Le congrès d’Aubervilliers du Parti socialiste s’est tenu ce week-end. Voici le discours d’Olivier Faure qui a officiellement été élu premier secrétaire, à la suite des primaires.
De manière lyrique, il tente de convaincre que le Parti socialiste est la clef pour unir tous les gens perdus dans le désert entre Macron et Mélenchon. Le retour au désintéressement militant et le refus des clivages d’esprit factionnel – un retour à la tradition du passé – est la méthode prônée.
Olivier Faure n’hésite pas à en appeler à Léon Blum et Jean Jaurès pour expliquer les fondamentaux de la démarche socialiste, voire même de l’éthique : son texte est très bien élaboré, appelant aux valeurs essentielles qui ont porté le Parti socialiste, se revendiquant ouvertement de gauche, de la Gauche.
Le souci est bien entendu que la base historique du Parti socialiste s’est évaporé dans de nombreuses parties du pays, notamment dans le Nord. Or, le positionnement d’Olivier Faure part du principe qu’il faut redémarrer un processus. Il y a ici un profond décalage, car dans de nombreux endroits, le Parti socialiste n’est ni plus ni moins qu’à reconstruire.
A cela s’ajoute le refus du débat d’idées : tout comme chez Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon, on retrouve chez Olivier Faure le principe du tirage au sort comme méthode pour nommer certaines personnes à certaines instances.
S’il s’agit ici de bloquer la bureaucratie, cela n’en est pas moins totalement anti-démocratique et opposé à la bataille d’idées qui, justement, a fait avancer la gauche historiquement.
Olivier Faure, en parlant d’écologie, dit pareillement qu’après avoir réfléchi pendant cent ans aux modes de travail, il faut commencer à faire de même sur les modes de vie. C’est pourtant ce que le Parti socialiste avait fait justement un peu avant 1981, dans l’esprit du prolongement de mai 1968 : il a totalement abandonné cela et ce n’est pas assumé.
Olivier Faure affirme que la République doit orchestrer le retour des Lumières : soit, encore faut-il en voir le contenu. Le fait qu’il ne parle même pas des animaux – alors que le Labour britannique avait déjà établi un programme avancé à ce sujet en 1996, pour ne pas l’assumer cependant – est révélateur d’un problème facile à comprendre : les cadres du Parti socialiste sont socialement des privilégiés.
La clef – le débat d’idées, le contenu – n’est donc pas présente et à cela s’ajoute la conception d’un parti-plateforme mis en avant par Olivier Faure, qui ne décidera pas du programme du Parti socialiste, mais somme toute du projet présidentiel. On a ici du mal à voir les contours de ce que cela peut être.
Cependant, l’idée qu’il y a ici à l’arrière-plan, c’est qu’Emmanuel Macron a tout changé, qu’il provoque une colère amenant à oublier François Hollande, et qu’avec le renforcement de l’extrême-droite, le Parti socialiste sera de toutes façons incontournable et au centre du jeu.
Cher Jean-Marc et cher Bernard, vous qui avez porté jusqu’au cœur de l’État les valeurs du socialisme.
Cher Jean-Christophe, toi à qui je succède à cette fonction qui est la plus belle pour un socialiste.
Cher Rachid, toi qui a assuré cette transition avec la direction collégiale, toi qui a assumé les décisions douloureuses qui autorisent désormais un nouveau départ,
I/ Renaissance
Mes camarades,
C’était il y a 47 ans, à quelques kilomètres d’ici. Déjà on nous voyait plus morts que vifs. C’était à Epinay. Ce congrès autour de François Mitterrand fut celui d’un nouveau cycle. Il arrivait après tant d’échecs et de défaites. Il fut le point de départ d’une renaissance pour ceux qui n’en pouvaient déjà plus d’attendre et d’espérer.
47 ans plus tard, nous voici à nouveau en Seine-Saint-Denis après une déroute historique à l’élection présidentielle. Certains y verront une superstition. D’autres la volonté de faire se rencontrer l’histoire et la géographie. Je leur dis que nous sommes ici parce que nous savions que nous serions heureux d’y retrouver nos camarades de cette grande fédération qu’ont si bien évoquée Mathieu Monot, nouveau Premier secrétaire fédéral, et Stéphane Troussel, le président du département.
Un demi-siècle plus tard, notre regard rétrospectif idéalise ce que fut ce moment. Le congrès d’Epinay, c’était un commencement, pas un aboutissement. Et il suffit de lire la revue de presse du 14 juin 1971, pour se rappeler que les commentaires du lendemain furent aussi négatifs que ceux de la veille, et qu’il fallut toute la foi en l’avenir des socialistes pour conjurer ces mauvais augures.
Ceux qui nous commentent nous mettent toujours au défi de notre propre disparition. Il m’arrive de penser que seul notre hiver les intéresse. Mais à bien y réfléchir, j’y vois aussi comme un hommage paradoxal. Notre présence n’est pas spontanée. Elle est fragile. Comme l’irruption de la volonté humaine contre l’ordre naturel du monde. Qu’est-ce que cela dit de la gauche ? Qu’elle est affaire de courage et de persévérance. Que notre résolution faiblisse et c’est la flamme de l’égalité qui se trouve étouffée. Une fois encore nous sommes décrits comme ce « grand cadavre à la renverse », dont Jean-Paul Sartre parlait déjà il y a 60 ans, promis à une extinction lente mais assurée.
La France manque de médecins mais la presse ne manque pas de légistes… Mais soyons honnêtes, ce qui est nouveau, c’est que cette fois cette idée n’a pas seulement traversé l’esprit de quelques éditorialistes. Elle a saisi chacune et chacun d’entre nous au cours des derniers mois. Nous venons de connaître l’une des périodes les plus éprouvantes de notre histoire récente.
Car quand même ! Un ministre issu de nos rangs, clamant d’abord sa fidélité à la gauche, puis prétendant n’être ni de droite ni de gauche, avant d’affirmer être de droite et de gauche, mène depuis son élection une politique et de droite et de droite.
Mais ce n’est pas tout. Les deux finalistes à la primaire de la gauche qui ont aspiré à porter nos couleurs choisissent l’un comme l’autre, l’un après l’autre, de partir. L’un, ancien Premier ministre, en pleine campagne présidentielle. L’autre, ancien ministre, au lendemain de sa défaite au premier tour, évitant ainsi d’en rendre compte devant celles et ceux qui avaient loyalement mené sa campagne.
