Le mouvement hip-hop français a été depuis ses origines dans les années 1980 une des rares tentatives de faire émerger un courant artistique populaire à peu près digne de ce nom.
Bien entendu, et malheureusement, pris dans les nasses du capitalisme, ce courant n’a jamais été non plus en mesure d’assumer les valeurs d’émancipation qu’il entend porter en reflétant, de manière expressionniste, le réel du vécu et les valeurs des classes populaires urbaines en général, et selon sa propre mythologie, des quartiers périphériques des grandes métropoles, élevés dans les années 1960-1980, connus sous le nom de « cités ».
L’expressionnisme de ce mouvement est d’abord la clef de la réussite et du formidable écho rencontré par ce courant, qui dépasse largement la seule dimension des couches urbaines populaires, pour toucher l’ensemble des masses de notre pays.
Mais cette réussite sociale s’accompagne aussi de son effondrement, et de sa pure et simple annexion à la culture de masse capitaliste, combinée aux assauts réactionnaires ouverts à la promotion des mafias, des trafics et des religions, en particulier de l’islam, sous une forme virulente et patriarcale-agressive.
Cette double évolution est bien sûr repérable dans d’autres sociétés du capitalisme avancé au stade de l’impérialisme, sous des formes parfois différentes.
Il n’empêche que le hip-hop reste en mesure de proposer un espace d’expression populaire d’une envergure tout à la fois remarquable et qui est à reconnaître pour telle. C’est ainsi l’exemple du titre « un jour de paix » du groupe de rap 113, sorti en 2005.
Le groupe en question est un collectif formé de trois amis d’enfance, issu d’une cité de la banlieue parisienne, rue Camille Groult à Vitry-sur-Seine (du nom d’un agro-industriel local de la fin du 19e siècle, dont l’outil a fusionné depuis dans le groupe Tipiak).
113 étant le numéro du bloc où ils ont passé leur enfance. Le groupe est parvenu à développer un esprit authentique, reflétant la dignité et les difficultés de la vie telle qu’exprimées dans leur propre cadre de vie, ce qui lui a valu une reconnaissance populaire très forte, autant locale que nationale.
Pour autant, la fascination pour le grand-banditisme, l’argent facile, teintée de pseudo-valeurs du soi-disant code de « l’honneur » mafieux, parfois aussi du refuge sectaire dans l’islam, ne sont jamais très loin.
Mais le groupe a néanmoins réussi à produire de beaux morceaux comme ce titre, publié dans l’album « 113 degrés » sorti chez Jive Epic, une société de Sony Music France, dirigée par Laurent Rossi, ce qui en dit déjà long sur la récupération alors déjà irrémédiable de ce groupe par les monopoles capitalistes de l’entertainment.
Cet album marque toutefois le point haut de la popularité du groupe avant sa totale bascule dans l’expressionnisme le plus décadent, surfant depuis sur la réaction identitaire ou le cosmopolitisme commercial.
« Un jour de paix » est une ode à l’espoir au-delà des difficultés de la vie dans la grisailles des cités HLM et de manière générale, dans celle des métropoles de la France actuelle. Le clip illustre cette description, par le concret qui prend en quelque sorte Vitry comme miroir de notre société tout entière, en particulier de notre jeunesse urbaine, de ses tensions, de ses solitudes et de sa détresse mais aussi de ses valeurs, notamment populaires.
Et le clip met en particulier à l’honneur l’aspiration des masses à la vie paisible, à la rencontre des cultures, à l’éducation et aux arts, à la solidarité et au vivre ensemble. Même les références à Dieu du chanteur invité Black Renégat (ou Blacko, du groupe du Val-d’Oise Sniper) le sont sous la forme d’une base déiste pour l’expression de la justice et comme refuge, certes vain, de l’espoir.
Impossible en tout cas pour toute personne de gauche de ne pas être touché par l’expressionnisme positif, et mélancolique, qui se dégage de cette chanson, de ne pas voir l’immense aspiration populaire pour les valeurs démocratiques et pacifiques, au-delà des mailles de la société capitaliste qui les entravent et limitent leur horizon et leur portée.
Impossible de ne pas sentir toute la force populaire qui attend de se libérer dans la bonne direction et de s’émanciper des formes capitalistes qui malheureusement les enserrent et les dégrade.
[Refrain : Blacko]
Si la paix pouvait embrasser ce monde juste un jour
Une trêve, une pause pour que l’on sache après quoi on court
Sait-on encore c’que signifie l’amour ?
