénant, ennuyeux, épuisant pour la majorité des gens.

Et voilà donc que 70 élus et figures de la Gauche se disent : tiens, si on parlait du cannabis ? Si on donnait comme message qu’il faut le légaliser, parce que fumer un joint dans son coin, c’est un plaisir coutumier à beaucoup ? Si on publiait tous ensemble un grand appel dans L’Obs pour dire que le cannabis doit être légalisé ? Le décalage avec la réalité est totale. Mais le sens des priorités ne doit malheureusement pas étonner.

En effet, le cannabis rend abruti. Il engourdit les esprits, il pousse la volonté à chercher à fuir le réel. Il épuise les raisonnements, il construit une dépendance d’autant plus perverse qu’on pense conquérir une forme de liberté. À ce titre, il est consommé goulûment par deux catégories de personnes en particulier : les personnes désocialisées, à la limite du lumpenproletariat d’un côté, par les couches intellectuelles urbaines au mode de vie plutôt nocturne et décadent de l’autre.

L’appel des 70 salauds est donc la sainte alliance de ces deux catégories, à qui l’industrie du cannabis donne des ailes, appuyée par la philosophie macroniste du libéralisme dans tous les domaines de la vie. D’ailleurs, nommons les principales figures de ces 70 salauds.

On a évidemment la très foklorique Esther Benbassa, sénatrice de Paris EELV, sorte de caricature de la bobo de gauche libérale telle que vue par la pire extrême-droite. On a, de manière plus significative et plus honteuse, Alexis Corbière, qui est tout de même député de Seine-Saint-Denis LFI et Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis (PS). On aimerait bien les voir tous deux aller discuter avec des familles populaires de Seine-Saint-Denis et expliquer qu’il faut légaliser le cannabis ! Gageons qu’ils seraient reçus avec une révolte morale bien significative !

Plus grave, on a Benoît Hamon. En signant un tel appel, il broie définitivement son identité politique. Il se met de manière unilatérale au même niveau que deux autres signataires ouvertement bobo : Raphaël Glucksmann, désormais député européen PS-Place publique et Yannick Jadot, député européen EELV. C’est un suicide politique.

On remarquera d’ailleurs, et ce n’est nullement surprenant, que des députés LREM ont signé l’appel : Aurélien Taché, député du Val-d’Oise, Pierre Person, député de Paris et François-Michel Lambert , député des Bouches-du-Rhône (un ex-EELV passé chez Macron puis ayant rejoint des centrises pro-Macron).

Ici, on retrouve le fond du problème. Que des gens de gauche se retrouvent à raconter la même chose que les macronistes, sans s’étonner ni s’émouvoir, c’est très grave. Cela signifie que le glissement culturel a totalement opéré, que le libéralisme sur le plan des mœurs – reflet du capitalisme débridé – a triomphé. Quand on voit Ugo Bernalicis et Adrien Quatennens, tous deux députés LFI du Nord, soit un bastion ouvrier, ont signé l’appel, on voit l’ampleur du désastre.

Les 70 signataires de l’appel, quasi tous issus des rangs de la Gauche, sont donc bien des salauds. Ils cèdent devant le cynisme du capitalisme où tout s’achète et se vend. Ils refusent de dénoncer ouvertement et franchement le cannabis, et propose même de l’intégrer culturellement à la société.

Mais le Peuple ne veut pas cela. Il ne veut pas des drogues. Le libéralisme n’écrasera pas aussi facilement les exigences de civilisation, de respect de son intégrité psychique et physique, d’un esprit démocratique tourné vers la science, la culture, la nature. La légalisation du cannabis ne peut aller qu’avec un monde de grisaille et de béton, de consommation futile dans un vaste repli général sur soi : personne n’en veut !

Catégories
Rapport entre les classes Société

L’anorexie comme révolte contre soi-même

Le capitalisme rend les gens malades, parce qu’ils les dénaturent. Leur environnement est au service du travail aliénant, de la consommation et cela 24 heures sur 24. Encore faut-il pour cela accepter de voir le capitalisme avec des lunettes humanistes.

L’exemple de l’anorexie, si triste et terrible, illustre parfaitement cela. Le libéral y verra une simple pathologie relevant de l’individu. Un regard sérieux affirmera qu’il s’agit d’une personne broyée de par son emplacement dans la société.

Car du point de vue de la médecine avec sa vision du monde dominante, la chose est entendue : tout est un problème de caractère individuel. Pour l’anorexie, il faudrait ainsi chercher dans les gènes, le parcours propre à la personne, la famille. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui est une institution étatique très importante, explique par conséquent la chose suivante sur son site :

« L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire essentiellement féminin, qui entraîne une privation alimentaire stricte et volontaire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (…).

Contrairement à certaines idées reçues, ce trouble affecte toutes les catégories sociales et non pas seulement les plus aisées. »

Les idées reçues ont bon dos. Si on va sur vidal.fr, un site commercial lié au fameux dictionnaire Vidal donnant la liste des médicaments aux médecins, on lit la chose suivante :

« L’anorexie concerne principalement les adolescentes de 12 à 20 ans (…). Ils surviendraient davantage chez les jeunes filles issues de classes sociales aisées, vivant en milieu urbain. »

Les choses sont dites, mais implicitement. Un article de la revue française de sociologie dit les choses plus clairement :

« L’anorexie mentale et la boulimie, deux troubles du comportement alimentaire, sont appréhendées ici comme des révélateurs de tensions sociales touchant particulièrement des jeunes filles, et plus souvent issues de classes moyennes ou aisées. »

Et cela est vrai. Les couches sociales aisées n’ont pas le sens de la vie, elles sont entièrement au service d’une fuite en avant dans les apparences, les comportements consommateurs, l’activité incessante pour faire fructifier le capitalisme. Dans ces couches sociales, on suit ou on s’écrase. Et les jeunes femmes exprimant leur sensibilité sont brisées.

Elles ne peuvent pas se révolter en exprimant une violence, car elles sont imbriquées dans les couches sociales dominantes et ne peuvent pas le remettre en cause, car elles n’en voient pas le caractère ignoble. Alors elles se révoltent contre elles-mêmes. L’anorexie est une expression de révolte détournée.

Qui connaît la valeur du travail se tourne vers la transformation et non pas vers des modifications de soi censées, de manière idéaliste, changer les choses. C’est malheureusement l’esprit d’une époque : les plus sensibles se changent eux-mêmes, n’importe comment jusqu’au morbide, au lieu de chercher à changer le monde.

C’est le prix à payer, historiquement, pour l’individualisme forcené qui a coupé les gens – surtout des couches sociales dominantes – de tout rapport à la nature, à l’épanouissement, au concret, au travail.

Et ici, il faut bien cerner un aspect également essentiel : le refus non conscient de la viande par beaucoup de jeunes femmes. Au lieu de saisir qu’elles refusent une certaine nourriture, elles vont jusqu’à penser qu’elles refusent toute nourriture, par incapacité à analyser de manière juste leur révolte.

Car tout dans cette société appelle à une révolte. Les aspects aliénants sont incessants et tellement multiples, qu’il faut un haut degré de culture et de conscience pour ne pas sombrer. Qui ne voit pas cela rate totalement la dimension formidablement existentielle du besoin de Socialisme. Et est obligé de réduire tout à une question de « conscience » individuelle, dans le rejet complet des sens, de la nature, du besoin d’épanouissement des sens, de manière naturelle.

Ce dont ont besoin les jeunes femmes des couches aisées ayant basculé dans l’anorexie, c’est de basculer dans le travail, dans les couches populaires, et là elles feront ce que Cyndi Lauper dans la chanson « Girls Just Want To Have Fun » : quand les jeunes femmes ont les parents sur le dos, quand elles rentrent du boulot, elles bataillent pour s’affirmer, parce que s’épanouir va dans le sens de la vie !

Catégories
Rapport entre les classes Réflexions

Le souci : les gens détruits sont fascinés par la destruction

Il y a des gens très éprouvés par la vie dans notre société ; ils ont subi des choses très dures, violentes au point de les avoir défigurés psychologiquement. Outre la difficulté à surmonter le passé pour continuer à vivre et avancer, il y a une certaine fascination qui reste : la violence en impose. C’est qu’à l’arrière-plan, cette violence est sociale.

Il est fondamentalement erroné de réduire les mésaventures d’une personne à la vie personnelle de celle-ci. Un enfant battu n’est pas un individu écrasé par un autre, c’est une personne humaine avec un certain développement social écrasée par toute la société à travers un individu. C’est totalement différent. Si l’on perd de vue tout cet arrière-plan, on ne comprend pas pourquoi les horreurs subies sont tellement pénétrantes dans la personne brisée.

Les êtres humains sont en effet des êtres sociaux, ils appartiennent à la société, et inversement. Ce qui les frappe n’est jamais un simple événement, cela prend toujours la proportion de la société toute entière. C’est pour cela qu’une simple agression, un épisode somme toute banale dans notre société empli de brutalités, prend une telle dimension pour les gens qui l’ont subi. C’est comme si le ciel leur était tombé sur la tête, comme si toute la société leur tombait dessus.

Et comme la société n’abolit pas ce qui la tourmente, ne supprime pas les phénomènes produisant des monstres, les victimes ressassent, connaissent des obsessions. Seule une contre-violence destructrice leur semble le moyen de s’affirmer. Il ne s’agit pas du tout ici d’une violence révolutionnaire, au sens d’un engagement plein de confrontation avec le capitalisme, l’État, les institutions, etc. Non, il s’agit de la tentative de reproduire ce qu’on a subi, ailleurs, sur un autre mode, en étant cette fois le protagoniste.

Cette sorte de catharsis produit par une contre-brutalité inversée est un phénomène bien connu : on sait comme souvent les hommes faisant des enfants des victimes sexuelles ont eux-même été des victimes sexuelles. C’est le fameux thème de la reproduction de la violence – mais, en fait, ce thème est-il si fameux ? Car dans notre société individualiste, si prompte à parler de sociologie pour finalement en revenir toujours à l’individu, qui raisonne encore en termes de violence sociale, de reproduction de phénomènes à l’échelle de la société elle-même ?

Le faire, c’est nier la particularité de l’individu, c’est admettre que les êtres humains sont déterminés. Seuls les partisans du socialisme peuvent raisonner ainsi. Et force est de constater par ailleurs que les victimes, ayant connu une dégradation de leur personnalité, se mettent justement à se replier elles-mêmes sur leur individualité, à se comporter comme des individualistes, afin de chercher une voie pour exister, pour survivre.

Le socialisme, pour le comprendre, demande un esprit de synthèse, une capacité d’abstraction. Cependant, lorsqu’on est victime, on est seulement dans le dur, dans le concret immédiat. Il n’y a pas de place pour les raisonnements à moyen terme, pour le repli philosophique. Il y a les faits, les secondes qui passent les unes après les autres et qu’il faut remplir à tout prix. D’où la fascination pour la puissance de ce qu’on a subi, d’où la quête de trouver aussi fort, d’avoir à sa disposition quelque chose d’aussi explosif.

C’est là naturellement contourner le rapport à la violence sociale. Il ne peut en aucun cas s’agir de reproduire la violence subie, mais de lui opposer une contre-violence sociale, définie par l’alternative collective. Cela n’implique pas le refus de la vengeance, mais cela exige au préalable la transformation de soi-même et la participation à la transformation du monde. Sans quoi on devient soi-même un monstre.