Et c’est dans ce contexte de confusion totale que nos candidats ont dû affronter les élections législatives. La suite, on la connaît. 546 candidats qui ont vu leurs mérites individuels effacés par une déferlante sans précédent. Un groupe parlementaire réduit à la portion congrue avec 31 rescapés.
Alors pourquoi sommes-nous là, à Aubervilliers ? Et pourquoi restons-nous dans ce parti ? Cette question, nous nous la sommes tous posée. À des moments différents, selon nos sensibilités.
Depuis quelques jours, j’ai cette chance d’être destinataire de centaines de messages. Le hasard a placé sous mon regard le courrier de Nassima. D’elle je ne sais que son âge. 32 ans. Si je vous parle d’elle, c’est parce que son courrier m’a touché. Ému. Remué.
Que dit Nassima ? Qu’elle a voté pour Emmanuel Macron aux deux tours de l’élection présidentielle, puis pour son candidat aux législatives. Qu’elle l’a fait sans adhésion, mais par simple désir de renouvellement. En fait surtout par dégoût de nous. Par « dégoût » de nous…
Depuis elle dit qu’elle appartient à « un désert entre Macron et Mélenchon » . Ses mots sont forts. Ils disent sa peine et son désarroi. De notre défaite, elle écrit que le pire n’est pas notre score de 6 %, mais d’avoir un pays où l’extrême droite atteint 34 % .
Nassima dit que François Ruffin, qu’Olivier Besancenot lui parlent sans vraiment lui parler. Qu’elle aime leur colère sans aimer leurs propositions. Mais qu’elle ne sait plus où nous sommes. Qu’elle est orpheline de notre gauche. Cette gauche capable d’articuler indignations et solutions.
Voilà pourquoi je suis resté. Voilà pourquoi j’ai voulu, avec vous, donner une chance à notre renaissance ! Pour répondre à Nassima. À toutes celles, à tous ceux qui pensent comme elle. Pour leur dire que notre volonté de transformation est intacte ! Que notre désir de changement est intact ! Que notre soif de justice est intacte !
Nous avons déçu mais nous allons tirer les leçons de l’échec. Nous avons compris que nous devions commencer par nous changer nous-mêmes avant de penser changer les autres. À elles, à eux, à vous, à tous, je veux dire que nous allons à nouveau vous rendre fiers d’appartenir à la grande famille de la gauche !
Au moment où il est de bon ton de se moquer des partis politiques, je veux dire mon attachement anachronique, vintage, ringard, à cette expression de la démocratie. J’ai été un enfant des quartiers. Dans le mien, il y avait l’amour de nos mères et les terrains vagues. Le courage de nos pères et des tours trop hautes. Il y avait aussi un indicible espoir. Et c’est au Parti socialiste que j’ai mis des mots sur mes intuitions. Parce que le Parti socialiste a d’abord été cela pour moi : des femmes et des hommes qui vous tendent la main, qui vous offrent un livre, qui dans la confrontation des points de vue vous permettent de mieux vous définir. On dit que les partis formatent, le nôtre m’a ouvert.
On dit qu’ils enferment, le nôtre m’a élevé. Il n’était écrit nulle part que je deviendrai un jour parlementaire, puis président de groupe et depuis quelques heures votre Premier secrétaire. Cette fonction que vous m’avez confiée dépasse toutes les ambitions qui, jeune militant, avaient pu m’animer. C’est la raison pour laquelle je n’ai plus comme seul désir que de servir notre parti. Et à travers lui servir la France. Servir les Français.
Servir, quel beau mot. Servir son pays et servir ses idées, quelle plus belle cause ? Nous n’en avons pas d’autre. Elle suppose notre désintéressement total. Elle prescrit un dévouement sans calcul ni soif de récompense. Elle commande un engagement sincère.
Et puisque je parle d’engagement, je voudrais ici saluer les premiers des militants, les bénévoles qui depuis des jours travaillent sans relâche ! Oui, vous pouvez offrir aux bénévoles, aux membres de notre SO et aux permanents une belle ovation, car ils nous ont offert un beau congrès !
Jusqu’à Aubervilliers nous avons pu tolérer les écarts et les faiblesses. À partir d’Aubervilliers chacun est fixé. Personne n’est contraint de rester. À partir d’Aubervilliers, le Parti socialiste est le parti des socialistes. À partir d’Aubervilliers, le Mouvement des Jeunes Socialistes est le mouvement des jeunes socialistes !
À partir d’Aubervilliers, ceux qui restent le font dans la loyauté. Il n’y a pas de plan B à concocter, il n’y a qu’un plan A pour lequel, ensemble, on se bat ! Le rassemblement n’est pas une option mais une obligation. Je n’ignore rien de nos différences. Elles ne doivent pas nous faire oublier nos ressemblances.
J’ai été rocardien, je détestais les fabiusiens, qui eux-mêmes combattaient les jospinistes, qui n’aimaient guère les strauss-kahniens qui méprisaient les hollandais, qui abhorraient les aubrystes, qui exécraient les ségolénistes, qui se sont séparés des vallsistes qui eux-mêmes haïssaient les hamonistes… et j’ai oublié de vous parler des mermaziens, des emmanuellistes, des poperénistes, des chevènementistes…
Ces « istes », ces « iens », ces « ais » sont notre histoire. Ils sont devenus notre boulet. Ce sont nos histoires mais aucune ne mérite une guerre de tranchée ou une guerre de Cent Ans.
Face à un président qui prétend réunir le meilleur de la droite et de la gauche, nous ne serions pas capables de réunir les socialistes ? Comment pourrions-nous rassembler demain la gauche et après-demain une majorité de Français si nous ne commençons pas déjà par nous rassembler nous-mêmes ?
À Aubervilliers, nous sommes rassemblés. Du congrès de Poitiers au congrès d’Aubervilliers, deux de nos aînés, anciens premiers secrétaires, ont rejoint les « forces de l’esprit ». Ils n’étaient pas d’accord sur tout, mais ils partageaient l’essentiel. Michel Rocard et Henri Emmanuelli avaient en commun cette profondeur historique qui ne les a jamais quittés.
Esprits libres, esprits fiers, ils avaient l’humilité de se placer dans les pas de ceux qui les avaient précédés. Michel et Henri avaient conscience d’être les maillons d’une longue chaîne commencée avant eux et qu’ils avaient le devoir de prolonger.
