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Le « Rassemblement National » de Marine Le Pen

Ce week-end avait lieu à Lille le congrès de « refondation » du Front National, après l’échec de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Ce congrès visait à renouveler une ligne stratégique pour les années à venir, notamment en vue des élections européennes de 2019 mais aussi et surtout en vue des élections présidentielles de 2022.

Seulement 500 personnes environ se sont déplacées afin de protester, signe de la banalisation de l’extrême-droite, mais également de l’effondrement de la gauche dans une ville censée en être un bastion. Il ne reste plus que la sincérité, ce qui est déjà pas mal.

Malheureusement, l’extrême-droite sait organiser ses mutations nécessaires. Le renouvellement du Front National passe essentiellement par un changement du nom du parti et la proposition de changement est désormais là avec « Rassemblement national ».

Au-delà du fait que ce nom ait des accointances avec l’ancien mouvement collaborationniste de Marcel Déat, le « Rassemblement National Populaire » actif de 1941 à 1944, ce nom comporte un axe stratégique important.

Marine Le Pen a toujours eu comme stratégie, depuis 2011 et la reprise du FN, la conquête du pouvoir. Avec la déroute du second tour de 2017, il est clair que les critiques internes ont été très fortes, débouchant d’ailleurs sur la sortie de l’aile de « gauche » représentée par Florian Philippot en septembre 2017, aboutissant à la formation des « Patriotes ».

Plus que l’aile« gauche », c’est surtout un réservoir de cadres capables de diriger l’État qui sont partis du parti d’extrême droite. Marine Le Pen s’est alors trouvée coincée : ou bien maintenir la ligne « social-nationaliste » tout en trouvant une solution au déficit de cadres de son parti, ou bien revenir à la ligne du « canal historique », avec Bruno Gollnish en arrière-plan.

La présence du théoricien ultra-conservateur Steve Bannon lors du congrès montre la solution choisie. Cet ancien conseiller de Donald Trump est l’idéologue d’une droite se voulant décomplexée et capable de poser une alternative culturelle.

C’est cela qu’on retrouve à travers le changement de nom. Il a été compris que, comme en Autriche ou récemment en Italie, seule une grande alliance avec les forces de droite conservatrice est à même de porter l’extrême droite, ou une partie, au pouvoir.

Nicolas Dupont-Aignan de « Debout la France » ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il a proposé à Laurent Wauqiez (Les Républicains) et à Marine Le Pen un « programme commun », justifiant le fait que sans union aucune force de droite ne « gagnerait seule ». Thierry Mariani, député Les Républicains et ancien proche de Nicolas Sarkozy, s’est lui aussi montré favorable à une telle union.

Des secteurs de la droite « nationale » l’ont compris : seule une grande alliance nationale-conservatrice peut mener à la conquête du pouvoir. Alors qu’une grande partie du centre a été absorbé par La République en Marche d’Emmanuel macron, l’opposition est actuellement portée par le populisme de gauche de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

La droite et l’extrême droite, en pleine recomposition, se cherche un cap. Mais le problème essentiel de cette fondation d’une grande alliance nationale-conservatrice c’est le poids des appareil politiques et le manque de cadre du côté du FN (qui a l’ascendant sur le reste des forces). De plus, la pression exercée à la fois par « Les Patriotes » par en haut et « Bastion Social » par en bas compliquent la situation.

Laurent Wauquiez, président des Républicains, bloque une telle alliance en voulant retenter la stratégique de Nicolas Sarkozy de « pomper » les bases du FN. Mais Marine Le Pen, a au fond le même espoir inverse : pomper les bases de droite radicalisée, et déçues par l’affairisme des Républicains. Les têtes d’appareil bloquent toute alliance permettant à la droite conservatrice d’avoir sa majorité électorale, et au FN d’avoir un réservoir de cadres.

Là où tout va peut se jouer c’est dans la constitution ou non d’un mouvement d’opposition à la modernisation de la loi de bioéthique en pleine année de commémoration des 50 ans de Mai 68.

 

Victoire de Gubernatis, la présidente de la « Marche pour la Vie », qui a rassemblé 10 000 personnes en janvier 2018 contre le droit à l’avortement et contre la PMA, a d’ailleurs déclaré dans le média identitaire « Boulevard Voltaire » que « la PMA sera au cœur de la vie politique en 2018 » (sous-entendu en lien avec la révision de la loi de bioéthique).

« Rennaissance Catholique », est un des groupes catholiques conservateurs, participants à cette « marche pour la vie », oriente d’ailleurs son université d’été de juillet 2018 sur le thème « 1968-2018, une révolution silencieuse ». Des questions abordées comme « la religion du multiculturalisme », « les droits de l’Homme contre les Nations », « la dictature des juges », etc., laissent clairement apparaître la proximité avec l’extrême droite dans sa tradition contre-révolutionnaire anti-lumières et anti-progrès.

On le comprend aisément : seule une mobilisation nationale-conservatrice peut débloquer le verrouillage des appareils incapables d’une alliance. C’est dans le creuset d’un tel mouvement, dans la pression et l’unification des bases populaires à la fois celles conservatrices et réactionnaires, qu’une grande alliance « de sommet » peut se former.

Ce serait une forme de « Front Populaire » de droite, comme pied de nez terrible à l’apathique des forces de gauche, incapable de faire front commun tout en critiquant les aspects « libéral-libertaire » de mai 68.

Marine Le Pen a très bien saisi l’importance de ce futur moment en axant justement toute une partie de son discours sur une critique de l’esprit « libérale-libertaire » de Mai 68, débouchant sur la « marchandisation du vivant » (sous-entendu explicite à la PMA, GPA). Elle a également ciblé le transhumanisme.

C’est là la base d’une dénonciation culturelle du capitalisme au moyen du conservatisme. Le Rassemblement National se positionne de manière à anticiper les futures alliances électorales, mais aussi un possible futur grand mouvement d’opposition conservatrice anti-gouvernement. C’est là un danger réel qui se profile à moyen terme.

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