Lorsque The Stone Roses sortit son album éponyme en 1989, il fut très apprécié mais ce n’est qu’au bout d’un certain temps que l’ensemble des critiques britanniques s’aperçut qu’il s’agissait de l’un des albums les plus brillants produits dans ce pays.
Il est vrai que le mélange pouvait semblait improbable : une base blues rock, un esprit résolument alternatif avec une revendication propre à la scène indépendante, mais avec une tonalité orienté vers le dance-rock (appelé « baggy ») et une forme de joie relevant de l’esprit techno (la fameuse scène dite « madchester » de la ville de Manchester).
La culture de la musique psychédélique forme d’ailleurs un arrière-plan culturel immanquable, la chanson la plus connue témoignant de cette dimension hypnotique, avec une capacité mélodique véritablement propre à la scène anglaise de l’époque.
La pochette de l’album est une allusion à une œuvre du peintre contemporain Jackson Pollock, Bye Bye Badman, titre également d’une chanson de l’album.
Les couleurs sont celles de la France, car la peinture est censée être une allusion à mai 1968 ; des citrons furent ajoutées en référence au récit d’un jeune Français rencontré et ayant raconté comment les citrons sont utilisées contre les gaz policiers lors des manifestations.
On reconnaît ici une approche à la fois révoltée et romantique, autodestructrice et outrageusement intellectualisée (« Ces pierres que j’envoie, Oh ces french kiss, sont la seule voie que j’ai trouvée… » ou encore comme refrain d’une chanson dénonçant un amour qui a trompé : « Je me fous d’où tu as été ou de ce que tu as prévu / Je suis la résurrection et je suis la vie »).
Et ce qui est frappant, c’est que cet esprit de révolte ne va pas de paire avec une négation de l’héritage musical anglais, bien au contraire : on a ici ni plus ni moins que la tentative – indubitablement réussie – de former un nouveau classicisme.
La liste des influences et références musicales qu’on trouve sur cet album est d’une densité peu croyable, allant de Led Zeppelin à Simon and Garfunkel, des Smiths aux Sex Pistols, des Rolling Stones à la northern soul, du reggae à Kraftwerk, des Byrds aux Jimi Hendrix.
Si aujourd’hui les Stone Roses forment quelque chose d’incontournable pour qui s’intéresse un tant soit peu à la culture anglaise, avec un prestige populaire de la plus haute importance, le groupe ne fut pas en mesure d’assumer une dimension trop grande pour eux.
Après toute une série de concerts, l’album Second Coming de 1994 fut intéressant, mais de bien moindre importance par rapport aux attentes, dans un environnement musical formant désormais la britpop (Suede, Blur, Oasis, Pulp), une scène bien plus raffinée et petite-bourgeoise, sans la vigueur et la profondeur de la vague précédente qui se voulait résolument liée à la jeunesse populaire dans une optique alternative, tout en ayant en fait sombré pour beaucoup dans les drogues chimiques.
Il est intéressant de voir le nombre de personnes d’importance que l’on trouve autour du groupe alors. Simon Wolstencroft a été le batteur de la première version du groupe, avant de partir pour la première formation des Smiths, qu’il quitta pour participer longtemps dans The Fall.
Peter Hook de New Order produisit une des chansons des Stone Roses, Elephant stone, un an avant la sortie de leur premier album. Le bassiste du groupe fut par la suite longtemps celui de Primal Scream.