Alors je vous le demande comme un hommage à leurs mémoires et comme un gage de notre renaissance : après Aubervilliers, nous n’inventerons pas de nouveaux « istes » ou « iens ». Il n’y aura pas de « fauriens » ou de « fauristes », il y aura juste des socialistes !
Alors, on me dit : « Olivier, le rassemblement c’est bien mais c’est toujours au détriment de la clarté ». Mes camarades, je vous le dis, si clarification c’est l’autre mot pour dire la division, alors je n’en suis pas. Si en revanche clarification, c’est le mot pour dire élaboration collective, dépassement dynamique des clivages, refus des postures artificielles alors je dis banco !
Les débats ne m’ont jamais peur. Mais, à l’issue d’un débat, le respect de la décision collective est de rigueur. Je ne crois pas aux gauches irréconciliables, même si les ambitions le sont devenues. Je crois en la collégialité, en l’esprit de responsabilité là où tant d’autres ne jurent que par la verticalité.
Mélenchon, Hamon, Macron, Wauquiez, Le Pen croient en leur destin individuel. Je crois en notre destin collectif.
Pour que ce destin soit possible, nous devons nous réinventer. Car si l’idée socialiste est une idée fixe, dirigée en permanence contre les injustices, ce n’est pas une idée figée.
Mais, si nous devons changer, il y a aussi tout ce qui ne doit pas changer. Nos valeurs. Celles qui fondent notre engagement. Celles qui ont conduit des millions de femmes et d’hommes à rejoindre nos combats.
Je veux ici partager avec vous une conviction. La presse – elle le sait – adore les surprises, les coups de Jarnac, les triangulations, les disruptions. Pour elle, la politique devrait être un coup d’éclat permanent. Il faudrait toujours être là où on ne nous attend pas.
Je pense tout le contraire. La confiance naît de la fiabilité, de la cohérence des parcours comme des idées. On nous dit qu’il faudrait être imprévisibles, je vous dis qu’il faut au contraire tout faire pour nous rendre prévisibles. Je crois en la permanence des valeurs et je la préfère aux improvisations dans la douleur.
Toute notre identité, toute notre utilité, tiennent en deux citations.
« De quoi est né le socialisme ? De la révolte de tous ces sentiments blessés par la vie, méconnus par la société. Le socialisme est né de la conscience de l’égalité humaine. » Voilà pour l’essence de notre message. C’est Léon Blum qui nous le dit.« Le socialisme, c’est la République jusqu’au bout. » Voilà le moyen. C’est Jean Jaurès qui nous l’a transmis.
Bien sûr, les circonstances changent. Bien sûr, dans un siècle nouveau, il faut des réponses nouvelles, mais leur inspiration doit rester identique. Favoriser la réussite sans aucun doute, mais aussi soigner les destins blessés et les vies déclassées. Rendre à chacun la maîtrise de sa vie. De la naissance au jour ultime.
Vouloir le progrès, la création de nouvelles richesses, fruit du travail et de la créativité humaine, mais sans jamais oublier que tout n’est pas à vendre ni à acheter. Que les biens communs disent tout d’une civilisation.
Rappeler que la culture est l’âme de la démocratie. Que la marche pour le progrès suppose notre permanente attention aux générations qui viennent. Qu’une femme, un homme, un enfant, avant d’être des migrants sont d’abord des êtres humains.
Ces valeurs, nous les partageons parfois avec d’autres. Mais ce qui nous distingue, c’est que nous sommes les seuls à les avoir rendues tangibles, à les avoir fait entrer dans le quotidien des Français.
Qui est le plus à gauche ? Celui qui dit ou celui qui fait ? La surenchère verbale a un mérite. Elle ne coûte rien. Elle a un défaut majeur. Elle ne rapporte rien non plus.
En mai et en juin, les Français nous ont sanctionnés, mais ils ne nous ont pas remplacés. J’observe, comme vous, les élections partielles. Que nous enseignent-elles ?
Que nous pouvons faire 2 % ou 39 % au premier tour. Mais dans les deux cas, le score de la France insoumise est au même étiage. Plus instructif encore, ils réalisent leur meilleur score lorsque nous sommes nous-mêmes au plus haut. À l’inverse, quand nous nous affaissons, c’est toute la gauche qui s’affaiblit.
Je ne le dis pas par patriotisme de parti, chacun le voit, sans cette grande force centrale capable de fédérer de la gauche de la gauche au centre gauche, c’est un boulevard électoral ouvert aux droites.
Voilà notre responsabilité !
Il y a un gouvernement qui n’est pas de gauche, il y a une gauche qui n’est pas de gouvernement. Il y a donc urgence à faire entendre à nouveau la voix d’une gauche capable de gouverner et de proposer une alternative.
Comment allons-nous nous y prendre ?
Chers camarades, la renaissance n’est pas un slogan, c’est un engagement. Ce que vous avez voté lors de ce congrès, je vais le mettre en œuvre. Oui votre vote sera respecté, oui vos choix vont devenir la réalité du Parti socialiste !
Il fallait déjà que le congrès se passe bien. C’est le cas. J’en remercie tous les militants, et d’abord Luc Carvounas, Stéphane Le Foll et Emmanuel Maurel, qui ont défendu leur vision, avec énergie, respect, loyauté, à l’égard d’un parti qu’ils aiment et qui a la chance de les compter parmi ses grandes voix.
Notre diversité est au cœur de notre identité, c’est une richesse. C’est aussi une force pour rassembler demain la gauche, pour s’adresser à l’ensemble de ces Français qui nous ont longtemps accompagnés. Nous avons besoin que toutes nos familles de pensée soient ancrées et vivantes au cœur de notre parti.
Je réunirai le Conseil national du PS dans quelques jours pour lui proposer un bureau national et le secrétariat national. Je formerai un secrétariat national cohérent et solidaire. Cette fois-ci l’équipe sera resserrée. Au sortir de Poitiers nous étions 80. Au sortir d’Aubervilliers, nous serons quatre fois moins.
Notre parti a besoin d’une équipe motivée et opérationnelle pour mener rapidement et efficacement la renaissance. Dans cette équipe, il y aura beaucoup de têtes nouvelles et la parité sera effective.
