Médine est actuellement la cible d’une campagne de l’extrême-droite et d’une partie de la droite traditionnelle qui demande l’annulation de sa programmation au Bataclan en octobre 2018. Ils lui reprochent quelques paroles (sans véritablement connaître son oeuvre) en prétextant la mémoire des victimes du massacre.
Le rappeur a réagit, en portant le débat sur le terrain politique. Il explique qu’il condamne les attentats, qu’il combat le radicalisme, que l’extrême-droite instrumentalise les victimes et que la question est de savoir s’ils doivent limiter la liberté d’expression.
— Médine (@Medinrecords) 11 June 2018
Cela n’est pas nécessairement faux. Pour autant, Médine n’est pas défendable, comme en témoigne le simple fait qu’il a osé écrire une chanson sur le “Bataclan”, sans un mot sur le drame l’ayant frappé.
Le Bataclan était de par le passé une salle de concert renommée et représentait quelque chose de particulièrement important pour de nombreux musiciens.
Cependant, depuis les attentats du 13 novembre 2015, le Bataclan est devenu autre chose, bien plus que seulement une salle de concert. C’est un monument national, à la fois déjà historique, et en même temps porteur d’une actualité brûlante.
Le rappeur Médine a produit une chanson « Bataclan » dans son dernier album. Il y a aussi un clip de cette chanson, tourné en partie dans la salle, annonçant qu’il doit s’y produire en octobre 2018.
À aucun moment le rappeur n’y évoque les événements qui y sont associés. La salle est présentée comme un aboutissement personnel, comme s’il ne s’agissait que d’un simple lieu parmi d’autres. Ce titre est évidemment une provocation.
Un artiste aussi « politique » que Médine ne fait rien au hasard, ne dit rien au hasard. Il sait très bien que le nom de « Bataclan » est irrémédiablement attaché à la mémoire du massacre parisien du 13 novembre 2015.
En utilisant le nom de « Bataclan » pour parler délibérément d’autre chose, il choisit de relativiser cette réalité historique en la taisant.
Il en parle pour ne pas en parler.
C’est un acte politique d’une grande signification. Cela d’autant plus que Médine est un rappeur islamiste, au sens strict du terme. Il est un militant de l’islam, de manière très vive et virulente, un fervent défenseur de la religion.
Il est, à son échelle, un artisan de ce grand processus d »effacement de la Gauche issue du mouvement ouvrier par la religion musulmane et l’antisémitisme dans les quartiers populaires français.
L’ensemble de l’oeuvre de Médine l’illustre de manière indiscutable. Depuis de nombreuses années, il participe à diffuser une immense confusion dans les masses populaires, particulièrement celles issues de l’immigration.
Bien sûr, et heureusement, Médine a condamné et condamne les massacres islamistes ; il relève d’un courant protestataire petit-bourgeois qui ne pousse pas aussi loin la révolte réactionnaire contre le monde moderne.
Médine fait ainsi partie des gens qui entretiennent les confusions, en relativisent les concepts. Dans ses clips, il prône d’un côté le hijab et la barbe islamiste, de l’autre il se met en scène dans une borne d’arcade ou porte une veste “Nike” à l’effigie d’une franchise de Basketball américain.
De la même manière, il a pu se rendre en 2014 à une conférence du fasciste Kémi Séba, au Théâtre de la Main d’Or de Dieudonné, en y étant ovationné publiquement, pour ensuite affirmer qu’il ne s’agissait que d’une enquête de “terrain”, expliquant par ailleurs que sa démarche est celle d’un “chercheur”.
C’est le triste jeu de la confusion, du star system de la confusion, du refus de toute valeur de gauche, du rejet de tout le patrimoine historique de la Gauche, de la classe ouvrière. Médine, 50 ans après mai 1968, participe totalement à l’esprit anti-mai 1968.