Emmanuel Macron a, comme le dit l’expression désuète, mangé son pain blanc. Élu par une partie de la population le voyant comme un Kennedy français, il fait désormais figure de cadre technocratique qui a encore l’aura du type « qui sait ce qu’il fait ».
Cependant, chaque passage médiatique est toujours un risque pour cette image. Aussi, avant de passer hier soir chez les journalistes Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel pour RMC, BFMTV et Mediapart, il était passé trois jours avant sur TF1 chez Jean-Pierre Pernaut.
Ce dernier est bien connu pour correspondre, prétendument, à la France profonde, avec un 13h violemment populiste, une posture bien rodée, bien entendu également utilisée avec Emmanuel Macron :
« Nous avons choisi un cadre inédit et magnifique, le p’tit village de Berd’huis, dans l’Orne (…). Je poserai au président les questions que vous vous posez. »
C’est qu’Emmanuel Macron a bien compris que la « mondialisation » commençait à tanguer sévèrement en France et qu’il fallait faire semblant de ne pas être uniquement le président de ceux qui profitent.
Son soutien total aux chasseurs relève de cette conquête des territoires en s’appuyant sur le maillage des notables et de l’idéologie des terroirs.
Mais, chasser le naturel il revient au galop, Emmanuel Macron n’a pas pu s’empêcher d’expliquer, dans l’école servant de lieu d’accueil, qu’il ne compte pas « montrer du doigt une catégorie qui irait moins bien, les villes ou les métropoles parce qu’elles iraient mieux ».
Et pour son passage hier soir, avec Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel, il a choisi comme emplacement le Théâtre national de Chaillot, en face de la Tour Eiffel.
On retrouve là tout le symbole tout à fait parisianiste d’Emmanuel Macron, même si la légende veut que ce soit les journalistes qui aient en partie choisi le lieu, parce qu’ils ne voulaient pas de l’Elysée, et que l’ONU lors d’une assemblée générale y a proclamé la Déclaration universelle des droits de l’homme, en décembre 1948.
En réalité, tout a été choisi bien entendu par l’équipe d’Emmanuel Macron, tout comme les journalistes eux-mêmes, connus pour leur « pugnacité ». Ils ont également dit « Emmanuel Macron », et jamais « Monsieur le président ».
Les épisodes de joute verbale ont été de rigueur, avec les fameuses petites remarques pleines de panache, pour le plus grand plaisir de Jean-Luc Mélenchon qui dénonçait pourtant juste avant les journalistes, un populisme en chassant un autre.
On a ainsi eu Jean-Jacques Bourdin faisant un « Si vous faites des réponses de 5 minutes, on y sera jusqu’à minuit » et Edwy Plenel un « Vous n’êtes pas le professeur, nous ne sommes pas vos élèves ».
Tout cela est du show, orchestré de manière méthodique, millimétrée, conformément aux règles du marketing politique et médiatique d’un Etat moderne de plus en plus coupé de la population. Le but est simple à comprendre : Emmanuel Macron veut se présenter comme un battant, comme un réformateur, comme quelqu’un à l’écoute du bas peuple mais forçant surtout les choses pour faire avancer, en général, la cause du pays.
Et cela marche, qu’on trouve cela bien ou non. Ce qui montre qu’il y a dans notre pays un véritable problème de maturité politique. Tout comme avec Nicolas Sarkozy, il y a une polarisation populiste autour du président de la République, ce qui était par ailleurs évidemment le cas avant puisque tout provient de la nature du régime de la Ve République.
Cependant, avec la force des médias et des réseaux sociaux, cela ressort d’autant plus. Il y a un anéantissement du débat d’idées en France et derrière Emmanuel Macron, il y a le populisme, le nationalisme, le fascisme.