Avec le secrétariat national et les premiers secrétaires fédéraux, j’élaborerai le plan de développement du Parti socialiste qui sera présenté avant l’été au Conseil national et aux militants. Il déclinera notre programme de travail pour les trois ans à venir. Mais dès aujourd’hui, je veux vous en présenter quelques points forts.
J’aurai avec la direction à décider d’un nouveau siège du Parti socialiste. Ce siège devra être à l’image de notre renaissance. Le fonctionnel primera sur l’ostentatoire. Je ne dépenserai pas nos marges financières pour un lieu prestigieux au cœur de Paris.
Si des économies peuvent être réalisées sur l’achat du siège, nous les consacrerons à la reconquête des territoires, au soutien à la reconstruction des fédérations, à la formation des militants. La vie de notre parti va changer. Les fédérations seront équipées en visio-conférence pour interagir avec le bureau national. Des militants seront tirés au sort pour participer aux travaux des instances nationales. Nous prendrons en charge leur déplacement.
La renaissance, c’est un parti décentralisé. C’est dans la proximité que l’on milite et qu’on agit. Je confierai certains de nos chantiers à des fédérations. J’aurai une relation personnelle, directe, avec les premiers secrétaires fédéraux. Nous créerons un laboratoire des innovations menées dans tous les territoires qui font la France. J’instaurerai un droit d’interpellation de la direction par les militants et les fédérations.
N’attendez pas tout de Paris, proposez. Je vous le demande car pour réussir la renaissance je n’ai pas seulement besoin d’une direction nationale, j’ai besoin de 104 renaissances dans nos fédérations de métropole, des outre-mer et des Français de l’étranger !
La renaissance, c’est l’ouverture sur la société, sur les citoyens. Le parti-plateforme que nous allons créer ne sera pas qu’une plateforme numérique. Utilisons les technologies mais n’en soyons pas les esclaves.
Le parti-plateforme, c’est un espace ouvert de rencontre, d’échange, de coopération accessible à toutes et tous. Nous allons faire entrer la vie dans la politique. Nous irons jusqu’au bout de la démarche en donnant à toutes celles et à tous ceux qui s’inscriront sur la plateforme pour un euro le droit de donner leur avis pour voter sur les options puis les conclusions des chantiers.
C’est aussi dans ce cadre que la primaire de la présidentielle sera organisée. Nous les militants, nous garderons le choix de l’orientation du parti, le choix de nos dirigeants et de nos candidats.
Si nous voulons reconquérir les cœurs, agréger autour de nous les forces du changement, reconstruire une gauche créative, nous devons faire tomber les murs. Nous devons agir devant le peuple, sur la place publique, avec des pratiques réellement démocratiques.
Car quand tous les autres partis singent l’ouverture mais pratiquent le pouvoir personnel, parlent au nom du peuple sans jamais l’associer à leurs choix, nous, nous serons les seuls à véritablement donner la parole aux citoyens de ce pays !
Des chantiers, nous allons en lancer autant qu’il sera nécessaire. L’Europe sera le premier.
Des chantiers , il y en aura beaucoup d’autres. Là où il existe des enjeux et des besoins de réflexion, là où il y aura des volontés sincères de travailler, je donnerai la main à une équipe d’adhérents et non-adhérents du PS, élus, militants, acteurs de la société civile, intellectuels, pour animer la participation citoyenne, en rendre compte et mener ce travail jusqu’à son terme.
Je ne leur demanderai pas quelle motion ils ont choisie au congrès, tout cela est derrière nous. Toutes celles et ceux qui veulent travailler sont les bienvenus et seront respectés, alors maintenant au travail !
La renaissance, c’est l’éthique des comportements et le respect de nos valeurs. Je serai intraitable avec les manquements à la loi ou les pratiques frauduleuses, notamment au sein de notre parti.
Je serai intraitable avec le sexisme et avec toutes les formes de discrimination. Nous mettrons en place un dispositif complet de formation, d’écoute, de veille et de riposte contre toutes les violences faites aux femmes.
La renaissance du Parti socialiste, c’est enfin une renaissance au service de la renaissance de la gauche.
Pour réinventer la gauche, le Parti socialiste doit s’adresser à tous et rechercher dialogue et partenariats. Nous devons nous adresser aux déçus, partis marcher ou déclarer leur insoumission, mais aussi devenus abstentionnistes, et d’abord écouter leur parole et comprendre leurs motivations. Ce ne sont pas les accords d’appareil qui feront la gauche de demain mais la construction avec les citoyens de projets partagés.
Voilà pourquoi j’ai voulu que le congrès d’Aubervilliers soit d’abord un congrès d’affirmation de notre identité. Pour dire ce que nous voulons, pour dire ce que nous sommes. Vraiment à gauche et vraiment réalistes !
II/ Résistance
Voilà notre état d’esprit, voilà la feuille de route opérationnelle de notre renaissance. Je viens au fond. Notre renaissance est tout à la fois – « en même temps » c’est déjà pris – une résistance et une espérance.
D’abord une résistance. Résistance au nationalisme et à l’extrême droite.
Dans toute l’Europe, des partis, des leaders nationaux-xénophobes attisent les mêmes colères, stigmatisent les mêmes catégories ou les mêmes citoyens. Partout en Europe, ils avancent leurs pions. Partout en Europe, ils arrivent à accéder aux responsabilités. Partout, ils progressent à chaque élection.
Partout en Europe et donc aussi en France. Comme Nassima, je n’oublie pas que l’extrême droite a rassemblé sur son nom, avec son programme, plus de 10 millions d’électeurs, accédant pour la deuxième fois en 15 ans au second tour de la présidentielle.
Partout en Europe, la haine s’affiche à visage découvert. Partout, nous assistons à la lente dérive de notre continent. J’étais au Bundestag il y a quelques semaines à l’occasion du 55e anniversaire du traité d’amitié franco-allemand. J’ai le souvenir glaçant de cette centaine de parlementaires de l’AFD applaudissant en mesure leurs orateurs. Dans ce combat-là, nous n’avons jamais manqué à l’appel. Ni dans les régions, ni dans l’élection présidentielle. C’est l’ADN de la gauche. On ne confond pas ses concurrents avec ses adversaires.
Affaiblir cette distinction, c’est déjà se soumettre. C’est accepter que l’improbable devienne possible. C’est aussi pour cela que la gauche a besoin du Parti socialiste !
