Au début du mois, une dizaine de chefs étoilés (absolument pas véganes) a signé une tribune dans Libération intitulée « La gastronomie végan a aussi ses chefs étoilés ».
Au rythme des saisons, potagers et vergers sont une source infinie d’inspiration. D’ailleurs, pour le chef Joël Robuchon, il ne fait aucun doute que «la cuisine végétarienne sera celle des dix prochaines années». Aujourd’hui, la gastronomie végétale ne cesse de se développer et de convaincre.
Dans nos restaurants, où la viande et les productions animales ont longtemps tenu une place centrale, la demande pour la cuisine végétalienne est toujours plus forte. Elle n’est plus cantonnée à l’accompagnement ou à la garniture d’un plat principal habituellement carné : elle devient l’essence même d’un plat, d’un menu.
Nous sommes aux commencements d’une nouvelle histoire et d’une nouvelle culture culinaire qui n’ont pas fini de nous surprendre. Peut-être l’intérêt de certains grands chefs pour la cuisine végétale a-t-il de quoi étonner.
Nous-mêmes, restaurateurs, chefs cuisiniers, pourrions être déstabilisés de voir nos habitudes culinaires malmenées et notre apprentissage (largement basé sur les produits d’origine animale) mis à rude épreuve.
Et pourtant ! Quelles belles perspectives s’ouvrent à nous, qui savons qu’en cuisine, tout est affaire de plaisir et de découverte ! Satisfaire sa clientèle, lui proposer un voyage gustatif, partager ensemble de nouvelles saveurs et textures… La cuisine végétale nous engage à relever ces défis.
Qui aurait en effet prédit que les noix de cajou ou les amandes pourraient permettre la confection de fromages végétaux ?
Qu’il serait possible de composer des mousses au chocolat ou des meringues en utilisant du jus de pois chiche à la place des œufs traditionnels ? Ou encore que le soja et le blé offriraient la possibilité de cuisiner des substituts à la viande animale ?
Et les légumineuses, comme les lentilles vertes, qui apportent goût et texture à un pâté végétal ? Enfin, que dire de ces fruits et légumes oubliés ou venus d’ailleurs, pourtant si riches en saveurs, qui apportent couleurs et originalité à notre cuisine, tels le raifort, le yuzu, le citron bergamote, la betterave jaune, la carotte violette ?
Sans compter ces céréales que notre culture occidentale a délaissées ou connaît si peu, alors même qu’elles peuvent réaliser de petits miracles en cuisine : le sarrasin, le petit épeautre, le kamut…
Nous pensons qu’aimer la cuisine, c’est oser relever de nouveaux défis, briser les codes et revisiter sans cesse la gastronomie dite «traditionnelle».
Penser et créer un menu entièrement végétal, c’est s’amuser : jouer sur la présentation, la coupe des légumes, les cuissons, les associations de saveurs et de couleurs.
C’est faire honneur à notre passion, tout en étant conscient des enjeux environnementaux. Vous aussi, laissez-vous surprendre par la cuisine végétale, et surtout soyez curieux !
Signataires : Jean-François Bérard Les Collectionneurs, La Cadière-d’Azur (Var), Jean-André Charial L’Oustau Baumanière, Les Baux-de-Provence (Bouches-du-Rhône), Julien Dugourd La Chèvre d’or, Eze (Alpes-Maritimes), Lionel Giraud La Table Saint-Crescent, Narbonne (Aude), Grégory Hamon Zest, Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine), Xavier Isabal Ithurria, Aïnhoa (Pyrénées-Atlantiques), Clovis Khoury Maison Clovis,Lyon, Geoffrey Poësson La Badiane, Sainte-Maxime (Var), Marina Réale-Laden Château de Coudrée – François-Ier,Sciez (Haute-Savoie), Emmanuel Renaut Flocons de Sel,Megève (Haute-Savoie), Christian Sinicropi Hôtel Martinez, Cannes (Alpes-Maritimes), Stéphane Tournié Les Jardins de l’Opéra, Toulouse (Haute-Garonne), Benoît Vidal L’Atelier d’Edmond, Val-d’Isère (Savoie).