Sans cela qu’aurait-on, et qu’a-t-ton ? De la reproduction sociale de la violence à tous les niveaux. Un tel qui trompe un tel qui par conséquent trompe un tel et ce à l’infini. Quelqu’un qui ment à un tel qui ment à un tel par conséquent et ce à l’infini. Cela donne une société où l’amitié et l’amour se retrouvent si fragiles, alors que leur loyauté devrait être à toute épreuve.

C’est bien cela le pire. En cherchant à se préserver, les victimes pratiquent la fuite en avant. Et perdent alors tout, et reproduisent le phénomène, à l’extérieur d’elles-mêmes et pour elles-mêmes. Et là plus rien ne tient… jusqu’à la prochaine fois où l’on recommence, et ainsi de suite.

Catégories
Culture

Roky Erickson, figure hippie marquante

La mort de Roky Erickson a été annoncé et cela a marqué les personnes aimant la musique et particulièrement celle produite par la scène hippie. C’est que l’histoire est connue et terrible : ce musicien formidable est devenu très rapidement totalement fou en raison des drogues. La carrière du groupe The 13th Floor Elevators, une grande référence, s’effondra ici dès le départ, ce qui marqua fortement les esprits.

La sortie de l’album The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators en octobre 1966 fut un tournant sur le plan musical. Il y avait un esprit d’expérimentation, de découverte de nouveaux sons, sans jamais pour autant perdre de vue la mélodie ni le haut niveau de musicalité. La musique psychédélique, c’est pour résumer comme le grunge, mais avec l’enthousiasme et la volonté d’affirmer une culture nouvelle, de faire des mélodies accrocheuses et populaires.

La chanson You’re Gonna Miss Me est un classique du genre.

Seulement voilà, les hippies combinaient esprit de révolte, mise en avant de la culture, et un comportement anti-social expérimentateur typiquement classes moyennes. Les expérimentations avec les drogues étaient censées apporter un « plus » pour l’ouverture d’esprit.

Il y a ici deux interprétations, justement. Pour l’une, reflétant le libéralisme culturel, c’est bien par les drogues qu’un haut niveau culturel a été atteint. Ce sont les individus créatifs qui apportent des choses. Pour l’autre, c’est malgré les drogues que le haut niveau culturel a été atteint.

On remarquera bien entendu que la première interprétation est partagée par la « Gauche » post-moderne, post-industrielle, la seconde par la Gauche historique.

Il y a ainsi la légende comme quoi Roky Erickson ne serait devenu fou qu’après un passage en hôpital psychiatrique, qu’il a choisi pour éviter la prison pour possession de marijuana. Il aurait été maltraité au point de succomber mentalement. Et il a indubitablement été torturé, puisqu’il a subi des électro-chocs.

Mais en réalité il avait craqué déjà à la base, ce qui l’amena donc à se considérer comme un extraterrestre. Roky Erickson n’a par la suite été plus que l’ombre de lui-même, produisant quelques disques sans valeur, finissant sa vie dans un taudis avec sa mère, tout en consommant du LSD de manière hebdomadaire.

Son apport a marqué et en 1990, une compilation de reprises (When the pyramid meet the eye-tribute to Roky Erickson) avait été faite pour l’aider financièrement. Mais si l’idée est sympathique, c’est se focaliser sur un individu, alors qu’il s’agissait d’une personne membre d’une large scène en 1965-1968, dont le grand témoignage sont les fameuses compilations Nuggets, incontournables.

Quant à l’album des 13th Floor Elevators, il est vraiment incontournable et fait partie des plus grandes œuvres musicales de la seconde moitié du XXe siècle.

Catégories
Société

L’alliance des vieux fuyant le monde et des jeunes se l’accaparant

Oui, la révolution est possible ! Elle va être l’alliance des vieux maintenant le flambeau en fuyant un monde anti-culturel et des jeunes s’appropriant le monde pour qu’il devienne à la hauteur de leur exigence d’épanouissement.

Si on a plus de trente ans, on se retrouve confronté à des responsabilités. Le travail, le logement, la famille… viennent, au minimum, encadrer des vies quotidiennes finalement toujours plus répétitives, ennuyeuses, fastidieuses.

Les meilleurs cherchent un refuge. Un style de musique, une activité sportive, un créneau culturel particulier… n’importe quoi fait l’affaire, du moment qu’on fuit la stupidité du monde et le caractère soporifique d’une société faisant de BFMTV et de TF1 des monstres sacrés.

Mais que peut-il y avoir de commun, par exemple, entre un cinquantenaire écoutant de la musique industrielle, se façonnant une actualité culturelle avec des vieux groupes comme Cabaret Voltaire, SPK, Throbbing Gristle ou Nurse with wound, avec des adolescents ne sachant même pas que cela puisse exister ?

C’est que justement, la jeunesse connaît un tournant. Elle sait qu’il est possible d’avoir accès à toute la musique, tous les films, toutes les images, tous les jeux vidéos, toutes les retransmissions de sport, voire toutes les informations. Cependant, c’est toujours plus difficile de par la domination des monopoles qui verrouillent l’accès. Il y a là quelque chose de fâcheux. Il y a encore quelques années, cela pouvait être difficile, mais il y avait l’attrait du nouveau. Là tout est devant eux.

Les jeunes veulent donc s’approprier le monde. Et les plus de trente ans qui n’ont pas cédé aux exigences du conformisme capitaliste entendent le changer. Leur alliance est donc objective et si jamais elle se transforme en unité subjective, alors tout peut changer. Évidemment, les vieux doivent cesser un certain snobisme… surtout que la jeunesse est smart comme jamais. Évidemment, les jeunes doivent apprendre à faire des efforts prolongés sur le plan psychique pour découvrir la vraie richesse culturelle… Cela va exiger des efforts hors du commun.

Au final, pourtant, on peut espérer que chacun y trouve son compte. De toutes façons, comment les choses pourraient-elles changer sinon ? On voit bien qu’il y a là quelque chose de très fort, une vraie contradiction. Celle-ci est par ailleurs accentuée par la crise climatique, qui force les événements à s’accélérer. Et comme en plus les grands pays capitalistes, à force d’être en compétition, vont vers la guerre pour procéder au repartage du monde, qu’ils espèrent en leur faveur…

C’est tout un monde qui s’écroule, celui des trente glorieuses. Fini le capitalisme qui urbanise et qui permet, au moyen d’une voiture, de se faire un petit chez soi dans une vie encadrée et protégée socialement, alors que le développement économique permet d’acheter plus, de disposer d’une meilleure santé. Tout ce petit monde n’aura été qu’une parenthèse, la vie reprend son cours et l’odieux visage du capitalisme réapparaît pour ce qu’il a toujours été : un opportuniste qui peut faire de bonnes choses uniquement contraint et encore, pour une durée limitée.

C’est à se demander ce qu’ont cru les Français pendant si longtemps. Pensaient-ils vraiment que tout resterait pareil ? Que le monde ne changerait pas ? Que le capitalisme permet à chacun de profiter comme il l’entend ? Les gilets jaunes sont vraiment une naïveté et une réaction qui, dans la société de l’avenir, seront vus comme une capitulation totale sur le plan de la pensée, comme une psychose de gens ayant cru leurs propres mensonges. Peut-être est-ce cela : les Français aiment se raconter des histoires, et apprécient de les entendre, comme des enfants.

Catégories
Culture

Vers le soleil, vers la Kabylifornie

Qui s’intéresse à la fois à la France et l’Algérie avec du cœur imagine très bien une fédération des deux pays, où les deux pays devenus socialistes se développeraient fraternellement. L’immigration irait alors vers le soleil, notamment la Kabylifornie.

Le groupe français Bagarre a tourné la vidéo de sa chanson Kabylifornie juste avant les événements caractérisés par la révolte populaire contre le président Bouteflika, pauvre vieil homme malade utilisé comme marionnette par le pouvoir militaire. Cependant, sur le plan historique, la convergence est parfaite. L’Algérie est un pays où la jeunesse est prépondérante, sans pour autant que les infrastructures aient suivi, sans parler de l’ennui.

Il y a 20 ans, cet ennui aurait été comblé par une religiosité très marquée et l’islamisme. Ce dernier a échoué et s’est enlisé, au point de ne plus représenter grand-chose, à l’opposé de la religiosité personnelle, qui reste intense. Mais si elle satisfait des questions intérieures, au sens où cela fait un thème par où passer pour se sentir exister, cela ne fait pas disparaître l’ennui. Il faut donc une révolte contre l’ennui, et la vidéo de Kabylifornie est ici splendide.

Naturellement, la Kabylie n’est pas l’Algérie dans son ensemble. On sait comment les Kabyles évitent beaucoup ce fanatisme religieux faisant du Coran un texte intouchable, comment également les valeurs de partage restent très présentes, comme prolongement d’une vie communautaire longtemps maintenu.

Mais l’Algérie, c’est aussi la Kabylie et il faudra bien que l’Algérie l’accepte, elle qui se définit comme arabe et musulmane seulement. L’unité populaire va forcément passer par une prise en compte de la dimension kabyle, et de toutes façons c’est toute la jeunesse algérienne qui exprime le besoin de se tourner vers une Kabylifornie.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

KABYLIFORNIE…FAILED VERSION 🤡

Une publication partagée par Nous sommes Bagarre (@_bagarre) le

Ne peut-on d’ailleurs pas dire que la jeunesse française, elle aussi, recherche la Kabylifornie ? Il y a un besoin de modernité qui frappe la jeunesse du monde. Elle sent qu’il y a beaucoup de choses possibles, alors pourquoi cela n’existe-t-il pas ? Les possibilités matérielles de l’amusement, de la culture, sont énormes, et pourtant on s’ennuie ! Tout cela parce que les vieux veulent que tout reste pareil !

Il est évident qu’un nouveau mai 1968 se profile, qu’une révolte de la jeunesse est en train de couvert, contre un monde trop gris, dépassé par les échanges culturels, la diffusion de la musique, du design, du style vestimentaire, de l’exigence d’une certaine classe dans les comportements. Ce besoin de modernité personnelle ne peut être exprimé par le Socialisme, mais les jeune sauront-ils abandonner leur individualisme ?

Catégories
Réflexions

Même l’imprévu reste élémentaire

La société de consommation amène tout un chacun à se construire une sorte de petite bulle. Les productions « culturelles » du capitalisme s’adaptent à cette psychologie incapable de profondeur, d’abstraction, de saisie des concepts de transformation, modification en profondeur et changement complet.

L’histoire humaine est passée par des moments douloureux et la culture a digéré tout cela notamment au moyen des tragédie et des drames. La culture, même si elle est formée consciemment par des artistes, est toujours le reflet d’une époque, le produit d’un temps. Et force est de constater que l’une des expressions de l’effondrement de la culture est la disparition du drame et de la tragédie. Non pas qu’il faille croire au destin et se conditionner à s’apitoyer sur des moments dramatiques. Toutefois, la dimension que le drame et la tragédie transportaient, ce moment de dignité humaine, avec le courage, l’abnégation, l’effondrement devant l’adversité, les tourments intérieurs, etc., tout cela a disparu.