Oui, la renaissance est résistance au nationalisme et à l’extrême-droite. Résistance aussi au populisme. Ce sont parfois les mêmes que ceux que je viens d’évoquer. Mais l’extrême droite n’en a pas l’exclusivité. Le populisme est une maladie aussi contagieuse que ravageuse. Il a gangrené les partis politiques de gauche à droite en passant par le centre.
Dans « populisme », on croit entendre « populaire ». Alors la tentation peut être grande de s’en accommoder. On aurait tort. Car sous couvert de retrouver le peuple, les populistes agitent la foule.
Le populisme, c’est faire croire que ce qui distingue la gauche et la droite n’a plus de raison d’être. Tout, chaque jour, démontre que rien n’est plus faux. Pas seulement parce que cette opposition a fondé la nation depuis près de deux siècles et demi.
Mais parce que, dans un monde où les inégalités explosent, où quelques-uns ont tout et le plus grand nombre a si peu, une politique économique, budgétaire, fiscale, sociale, écologique, de gauche ou de droite, non, ce n’est pas la même chose !
Le clivage entre gauche et droite n’a pas à être aboli, il doit être redéfini. Et puis, le populisme, c’est l’autre mot de la démagogie.
Que font les populistes, sous toutes les latitudes et sous toutes les banderoles ? Ils assènent des slogans plutôt que des arguments. Ils dénoncent des complots plus qu’ils ne livrent des solutions. Ils préfèrent la mise en cause plutôt que la mise en œuvre.
À la vérité, le populisme est aussi ancien que la démocratie : il est toujours un indice de leur mal-être, jamais le chemin de leur renouveau !
Si nous voulons êtres utiles aux Français et pas simplement bruyants, être entendus à nouveau et pas simplement écoutés, nous devons éviter la pente de la facilité. Retrouver le peuple sans basculer à notre tour dans le populisme.
Car si je nous ai invités à ne plus nous dire jospiniens, fabusiens ou rocardiens, ce n’est pas pour devenir pavloviens. Si je nous ai invités à ne plus nous dire poperénistes, emmanuellistes ou ségolénistes ce n’est pas pour devenir dégagistes !
Jamais je ne laisserai penser que le socialisme est un sectarisme. Ce n’est pas parce que le pouvoir dit blanc que nous devons dire noir. Nous faisons de la politique, laissons à d’autres la polémique. Si nous nous opposons au pouvoir, c’est parce qu’il a mis dans sa ligne de mire le modèle social français et, partant de là, nos valeurs.
Oui, résister, c’est aussi nous placer dans une opposition résolue et responsable. La devise de la République, c’est « Liberté, Égalité, Fraternité », ce n’est pas « Libéralisme – Individualisme – Bonapartisme ! »
La promesse de la présidentielle, c’était de mettre la République en marche. Le résultat dix mois plus tard, c’est que le gouvernement transforme la République en marché !
Voilà ce que les Français observent, moins d’un an après l’élection d’Emmanuel Macron. Beaucoup parmi eux ne s’y retrouvent pas et beaucoup aussi n’y retrouvent pas ce qu’ils avaient entendu ou cru entendre pendant la campagne.
Il n’est pas vrai de dire qu’Emmanuel Macron avait annoncé la couleur. Il jouait alors de toutes les couleurs, de toutes les promesses, sur tous les tableaux. Il y en avait pour tous les goûts et sa campagne fut un vrai costume d’Arlequin. Mais vous connaissez très bien la suite : très vite, sous Arlequin perça… Jupiter.
Les Français ont voulu donner sa chance à Emmanuel Macron mais lui, quelle chance offre-t-il aux plus modestes, aux précaires, aux agriculteurs des zones défavorisées, aux fonctionnaires, aux salariés du privé, aux licenciés, aux chômeurs ?
Eh bien ! Mes camarades, elle est là notre place ! Nous, socialistes, nous devons nous tenir auprès de ceux qui gagnent peu et perdent toujours face aux premiers de cordée. Nous devons être du côté de ceux qui souffrent, et ils sont nombreux, chômeurs ou travailleurs. Oui, nous, socialistes, nous devons être du côté et aux côtés des « gens qui ne sont rien », parce que pour un socialiste, aucun être humain n’est « rien ».
Au fond, le pouvoir mène une véritable politique de classe et de casse. Une politique de classe car il a mis son inventivité au service des riches. Une politique de casse car il s’attaque sans répit aux services publics. La réforme de la SNCF en est un premier exemple.
Nous le savons tous, rien n’oblige à la remise en cause du statut des cheminots. Les clés de la qualité du service public ferroviaire, ce sont la desserte de tous les territoires, l’investissement dans les lignes et la reprise de la dette. Voilà notre approche de l’avenir de la SNCF.
L’université est un second exemple. Rompre avec la sélection par l’échec et le tirage au sort était une nécessité. Mais bâcler une reforme sans moyens, c’est choisir d’instaurer une sélection injustifiable et inacceptable. Nous, nous demandons le respect du choix des étudiants et un parcours individualisé de réussite pour tous.
Que le gouvernement y prenne garde : on a toujours tort de ne pas écouter la jeunesse.
Face à ces politiques menées, il n’est pas difficile de comprendre la déception croissante de nos concitoyens. Et ils furent nombreux à penser sincèrement faire le choix du renouvellement. Emmanuel Macron leur a parlé d’un « nouveau monde », que fait-il ? Il restaure l’Ancien régime. « L’en – même – temps » n’a qu’un temps.
On ne peut pas dénoncer les difficultés vécues par les personnels et les patients des EHPAD ou des hôpitaux et « en même temps » consacrer dans son budget, la part du lion aux plus riches ! On ne peut pas annoncer de nouvelles sécurités professionnelles et « en même temps » démanteler le compte-pénibilité !
On ne peut pas garantir l’accès aux soins et « en même temps » stopper la généralisation du tiers payant !
On ne peut pas organiser des assises de la maternelle et « en même temps » ne pas s’engager sur la scolarisation dès 2 ans ! On ne peut pas expliquer qu’Angela Merkel a été l’honneur de l’Europe sur la question migratoire et « en même temps » restreindre l’accès au droit d’asile !
Que se passe-t-il quand le président de la République se déplace comme par exemple à Rouen, jeudi dernier ? Par centaines, étudiants, cheminots, personnels soignants, salariés en lutte se rejoignent pour lui dire que l’humain a été abandonné, que l’aveuglement technocratique doit être stoppé car il détruit les solidarités, les services publics, l’humanité de cette société.
