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27 mai 1968 : le meeting de Charléty

Le 27 mai 1968 est une journée importante pour la gauche qui n’est ni celle du PCF, ni celle des regroupements révolutionnaires (anarchistes, marxistes-léninistes c’est-à-dire maoïstes, trotskystes).

Cette gauche ne veut pas la révolution mais un socialisme modernisateur, elle est portée par l’UNEF, le PSU, la CFDT (qui peu de temps auparavant était encore le syndicat chrétien).

C’est ce qui historiquement nommé la seconde gauche.

Elle parvient, le 27 mai, à rassembler 30 000 personnes au stade Charléty. Pierre Mendès France est présent, mais il ne prend pas la parole. Cette figure historique de la gauche réformiste, membre alors de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste, cautionne donc le meeting, mais en ne prenant pas la parole se présente comme recours possible, garant d’un ancrage au centre-gauche.

Voici l’appel de l’UNEF fait le 25 mai pour mobiliser le 27, puis des vidéos du meeting de Charléty.

Déclaration de l’U.N.E.F.

A la suite des événements qui se sont déroulés depuis trois semaines, et particuliçrement ces derniers jours dans toutes les villes universitaires de France et notamment à Paris, compte tenu de la situation présente, des déformations apportées par l’information officielle ou contrôlée par le gouvernement nous tenons à préciser les points suivants :

I. – LES FORCES DE L’ORDRE ET LE GOUVERNEMENT PORTENT L’ENTIERE RESPONSABILITE DES INCIDENTS QUI VIENNENT DE SE PRODUIRE ET L’U.N.E.F. SE DECLARE SOLIDAIRE DE TOUTES LES VICTIMES DES FORCES DE REPRESSION

Les incidents proviennent de la volonté du pouvoir tendant à créer une situation objectivement explosive et provocatrice pour les étudiants et les travailleurs luttant à leurs côtés :l’U.N.E.F. se déclare entièrement solidaire des victimes de la répression policière, quel que soit le moment où elle s’est exercée.

II – L’U.N.E.F. PROPOSE DE FAIRE DE LA JOURNEE DU LUNDI 27 MAI UNE GRANDE JOURNEE NATIONALE DE MANIFESTATIONS L’attitude de la police rend celle-ci entièrement responsable de tous les affrontements.

Particulièrement aujourd’hui et demain, la présence de forces importantes dans le quartier latin, leurs mouvements incessants, la façon dont ils dispersent les groupes sont autant de provocations : si des incidents se produisent, que le gouvernement sache qu’il est à l’origine de ceux-ci.

L’U.N.E.F. n’appelle pas à manifester aujourd’hui et demain. En revanche, elle propose à tous les militants de Paris et de province, de faire du lundi 27 mai une journée nationale de manifestations, celles-ci se tenant à partir de 17 heures.

III. – LES LUTTES UNIVERSITAIRES N’ONT DE SENS QUE S’INTEGRANT DANS LES LUTTES D’ENSEMBLE; LE GOUVERNEMENT QUI REFUSE DE VOIR LE SENS DE CE COMBAT COMMUN NE PEUT ETRE UN INTERLOCUTEUR

Depuis longtemps l’U.N.E.F. souligne que les luttes universitaires n’ont de sens que lorsqu’elles s’intègrent dans le cadre d’une contestation et d’une lutte contre le régime capitaliste : la démocratisation de l’enseignement ne peut être réelle qu’en liaison avec un renversement des rapports de production et la transformation des structures économiques par et pour les travailleurs.

Il est bien évident que sur tous ces points le gouvernement et le général de Gaulle n’acceptent pas de prendre en considération la nature de notre combat et qu’ils ne se placent que dans une optique de préservation du système actuel. Aussi considérons-nous que le régime n’est pas un interlocuteur.

IV. – L’UNIVERSITE, DE TOUTE FAçON, PREND EN MAIN SES PROPRES AFFAIRES Le 17 mai 1968, l’U.N.E.F. proposait à l’ensemble des étudiants et des enseignants quatre points précis d’intervention sur la situation.

Les décisions prises librement par l’ensemble des étudiants vont très largement dans le sens des propositions faites par l’U.N.E.F. Il faut maintenant conclure et réaliser, là où cela est possible, en particulier dans les Facultés d’ores et déjà en gestion paritaire (Enseignants Etudiants), l’inauguration de fait du droit de veto sur les décisions prises. Seul le contrôle des décisions permet en effet d’assurer la contestation permanente de l’Université.

Là où les Universités sont autonomes il faut combattre toute déviation vers une espèce de gestion privée des facultés. L’autonomie, cela veut dire aussi l’ouverture très large de l’Université aux travailleurs. L’U.N.E.F. appelle donc l’ensemble de ses militants, et l’ensemble des étudiants à appliquer dçs maintenant leurs propres décisions. Elle appelle aussi à repousser l’ensemble des examens en septembre.

V. – POUR UNE LIAISON PLUS SOLIDE ENCORE DES LUTTES UNIVERSITAIRES, DES LUTTES OUVRIÈRES ET PAYSANNES L’U.N.E.F. se réjouit de la jonction effective des ouvriers en grève avec les étudiants : elle s’est faite à Paris le 24 mai, en province dans beaucoup de villes universitaires, dans les usines et les facultés. Dans tous ces cas des dizaines de milliers d’ouvriers en grève se sont joints aux étudiants.

L’U.N.E.F. adresse son salut chaleureux à tous les travailleurs engagés dans la bataille avec leurs syndicats.

Parce qu’elle estime qu’il est important de garder un front uni étudiants-travailleurs, elle demande aux syndicats ouvriers – de garder le même front sans faille face à la répression gouvernementale, or, l’interdiction de séjour de Daniel Cohn-Bendit est justement un élément décisif de cette répression – de se rappeler qu’elle reste sur une position simple : jamais, et en aucune façon elle n’entend donner de leçons aux organisations de la classe ouvrière, mais en revanche elle n’en acceptera aucune pour les luttes étudiantes..

Le débat permanent existe à la base entre étudiants et ouvriers, l’U.N.E.F., dans la mesure où les points précédents seront bien compris, propose que les mêmes débats s’instaurent à tous les échelons avec les organisations syndicales des travailleurs C’est dans la mesure où l’action menée à Paris a rencontré de larges échos en province, que l’extension au secteur ouvrier a été possible.

A l’heure actuelle, et dans le même souci de développement du mouvement, l’U.N.E.F. appelle tous les étudiants de toutes les villes universitaires à intensifier leur action :

– pour la poursuite de notre combat universitaire,

– pour l’unité des étudiants et des travailleurs,

– pour leur victoire commune.

Bureau National de I’U.N.E.F. 25 mai 1968.

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