Qui se serait imaginé il y a trente ans que sur France Culture, on pourrait entendre des propos fascinés pour une sombre stupidité comme le dernier film Avenger Endgame ? Et qu’il y aurait un scénario complexe où des personnes agiraient de manière diverses en s’entrecroisant, telle dans la Comédie humaine de Balzac ! Alors qu’en réalité, tout cela n’est que psychologisant, et encore, il faut souligner que cette psychologie est celle d’un enfant de dix ans. Même dans Game of Thrones la psychologie est basique, simpliste, réductive au possible.

Il y a ici un fil conducteur, celui de la fascination pour le simpliste, l’élémentaire, le cadre pittoresque justifiant une histoire qui, elle, n’a pas de fond. Ni les Harry Potter ni La guerre des étoiles, ni les Avengers ni aucun blockbuster ne peut atteindre un certain niveau de complexité psychologique. On a des caractères figés dans des attitudes, stéréotypés dans le sens non pas où ils sont typiques, mais au sens où ils sont totalement prévisibles.

Il en va ainsi comme de la télé-réalité : on est rassuré par ce qu’on voit, car même l’imprévu reste élémentaire, saisissable sans efforts. C’est étonnant, mais cela ne change pas le rythme intérieur où l’on se place, qui est répétitif, très simple, quasiment hypnotique pour la conscience. C’est ainsi le prolongement d’une vie quotidienne où on est tellement aliéné que le moindre imprévu réel prend des proportions incroyables. L’infantilisme a tellement gagné les gens que la moindre petite chose peut prendre des proportions incroyables pour des esprits devenus faibles.

N’est-ce pas étonnant que les gens soient de plus en plus surpris par n’importe quoi, alors que normalement on est chacun censé pouvoir faire toujours plus ce qu’on veut ? On devrait s’étonner de moins en moins, par acception toujours plus grande de la différence de l’autre, puisque on serait, selon le capitalisme, tous différents. Et pourtant le capitalisme endort dans un conformisme ronronnant, avec des moments où tout s’enraye et où c’est une sorte de panique qui se développe, un crise infantile.

Inversement, les médias racoleurs jouent justement là-dessus, au moyen de fausses actualités, notamment avec la presse people. Les démagogues à la Trump, avec les fake news, ne font pas autre chose. Les annonceurs « putaclics », comme le dit l’expression, relèvent de cette même démarche.

On se demande bien comment on peut arriver à quelque chose avec de tels gens. Car tout cela, c’est bon pour le Fascisme, pour une société atomisée, sans imprévu, ou bien des imprévus tout à fait élémentaires ( notre glorieuse nation est attaquée par de lâches ennemis, etc. ) Le simplisme aboutit au fascisme, il ne peut pas en être autrement. Quand on supprime la complexité, que reste-t-il ? Les pulsions élémentaires, des réactions basiques.

C’est tellement vrai que, et fort heureusement, les gilets jaunes n’ont même pas été foutus de devenir des fascistes. Ils n’ont même pas été capables de se projeter vers l’avant, tellement la crise économique les frappant les pétrifie tel un imprévu angoissant un enfant. Et la société française a apprécié cela, comme s’il n’y avait jamais eu de critique du capitalisme par la Gauche depuis un siècle ! C’est dire à quel point la France est en attente d’un secours de type bonapartiste, par en haut, avec un chef indiquant comment reprendre la route traditionnelle. Sur le plan des fondamentaux de la société, on est toutes choses étant égales par ailleurs très proches de l’état d’esprit allemand des années 1920.

Évidemment, toute la société n’a pas basculé dans l’infantilisme. Paradoxalement, les jeunes l’évitent encore, car ils n’ont pas le temps de réduire leur approche à celle des enfants, car ils ont été enfants et ne veulent plus l’être. C’est la jeunesse lycéenne qui sauve la France en ce moment, parce qu’elle entend bien vivre et avoir un futur, et par conséquent ne se tourne pas du tout vers le passé. Recherchant l’imprévu pour vivre, l’élémentaire ne l’intéresse pas. Il suffit de regarder le dédain de la jeunesse pour les gilets jaunes. Pour le reste également, c’est vrai, mais les portes ne sont pas fermées, alors que pour les gilets jaunes il n’y a pas eu d’attirance et les choses sont entendues.

C’est la jeunesse qui va être décisive dans les années à venir, qui va faire que cela bascule dans un sens ou dans un autre.

Catégories
Planète et animaux Réflexions

Planter un arbre, un ravissement

Tout le monde devrait avoir planté un arbre dans sa vie. C’est littéralement une petite cérémonie, où l’on fait comme un pacte avec dame Nature. Et ce pacte, c’est elle qui en a décidé les conditions.

Le fait de planter soi-même un arbre n’est pas banal. Même pour quelqu’un dont c’est le métier, il y a une dimension non pas métaphysique, mais à proprement parler tellement naturelle, qu’on ne peut être qu’ébahi. Surtout quand on sort la jeune pousse du pot où elle a été placée au préalable, pour s’élancer dans la vie. On l’ôte délicatement, en époussetant la terre de ses racines, en s’inquiétant de le faire mal, avec l’angoisse de l’abîmer.

Puis, on le transporte, le cœur joyeux, vers l’endroit où le futur arbre va s’enraciner. Là, on se dit qu’un jour, bien plus tard, ce sera un grand tronc auquel on fera face, et qu’on a joué un petit rôle. On ne se dit pas que c’est son propre arbre, mais en tout cas qu’il s’agit là, d’une certaine manière, d’un ami qu’on a aidé.

Alors, donc, on creuse un large trou, on prépare la terre, on prépare l’eau, et on place délicatement la pousse. On comprend alors que cet être va vivre des dizaines d’années, peut-être même des centaines d’années, selon le type d’arbre. Cet ami va nous survivre et on aura aidé à son installation.

Il y a dans le film Intouchables la figure du bourgeois expliquant que l’art contemporain est la seule preuve de notre présence sur terre, à la vue d’un tableau blanc arrosé de tâches rouges. Quelle folie ! Comme un tel discours s’oppose totalement au fait de creuser la terre en faisant un effort physique, de nettoyer les racines avec ses doigts salis mais qu’on use délicatement, pour contribuer à la vie !

Car c’est de la vie qu’il s’agit, et seule la vie propose un tel ravissement. Les paradis artificiels sont justement artificiels, ils sont intenses, mais sans profondeurs. Alors que là, face à l’arbre en face de soi, il n’y a pas de raisonnement métaphysique ou de rapport destructeur, simplement la joie de voir un être qui va pouvoir vivre.

L’arbre va persévérer dans son existence, on le voit, on le sait, on peut revenir le voir et on va le voir grandir avec la vie. Notre propre vie peut bien se terminer, un jour, le plus tard possible espérons le, on sait que la vie continue, quant à elle. La vie appelle la vie et le processus est infini, et on se saisit soi-même comme modeste élément de cette chaîne sans fin (et sans Dieu).

Pour cette raison, tout le monde devrait planter un arbre. Pour le ravissement que cela fournit, mais également pour la maturité des sensations que cela apporte. On devrait fixer un âge où, lorsqu’on devient citoyen, il y a une cérémonie intime où l’on va planter un arbre.

En fait, on devrait de toutes façons de manière régulière contribuer à la vie des campagnes, de l’agriculture. La vie urbaine est sans cela aliénée. Au-delà, toutefois, il y a la question d’une cérémonie quasi initiatique de reconnaissance du caractère suprême de la vie. Aurait-on peut-être la naïveté de penser que quelqu’un ayant planté un arbre, en connaissance de cause, ne pourrait jamais devenir quelqu’un de mauvais ?

Catégories
Écologie

Le muguet assassiné chaque premier mai, au lieu d’être célébré

Les brins de muguet sont partout chaque premier mai, mais cette plante n’est pas célébrée comme elle le devrait. 

Les versions divergent quant à l’origine de cette tradition, mais ce qui est certain est que cette plante aux jolies clochettes blanches est appréciée dans la culture populaire depuis des centaines d’années, et pas seulement en France.

Cela vient probablement du fait, en plus de son odeur agréable et de son apparence élégante, qu’elle s’épanouit avec les premiers « beaux jours » du printemps. Elle symbolise le renouveau, la vie qui entame une nouvelle étape marquée par la fin des gelées hivernales.

On trouve le muguet dans les sous-bois humides des forêts françaises, mais pas sur le pourtour méditerranéen où le temps est trop sec. Cet herbacé vivace profite des premiers rayons de soleils importants de la fin avril au début mai pour fleurir, avant que les autres arbres et plantes de la forêt ne lui fassent trop d’ombre.

Le muguet devrait être célébré, il fait au contraire l’objet d’un véritable pillage dans les forêts, pour être revendu en brins dépérissants. La cueillette devrait être strictement interdite, mais elle est tolérée. Normalement pas plus d’un petit bouquet par personne, mais cela n’est bien sûr pas respecté. Certaines personnes se servent allègrement afin de se faire de l’argent : à minimum 1€ le brin, c’est une affaire rentable…

En plus d’être inacceptable sur le plan culturel, car c’est un rapport à la nature totalement erronée, la cueillette massive du muguet dans les forêts à l’occasion du 1er mai est une menace pour l’espèce. En empêchant les brins de vivre, on empêche les insectes de polliniser ses clochettes pour la reproduction sexuée de la plante.

Le muguet se développe alors massivement sous forme de rhizome, c’est-à-dire en se clonant par-dessous terre, comme les bambous par exemple, ce qui fragilise l’espèce du fait du manque de brassage génétique.

Le muguet est aussi une affaire très rentable pour les maraîchers qui le produisent de manière industrielle dans l’Ouest de la France, particulièrement dans la région de Nantes depuis les années 1970. La récolte est estimée chaque année à 50 à 60 millions de brins. C’est énorme, cela mobilise plusieurs milliers de saisonniers.

Après la récolte, qui est un travail pénible et mal payé, les industriels mènent une course folle contre la nature pour proposer à la vente ces millions de brins pour le premier jour du mois de mai, où les prix s’envolent dans de manière aberrante.

Il existe tout un tas de méthodes pour avoir des brins de muguets prêts à vendre le jour même. Certaines années, il faut accélérer la floraison, d’autre, il faut la retarder à l’aide de serres réfrigérées. Ces « techniques » brutales sont très gourmandes en énergie, tout comme l’ensemble de la chaîne de conditionnement depuis la récolte jusqu’au vendeur, qui nécessite une logistique froide délirante.

Il faut ajouter à ces méfaits les pesticides utilisés, l’eau consommée en grande quantité ainsi que l’espace immense nécessaire à cette culture. Le muguet n’étant récolté que la 3e et la 4e année de culture, cela signifie qu’il faut le double de terres destinées au muguet par rapport à la récolte sur une exploitation. Quelle absurdité, quel gaspillage, quelle terrible manifestation de l’écocide…

Chaque premier mai, les gens croient apprécier une plante, alors qu’ils ne font que l’assassiner sans aucune considération pour ce qu’elle est, ni même pour ce qu’elle représente réellement.

Il suffirait pourtant d’apprécier le muguet tel qu’il existe dans la nature, comme un prétexte de plus à l’ode à la nature que devrait réciter chaque jour l’humanité.