Objectivement, que dire de ce torchon? Tout d’abord, la restauration gastronomique est une aberration économique.
Même si l’on adopte un point de vue capitaliste, c’est un investissement catastrophique, qui n’existe que pour deux raisons : a) l’existence d’un marché du luxe visant à satisfaire les exigences d’une clientèle fortunée qui souhaite se distinguer du commun des mortels par ses choix de consommation et b) l’existence de cuisiniers-entrepreneurs qui se prennent pour des artistes, alors que la cuisine est, au mieux, dans sa forme la plus élaborée, un artisanat.
Rappel des chiffres : les repas gastronomiques représentent seulement 1% des repas consommés hors domicile en France.
Le ticket moyen d’un repas pris hors domicile le midi, lui est de 13,10 euros, mais un tiers des ces repas coûte moins de 10 euros… contre 150 euros pour un repas pris dans un deux étoiles.
La restauration gastronomique doit donc être vue comme une vitrine, et quand cela fonctionne, c’est parce que qu’il y a derrière un empire économique composé de lignes de produits en barquettes vendues en grandes surfaces, d’émissions de télé, de complexes hôteliers, de poêles en téflon, d’écoles de cuisine, etc…
La gastronomie a toujours souffert d’une crise d’identité, prétendant être ce qu’elle n’est pas, pour essayer de cacher son vide culturel abyssal. Pour occulter l’essentiel, à savoir qu’elle est un loisir à destination de la bourgeoisie. Et que hors de ce périmètre, elle n’a aucun sens et aucune raison d’être.
Comment peut-on se fantasmer artiste, quand on méprise totalement la vie et qu’on ne voit qu’un « produit » à « travailler »? Il faut être totalement déconnecté du réel, et les protagonistes de la haute cuisine sont passés maîtres dans l’art de se raconter des fables.
A leur décharge, c’est grâce aux bataillons de personnes aliénées volontairement impressionnables à la vue d’un homme en blanc en train de renifler pensivement un bouquet de sarriette, qu’ils trouvent encore une forme de validation culturelle.
Et donc, quel sens accorder à la tribune parue dans Libération « La gastronomie végan a aussi ses chefs étoilés »?
Eh bien d’abord, c’est purement de l’opportunisme, mais comme tous les opportunistes intelligents, ces grands chefs ont tout d’abord eu le soin de développer une passion pour leur nouveau sujet d’étude, car oui évidemment que c’est un plaisir de cuisiner sans souffrance animale.
Ensuite, c’est un constat à la ramasse, avec la fameuse citation de Joël Robuchon, « la cuisine végétarienne sera celle de ces 10 prochaines années », déjà vieille de 4 ans. Dépéchez-vous, il ne vous reste que 6 ans!
Enfin, c’est une provocation. Aux menus de ces chefs-entrepreneurs, on trouve entre autres, « Veau et foie gras » à 75 euros, et « Le Trio: Terrine de la Cheffe, coussin de Pieds de Veau « Tremollette », Foies de Volaille, condiment médiéval », entrée à 22 euros.
Comment, dans ce contexte, peut-on prétendre avoir un quelconque rapport avec le véganisme? C’est grotesque, obscène. D’ailleurs, il n’y a dans la tribune aucune référence à des considérations morales, à des choix de vie, de société.
Ce triste constat n’est que le reflet de ce qui est en train d’arriver au véganisme, qui est vidé de son contenu pour ne devenir qu’un produit de niche, une part de marché, alors que l’exploitation animale se fait chaque jour plus violente au niveau mondial.
Aujourd’hui, une jeune personne végane qui souhaite se former professionnellement au métier de cuisinier doit affronter un véritable parcours du combattant pour être prise au sérieux, arriver à valider son apprentissage, et trouver un emploi.
Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des contradictions de notre époque, mais qui illustre bien la nécessité de faire un recadrage de ce qu’est le véganisme, à savoir, un choix de société. Et ces gens-là n’ont rien à dire, rien à apporter qui puisse faire avancer l’humanité et son rapport à la nature.