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Roxane Lundy : « Cinquante ans après Mai 68, le PS est devenu un Ehpad »

Être de gauche signifie relever au moins d’une certaine tradition, sans même parler de vision du monde. Il y a, pour cette raison, une phrase très choquante prononcée par la présidente du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), Roxane Lundy, dans son interview au monde. Elle dit en effet :

« Cinquante ans après Mai 68, le PS est devenu un Ehpad. »

Or, qu’est-ce qu’un Ehpad ? Il s’agit d’un établissement spécialisé, dédié aux personnes âgées dépendantes en raison de leur perte d’autonomie physique ou psychique, voire les deux. Ehpad signifie Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes.

Les personnes présentes payent 60 % du prix de l’accueil journalier qui est vraiment très cher, l’État payant 30 % et le département les 10 % restant.

Vues les conditions sociales dans notre pays, on s’imagine à quel point il y a peu de moyens et les termes qui reviennent pour présenter à grands traits la situation est couramment la suivante chez les familles : il s’agit de mouroirs, d’antichambres de la mort. L’impunité est la règle, car quand quelque chose se passe mal, il est facile de l’attribuer à la démence, la fragilité physique, etc.

Depuis un mois et demi maintenant, le personnel des Ehpad est effectivement en lutte ; la grève du 30 janvier rassemblait 31,8% du personnel, celle du 15 mars 22% du personnel des 7750 Ehpad (dont 27 % relèvent du secteur privé avec des grands groupes très bénéficiaires comme Koria, Orpea, DomusVi ; 20 % du secteur associatif).

On l’aura compris : de par cet arrière-plan, les propos de Roxane Lundy sont particulièrement déplacés. Ils sont même odieux. Non seulement ils visent à attaquer des personnes âgées sur leur âge et non sur leurs valeurs, mais en plus le rapprochement avec les Ehpad relève d’une moquerie intolérable.

Cela reflète, de la part de Roxane Lundy, non seulement une méconnaissance ou un refus de sa part de se confronter à la réalité des Ehpad, mais surtout une négation complète de faire de la politique, de raisonner en termes de contenu, de valeurs.

Quand on se différencie de quelqu’un en raison de ses opinions, on ne se moque pas de lui ; on explique de manière rationnelle les différences, on expose de manière raisonnée ce qu’on pense être les erreurs ou les fautes, on dénonce sur la base d’une vision du monde ce qu’on considère comme faux ou inacceptable.

Il s’agit de convaincre, pas de persuader ; il s’agit d’éduquer, de mobiliser, pas de faire du populisme. Mais pour refuser le populisme, encore faut-il disposer d’un certain bagage culturel, théorique, idéologique, de concepts précis, de valeurs particulières.

Ce n’est justement pas le cas de Génération.s, qui est un mouvement contournant les questions de fond et qui, en ce sens, n’est nullement différent de La France Insoumise pourtant critiquée précisément pour cela.

Cela montre bien le problème de fond de bon nombre de gens de gauche dans notre pays, qui se veulent ancrés à gauche, mais considèrent qu’il n’y a pas besoin d’organisation ni de dogmatisme et encore moins de liaisons avec la classe ouvrière. Ils considèrent comme un luxe possible et d’autant plus agréable de contourner le fait d’avoir des comptes à rendre tant en termes de valeur qu’auprès des ouvriers.

Ils vont, évidemment, jusqu’à dire que les ouvriers ne sont qu’un aspect de la société comme un autre, ce que Génération.s n’a pas hésité à faire tout récemment. Mais comment alors ne pas basculer dans le populisme, en ayant des comptes à rendre à rien ni personne ?