Une société moderne, civilisée, tournée vers l’avenir n’acceptera jamais d’arracher les brins de muguet des forêts ni de forcer les clochettes à se montrer le 1er mai. La cueillette et la vente du muguet est une pratique arriérée.

Il faut célébrer le muguet de manière correcte, dans un esprit socialiste !

Catégories
Réflexions Vie quotidienne

« …parqués comme des animaux »

Il est 17h, quelques minutes avant le départ du train de banlieue d’une gare parisienne. Il n’y a plus de places assises, les derniers voyageurs remontent le quai à la recherche d’une voiture moins dense, en vain. Un homme, la trentaine, monte dans l’une des premières voiture ; il monte et se faufile dans la voiture à la recherche d’une fauteuil vide ou même d’une marche. Agacé, il sort au bout d’une minute et laisse sortir discrètement ces quelques mots : « …parqués comme des animaux ».

amesoeurs - ruines humaines EP

La réaction est tout simplement typique de toute une partie de la population des banlieues éloignées : toutes ces personnes veulent le calme et la tranquillité, rien ne doit déranger leurs petites vies.

Dans un sens, ces personnes ont raison de ne pas trouver normal que les trains soient toujours remplis à certaines heures, sans que la SCNF ne prévoit d’augmenter les capacités du réseau. Seulement, la comparaison avec les animaux témoigne de leur mentalité petit-bourgeoise étriquée. N’importe qui d’un minimum rationnel trouvera cette réaction absurde : un homme de trente, quarante ans, qui n’a visiblement aucun problème moteur peut bien rester debout vingt à trente minutes jusqu’à la première gare où descendront beaucoup de voyageurs. Sans parler de la densité de voyageurs qui n’a tout simplement rien à voir avec celle de certaines lignes du métro parisien aux heures de pointe. Mais il faut exagérer, s’imaginer vivre un enfer pour se donner l’impression d’exister.

On se retrouve ainsi avec des personnes fuyant la vie parisienne pour une vie plus calme en banlieue et qui sont incapables de raisonner en terme de société. Le repli individuel l’a emporté. L’illusion de s’être protégé de la folie des grandes villes, sans aucune remise en cause de tout une organisation de territoire ;  aucun début de critique du mode de production capitaliste.

Ces gens veulent le calme, pour eux. Pétris de libéralisme mais sans les moyens de le vivre à fond, ils sont obligés de s’inventer une vie.

Il y aurait Paris, la mégapole tentaculaire, sa proche banlieue chic ou lumpenprolétaire et au-delà, des zones habitables. Des endroits sans trop de vague. La petite vie de personne s’éloignant de Paris pour gagner quelques mètres carrés et gagner en « qualité de vie ».

Il faut pourtant être aveugle pour ne pas voir que l’Île-de-France est complètement écrasée par Paris. À tel point que les départements limitrophes en font de plus en plus les frais ces dernières années : les villes sur des lignes de TER vers Chartres, Amiens, Compiègne, Montargis ou encore Château-Thierry voient arriver des personnes qui viennent d’Île-de-France et travaillent sur Paris.

Les personnes qui vivraient un enfer parce qu’elles n’ont pas de place assise dans un train sont incapables de proposer quoi que ce soit. Elles ne cherchent qu’à maintenir leurs illusions, qui commencent avec le train : l’image du départ d’une grande gare, voire Paris et sa proche banlieue disparaître avant d’arriver au vrai pays. Cette mentalité convient très bien à la SNCF et la bourgeoisie française : ces personnes ne remettront jamais en cause ni l’urbanisation forcenée du territoire, ni l’absence de tout plan concernant les trajets travail-domicile.

Regio 2N

Le rêve petit-bourgeois d’un capitalisme à visage humain, d’une concurrence loyale, d’une industrie soucieuse du bien-être des humains et de l’écologie est une aberration. Le mythe pouvait vaguement tenir il y a encore vingt ans, mais aujourd’hui… La comparaison indécente avec les animaux témoigne bien de cette dimension irrationnelle. En 2019, comparer un train avec quelques personnes debout à un train transportant des animaux à l’abattoir est tout simplement abject. Il faut être totalement corrompu pour se permettre ce genre de remarques – témoins de la décadence d’une époque.

Il y a pourtant énormément de choses à redire sur l’organisation des transports dans les grandes villes, tout particulièrement en Île-de-France. Mais sans une approche démocratique, on n’aboutit qu’à entretenir un mirage petit-bourgeois qui s’efface de plus, en plus et on termine chez les gilets jaunes.

Le compromis est très clair : plutôt 45 minutes de train, pas trop rempli en situation normale, que 30 minutes dans le métro parisien en heure de pointe. Peu importe que les toilettes soient supprimées dans les nouveaux trains, peu importe les retards récurrents, tant que globalement, cela tient. Parce que la plupart des personnes font avec.

Toutes les critiques d’hystériques qui expliquent que « ça va péter » font le jeu de la SNCF : ils soutiennent indirectement celle-ci avec leurs discours à côté de la plaque. Elle peut ensuite apparaître comme une entité raisonnable qui prend en compte les avis des ses clients.

Gare de la Ferté sous Jouarre

Catégories
Rapport entre les classes Société

La France périurbaine, une faillite morale, culturelle et sociale

Dans la France des lotissements, on s’ennuie et on travaille loin de chez soi. Mais on ne veut surtout pas du Socialisme. Les gilets jaunes ont exprimé à l’origine cette forme sociale profondément réactionnaire mise en place par le capitalisme.

La France périurbaine, c’est le plus souvent cette horreur architecturale de maisons individuelles en série, correspondant au rêve de petite propriété de pans entiers de la société française aliénée par le capitalisme, y compris dans la classe ouvrière. Même quand il n’est pas réalisé, le rêve est considéré comme à mettre en œuvre dès que possible.

Cette fascination pour la zone pavillonnaire comme refuge face au reste du monde exprime à la fois un besoin de s’arracher à la brutalité des villes qu’un repli individualiste forcené. L’égoïsme prime toutefois comme aspect principal, car avoir des enfants dans de tels endroits, c’est les condamner à une souffrance psychique et physique très importante.

Il n’y a rien pour eux. Pas de transports, pas de lieux culturels, pas de centres sportifs, juste de longs boulevards, avec des habitations individuelles à l’infini, entre les ronds points. C’est l’anéantissement de toute perspective de civilisation comme première prise de conscience de l’adolescence. Un véritable cauchemar, qui de par les faiblesses structurelles de la vie culturelle française, ne produit ni Nirvana, ni Minor Threat, deux groupes de musique d’une intensité sans pareil nés précisément d’un tel terreau aux États-Unis.

Ici en France, la seule révolte contre cet enfermement connu par plus de 15 millions de Français, c’est le Front National, désormais le Rassemblement National. Les instituts de sondages appellent cela « le vote des haies de thuyas », en référence à cet esprit petit propriétaire d’enfermement sur sa parcelle.

Avec les gilets jaunes, on a bien vu comment cette France de petits propriétaires ne peut pas supporter de faire face à l’effondrement économique. Elle sait bien que le Socialisme n’a qu’une chose à lui proposer : sa destruction. Il faut détruire ces zones, tout refaire. Elles ne sont ni des villes, ni des campagnes. Alors qu’il faut combiner les deux, avec les zones pavillonnaires on n’a justement ni la ville, ni la campagne.

La France périurbaine ne peut que le constater : elle n’a ni culture de la ville, ni sa densité en termes d’infrastructures médicales, scolaires, universitaires, administratives. Elle n’a pas non plus d’accès à la nature, d’environnement non bétonné. Aller plus loin ne servirait pas à grand-chose non plus : les représentants des chasseurs n’ont-ils pas expliqué que les forêts sont à eux et que si on n’aimait pas la chasse, il ne fallait pas habiter la campagne ?

Le souci fondamental dans toute cette histoire de toutes façons, c’est que la France périurbaine ne peut exprimer qu’un terrible ressentiment qui va renforcer le fascisme.

Parce qu’à la base, on a la même histoire que la Grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf. Pleins de petit-bourgeois ou de bourgeois petits ont voulu mener la vie de château à peu de frais, achetant une grande maison et un terrain, pour s’apercevoir que finalement il n’y avait rien dans le coin, que les crédits s’éternisaient, que le terrain ne sert à rien en soi et demande de l’entretien, que la maison consommait beaucoup d’énergie et que sa qualité laissait à désirer.

On a également des prolétaires qui les ont imités, faisant la même-chose en moins grand et moins cher, dans des quartiers encore moins intéressants.

Ces gens-là sont tellement déçus de ne pas être devenus des sortes de petits châtelains qu’ils sont aigris, alors que leur vie privée a subi les contrecoups de cet isolement, que ce soit avec la perte de vue d’amis, le divorce, etc. Les prolétaires, de par leur rôle dans la production, expriment moins cette aigreur car ils ont plus facilement conscience de la nature sociale du problème. Mais dans sa substance, cette aigreur n’en est pas moins présente chez eux également.

Ce schéma est reproductible dans pleins de variantes, que l’investissement à l’origine ait été important ou pas. Dans tous les cas, la déception prédomine et désormais il y a la hantise de ne pas basculer socialement dans le prolétariat, ou de se voir assumer sa condition prolétaire de manière franche. Cette inquiétude est un grand moteur du fascisme, alors qu’elle devrait se transformer en une volonté de changement, pour le Socialisme.

Catégories
Réflexions

« Les gens sont des cons »

On est tous d’accord : les gens sont des cons. Le seul souci, c’est que c’est nous, les gens.

Diogenes, Jean-Léon Gérôme, 1860

C’est inévitable et à un moment on n’en peut plus. Ce n’est vraiment plus possible, ça va toujours plus loin. Alors cela apparaît comme une évidence, et de toute façon on le savait : les gens sont des cons. Parce que pour se comporter de telle manière, pour ne même pas s’en apercevoir, ou pire pour le savoir et s’en moquer, il n’y a pas d’autres explications.

Le grand problème, dont on a conscience évidemment, est que tout le monde a pu effectuer un tel raisonnement. On est obligé, tout un chacun, de se dire cela. En fait, la société nous amène insidieusement à cette constatation, parce que les choses sont ce qu’elles sont et que rien ne fonctionne comme il le devrait. On se marche dessus, on se concurrence, on se confronte, alors que rien de tout cela n’est nécessaire.

« assumer un vrai esprit de rupture »

On a alors le choix entre devenir de droite ou de gauche. Si on pense comme Hobbes que « l’homme est un loup pour l’homme », alors on devient de droite et on pense : l’homme est mauvais, la religion a raison, on n’y peut rien, il n’y a pas grand-chose à sauver et seul un bon conservatisme bien policé peut maintenir tout cela dans un certain cadre. Ou bien on pense avec Rousseau que la société a corrompu l’humanité et qu’il faut une réorganisation de fond en comble.

C’est le bon choix. Mais comment fait-on pour vivre en attendant ? Parce que c’est un vrai problème. Bien sûr on peut faire semblant et vivre comme un beauf, et même un beauf « de gauche ». C’est quelque chose de courant. Les récentes affreuses histoires touchant les jeunesses du PCF ou du PS en disent long sur le style de vie décadent adopté par de nombreuses personnes incapables d’assumer un vrai esprit de rupture afin de chercher à produire une culture nouvelle.