Ce mouvement social aux multiples visages, de plus en plus puissant, nous en respectons l’autonomie mais nous l’accompagnons. Nous le soutenons, nous y participons et comme les Français nous le voyons chaque jour prendre plus de force.
Alors, au moment où le gouvernement s’auto célèbre et pense qu’il fait preuve de « courage politique » en réformant n’importe comment, j’aimerais que nous, nous rendions hommage au vrai courage !
Le vrai courage, c’est celui de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui se plient tous les jours en 4, en 10, en 100 pour remplir leur mission malgré le manque de moyens !
Alors, levons-nous ! Rendons-leur hommage ! Rendons hommage à tous ces agents et à ces salariés dont l’engagement est sans limites, qui se battent pour nous tous et qui rappellent que l’accès aux soins, à l’éducation, aux aides, aux transports, oui, aux train s, sont les outils de la promesse républicaine !
Que les services publics sont des services mais aussi et avant tout des droits ! On me dira que dix mois d’exercice des responsabilités ne font pas un bilan. Certes, mais ils définissent déjà un style. La République macroniste est un régime politique où le président dirige seul, épaulé par une start-up de conseillers.
Le gouvernement, c’est celui des sondages. Le Parlement, quant à lui, a subrepticement été transféré à quelques hauts fonctionnaires qui, de la Rue de Bercy à la Rue de Grenelle, prescrivent leurs ordonnances…
Dans la République macronienne, les collectivités territoriales et les élus locaux ne sont pas associés ; les partenaires sociaux sont convoqués à Matignon pour écouter ce qui a été décidé avant leur arrivée et qui sera appliqué sitôt leur départ ; quant aux associations et à leurs bénévoles, ils subissent la baisse drastique des contrats aidés et la diminution des dotations aux collectivités.
Voilà pourquoi nous nous opposons. Non seulement parce que nous voulons, nous, mettre l’humain d’abord mais aussi parce que nous voulons mettre de la démocratie partout.
La démocratie partout. Parce que nous avons besoin d’une démocratie qui respire davantage. Parce qu’il faut sortir de l’omniprésidence et faire enfin le choix de l’intelligence collective.
Le pouvoir fait l’inverse, il veut réformer la France verticalement, contre les Français, contre le parlement et les syndicats. C’est la grande contradiction de la méthode retenue : le pouvoir veut aller vite, très vite, mais il fait tourner la démocratie au ralenti.
Le président de la République propose aujourd’hui une grande réforme de nos institutions. Pourquoi pas ? La Ve République est à bout de souffle. Si nous proposions une réforme, ce serait d’abord pour rééquilibrer les pouvoirs entre président, Premier ministre et Parlement. Ce serait pour donner plus de place aux citoyens. Pour valoriser les syndicats et les corps intermédiaires.
Pour reconnaître au cœur de la République les acteurs des territoires. Mais, chers amis, dans la réforme qui nous est proposée, il y a bien quelques ajustements utiles, mais il n’y a rien de tout cela, rien de cette ambition. Cette réforme n’a rien d’une refondation de la République.
Ces principes sont intangibles mais le combat doit s’adapter à l’offensive fondamentaliste que subit notre pays. Un nouvel humanisme doit s’affirmer. Face à l’obscurantisme, la République doit orchestrer le retour des Lumières.
III/ Espérance Résister, oui c’est important.
Face au président des riches, il faut un parti pour tous les autres. Mais la résistance, cela ne fait pas encore une espérance. Notre devoir est d’articuler indignations et solutions.
Tout doit être repensé. Je suis comme vous, je n’ai pas de réponse à tout, je crois que nous serons plus intelligents ensemble. Mais je suis votre Premier secrétaire et je me dois ce matin de partager avec vous quelques convictions et intuitions fortes qui sont au cœur de ma réflexion.
Je crois à l’Europe. Oui, nous sommes des eurosocialistes. Oui, notre engagement européen est total. La tentation nationale est une impasse. Il n’y aura plus de souveraineté nationale sans souveraineté européenne, les deux vont de pair, et il n’y aura plus d’espérance socialiste sans espérance européenne car c’est à cette échelle que nous pouvons faire avancer et gagner nos idées dans le monde d’aujourd’hui.
Pendant longtemps nous avons laissé penser que l’Europe était un prolongement naturel de nous-mêmes, que l’Europe était l’avenir du socialisme. Mais nous avons, provisoirement, perdu la bataille politique en Europe. Les libéraux conservateurs qui la dirigent ont trahi la promesse européenne, qui imposent des politiques d’austérité, s’éloignent des peuples.
Notre mission, c’est désormais de sauver l’Europe. C’est la gauche européenne qui doit construire l’avenir de l’Europe. Oui, il y a bien d’autres pro-européens mais ils ne sont pas de gauche, et il y a d’autres forces de gauche mais qui ne sont pas vraiment européennes. Avec les socialistes, la gauche européenne est de retour.
C’est une bonne nouvelle pour les peuples mais c’est une mauvaise nouvelle pour les libéraux, notamment en France. Monsieur Macron voulait raconter la belle histoire d’un camp européen, le sien, qui serait seul face à ceux qui ne seraient plus ou pas assez européens. Mais nous sommes là, nous sommes au rendez-vous pour porter une alternative européenne et de gauche !
Pour y parvenir, la gauche européenne doit se retrouver et se réinventer. L’Europe est comme la social-démocratie : ses objectifs initiaux ont été atteints, mais l’élan s’est épuisé en chemin.
Notre erreur collective a été de ne pas comprendre cet épuisement progressif. Au fil des années, l’égoïsme national est revenu en force, la pression libérale est devenue terrible, les crises économiques et financières ont déchiré le tissu social. Face à ces réalités, nous socialistes français avons divergé dans nos analyses et nous sommes divisés alors que nous sommes tous pro-européens.
Aujourd’hui, je vous propose de refonder notre projet européen autour de trois convictions.
Avec Trump à l’ouest, Poutine à l’est, le Brexit au nord et de nombreuses menaces au sud, l’Europe doit prendre conscience d’elle-même, fixer ses frontières, assumer sa puissance et son identité. L’Europe porte un modèle économique et social singulier, qui la distingue dans le monde, un modèle de valeurs et de droits.