J’ai bien peur que non, Dieu nous le montre tous les jours
La planète tourne à l’envers, ça m’fait peur
Voyez vous les flammes de l’enfer frères et sœurs
Ne lui vendez pas vos âmes[Couplet 1 : Rim’K]
J’aimerais dire qu’les clés du bonheur s’trouvent pas dans les billets d’banque
Voir tous ces gens libérés d’la peur qui les hante
Qui aiment la vie mais celle-ci leur a fait un baiser mortel
Quelques rimes que tu peux comparer aux larmes du soleil
Un jour de paix, tant qu’y’aura des hommes et des femmes qui s’aiment
Mon cœur c’est pas une télécommande
Nous on veut tous une femme présente, même dans la tourmente
Chacun regagne son domicile, comme les tranchées
Ta couleur de peau peut faire de toi un étranger
Tu trouves ça normal ? Moi j’me sens chez moi n’importe où
Citoyen du monde avec peu d’moyens mais libre au moins
Au fond d’moi j’ai du mal à comprendre
Quand j’vois ces mômes mal vêtus, mal nourris, victimes de maltraitances
Vitry, mon cadre de vie rongé par l’trafic d’l’amour au compte goutte
Comme les aides humanitaires pour l’Afrique
Au coeur d’l’incendie, suffit pas d’s’lever du bon pied
Traverse les flammes courageux et brave comme un pompier[Refrain]
Si la paix pouvait embrasser ce monde juste un jour
Une trêve, une pause pour que l’on sache après quoi on court
Sait-on encore c’que signifie l’amour ?
J’ai bien peur que non, Dieu nous le montre tous les jours
La planète tourne à l’envers, ça m’fait peur
Voyez vous les flammes de l’enfer frères et sœurs
Ne lui vendez pas vos âmes[Pont : Rim’K & Blacko & AP]
Comment rester insensible ?
La violence déborde, changer l’attitude de l’être humain est-ce possible ?
Comment rester insensible ?
Une vie minable dans un quartier minable mais pour la paix tant qu’c’est possible[Couplet 2 : Blacko]
En tant que rasta man, je mène mon combat
J’veux la paix, l’amour mais pour le diable j’ai des coups de ton-ba
J’lâcherai pas l’affaire, non je ne baisserai pas les bras
J’y croirai dur comme fer même quand mon cœur s’arrêtera
Un jour de paix pour nos fils
Un jour de paix pour nos filles
Un jour sans que tout parte en vrille
Un jour sans pleurs, sans haine, sans peur, sans peines
Un jour où tombe Babylone system[Couplet 3 : AP]
J’suis un être humain comme tout l’monde
J’m’arrête aux choses sensibles
Tu sais que même avec le temps les plus rebelles s’assagissent
J’veux voir d’la joie au lieu d’la haine dans les yeux des gens
J’ai d’la peine quand j’regarde les infos, et vois c’qui s’passe sur d’autres continents
J’vis là où les jours s’confondent avec la nuit
Là où aussi on laisse peu d’chances aux plus démunis
Aux orphelins qui retrouvent l’amour dans un foyer secondaire
Dès leur enfance, bercés par la colère d’un père
Toutes nos valeurs sont écoulées dans les ZUP
Une violence urbaine au milieu des nôtres
Rêve d’une terre sans discriminations, sans conflits
Tend la main à ceux dans la solitude
Comme ce p’tit paralysé sur un lit, qu’on voit qu’le bonheur ce second souffle
Y’a des gens qui souffrent, et qui font pas semblant
Pour tous les pays en guerre, j’agite le drapeau blanc
Baissez les armes, séchez vos larmes pour un jour de paix c’est maintenant[Refrain]
Si la paix pouvait embrasser ce monde juste un jour
Une trêve, une pause pour que l’on sache après quoi on court
Sait-on encore c’que signifie l’amour ?
J’ai bien peur que non, Dieu nous le montre tous les jours
La planète tourne à l’envers, ça m’fait peur
Voyez vous les flammes de l’enfer frères et sœurs
Ne lui vendez pas vos âmes[Pont : Rim’K & Blacko]
Comment rester insensible ?
La violence déborde, changer l’attitude de l’être humain est-ce possible ?
Comment rester insensible ?
Une vie minable dans un quartier minable mais pour la paix tant qu’c’est possible[Outro]
Ohohoh yeah man
113, Blacko
9-4, 9-5
Gotcha music
Ghetto youth progress
Yeah man
Comment veux-tu qu’la terre tourne à l’endroit si nos cerveaux marchent à l’envers man ?
Reaction, reaction !