Ce n’est cependant pas une option évidemment. Il reste le repli, mais c’est un isolement social qui ne mène qu’à la misanthropie. Cela n’aboutit à rien et on termine alors dans le solipsisme, l’ultra-égocentrisme, ou bien on capitule entièrement pour redevenir comme tout le monde. Combien d’adolescents se rebellant ont eu ce parcours, basculant dans les drogues pour se couper du monde ou bien devenant précisément ce qu’ils haïssaient, pour se fondre dans le décor !

Vouloir que les gens redeviennent eux-mêmes

Que faire alors ? Il n’y a pas 36 solutions, il faut participer à la vie de la Gauche, à sa culture, à son développement, son approfondissement. Sans cela, on est forcément contaminé par des valeurs libérales ou décadentes, sans cela on ne se repère pas comme il se doit et on se retrouve désorienté dans une société capitaliste dure, très dure. Et il ne suffit pas de se mettre en couple pour éviter de prendre des coups ; c’est simplement que les coups on les prend alors à deux et si l’un des deux n’est pas au niveau, cela aboutit à un entre-déchirement d’autant plus difficile.

On comprend que l’objectif véritable, c’est de produire une culture où les gens s’arrachent, où les gens se transcendent, pour basculer du bon côté et assumer une rupture collective avec une société les enracinant dans l’égoïsme, l’étroitesse d’esprit, les mentalités manipulatrices, la soif du gai. Il faut produire de la culture, des choses belles qui parlent à tous, des choses complexes et jolies mais qui soient accessibles à tous. Des choses qui rendent heureux, qui égayent la vie, qui soulignent ce qui est à souligner : le joie, le bonheur, le partage, l’amour, l’amitié, la franchise, la générosité.

Comme ces mots apparaissent comme ridicules, vains, enfantins voire infantiles dans une société cynique comme la nôtre ! N’est-ce pas terrible ? N’est-il pas terrifiant de voir comment notre société est une machine de démolition où l’on reproche aux gens biens de faire du sentimentalisme, d’être trop faibles, d’avoir encore à grandir ?

Diogenes, John William Waterhouse

Il faut un vrai courage pour accepter que les gens soient des cons, mais pour en même temps vouloir qu’ils redeviennent eux-mêmes. Mais c’est le seul chemin. Il ne faut pas devenir cynique comme les gens de droite qui pensent que les gens sont des cons, ni un démocrate-chrétien ou un catho de gauche qui pensent simplement que les gens ne sont pas des cons et qui refusent de voir toutes les horreurs qu’ils véhiculent en raison de la société où l’on vit.

Il faut devenir, il faut être de gauche et à Gauche ; il faut s’ancrer culturellement dans les bonnes valeurs. Sans cela, on est balayé, nos valeurs intérieures sont balayées, et on devient comme tout le monde : lessivé, épuisé, abandonné de tous et surtout de soi-même.

Catégories
Politique

« Les jours heureux », le programme du Conseil National de la Résistance du 15 mars 1944

Il y a 75 ans, 15 mars 1944 le Conseil National de la Résistance votait à l’unanimité son programme pour la libération nationale et la reconstruction du pays. Assez court, il consiste dans sa première partie en un manifeste mobilisateur pour la Résistance et dans sa seconde partie en un programme de gouvernement, qui fut largement appliqué par la suite. 

Il est très souvent fait référence à ce document à Gauche lorsqu’on parle d’acquis sociaux en France et de leur remise en cause. Ce fut en effet une base, permettant un grand élan de modernisation du pays.

Le CNR regroupait des mouvements de la Résistance avec différentes sensibilités, les deux grands syndicats, la CGT sous influence communiste et la CFTC sous influence sociale-chrétienne, ainsi que le Parti communiste, le Parti socialiste, les Radicaux, la Droite républicaine et les Démocrates-chrétiens.

Les communistes y jouèrent un grand rôle, permettant une sorte de grand compromis entre la Gauche et les gaullistes, allant dans un sens très favorables aux classes populaires. Plusieurs ministres communistes au gouvernement participèrent à l’élaboration ou organisèrent directement la Sécurité sociale, les régimes de retraites par répartition, les conventions collectives et les comités d’entreprise, la nationalisation de grandes entreprises comme Renault ou la création d’EDF, etc. De grandes figures de la Gauche comme Frédéric Joliot-Curie ou Henri Wallon participèrent aux politiques de recherche scientifique ou à l’Éducation nationale.

L’URSS et l’Armée rouge jouissaient à l’époque d’un grand prestige dans les classes populaires et la classe ouvrière était largement organisée par le parti communiste, très fort numériquement bien que largement affaiblit par la guerre. Cela permettait un rapport de force très favorable à la Gauche, rendant possible des compromis historiques améliorant directement la vie des classes populaires.

Il faut cependant bien voir qu’il ne s’est pas agit en France d’un régime de Démocratie Populaire comme cela a pu exister en RDA et dans plusieurs pays de l’Est. Les institutions capitalistes françaises n’étaient pas ébranlées, ni même dépassée, mais il était surtout question de le rétablir comme elles étaient prétendument avant la guerre, avec simplement un contenu plus social et plus démocratique. L’Occupation et le régime de Vichy était considéré comme simplement une page à tourner :

« Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale. »

Voici donc ce document dans son intégralité :

LES JOURS HEUREUX, PAR LE C.N.R.
PROGRAMME D’ACTION DE LA RÉSISTANCE

Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la RÉSISTANCE n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée. Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n’est, en effet, qu’en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur et la preuve de son unité.

Aussi les représentants des organisations de la RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R., délibérant en assemblée plénière le 15 mars 1944, ont-ils décidé de s’unir sur le programme suivant, qui comporte à la fois un plan d’action immédiate contre l’oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la Libération du territoire, un ordre social plus juste.

I – PLAN D’ACTION IMMÉDIATE

Les représentants des organisations de RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R. expriment leur angoisse devant la destruction physique de la Nation que l’oppresseur hitlérien poursuit avec l’aide des hommes de Vichy, par le pillage, par la suppression de toute production utile aux Français, par la famine organisée, par le maintien dans les camps d’un million de prisonniers, par la déportation d’ouvriers au nombre de plusieurs centaines de milliers, par l’emprisonnement de 300.000 Français et par l’exécution des patriotes les plus valeureux, dont déjà plus de 50.000 sont tombés pour la France.

Ils proclament leur volonté de délivrer la patrie en collaborant étroitement aux opérations militaires que l’armée française et les armées alliées entreprendront sur le continent, mais aussi de hâter cette libération, d’abréger les souffrances de notre peuple, de sauver l’avenir de la France en intensifiant sans cesse et par tous les moyens la lutte contre l’envahisseur et ses agents, commencée dès 1940.

Ils adjurent les gouvernements anglais et américain de ne pas décevoir plus longtemps l’espoir et la confiance que la France, comme tous les peuples opprimés de l’Europe, a placés dans leur volonté d’abattre l’Allemagne nazie, par le déclenchement d’opérations militaires de grande envergure qui assureront, aussi vite que possible, la libération des territoires envahis et permettront ainsi aux Français qui sont sur notre sol de se joindre aux armées alliées pour l’épreuve décisive.

Ils insistent auprès du Comité Français de la Libération Nationale pour qu’il mette tout en œuvre afin d’obtenir les armes nécessaires et de les mettre à la disposition des patriotes. Ils constatent que les Français qui ont su organiser la RÉSISTANCE ne veulent pas et d’ailleurs ne peuvent pas se contenter d’une attitude passive dans l’attente d’une aide extérieure, mais qu’ils veulent faire la guerre, qu’ils veulent et qu’ils doivent développer leur RÉSISTANCE armée contre l’envahisseur et contre l’oppresseur.

Ils constatent, en outre, que la RÉSISTANCE Française doit ou se battre ou disparaître; qu’après avoir agi de façon défensive, elle a pris maintenant un caractère offensif et que seuls le développement et la généralisation de l’offensive des Français contre l’ennemi lui permettront de subsister et de vaincre.

Ils constatent enfin que la multiplication des grèves, l’ampleur des arrêts de travail le 11 Novembre qui, dans beaucoup de cas, ont été réalisés dans l’union des patrons et des ouvriers, l’échec infligé au plan de déportation des jeunes français en Allemagne, le magnifique combat que mènent tous les jours, avec l’appui des populations, dans les Alpes, dans le Massif Central, dans les Pyrénées et dans les Cévennes, les jeunes Français des maquis, avant garde de l’armée de la Libération, démontrent avec éclat que notre peuple est tout entier engagé dans la lutte et qu’il doit poursuivre et accroître cette lutte.

En conséquence, les représentants des organisations de RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R. déclarent que c’est seulement par l’organisation, l’intensification de la lutte menée par les forces armées, par les organisations constituées, par les masses, que pourra être réalisée l’union véritable de toutes les forces patriotiques pour la réalisation de la libération nationale inséparable, comme l’a dit le Général De Gaulle, de l’insurrection nationale qui, ainsi préparée, sera dirigée par le C.N.R, sous l’autorité du C.F.L.N, dès que les circonstances politiques et militaires permettront d’assurer, même au prix de lourds sacrifices, son succès.

Ils ont l’espoir que les opérations de la Libération du pays, prévues par le plan de l’état major interallié, pourront ainsi être, le cas échéant, avancées grâce à l’aide apportée par les Français dans la lutte engagée contre l’ennemi commun, ainsi que l’a démontré l’exemple glorieux des patriotes corses.

Ils affirment solennellement que la France qui, malgré l’armistice, a poursuivi sans trêve la guerre, entend plus que jamais développer la lutte pour participer à la libération et à la victoire.

***

Pour mobiliser les ressources immenses d’énergie du peuple français, pour les diriger vers l’action salvatrice dans l’union de toutes les volontés, le C.N.R décide :

D’inviter les responsables des organisations déjà existantes à former des comités de villes et de villages, d’entreprises, par la coordination des formations qui existent actuellement, par la formation de comités là où rien n’existe encore et à enrôler les patriotes non organisés.

Tous ces comités seront placés sous la direction des comités départementaux de la libération (C.D.L). Ils seront soumis à l’autorité des C.D.L qui leur transmettront, comme directives, la plate-forme d’action et la ligne politique déterminée par le C.N.R.

Le but des ces comités sera, à l’échelon communal, local et d’entreprise, de faire participer de façon effective tous les Français à la lutte contre l’ennemi et contre ses agents de Vichy, aussi bien par la solidarité et l’assistance active à l’égard des patriotes sous l’impulsion et le soutien donnés aux revendications vitales de notre peuple. Par dessus tout, leur tâche essentielle sera de mobiliser et d’entraîner les Français qu’ils auront su grouper à l’action armée pour la Libération.

Ces comités devront, selon les circonstances et en se conformant aux instructions données par les C.D.L, appuyer et guider toutes les actions menées par les Français contre toutes les formes d’oppression et d’exploitation imposées par l’ennemi, de l’extérieur et de l’intérieur.

