Si on se rappelle des travaux de l’historien Zeev Sternhell, on a froid dans le dos sur ces gens de gauche qui, par perte des valeurs de tout un mouvement historique, basculent dans des idées troubles, populistes, nationalistes.
Sternhell dresse un panorama historique montrant que le fascisme est né en tant qu’idéologie portée par les éléments décomposés de la gauche qui, incapables de trouver un chemin de gauche qui convainc et mobilise, cherche ailleurs un chemin qui persuade et agite.
Il l’a fait dans plusieurs ouvrages, dont Ni droite ni gauche L’idéologie fasciste en France, qui lui a valu une haine générale des historiens français, qui ont tous une ligne très simple au sujet du fascisme français « Circulez, il n’y a rien à voir ».
Voici un passage représentatif de ce que dit Sternhell, dans La droite révolutionnaire (Les origines françaises du fascisme, 1885-1914).
« C’est aussi en France que l’on constate dans toute son ampleur ce phénomène-clef du fascisme : le passage de gauche à droite d’éléments socialement avancés, mais violemment opposés à l’ordre libéral.
Car le fascisme est allé puiser tant dans la gauche que dans la droite et, parfois, dans certains pays, beaucoup plus dans la gauche que dans la droite.
Il ne s’agit point ici d’un phénomène spécifique à la France : le comportement du ministre travailliste Oswald Mosley, la pléiade de syndicalistes italiens autour de Mussolini ou l’accueil réservé au nazisme par Henri de Man recoupent les réactions des militants du Parti populaire français ou du Rassemblement national populaire.
Cependant, depuis les radicaux d’extrême gauche, au temps du boulangisme, jusqu’à Déat et Doriot et les milliers de militants socialistes et communistes qui gravitent autour d’eux, en passant par Sorel, Lagardelle et Hervé, nul autre pays que la France n’enregistre de revirements aussi nombreux et aussi spectaculaires. Nul autre parti ne perd en faveur d’un parti fasciste un tel nombre de membres de son bureau politique que le PCF (…).
Un fascisme qui est une révolte contre les bassesses de la vie bourgeoise, contre ses valeurs et son régime, et un fascisme qui découle en droite ligne d’une crise du socialisme, provenant elle-même de l’impuissance du marxisme à répondre au défi que présente la crise du capitalisme.
La littérature fasciste de l’entre-deux guerres – Drieu, Brasillach, Rebatet ou Céline – n’a que fort peu de choses à ajouter aux thèmes développés par Barrès, Le Bon, Drumont, Berth ou Sorel. Mis à part le motif ancien combattant et les références à Rome ou à Berlin, on croirait avoir sous les yeux une version modernisée du Testament d’un antisémite ou des Cahiers du Cercle Proudhon. »