Les Européens doivent prendre conscience de cette identité commune face aux modèles concurrents qui cherchent à s’imposer à nous. Je souhaite qu’émerge un peuple européen qui, comme tel, partira à la conquête de ses droits et de son avenir, pour fonder une véritable démocratie citoyenne, une démocratie qui choisit librement l’avenir de l’Europe. Le retour vers le peuple ne se fera pas en enfermant de nouveau la politique dans le cadre national désormais dépassé.
Le retour vers le peuple, c’est la prise du pouvoir du peuple dans la construction européenne, voilà ce qui doit devenir l’objectif des socialistes !
Ce modèle de société européen mérite d’être défendu dans la mondialisation ! Faute de quoi, demain, les États se soumettront aux multinationales et aux GAFAM, les droits et les libertés seront rognés par la course au profit, l’emploi sapé par le dumping social et environnemental, et la puissance publique ruinée par l’optimisation et la fraude fiscales!Nous devons cesser d’être les idiots utiles de la mondialisation ! Nous devons nous protéger.Protéger avec une garantie chômage à l’ère digitale. Protéger avec une conception moins dogmatique de la concurrence dans l’économie européenne et une vision moins naïve du commerce avec le reste du monde.Protéger avec un socle des droits fondamentaux. Protéger avec une politique de sécurité partagée et renforcée pour faire face aux menaces sur la planète et d’abord au terrorisme qui tue et qui mutile dans le monde, en Europe, en Fran ce il y a peu de jours encore.Le terrorisme qui donne la mort parce qu’il hait la vie, le terrorisme qui cherche à nous diviser et à nous faire renoncer à ce que nous sommes, le terrorisme qui n’y parviendra jamais parce que c’est la démocratie et c’est la vie qui gagneront.Mais l’Europe doit aussi investir.Investir – c’est indispensable –dans l’harmonisation sociale et la convergence fiscale. Investir dans l’accueil des réfugiés qui ont fui la guerre et la misère au péril de leur vie et ont frappé à nos portes. Ce que l’Europe a su faire pour sauver les banques il y a dix ans, elle doit pouvoir le faire pour sauver des vies maintenant !Une Europe qui protège et qui investit, vous avez déjà entendu ces mots, dans la bouche d’autres que nous. Mais avec Emmanuel Macron, les mots sont rarement en phase avec l’action. Qu’a-t-il réellement obtenu sur le travail détaché ? Rien que Bernard Cazeneuve n’avait mis sur les rails.
Où en sont la gouvernance de la zone euro et le futur budget de l’Union ? Au point mort. Quelle est la politique de la France face à Monsanto ou aux traités commerciaux ? Personne ne le sait vraiment. Il ne suffit pas de marcher au son de l’Hymne à la joie pour devenir le réformateur de l’Europe.
La réalité, c’est qu’Emmanuel Macron est isolé, et qu’isolé, il est impuissant. La réalité, c’est que nous, socialistes, nous sommes membres d’une famille politique, celle des socialistes européens, et que même affaiblie cette famille reste forte ; elle seule peut porter un renouveau social et démocratique de l’Union Européenne.
Avec Pedro Sanchez en Espagne, avec Antonio Costa au Portugal, Alexis Tsipras en Grèce, avec Udo Bullmann au Parlement européen aussi. Nous ne sommes pas seuls, nous sommes les eurosocialistes, nous sommes en mouvement et nous allons ensemble construire un autre avenir pour l’Europe.
Nos amis européens nous l’ont dit hier, ils ont besoin des socialistes français, de leur histoire, de leur voix, ils ont besoin de la France. Nous serons au rendez-vous. Nous serons pleinement impliqués et proactifs au sein du PSE.
C’est le sens de l’adresse que nous avons adoptée hier. Nous organiserons en France avant l’été un grand rassemblement de cette famille politique en partenariat avec le PSE et le groupe au Parlement européen, nous serons un des moteurs de ce nouveau projet collectif.
Il n’y a pas de temps à perdre. Ce qui s’annonce, c’est le grand choix du peuple européen : Soit le populisme, de gauche comme de droite, soit le projet libéral d’adaptation à la mondialisation, soit le chemin progressiste, le nôtre ! C’est celui qui s’appuiera sur la mobilisation citoyenne pour construire l’Europe puissance, sociale, écologiste et solidaire.
Sans cette perspective, notre renaissance ne serait qu’un feu de paille. Ce combat de l’Europe progressiste, c’est le mien, celui de ma génération, c’est le nôtre à nous, socialistes français. Cela prendra 3 ans, 5 ans, 10 ans, mais nous réussirons, parce que nous le devons.
Oui, la social-démocratie est en crise. Bien sûr, elle doit mener sa renaissance. Elle n’a pas su se remettre en cause, se renouveler, changer ses manières de penser, forger au contact d’un monde nouveau une nouvelle ambition, une nouvelle utopie.
Nombre d’entre nous, je m’y inclus, ont surestimé la promesse que représentait l’ouverture d’un monde jadis fermé. Nous n’en avons pas suffisamment mesuré tous les enjeux ni toutes les conséquences, pour nos emplois, pour nos modes de vie et nos libertés. Nous n’avons pas non plus pris toute la mesure de la montée du fait religieux, ni du réveil des nationalismes dans le monde.
Nous devons en tirer des conséquences politiques. La pensée unique de l’éternelle adaptation à la mondialisation libérale, nous la laissons à d’autres. Nous voulons quant à nous œuvrer à ce que l’humanité maîtrise son destin.
Chers camarades, pendant longtemps nous avons pensé notre action d’abord à travers la loi, les budgets et les réponses nationaux . Cela reste essentiel, mais si l’on s’en tenait là, la réalité nous glisserait entre les doigts.
La bataille du progrès se mène simultanément sur toutes les scènes, locales, nationales, internationales. Aussi bien par la loi que par l’innovation sociale, par l’action territoriale et par le dialogue social.
Je ne développerai pas ici chacun de ces enjeux. Je veux cependant évoquer avec vous quelques chantiers que nous allons rapidement ouvrir.
La lutte contre le changement climatique est globale. La France et l’Europe ont été à la pointe de ce combat. La Conférence de Paris fut l’un des grands succès du quinquennat de François Hollande, c’est notre devoir de le revendiquer.