Ces comités devront :

1) Développer la lutte contre la déportation et aider les réfractaires à se cacher, à se nourrir, à se vêtir et à se défendre, enlevant ainsi des forces à l’ennemi et augmentant le potentiel humain de la RÉSISTANCE ;

2) Traquer et punir les agents de la Gestapo et de la Milice de DARNAND ainsi que les mouchards et les traîtres ;

3) Développer l’esprit de lutte effective en vue de la répression des nazis et des fascistes français ;

4) Développer, d’une part, la solidarité envers les emprisonnés et déportés; d’autre part, la solidarité envers les familles de toutes les victimes de la terreur hitlérienne et vichyssoise ;

5) En accord avec les organisations syndicales résistantes, combattre pour la vie et la santé des Français pour une lutte quotidienne et incessante, par des pétitions, des manifestations et des grèves, afin d’obtenir l’augmentation des salaires et traitements, bloqués par Vichy et les Allemands, et des rations alimentaires et attributions de produits de première qualité, réduites par la réglementation de Vichy et les réquisitions de l’ennemi, de façon à rendre à la population un minimum de vital en matière d’alimentation, de chauffage et d’habillement ;

6) Défendre les conditions de vie des anciens combattants, des prisonniers, des femmes de prisonniers, en organisant la lutte pour toutes les revendications particulières ;

7) Mener la lutte contre les réquisitions de produits agricoles, de matières premières et d’installations industrielles pour le compte de l’ennemi ; saboter et paralyser la production destinée à l’ennemi et ses transports par routes, par fer et par eau ;

8) Défendre à l’intérieur de la corporation agricole les producteurs contre les prélèvements excessifs, contre les taxes insuffisantes, et lutter pour le remplacement des syndicats à la solde de Vichy et de l’Allemagne par des paysans dévoués à la cause de la paysannerie française.

Tout en luttant de cette façon et grâce à l’appui de solidarité et de combativité que développe cette lutte, les comités de villes, de villages et d’entreprises devront en outre:

a) Renforcer les organisations armées des Forces Françaises de l’Intérieur par l’accroissement des groupes de patriotes : groupes francs, francs-tireurs et partisans, recrutés en particulier parmi les réfractaires ;

b) En accord avec les états majors nationaux, régionaux et départementaux des F.F.I, organisées milices patriotiques dans les villes, les campagnes et les entreprises, dont l’encadrement sera facilité par des ingénieurs, techniciens, instituteurs, fonctionnaires et cadres de réserve, et qui sont destinés à défendre l’ordre public, la vie et les biens des Français contre la terreur et la provocation, assurer et maintenir l’établissement effectif de l’autorité des Comités départementaux de la Libération sur tout ce qui aura été ou sera créé dans ce domaine pour le strict rattachement aux F.F.I dont l’autorité et la discipline doivent être respectées par tous.

Pour assurer la pleine efficacité des mesures énoncées ci-dessus, le C.N.R prescrit de l’état major national des Forces Françaises de l’Intérieur, tout en préparant minutieusement la coopération avec les Alliés en cas de débarquement, doit :

1) Donner ordre à toutes les formations des F.F.I de combattre dès maintenant l’ennemi en harcelant ses troupes, en paralysant ses transports, ses communications et ses productions de guerre, en capturant ses dépôts d’armes et de munitions afin d’en pourvoir les patriotes encore désarmés ;

2) Faire distribuer les dépôts d’armes encore inutilisés aux formations jugées par lui les plus aptes à se battre utilement dès à présent et dans l’avenir immédiat ;

3) Organiser de façon rationnelle la lutte suivant un plan établi avec les autorités compétentes à l’échelon régional, départemental ou local, pour obtenir le maximum d’efficacité ;

4) Coordonner l’action militaire avec l’action de RÉSISTANCE de la masse de la nation en proposant pour but aux organisations régionales paramilitaires d’appuyer et de protéger les manifestations patriotiques, les mouvements revendicatifs des femmes de prisonniers, des paysans et des ouvriers contre la police hitlérienne, d’empêcher les réquisitions de vivres et d’installations industrielles, les rafles organisées contre les réfractaires et les ouvriers en grève et défendre la vie et la liberté de tous les Français contre la barbare oppression de l’occupant provisoire.

***

Ainsi, par l’application des décisions du présent programme d’action commune, se fera, dans l’action, l’union étroite de tous les patriotes, sans distinction d’opinions politiques, philosophiques ou religieuses. Ainsi se constituera dans la lutte une armée expérimentée, rompue au combat, dirigée par des cadres éprouvés devant le danger, une armée capable de jouer son rôle lorsque les conditions de l’insurrection nationale seront réalisées, armée qui élargira progressivement ses objectifs et son armement.

Ainsi, par l’effort et les sacrifices de tous, sera avancée l’heure de la libération du territoire national ; ainsi la vie de milliers de Français pourra être sauvée et d’immenses richesses pourront être préservées.

Ainsi dans le combat se forgera une France plus pure et plus forte capable d’entreprendre au lendemain de la Libération la plus grande œuvre de reconstruction et de rénovation de la patrie.

II – MESURES À APPLIQUER DÈS LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE

Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la Libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R. proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération :

1 ) Afin d’établir le gouvernement provisoire de la République formé par le Général de Gaulle pour défendre l’indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle ;

2 ) Afin de veiller au châtiment des traîtres et à l’éviction dans le domaine de l’administration et de la vie professionnelle de tous ceux qui auront pactisé avec l’ennemi ou qui se seront associés activement à la politique des gouvernements de collaboration ;

3 ) Afin d’exiger la confiscation des biens des traîtres et des trafiquants de marché noir, l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la nation pendant la période d’occupation, ainsi que la confiscation de tous les biens ennemis y compris les participations acquises depuis l’armistice par les gouvernements de l’Axe et par leurs ressortissants dans les entreprises françaises et coloniales de tout ordre, avec constitution de ces participations en patrimoine national inaliénable ;

4 ) Afin d’assurer :

  • l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
  • la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
  • la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
  • la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
  • l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
  • le respect de la personne humaine ;
  • l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ;

5) Afin de promouvoir les réformes indispensables :

a) Sur le plan économique :

  • l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
  • une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
  • l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
  • le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
  • le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
  • le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.

b) Sur le plan social :

  • le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
  • un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
  • la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
  • la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
  • un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
  • la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
  • l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
  • une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
    le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.

c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.

d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.

Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale.

L’union des représentants de la RÉSISTANCE pour l’action dans le présent et dans l’avenir, dans l’intérêt supérieur de la patrie, doit être pour tous les Français un gage de confiance et un stimulant. Elle doit les inciter à éliminer tout esprit de particularisme, tout ferment de division qui pourraient freiner leur action et ne servir que l’ennemi.

En avant donc, dans l’union de tous les Français rassemblés autour du C.F.L.N et de son président, le général De Gaulle !

En avant pour le combat, en avant pour la victoire, afin que VIVE LA FRANCE !

LE CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE

Catégories
Réflexions Vie quotidienne

La folie se propage dans les grandes villes

Le capitalisme rend les gens fous. Les psychiatres disent eux qu’on voit plus de fous, parce qu’il y a moins de place en psychiatrie. C’est une terrible capitulation de leur part, une preuve de leur étroit esprit corporatiste.

Grandes villes - Amesoeurs amesoeurs

La loi est ainsi faite qu’on n’a pas le droit de critiquer les médecins ; les psychiatres étant des médecins, on n’a donc pas le droit de les critiquer non plus. Ils « savent » ce qu’ils font et on doit donc accepter cela, et faire comme si les médecins ne formaient pas une corporation, comme si leurs attitudes et leurs évaluations ne correspondaient pas à des principes, des idéologies.

Alors, lorsque le quotidien Le Parisien interroge des psychiatres sur la recrudescence du nombre de fous à Paris (mais bien sûr dans les autres grandes villes aussi, voire en général), on a droit à des réponses simplistes et il faudrait les prendre pour argent comptant.

Il faudrait accepter, donc, qu’on ne sait pas s’il y a plus de fous ou non, que de toutes façons si on les voit plus c’est parce qu’il y a moins de places en psychiatrie, et également que les psychiatres font mieux leur travail qu’avant, repérant mieux les cas, etc.

Tout cela n’est que mensonge et ne vise qu’à financer la corporation des psychiatres. En réalité, la société se ratatine sur elle-même et les gens s’effondrent psychologiquement, psychiquement, mentalement. Les grandes villes, telles qu’elles existent sous leur forme actuelle, ne sont plus des bastions de la culture mais des lieux de désocialisation, de pression, d’aliénation. La grande ville, c’est la souffrance, à part pour une minorité aisée s’imaginant vivre de manière heureuse.

L’article reprend les chiffres du livre d’une des personnes interrogées et parle de 4,7 à 6,7 millions de « personnes touchées par la dépression en France ». Des chiffres énormes et vagues à la fois. Comment faire la part de ce que l’on pourrait qualifier de réelle dépression, et de posture égocentrique ? Comment faire la part entre ce qui tend réellement vers la dépression et ce qui tend vers de la mise en scène malsaine ?

Une personne qui évoque une envie de suicide est-elle dépressive ? suicidaire ? Ou est-elle dans une logique petite-bourgeoise égocentrique ? Tout ceci est très subjectif et extrêmement difficile à évaluer. Et tant que l’on raisonne en terme d’individus, chacun pourra avancer les chiffres les plus extravagants avec des analyses toutes les plus subjectivistes les unes que les autres. Au final on voit bien que la société n’est pas consciente d’elle-même, et que personne n’en sait trop rien.

Si l’on raisonne en termes de société, alors on peut voir aisément les dégâts d’ensemble fait aux habitants de notre pays… Encore faut-il pour cela prendre en compte le capitalisme. Si cela était fait, on échapperait à nombres d’interprétations subjectives, dénuées de tout fondement culturel, de tout rapport au travail, effectuées par les psychologues et psychiatres.

Ce qui résout la dépression, c’est la coupure avec ce qui est négatif, toxique, et cela en termes de rapports sociaux, combinée avec un retour dans un environnement naturel, sain, et un travail. La psychiatrie a tort à la base, car elle prend pas en compte la notion de travail. Le travail est le moyen humain pour développer l’esprit, pour saisir la réalité de manière rationnelle, et pour voir comment les choses se transforment.

Comment quelqu’un ayant des problèmes psychologiques, psychiques, psychiatriques, peut-il s’en sortir, s’il ne connaît pas le principe de transformation ? Il ne saura pas comment se transformer lui-même, il restera apathique, incapable de trouver une solution concrète. La société ne le lui propose d’ailleurs pas non plus, se contentant de livrer des tonnes de médicaments pour étouffer, engourdir, endormir les esprits ayant déraillés. Il est bien connu que la France est un pays hautement consommateur d’antidépresseurs : c’est déjà une raison de révolte.

Qui ne veut pas rompre avec les grandes villes, avec la folie d’un capitalisme sous haute pression, avec le mépris du travail comme force transformatrice, ne devrait pas parler de folie, car il a déjà capitulé face à l’ennemi.

Catégories
Société

Les apéros tardifs en été sont-ils plus importants que l’heure naturelle ?

Une consultation internet lancée par l’Assemblée nationale donne une majorité de personnes favorables au maintien de l’heure d’été toute l’année. Cela reviendrait à garder en permanence un décalage d’environ deux heures par rapport à l’heure solaire, sans qu’il y ait eu de véritable débat mené à ce sujet.

L’heure n’est qu’une mesure, déterminé administrativement par les humains pour s’organiser socialement. Cette mesure n’est toutefois pas arbitraire, elle reflète la réalité naturelle de l’alternance entre le jour et la nuit.

