Ce texte signé par des « Jeunes dirigeant.e.s » (sic) du PCF vise le Congrès extraordinaire de celui-ci, du 24 au 26 novembre 2018. Sous la houlette de Igor Zamichei, le secrétaire de la fédération de Paris du PCF, il s’agit ni plus ni moins que d’un appel d’une sorte de nouvelle génération d’élus et d’intellectuels à prendre le contrôle du PCF.
On notera qu’il n’est pas parlé de capitalisme mais de « capitalisme mondialisé et financiarisé » ; s’il est dit que « La critique populaire progresse et la pensée de Marx retrouve une place dans la production intellectuelle », on ne trouve dans le texte ni le mot ouvrier, ni le mot bourgeoisie, ni le mot exploitation, ni le mot prolétariat, etc.
Comme nous y invite notre congrès, nous prenons ensemble la parole pour porter une haute ambition : poser les bases d’un communisme du XXIe siècle et révolutionner notre parti, sa stratégie, son organisation.
Cela implique de faire lucidement le bilan de nos difficultés pour les dépasser. Soyons francs : malgré toute l’énergie des militant.e.s et des élu.e.s communistes, malgré toutes les initiatives prises pour répondre aux intérêts populaires, notre parti perd pied dans la vie politique nationale.
Notre recul de plusieurs centaines de milliers de voix aux dernières élections législatives et le caractère inaudible de nos décisions nous conduisent à une marginalisation que la recomposition politique en cours peut rendre durable. Comme une majorité de communistes, nous ne nous y résignons pas.
Jeunes dirigeant.e.s et élu.e.s du PCF, nous sommes convaincu.e.s que notre parti peut et doit redevenir une force politique nationale influente au regard de l’évolution du monde. Nous n’avons pas toujours fait les mêmes choix stratégiques par le passé mais nous nourrissons ensemble de grandes ambitions pour le combat communiste. C’est le moment de notre propre révolution pour hisser le PCF à la hauteur des défis de notre temps. Il faut saisir ce moment car il ne reviendra pas.
À mesure que le capitalisme mondialisé et financiarisé semble écraser tout sur son passage, il génère dans le même mouvement des critiques et des aspirations toujours plus fortes pour son dépassement. La critique populaire progresse et la pensée de Marx retrouve une place dans la production intellectuelle.
Dans nos travaux résident beaucoup de clés de compréhension et de solutions face aux impasses du système : l’égalité et la lutte des classes, rendues incontournables par l’aggravation des inégalités et l’accumulation sans précédent de richesses par une minorité ; l’écologie, à l’heure où le changement climatique enfanté par le mode de production capitaliste menace l’humanité ; la libération du travail du coût du capital et la sécurisation de l’emploi pour en finir avec le chômage, la précarité et la souffrance au travail, qui ne cessent de progresser avec l’utilisation capitaliste de la révolution informationnelle.
C’est sur tous ces enjeux qu’il nous faut travailler à réidentifier le PCF.
Notre société y est prête. Le récent mouvement contre la loi travail, portant le mot d’ordre « On vaut mieux que ça », jusqu’aux luttes contre les ordonnances Macron ; la mobilisation des salarié.e.s de l’hôpital public et des EHPAD pour que la qualité de leur travail soit respectée, le droit fondamental à la santé garanti et pour que notre société prenne soin de nos aînés ; la montée en puissance d’un mouvement féministe, qui constitue un des plus puissants leviers pour l’égalité ; la mobilisation d’associations de solidarité et de tant de citoyens individuellement pour un accueil digne des migrants ; et d’autre part l’émergence d’initiatives comme les projets alternatifs à l’ubérisation des activités à l’image de Coopcycle ; la création de coopératives ou la reprise de l’activité sous cette forme par les salarié.e.s dans de nombreux secteurs ; l’action de collectivités pour promouvoir le logement social ou pour une nouvelle maîtrise publique par le retour en régie publique de la gestion de l’eau.
Et tant d’autres ! Avec les grandes conquêtes que constituent le droit du travail, la Sécurité sociale et la fonction publique, toutes ces initiatives constituent autant de « morceaux de communisme » à faire grandir pour de nouvelles victoires au XXIe siècle.
Avec ces forces vives, une voie nouvelle, faite de combats offensifs et d’ambitions révolutionnaires pour la France se cherche. Contre le « tout État » et le « tout marché », visons l’appropriation par chacun.e des avoirs, des savoirs et des pouvoirs.
Visons un nouveau mode de production basé sur des critères de gestion sociaux et écologiques et sur une appropriation sociale des moyens de production. Visons le développement de services publics démocratisés et de promotion des communs.
Pensons la combinaison des oppressions capitalistes, sexistes, racistes pour les surmonter. Visons l’émancipation culturelle, qui brise le carcan des identités. Visons un nouvel internationalisme, qui s’appuie sur la coopération des individus et des peuples pour un développement partagé et la paix. Ce communisme a de l’avenir si nous le prenons au sérieux.
Le prendre au sérieux, c’est passer à l’offensive politique. Passer à l’offensive, c’est relever d’importants défis stratégiques et organisationnels.
Nos difficultés stratégiques débouchent sur un gâchis d’énergie. Un doute se répand sur l’utilité de nos actions militantes. Nous avons souvent un coup de retard. Au lieu de subir un agenda, il s’agit de penser la manière dont chaque lutte, chaque initiative peut contribuer à nous faire progresser sur la base d’un cap politique national clair, d’objectifs réalistes mais ambitieux. Cessons d’opposer rassemblement et affirmation de notre parti.
