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Le succès de la série « Stranger Things »

La série Stranger Things connaît un grand succès. C’est une production de la chaîne de streaming Netflix avec deux saisons réalisées et une troisième en cours de tournage.

Des phénomènes surnaturels se produisent lors de l’automne 1983 dans une petite ville de l’Indiana aux États-Unis. On suit une bande d’adolescents dont l’un des leurs a disparu mystérieusement. Le personnage d’Eleven, une autre adolescente ayant des pouvoirs de télékinésie et de télépathie, est à l’origine d’une faille ouvrant les portes d’une dimension parallèle, l’Upside Down, d’où provient une sorte de force maléfique.

La typographie du titre rappel évidemment les romans fantastiques de Stephen King. C’est une sorte de mélange entre les films E.T. the Extra-Terrestrial de Steven Spielberg (1982) et Alien de Ridley Scott (1979).

Pour ce qui est d’E.T., on y retrouve la jeunesse populaire américaines des années 1980, qui a soif de découverte et de connaissances scientifiques, qui roule en BMX, qui a des valeurs progressistes, dans un contexte d’abondance économique.

Pour ce qui est d’Alien, il y a des monstres venus d’ailleurs permettant des scènes angoissantes et fantastiques, frôlant parfois l’horreur.

Les épisodes alternent ainsi entre le rythme agréable et la teneur réaliste d’un film comme E.T., avec le rythme intense, tourné vers le surnaturel et l’absurde comme dans Alien.

Les personnages ont globalement un comportement simple et réaliste, ils sont des figures populaires typiques. Par moment cependant, les comportements s’emballent et les protagonistes n’hésitent pas à prendre des risques insensés, quitte à se jeter littéralement dans la gueule du loup. Cela permet d’appuyer et de faire dérouler le fantastique, les moments irrationnels de l’intrigue.

Cela est clairement infantilisant. Stranger Things propose un contenu riche et sophistiqué, mais le dénature avec ces « phénomènes étranges » qui n’amènent rien d’autre que l’autosatisfaction puérile de jouer à se faire peur devant son écran.

La série crée par les frères jumeaux Mat et Ross Duffer est assurément bien faite. La puissance et la qualité de l’industrie cinématographique américaine est ici indéniable.

L’immersion dans les années 1980 est particulièrement réussie, seuls quelques rares anachronismes ont été décelés par les fans. Le scénario et les dialogues de qualité couplés à la grande unité graphique des épisodes contribuent à créer une ambiance générale agréable, prenante. On est d’ailleurs particulièrement déstabilisé et gêné par l’épisode 7 de la saison 2 qui se déroule entièrement en dehors de cet univers, mais plutôt dans la ville de Chicago. Cela rompt le file et casse l’ambiance.

Les adolescents que l’on suit sont fans du jeu des années 1980 Dungeons & Dragons. Les réalisateurs ont en quelques sortes pris au sérieux ce jeu pour le faire exister dans le monde mis en scène dans la série. Les phénomènes surnaturels sont nommés en fonctions de ce jeu (world upside down, demogorgon).

Les réalisateur ont prétendu donner une caution scientifique à leur oeuvre, en citant Cosmos de Carl Sagan ou bien avec un échange entre les jeunes et leur professeur de physique sur des théories de mondes parallèles (épisode 5 de la saison 1). Cela n’est que de la mise en scène, de l’esthétisme, pour tenter de refléter la culture populaire.

La bande sonore est de grande qualité, avec des chef-d’œuvres des années 1980. L’un des personnage écoute The Clash, une magnifique reprise de Bowie clôture un épisode, on entend du Joy Division, du New Order, du Toto, dans la saison 1, du Scorpions, Queen, Cyndi Lauper, Runaway de Bon Jovi, ou encore Ghostbuster de Ray Parker dans la saison 2.

La bande originale aux accents synthwave composée par le groupe Survive est elle aussi de très grande qualité, contribuant largement à la qualité de l’ambiance.

Autre élément sympathique, cette critique au vitriole de la famille petite-bourgeoise de banlieue que nous offre le personnage féminin de Nancy lors de l’épisode 5 de la première saison. Celle-ci est accentué plus tard par une affirmation féminine de haute volée, lorsqu’elle refuse à nouveau le rôle stéréotypée de femme passive.

Cependant, tout cela ne fait que contribuer à la qualité du décors et à une ambiance générale. Culturellement, on ne peut pas dire que la série Stranger Things apporte grand chose de positif. L’aspect principal est qu’elle propose une fascination improductive et sans contenu pour l’irrationnel, pour des phénomènes surnaturels et des scènes absurdes qui leurs sont liées.

Cela est bien dommage. Il eut été pourtant possible, en faisant preuve réellement d’imagination et de créativité, de proposer quelque-chose d’éminemment intéressant avec un tel cadre. La question écologique est un thème qui a émergé dans les années 1980 et qui a été d’une grande actualité aux États-Unis. Les connaissances à propos du monde bactériel qui ont émergées à cette époque, de son lien avec l’ensemble de la vie sur Terre, de la planète comprise elle-même comme un organisme vivant, auraient pu être des thèmes fascinants.

Cela aurait pu avoir le mérite d’être productif, de faire avancer culturellement l’humanité, comme l’art a su le faire à travers l’histoire quand il sert le camps du progrès.

Mais l’industrie du cinéma, et en l’occurrence Netflix avec le business des séries, ne s’intéresse pas à la culture et à l’héritage culturel. Il pompe, lessive, délave et dénature la culture pour produire des œuvres conformes à l’idéologie de notre époque : rien n’a d’importance, peu importe la vérité, peu importe la réalité.

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