Ainsi, la mesure de l’heure est initialement liée à la position du soleil dans le ciel, avec le midi, la mi-journée, correspondant à son zénith. Jusqu’en 1891, l’heure dans chaque département était établie en fonction d’un cadran solaire en Préfecture. Il y a en effet environ 50 minutes de décalage naturel entre Brest et Strasbourg. Pour des raisons économiques, il a bien fallu cependant unifier l’heure sur le territoire national.

Si l’on considère l’heure naturelle, c’est-à-dire l’heure solaire, et que l’on fait une moyenne par rapport au territoire français et aux normes internationales, c’est l’heure UTC 0, celle du premier fuseau horaire, qui correspond le plus à la France. Tel n’est pas le choix qui est fait puisque le pays utilise l’heure UTC +1 en hiver et l’heure UTC + 2 en été.

Le changement d’heure au printemps et en automne est au centre des débats depuis une recommandation de la Commission européenne prônant sa fin. La consultation menée sur internet par l’Assemblée nationale, avec 2 103 999 réponses, donne une large majorité (80%) en ce sens.

Cela est nullement étonnant car le changement d’heure est dénigré chaque année, particulièrement pour le passage à l’heure d’été où il faut dormir 1 heure de moins chaque matin, sans qu’on puisse convenir de l’existence de réels bénéfices par ailleurs.

Le problème par contre est qu’il n’y a pas de réel débat démocratique mené sur la question, avec la possibilité pour la population de se forger un véritable avis. Vouloir cesser le changement d’heure bis-annuel est une chose, et l’on peut considérer que celle-ci est admise, mais encore faut-il savoir quelle heure maintenir.

Cela pose un grand problème à l’Union Européenne qui n’est pas capable d’organiser quelque-chose d’aussi concret pour la vie quotidienne dans, et entre, les pays. Ainsi a-t-il été considéré que chaque pays devait choisir son fuseau horaire d’ici avril, pour une fin du changement d’heure en 2021.

La consultation lancée par l’Assemblé national pose ici un véritable problème démocratique, car elle est comme tombée du ciel, sans qu’ait pu être mené un véritable débat, selon des considérations scientifiques précises sur les plans sanitaires, écologiques et économiques.

De nombreuses personnes, a priori 2 millions si on suppose qu’il y a surtout des vrais votes individuels, ont été « choisir » entre l’heure d’été, l’heure d’hiver, l’heure UTC 0 ou le maintien de l’alternance. C’est l’heure d’été qui en sort gagnante, avec un score favorable à 59 % à l’heure UTC + 2 toute l’année.

Il n’y a aucun grand argument connu en ce sens, et on se demande bien ce qui a pu motiver un tel choix à part la considération qu’il serait dommage de ne plus profiter de journées à rallonge pour prendre l’apéro en été. Une telle motivation ne serait nullement étonnante tant on a l’impression qu’en France, il n’y a pas vraiment d’autre aspiration générale que celle de la tranquillité du camping estival.

L’enjeu est pourtant très important, et chaque personne raisonnable ne peut accepter de faire un tel choix sans une réflexion collective de fond. Ce dont il est question ici, c’est d’un rapport naturel, de notre rapport au Soleil, qui conditionne la vie de la Terre depuis 4,5 milliards d’années.

Il paraît complément dingue qu’un pays censé être moderne et démocratique comme la France soit incapable de mener une telle réflexion avant de faire un choix aussi important en avril.

Le cœur de la question est cependant bien plus complexe qu’un simple choix de fuseau horaire. Il se pose ici la question du rapport à la nature en général, ce qui a de nombreuses implications.

Le problème des horaires et des rythmes qui leurs sont liés sont ainsi largement déterminés par la question des villes et des campagnes. La ville, qui en quelque sorte est synonyme de lumière, de jour «permanent », est en contradiction avec la campagne, où la nuit rend en principe compliqué tout activité. L’humanité devrait en quelque sorte trouver une voix naturelle adéquate synthétisant ces deux aspects.

Ajoutons également que ce serait une grande erreur d’imaginer débattre sur la question du fuseau horaire sans discuter de la question des rythmes de vie eux-mêmes, de leurs calages ou décalages avec le soleil, avec l’heure naturelle.

Ne faudrait-il pas, plutôt que de changer d’heure, ou de choisir une heure très décalée par rapport au soleil, adapter les rythmes de vie à chaque saison ? Les enfants, par exemple, n’ont-t-ils pas besoin de dormir un peu plus l’hiver où les nuits sont longues, qu’en été ? Et en été justement, ne faut-il pas adapter les activités en les décalant le matin, parce qu’on se couche forcément un peu plus tard qu’en hiver ?

Voilà un véritable sujet de réflexion, que seule une société authentiquement démocratique et populaire saurait capable de mener.

Catégories
Réflexions

L’essentiel, c’est d’être sentimental, pour l’art

Les gilets jaunes ont tout faux, car ils sont brutaux dans leurs manières. Même leur lecture romantique d’un passé idéalisé se résume à des billets de banque. Ils correspondent au déclin d’une société française dont les membres perdent toujours plus leur humanité. Leur incapacité à être sentimental autrement que par la mièvrerie en témoigne.

Goethe et Schiller, Weimar

Il est important de s’attacher aux choses, non pas parce que les choses auraient une valeur en soi, mais parce qu’elles évoquent quelque chose, parce qu’elles portent des valeurs. Un logement qui n’a pas, ici et là, quelques bibelots liés à un vécu émotionnel, des moments sentimentaux, une tendresse touchante, n’a pas d’âme et n’est somme toute qu’un abri pour damnés.

L’ensemble de la culture est né justement de cette capacité à être sentimental, à se poser dans un coin, dans le silence, et à revenir sur quelque chose. Le reflet de ce qui a été vu, entendu, touché, senti, ressenti bien plus qu’avec simplement cinq sens d’ailleurs, nous interpelle, nous appelle, nous oblige à revenir dessus.

On sait à quel point certains films utilisent, avec de l’abus le plus souvent, de cette scène où un homme, l’air soucieux, rejoint le zinc d’un bar ou bien une chaise confortable, pour à l’écart siroter un whisky en réfléchissant au sens de la vie, au milieu d’une ambiance bruyante, avec une foule nombreuse, anonyme et mouvante.

C’est qu’il y a quelque chose d’universel dans cette posture sentimentale, qui est à la base du vécu de chaque artiste. On ne peut pas écrire une partition ou un roman sans décider de comme arrêter le temps, de rester dans quelque chose de passé, pour témoigner non pas d’ailleurs simplement d’un événement passé, mais de sa richesse, de sa complexité.

Il est souvent demandé aux écrivains s’ils sont les personnages de leur roman, et on va chercher dans leur vie privée des figures censées avoir été reprises. Cela est absurde et oublie que le travail d’artiste est d’universaliser, de transcender le particulier, le personnel, pour aboutir à quelque chose de vrai pour tout un chacun.

Il est vrai qu’il faut pour reconnaître là s’intéresser à l’art, en tant que tel. Non pas à l’art comme esthétique, d’ailleurs dégradé en esthétisme par les riches, quand ce n’est pas en abstraction contemporaine, mais à l’art comme production d’un artiste ancré dans son époque, dans sa société, dans sa propre vie.

Qu’est-ce qu’un artiste, si ce n’est quelqu’un reconnaissant avoir tellement vécu qu’il se sent obligé de synthétiser ce vécu, comme pour se ressaisir lui-même ? N’est-ce pas peut-être ainsi qu’il faille considérer l’artiste, ce porteur d’eau de l’âme humaine, ce passeur de lumière de l’esprit humain ?

Il y a une preuve à cela, s’il faut en trouver une. D’instinct, on sait au fond de soi que Léonard de Vinci ou Bela Bartok, Frédéric Chopin ou Honoré de Balzac, ont été pleinement humain, que si on les avait rencontrés, on aurait eu affaire à des aspects entiers de l’humanité. Des artistes transportant de grandes choses ne peuvent pas ne pas être amples, sentimentaux, dignes.

Il y a un écrivain d’ailleurs qui a été un escroc de bout en bout en se forgeant une telle image, qui a entièrement construit une véritable opération de marketing pour apparaître comme sentimental, révolté, engagé, soucieux, profond, etc. C’est bien sûr Victor Hugo, inventeur d’une image romantique que la République a trouvé tout à fait en phase avec son propre style, d’où le renvoi d’ascenseur en faisant un grand auteur qu’il n’est absolument pas. Lafargue, le gendre de Karl Marx, a écrit des lignes utiles à ce sujet, pour qui s’y intéresse.

Victor Hugo a fait école même si l’on peut dire, puisque les artistes actuels sont obligés de pareillement se mettre en scène lorsqu’ils ne sont pas de vrais transports de culture. Ils sont obligés de se façonner une identité de sentimental, car ils n’auraient plus de crédibilité sans cela. Et dans une société où l’apparence est maître, cela suffit ; il n’y a qu’à regarder les terribles mièvreries de la musique de variété ou de son équivalent en France, le rap, avec les prétentions des chanteurs à être tourmentés.

Voilà pourquoi on a besoin d’une meilleure éducation dans notre pays : pour que les faux sentimentaux soient démasqués, pour que les vrais s’orientent de manière adéquate vers l’art. Faisons un pari concernant l’avenir. Dans le socialisme, chaque personne aura un CV avec son parcours d’études, mais également une série de photographies prises, une série de pages romanesques écrites, des séries de mélodies, de films, de représentations de peintures, de fleurs, d’arbres et d’animaux choisies et justifiées par un court texte.

C’est bien là le minimum pour se présenter, soi-même, avec toute sa densité d’être humain, en soulignant la vaste gamme de sa sensibilité, la profondeur de son regard sur la beauté, l’harmonie, la vie. Comme cela sera bien !

Catégories
Réflexions Vie quotidienne

La vie, c’est comme Docteur Maboul

Finalement, le monde a été contaminé par Docteur Maboul. Parce que tout le monde considère que dans la vie, il s’agit d’arracher des choses auxquelles on a plus ou moins pas droit. La vie est un « combat », celui de retirer un maximum d’opportunités, sans se faire pincer.

Si on regarde bien, on peut discerner surtout deux types de personnes. Il y a ceux qui veulent se faire de l’argent, et ceux qui veulent retirer le plus possible de la vie. Les premiers ne réfléchissent pas au contenu de leur vie et paradoxalement ils ont presque une compréhension socialiste de l’abondance… Sauf qu’ils ne la conçoivent concrètement que pour eux-mêmes.

Les seconds se posent la question du contenu, mais ils pensent que cela restera surtout indéfini, que c’est le hasard qui va décider d’à quoi cela va ressembler. Ils ont compris que le capitalisme était une loterie, mais ils pensent qu’ils peuvent faire les plus fins, les plus malins. Ils ont l’impression qu’ils pourront arracher au bon moment ce qu’il faut et se conçoivent en quelque sorte comme des pirates des temps modernes.

