La Saline Royale d’Arc-et-Senans est un ensemble industriel conçu par Claude-Nicolas Ledoux au dernier quart du 18ème siècle.
La situation géographique du site est dictée par les contraintes économiques. L’agencement des bâtiments quant à lui répond à une ambition d’un genre nouveau; il s’agit d’intégrer la vie des travailleurs toute entière dans le lieu de production.
Le sel est une marchandise précieuse sous l’ancien régime. La fiscalité du royaume repose en effet en partie sur la perception d’un impôt sur le sel, la gabelle.
La diversification des procédés de fabrication incluant le sel et l’essor de la bourgeoisie et de son mode de vie, deux phénomènes liés au développement du capitalisme, provoquent une hausse importante de la demande en sel.
Claude-Nicolas Ledoux est commissaire des salines de Franche-Comté, de Lorraine et des Trois Evêchés (les régions de Metz, Toul et Verdun).
Il doit faire face aux rendements insuffisants du principal site de production de cette province, situé à Salins-les-Bains. Il élabore un projet intégralement nouveau : ce sera la Saline Royale d’Arc-et-Senans.
Le site choisi pour l’implantation du nouvel outil de production dispose de nombreux atouts. La forêt de Chaux, l’une des plus étendue de France, pourra fournir le combustible nécessaire, le massif du Jura offrira la protection et la pente nécessaire au procédé de transformation de la matière première, et l’eau douce, abondante dans le secteur, permettra aux hommes de vivre.
La Saline Royale répond à un plan en demi-cercle. Il ressort une grande harmonie du dessin général du site. Cinq bâtiments alignés forment un segment servant de diamètre à un arc de cercle composé lui-aussi de cinq bâtiments.
Neuf allées disposées en rayon découpent l’espace. La maison du directeur, comme un point d’équilibre, est située au centre de cet hémicycle de 185 mètres de rayon.
Imprégné des philosophes de son siècle et de la pensée rationnelle qu’elles portent, Claude-Nicolas Ledoux produit une oeuvre architecturale guidée par la symétrie et la rigueur des formes géométriques.
Il puise largement dans l’antiquité grecque pour le dessin de ses bâtiments, répétant dans un alignement parfait les voûtes en demi-cercle (dites en plein cintre) et les frontons triangulaires portés par des colonnes. Les bâtiments de la Saline Royale sont typiques de l’architecture néo-classique.
Néanmoins, il ne faut pas se méprendre, l’ensemble architectural n’a pas de vocation philanthropique. Tout a été pensé pour servir les intérêts de la Couronne dans la production de sel. Ainsi, le large mur d’enceinte n’est percé que d’une unique porte facile à garder.
De même, la maison du directeur est placée au centre du plan, de manière à pouvoir surveiller les autres bâtiments, notamment au travers de l’oculus placé sur le fronton de la façade. De chaque côté de la maison du directeur sont positionnés symétriquement les bernes, c’est-à-dire les ateliers.
Ce sont des bâtiments abritant les dernières étapes du processus de transformation de l’eau saumâtre en sel, la cristallisation par chauffage et évaporation. Aux extrémités du segment se trouvent les bâtiments administratifs, dont le bâtiment de la gabelle.
Claude-Nicolas Ledoux a réparti les bâtiments afin de limiter les déplacements au maximum, pour éviter les efforts inutiles et ainsi gagner du temps dans les étapes de production.
Les bâtiments occupés par les forges, les maréchaux et la tonnellerie font ainsi face aux bernes.
Ledoux a envisagé la Saline Royale comme le cœur d’un projet plus ambitieux encore. Une sorte de cité idéale nommée Cité de Chaux. Organisée en une série de cercles concentriques, elle aurait consisté, si cette ville avait vu le jour, en un ensemble de bâtiments destinés à combler les besoins des travailleurs de la Saline Royale et de leurs familles dans tous les domaines.
Le projet de Cité comporte un marché, des boutiques et des ateliers artisanaux, un hôpital, un palais de justice, une nécropole, une église et des bains.
Le dessin cherche à la fois l’harmonie dans les proportions et l’équilibre entre la pierre et les arbres, en adéquation avec la pensée rousseauiste.
Seule la partie strictement productive du projet est sortie de terre. La Cité est donc réduite à l’unité de production, la Saline Royale. Les logements des ouvriers berniers ont fait l’objet d’un soin particulier. Ils sont situés au plus près des ateliers, afin de limiter les déplacements et ont été conçus pour être plus confortables que les logements communs des ouvriers de l’époque. L’idée est de fixer la population ouvrière et de conserver au mieux sa capacité de travail.
Les bâtiments des logements ouvriers présentent douze chambres de quatre lits et une grande salle commune prévue comme cuisine et pourvue d’une cheminée monumentale. A l’extérieur, les ouvriers disposent d’une surface de terrain pour la culture potagère.
Environ 240 personnes vivent et travaillent à la production, la Saline Royale met sur le marché entre 3000 et 4000 tonnes de sel par an. L’exploitation cesse en 1895 et le site restera à l’abandon près d’un siècle avant d’être entièrement restauré à la fin du siècle dernier, avec désormais un musée.