À l’approche des européennes, retenons la leçon des échéances présidentielles et législatives : chercher à rassembler sans affirmer nos idées et sans rapport de force revient à nous positionner comme une force d’appoint et conduit in fine à l’échec d’un rassemblement pourtant indispensable. Par ailleurs pensons-nous encore qu’un rassemblement majoritaire est possible sans intervention populaire consciente de ses intérêts ?
Le PCF a un rôle décisif à jouer pour aider à cette intervention par la mise en débat de propositions radicales et la construction d’espaces politiques ouverts, pluralistes, concentrés sur la production d’alternatives crédibles.
Conséquence organisationnelle : nous devons revaloriser la place des adhérent.e.s et des structures locales pour construire des réseaux d’actions à l’échelle nationale capables de déployer des campagnes politiques fortes, efficaces et visibles sur tout le territoire. Et tout à la fois, nous devons revaloriser le rôle de direction, en perte de crédibilité.
Cela implique d’utiliser le meilleur de ce que nous produisons comme pratiques militantes dans les quartiers et les campagnes, les lieux de travail, d’expérimenter, de tirer profit de la révolution numérique, de prendre appui sur nos actions de solidarités concrètes, sur les batailles de nos parlementaires et sur les avancées obtenues dans les collectivités que nous dirigeons.
Cela implique une mise en commun nationale sans précédent, un renouvellement de notre communication politique et de profondes transformations de nos directions, dont le bilan témoigne de dysfonctionnements entraînant des difficultés à produire positionnements, outils militants et initiatives nationales.
Pourquoi ne sommes-nous pas, par exemple, capable de mener une campagne dans la durée ? Ou encore pourquoi ne nous donnons-nous pas tous les moyens d’une offensive médiatique pourtant plus indispensable que jamais ?
Dans le grand débat politique qui s’ouvre, toutes les questions doivent être sur la table, sans céder aux tendances qui rétrécissent le débat et sans tabou aucun sur notre projet et notre stratégie, jusqu’aux femmes et aux hommes qui se verront confier la tâche d’animer la nouvelle ambition qui sera fixée. Sans quoi nous nous serons payés de mots, en l’occurrence du beau mot de révolution.
Notre parti est à un moment clé de son histoire. L’idée communiste, qui a été le moteur de l’engagement de générations de militants, frappe à la porte du XXIe siècle. C’est le moment d’en prendre pleinement la mesure, d’écrire un nouveau manifeste.
Les signataires :
Simon Agnoletti, membre de la direction départementale du Nord (59), 26 ans ; Pierric Annoot, membre du CN (92), 34 ans ; Aurélien Aramini, professeur de philosophie (90), 38 ans;
Pierre Bell Lloch, vice-président du conseil départemental du Val-de-Marne (94), 40 ans ; Hélène Bidard, membre du CN en charge du féminisme et des droits des femmes et adjointe à la Maire de Paris (75), 36 ans ; Thibaut Bize, secrétaire de la fédération du Doubs (25), 33 ans ; Vincent Boivinet, secrétaire de la section de Bègles, membre du CN (33), 33 ans ; Nicolas Bonnet Oulaldj, membre du CN et président du groupe PCF – FG au Conseil de Paris (75), 43 ans ; Caroline Brebant, adjointe au Maire de Saint-Maximin (60), 38 ans ; Ian Brossat, membre du CN et adjoint à la Maire de Paris en charge du Logement (75), 37 ans;
Maxime Cochard, membre de la direction départementale de Paris (75), 33 ans ; Nicolas Cossange, membre du CN et secrétaire de la fédération de l’Hérault (34), 32 ans;
Raf Debu, membre du CN et secrétaire de la fédération du Rhône (69), 36 ans ; Ismaël Dupont, secrétaire de la fédération du Finistère (29), 38 ans;
Pierre Garzon, vice-président du conseil départemental du Val-de-Marne (94), 43 ans ; Aurélien Guillot, secrétaire de la fédération d’Île-et-Vilaine (35), 35 ans ; Florian Gulli, professeur de philosophie (25), 40 ans;
Mina Idir, membre de la direction départementale du Vaucluse (84), 42 ans;
Maud Jan-Brusson, dirigeante départementale de la Mayenne (53), 32 ans;
Sébastien Laborde, membre du CN et secrétaire de la fédération de Gironde (33), 43 ans ; Clara Laby, membre de la direction départementale du Nord (59), 22 ans ; Cédric Lattuada, secrétaire de la fédération de la Marne (51), 42 ans;
Elsa Maillot, vice-présidente de la communauté d’agglomération du Grand Besançon (25), 32 ans ; Céline Malaisé, membre du CEN et présidente du groupe FG à la région Île-de-France (75), 38 ans ; Pierre Miquel, membre du CN et secrétaire de la fédération du Puy-de-Dôme (63), 38 ans ; Yannick Monnet, membre du CN et secrétaire de la fédération de l’Allier (03), 43 ans ; Yannick Nadesan, président de la collectivité eau du bassin rennais (35), 34 ans ; Fred Mellier, membre de la direction départementale de la Gironde (33), 45 ans;
Sébastien Prat, secrétaire de la fédération du Cantal (15), 26 ans ; Anne Sabourin, membre du CEN en charge des affaires européennes (75), 33 ans ; Aymeric Seassau, membre du CN et secrétaire de la fédération de Loire Atlantique (44), 40 ans;
Adrien Tiberti, membre du CN et secrétaire à l’organisation de la fédération de Paris (75), 36 ans;
Bora Yilmaz, membre du CN et secrétaire de la fédération de Meurthe-et-Moselle (54), 38 ans;
Igor Zamichiei, membre du CEN en charge du projet et secrétaire de la fédération de Paris (75), 32 ans…