Alors qu’en réalité, ils ont le niveau conceptuel du jeu Docteur Maboul, où il s’agit avec une pince d’attraper des petits objets sans toucher les bords. La vie est ici aussi simple que cela : prendre ce qu’on peut, sans se faire pincer, sans se faire heurter, sans se faire trop cabosser. Essayer autant qu’on peut…

On ne le croira peut-être pas, mais l’analogie est encore moins bizarre qu’on ne pourrait le penser de prime abord, parce que n’importe qui peut être Docteur Maboul. Si un docteur dingue peut le faire, alors pourquoi pas moi ? C’est la démocratisation absolue du casino capitaliste. Tout comme n’importe quel docteur, même fou, peut réussir cette chirurgie joviale, n’importe qui peut gagner au loto de la vie. Il suffit de jouer.

Et même, plus il y a de participants, plus il y a de lots. La conception « Docteur Maboul » de la vie voit le monde comme un gigantesque Las Vegas, avec une multitude de prix, de gagnants, de perdants mais ce n’est pas grave car cela ne concerne pas soi-même : tant qu’on peut jouer…

Il ne s’agit pas, notons le bien, de faire sauter la banque. Cela, c’est pour ceux qui veulent gagner de l’argent, en abondance, pour vivre dans l’abondance, dans « leur » communisme à eux, dans leur « utopie », dans « leur » petit « paradis ». Il s’agit simplement de vivre et pour cela il faut un cadre, des normes, des moyens. Et pour les avoir il faut participer au casino et pousser les autres à le faire. On pense même d’autant mériter de gagner qu’on a contribué à renforcer le nombre de lots. On veut forcer le hasard.

La vie, c’est comme Docteur Maboul. La vie, c’est rien de prévu, à part la possibilité de gagner. De gagner quoi ? On ne sait pas, il y a de la concurrence. Mais il y a des lots, et c’est ça qui compte. Car rien d’autre n’a de sens : ni l’histoire, ni la nature, et encore moins la société. La vie est une sorte d’immense foire du trône, avec des divertissements, des lots à gagner, des préférences. On y flotte, on bascule dans certains choix et pas dans d’autres, on est transporté et grisé, et à la fin tout le monde rentre chez soi.

Que dire du vide d’une telle conception de la vie ? Que c’est l’aboutissement de toute une civilisation. Le capitalisme connaît une fin telle Rome ; il a gagné totalement et donc perdu. Il s’effiloche en se renforçant, se renforce en s’effilochant, il attend à travers son déclin que le Socialisme le remplace, rétablissant le sens : l’histoire, la nature. Fini, Docteur Maboul !

Catégories
Réflexions

Les bons conseils de madame soleil

La superstition reste présente partout et les madames soleil savent être des confidentes, des conseillères, des miroirs des inquiétudes.

constellation de Persée

Il y a si on y regarde bien toujours une trace ici ou là de superstition dans ce qu’on fait, ou bien dans ce qu’on ne fait pas. Tel esprit lucide et clairvoyant sur l’importance de la rationalité s’évertuera pourtant à ne jamais prendre le même chemin en voiture : est-ce là un goût, ou bien une superstition ? Tel autre préférera tel numéro à un autre, telle lettre à une autre, telle place à table à une autre, telle boîte de conserve au supermarché à une autre. Intuition, inquiétude sans fondement ?

Est-ce d‘ailleurs pour cela que les compagnies aériennes low cost placent les gens au hasard et qu’il faut payer pour choisir sa place ? Après tout c’est sans intérêt. Mais celui qui craindra pour sa vie achètera une position près de la sortie de secours, celui qui est superstitieux saura au fond de lui pourquoi 5A est mieux que 19C. Cela peut ne pas être anecdotique, après tous les revues et journaux pullulent d’horoscopes.

Cette histoire d’horoscope est d’ailleurs logique et absurde, puisque les planètes sont censées fonctionner de la même manière que des événements nous concernant parce que né tel mois à tel endroit, et cela serait valable à travers les siècles, au-delà des cultures, des situations. Cela peut sembler logique dans l’antiquité quand on cherchait une rationalité à l’ordre du monde, mais aujourd’hui on sait qu’il faut la chercher ailleurs, au moyen de la science, dont l’astrologie n’est pas une composante.

Sans doute cherche-t-on à se rassurer. Au cours d’une discussion, un personnage sympathique a fait part à d’autres d’une anecdote à ce sujet. Il allait voir une amie de lycée perdue de vue depuis quelques temps, dans la foulée de l’éparpillement post-bac. Au gros chien affectueux présent dans le salon s’ajoutait la voix de la mère, astrologue, qui s’activait à répondre à des coups de fil dans une pièce plus loin dans l’appartement.

Paraît-il que ce fut un cours de psychologie. La personne appelle l’astrologue pour savoir si tel ou tel événement, comme une rencontre hypothétiquement sentimentale, allait bien tourner. De manière habile et efficace, l’astrologue parvenait à soutirer des informations à ce sujet, et en fonction des réponses, du ton de la voix, etc., parvenait à deviner si c’était un emballement ou une rencontre possiblement sérieuse. Les réponses ambiguës, ni vraiment oui ni vraiment non, se combinaient donc avec l’affirmation d’une vraie tendance, qui seraient proches finalement des conseils d’un ami avisé.

On se demande bien sûr comment quelqu’un peut être dupe d’une chose pareille. Sans doute que personne ne l’est vraiment. Il y a quelque chose de rassurant à savoir qu’on va être trompé d’une telle manière qu’on le sache à l’avance. On a l’impression de maîtriser la situation, parce qu’on sait ce qui va se passer : combien de femmes sinon auraient-elles largué leurs compagnons stupides les trompant ! Cependant, comme elles en font le tour, rien de plus ne peut se passer, et c’est déjà pas mal.

Il y a du masochisme là-dedans, très certainement, et les gens qui jouent au loto ne sont pas très nets finalement. Ceux qui jouent aux jeux de grattage le sont encore moins, puisque les chances sont d’une faiblesse extrême et que le fétichisme du grattage opère comme une sorte d’acte magique sans cesse renouvelé. Pour l’anecdote, voici la combine des buralistes avides de gain au mépris des lois et tout à fait cyniques : vous prenez la grosse pile des tickets à gratter dont vous savez qu’elle contient au moins un ticket gagnant d’une grosse somme, et vous les grattez un par un jusqu’à celle-ci. Vous faites semblant que les tickets grattés aient été vendus, puis vous vendez les autres de la pile, qui eux par contre ne contiendront plus le ticket gagnant, mais ça tant pis.

Vu ainsi, les conseils humains de madame soleil sont bien plus cordiaux. On paye, on se fait tromper relativement, on le sait, tout reste chaleureux, et puis il y a l’espoir, on ne sait jamais, que quelque chose arrive quand même… et cela vaut tout l’or du monde.

Catégories
Culture

« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans »

Que faire de cet assemblage de choses vécues que l’on continue de porter en soi ? Baudelaire dit qu’il ne le sait pas, mais il reconnaît qu’elles existent, et qu’elles le débordent.

Tombe de Charles Baudelaire à Paris

« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans » : cet alexandrin de Baudelaire, tiré du poème intitulé Spleen, laisse entrevoir de manière limpide l’origine de l’art, le fait que ce soit lié au vécu, que l’artiste puise dans le reflet de son expérience personnelle quelque chose qu’il entrevoit comme d’une dimension profonde, atteignant l’universel.

Ce que dit ici Baudelaire, n’importe quel artiste pourrait le dire, le sachant par définition, car l’art n’est pas un choix, c’est le produit d’un débordement en soi, d’une sorte de suraccumulation de données dans la vie, qu’il faut synthétiser sous une forme culturelle, pour ne pas se faire littéralement noyer.

Baudelaire a l’impression de se faire dépasser par ce que ses sens et sa vie psychique ont connu ; son vécu résonne en lui de manière ininterrompue, plein de vie, avec une formidable richesse. D’où l’impression de ne pas avoir vécu une simple vie, mais de très nombreuses vies, d’avoir vécu des choses nombreuses et intenses en même temps, de manière ininterrompue. Cela a besoin de sortir, cela ne peut pas rester en soi, on ne peut pas conserver tout cela en soi, c’est trop écrasant.

Afin de présenter cela, Baudelaire compare son cerveau à une pyramide, un cimetière, un abri pour plein de choses vécues, mais mortes ; il est marquant que Baudelaire reconnaisse ne pas savoir quoi faire de son vécu accumulé. Il ne voit aucune sortie possible, il cherche uniquement à faire comprendre qu’il est débordé.

Cela l’amène à se comparer lui-même à un vieux boudoir, à un sphinx oublié de tous et ne parvenant à s‘exprimer que lorsque le soleil se couche, c’est-à-dire lorsque la nuit tombe, que tout devient calme, que les nerfs et le psychisme se relâchent, permettant l’émergence d’une crise propre au « spleen », ce vague à l’âme engageant la personne dans tout son être.

Baudelaire témoigne ici très concrètement d’une incompréhension à réaliser un saut dans son travail d’artiste ; tel Proust, il plonge dans une expérience immédiate, la prenant tel quel, sans parvenir à rassembler le tout, à produire quelque chose avec cette matière première. C’est le fétiche de l’intensité vécue, qui va devenir le leitmotiv de l’art dit moderne et de l’art dit contemporain.

Le véritable art n’en reste pas à une accumulation primitive et la célébration des arts primitifs relève d’un simplisme outrancier propre à une lecture métaphysique et post-moderne de l’art. Il n’est pas étonnant que le surréalisme, si friand des « expériences intérieures » et du culte du rêve, ait été si fasciné par ce qui serait une expression directe, simple, d’une expérience vécue par un être primitif, d’une société tribale.

Le véritable art exige de la complexité, de la mise en forme de différents niveaux d’expression artistique ; il répugne à une simplicité directe, élémentaire. Le véritable art demande que le matériau de l’artiste – ses propres nerfs, son psychisme, son vécu, ses sens, ses souvenirs, ses sensations – soient orchestrés pour se dépasser, pour se fondre dans une œuvre esthétique qui témoigne de ce qu’il y a d’universel dans ce qu’il y a de personnel.

Chaque personne est en effet directement lié à l’art véritable, car pouvant reconnaître ce qu’il y a, dans cette œuvre extérieure à soi, qui relève pourtant de soi-même, dans son vécu le plus intime. Il n’y a pas d’art sans reconnaissance de l’universalité de l’être humain.

Et comme tous les êtres humains connaissent une telle accumulation, cela amène inévitablement à la problématique comme quoi chaque personne devrait développer une forme artistique ! Sans cela, c’est l’implosion ou l’explosion, car on n’accumule pas autant de vécu sans avoir à le porter par les nerfs et par le psychisme.

Ce qu’on appelle folie n’est bien souvent qu’une incapacité à s’exprimer par la transformation, la transformation du monde par le travail, la transformation de son vécu par l’œuvre artistique. William Morris, cet immense artiste disciple de Karl Marx et relevant du mouvement Arts & crafts, a tout à fait raison d’affirmer que dans la société de l’avenir, dans le socialisme, chaque personne développera ses capacités artistiques.

Par respect pour le poète, concluons sur son écrit, un poème par ailleurs peu intéressant en soi, relevant du Parnasse, avec ce ton mièvre et lancinant focalisé sur la définition esthétisante d’objets pittoresques.

Spleen

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.

Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
— Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché.

Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.
— Désormais tu n’es plus, ô matière vivante!
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux;
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.