Nous socialistes voulons porter l’urgence écologique et une vision ambitieuse de la transition énergétique. Pollutions, pesticides, eau, malbouffe, tout se conjugue aujourd’hui pour faire exploser le nombre des maladies chroniques et menacer notre santé.
Des milliers de morts chaque année, et d’abord parmi les plus modestes, parce que notre société a laissé se dégrader leur environnement, leur santé. Ce n’est pas digne de la France, cela heurte nos consciences. Pendant un siècle, nous nous sommes attachés aux modes de travail, il faut aussi agir sur les modes de vie !
Chaque jour aussi, l’actualité montre l’ambivalence de la transformation numérique.
Votre ami Facebook capte les moindres détails de votre vie personnelle pour en faire un objet de profit, une plateforme ouverte à toutes les manipulations, à toutes les propagandes. Rien de ce qui nous touche ne doit plus nous rester étranger, ni échapper à des règles, à des choix collectifs.
Des choix collectifs il va aussi falloir en construire pour maîtriser le formidable potentiel de l’intelligence artificielle. Cette révolution n’en est qu’à son commencement. Mais, une nouvelle révolution numérique au service de quoi ? Pour quel projet collectif ? Pour quel progrès partagé ? Ces choix doivent être débattus et pas confisqués par les forces du marché.
Numérique encore : la protection des données personnelles, de la vie privée et de l’intimité est une grande cause démocratique, donc c’est une grande cause des socialistes. Oui, au plan international, comme l’a proposé hier Guillaume Bachelay, il faut une Charte des droits civiques numériques, charte universelle et juridiquement contraignante.
Bon là, vous vous dites, mais il va où Olivier Faure ?
Ce n’était pas si mal parti, on y voyait clair sur la renaissance du PS, sur la résistance face au gouvernement et à ses choix politiques mais là, le chemin de l’espérance, ces nouveaux défis, cela parait un peu futuriste, un peu loin de notre quotidien.
Mais ; chers camarades, si notre parti n’est plus celui qui éclaire l’avenir, si la politique, les militants, les élus, les citoyens n’investissent pas ces enjeux, alors le marché et la technique le feront pour eux.
Et pour vous ramener vers des terres plus familières, je vais vous donner une dernière illustration, qui concerne l’entreprise ; et dans l’entreprise, les salariés.
Nous disons très simplement que puisque les femmes et les hommes comptent dans les entreprises, il faut leur donner plus de droits et plus de pouvoir.
Il faut leur donner un vrai pouvoir de codécision, de codétermination. Si tel était le cas, il n’y aurait pas les salariés obligés de se battre à Carrefour ! Parce que la stratégie de l’entreprise aurait été pensée différemment !
Vous l’avez compris, notre renaissance sera aussi intellectuelle, programmatique. Cela me passionne, cela doit tous nous passionner ! La politique ce n’est pas la valse des sujets essentiels qui ne vivent que 24 heures, ce n’est pas le rythme hebdomadaire des questions d’actualité.La politique, c’est à la fois le quotidien ET le temps long, le socialisme est une pensée du temps long.
Chers camarades, Je parle de temps long et justement, vous êtes en train de vous dire : dans la renaissance, il y a quelque chose qui ne change pas, c’est la longueur du discours du 1er secrétaire. Soyez indulgents, j’achève mon propos. Pendant des années, comme vous, je me suis tu.
Je n’en pensais pas moins, cela bouillonnait en moi, d’enthousiasme dans les moments heureux, d’interrogation dans les moments difficiles, d’indignation parfois, de doute aussi. Je suis comme vous le fruit de ce parcours, de notre histoire, et j’avais envie, besoin, de le partager avec vous ce matin.
Je suis comme vous un militant, j’ai rejoint ce parti à 17 ans pour ne jamais le quitter et je suis aujourd’hui encore un militant, au milieu de vous toutes et tous. Mais avant tout je suis un citoyen qui a fait le choix de s’engager, car pour moi, comme le disait Jean Lacouture parlant de Pierre-Mendès-France : « toute action n’est pas vaine, toute politique n’est pas sale ».
Je suis comme Nassima, cette jeune femme dont je parlais tout à l’heure, je doute parfois de la politique, je doute parfois de nous. Je ne peux plus accorder ma confiance à une politique sans fraternité, sans intelligence collective, sans engagement sincère.
Je ne supporte plus les conformismes et le renoncement à penser le monde qui change. Ceux qui se délectent du pouvoir me révulsent. Je veux savoir pourquoi je me lève le matin, je veux savoir pourquoi nous donnons ce temps que nous prenons à nos familles, à nos amis, je veux savoir pourquoi espérer, pourquoi nous nous battons !
Pourquoi ? Parce que nous sommes les héritiers d’une longue histoire, écrite au fil de nos 78 congrès. Cette histoire est celle du courage.
Nous sommes le maillon d’une grande chaîne qui remonte à la Révolution. Une chaîne que nous devons prolonger, qui nous relie à des milliers de femmes et d’hommes, illustres ou anonymes, qui se sont battus avant nous, dans des conditions bien plus difficiles que nous.
Par leur courage, ils nous ont enseigné que si nos ennemis nous défont parfois, si nous traversons des crises profondes, rien ne peut nous abattre définitivement. Les grandes idées ne meurent jamais.
Alors, ayons confiance en nous, soyons fiers, non pas de nous-mêmes, mais soyons fiers de notre histoire et de ce que nous sommes !
Chers camarades,
Dans quelques minutes, vous allez reprendre le chemin de vos communes et moi je rentrerai à Savigny-le-Temple.
Demain, dans les jours qui suivront, dans la rue, à la boulangerie ou au café je serai interpellé : « Alors Monsieur le Député, que s’est-il passé à Aubervilliers ? Comment était-ce, ce congrès ? ».
Je leur dirai que ce congrès fut celui de la fraternité retrouvée, que nous avons réussi à nous parler sans nous déchirer.
Je leur dirai que nous allons travailler tous ensemble et qu’ils peuvent nous rejoindre. Que nous avons besoin d’eux, de leurs idées, que c’est avec eux que nous voulons reconstruire la gauche !
Mais vous mes camarades, qui comme moi avez participé à ce congrès, j’aimerais que vous emportiez cette conviction : que ce 8 avril fut le premier jour de notre renaissance !
Vive le socialisme et vive la gauche ! Vive la République et vive la France !