Le syndicat étudiant UNEF a mis en ligne un site afin de critiquer la sélection universitaire. Le choix du nom de domaine de ce site en dit long sur le populisme, puisqu’il s’agit de sélection-université.lol.
L’absence de contenu n’étonnera pas quand on sait que le congrès d’Aubervilliers du Parti socialiste se tient bientôt et que les partisans de Benoît Hamon et de son mouvement génération-s s’agitent beaucoup pour obtenir une certaine influence.
Voici d’ailleurs l’argumentaire mis en avant sur le site produit par l’UNEF pour dénoncer la sélection. On y voit une argumentation particulièrement bornée, utilisant l’écriture inclusive pour revendiquer les droits étudiants, sans jamais mettre en perspective le sens de la réforme par rapport au capitalisme et à ses exigences.
C’est une vision corporatiste, défendant les seuls intérêts des étudiants en tant qu’individus ayant le droit, par définition, de faire ce qu’ils veulent. C’est une déformation complète du principe de la lutte pour une éducation populaire, accessible, mais donc avec un certain contenu.
Ce n’est pas sans rappeler les récents propos de Hervé Christofol, le secrétaire général du principal syndicat d’enseignants du supérieur, le Snesup. Un sénateur de droite demandait en effet il y a dix jours que le nombre de postes à l’université soit corrélé aux emplois disponibles suite à ces études.
La réaction de Hervé Christofol a été de dire :
« C’est l’Etat qui planifierait les carrières des gens ? On se croirait en RDA du temps des soviétiques ! »
C’est une vision libérale, qui nie que les études, les emplois, sont définis par le capitalisme, et qui déforme la gauche pour la transformer en service après-vente du capitalisme, ainsi qu’en Père Noël venant agrandir la possibilité des souhaits individuels.
La mise en place de la sélection à l’entrée des filières “en tension”
Cette réforme remet en cause le principe de libre accès à l’université qui garantit à chaque titulaire du baccalauréat de pouvoir poursuivre les études, dans la filière de son choix à l’université.
Désormais, lorsque les demandes seront supérieures au nombre de places dans une filière, les universités trieront les étudiant-e-s sur dossier, et en fonction de l’avis du conseil de classe du lycée, entre ceux qui pourront accéder à cette filière, et ceux à qui on répondra “non”, en les empêchant de poursuivre leur projet d’étude.
Cette sélection ne concernera pas uniquement les quelques filières en tension citées habituellement (droit, santé, psycho, staps). Pour rappel, cette année ce sont 169 filières qui ont été “en tension” à la rentrée 2017 : ce serait donc d’ors et déjà ces 169 filières qui pourraient avec cette disposition de la loi sélectionner l’année prochaine. Pire, face au manque de moyens budgétaires et à la hausse des effectifs étudiants, le nombre de filières en tension va certainement s’accroître.
Ainsi, à court terme, ce sont la majorité des filières qui pourraient sélectionner à l’entrée de l’université, et fermer la porte à des milliers de jeunes.
Le “oui, si” : les universités imposeront une année supplémentaire à certain-e-s étudiant-e-s
Le constat est partagé, il est urgent de remédier aux 60% d’échec en licence. Pourtant les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur de cette ambition puisque l’on nous fait croire qu’il faudrait changer les étudiant-e-s plutôt que l’université.
En effet, la réforme de l’accès au premier cycle universitaire mettra en place une nouvelle réponse possible sur APB : « oui,si ». Les universités pourront sélectionner sur dossier d’un côté les étudiant-e-s qui pourront faire leur licence normalement, en trois ans, et de l’autre côté, les étudiant-e-s à qui l’on imposera une année de remise à niveau, qui rallongera leur cursus universitaire, et entraînera des coûts financiers inabordable pour de nombreux-ses étudiant-e-s.
Au lieu de mettre en place des dispositifs pédagogiques pour tou-te-s les étudiant-e-s sur la base du volontariat, le gouvernement fait encore une fois le choix d’imposer des dispositifs particuliers et d’entériner un enseignement supérieur à multiples vitesses.
Nos bourses en danger avec la mise en place d’un “contrat pédagogique”.
Un “contrat de réussite pédagogique” sera désormais signé entre les universités et chaque étudiant-e. En fonction de la réussite ou non de l’étudiant-e durant ses examens, des années d’études ou des modules supplémentaires seront imposées à l’étudiant-e, ce qui accentuera un peu plus l’individualisation des diplômes, et ses bourses pourraient même lui être retirées.
Derrière ce contrat, une logique : si l’on échoue à l’université, c’est de notre responsabilité en tant qu’étudiant-e, et il faudrait ainsi mettre en place des sanctions supplémentaires. Cette logique nie la responsabilité de l’Etat et des universités, qui ne mettent pas en place des conditions d’études de qualité, nous permettant de réussir et de progresser.
Nos droits étudiants en danger avec la mise en place de licences à la carte
Le gouvernement souhaite créer des licences à la carte: dans une même filière d’un même établissement les étudiant-e-s n’auront pas les mêmes cours, le même nombre d’heures d’enseignement. Le gouvernement souhaite en profiter de cette individualisation des diplômes pour supprimer les rattrapages et la compensation des matières, des droits fondamentaux aujourd’hui pour les étudiant-e-s pour nous permettre de réussir.
Au-delà de supprimer des droits fondamentaux, cela va créer des inégalités entre les étudiant-e-s d’une même filière, car nos diplômes ne seront pas les mêmes! Ainsi, nos chances d’avoir une insertion professionnelle de qualité ne seront pas les mêmes car nos diplômes n’auront pas la même valeur.
Par ailleurs, tous les établissements ne pourront pas mettre en place les mêmes enseignements, ce qui va accentuer les inégalités qui existent déjà entre les universités.
La réduction des voeux sur APB: des milliers de bachelier-e-s seront sans affectation
Le gouvernement souhaite limiter le nombre de vœux qu’il est possible de faire sur APB et d’enlever la possibilité de les hiérarchiser. Cette mesure, combinée à la possibilité pour les universités de sélectionner à l’entrée des filières “en tension”, va aggraver le nombre d’étudiant-e-s orienté-e-s dans des filières par défaut ou bien sans proposition d’inscription.
Cette mesure ne permettra donc pas « un accès plus juste et plus transparent dans le supérieur », comme le prétends le ministère, mais empêchera à des milliers de jeunes l’accès à l’enseignement supérieur.
Prétendre vouloir accueillir tou-te-s les étudiant-e-s sans investissement budgetaire suffisant … De qui se moque-t-on ?
Alors que le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est débattu à l’assemblée nationale, celui-ci est en totale contradiction avec les objectifs affichés par le gouvernement.
Alors que plus de 15 établissements sont dans une situation budgétaire particulièrement difficile selon la Cours des Comptes, les locaux des universités sont vétustes, que les amphithéâtres sont surchargés et que des milliers de jeunes n’ont obtenu d’inscription à l’université en cette rentrée, l’augmentation prévisionnelle du budget des université est largement insuffisante.
En effet, le ministère prévoit d’investir 1 milliard d’euros ans l’enseignement supérieur durant la totalité du quinquennat, alors qu’il faudrait un investissement de deux milliards d’euros par ans aux universités pour pouvoir fonctionner et accueillir tou-te-s les étudiant-e-s!