Égalité & Réconciliation est le nom du mouvement fondé en 2007 par Alain Soral, dans l’élan de son soutien à la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen et du Front National, auprès duquel il a tenté de pousser une ligne néo-gaulliste maquillée formellement derrière un populisme gauchisant.
Un autre point notable est qu’E&R se fait le défenseur d’un nationalisme non ethnique sur le plan formel. Ce refus de l’ethnicité pousse aussi à développer quelques tentatives pour modérer un antisémitisme assumé, en refusant théoriquement l’antisémitisme racial et exterminateur, en distinguant rhétoriquement « oligarchie » et « juifs du quotidien » ou en distinguant « juifs » et « sionistes ».
Soudée presque immédiatement à son soutien en faveur de Dieudonné en particulier, Égalité et Réconciliation (E&R), bien qu’aujourd’hui en déclin, a entre-temps connu un succès important, parvenant aujourd’hui à revendiquer plusieurs milliers de membres, sans compter ses sympathisants sur les plateformes vidéo comme YouTube. Dans la pratique, la notoriété d’Alain Soral a été construite par une activité régulière, se présentant sous la forme de longs monologues commentant ses lectures et ses humeurs sur un canapé rouge devant une sorte de peinture, qu’il a d’ailleurs déclinée en produit commercial.
L’habitude a aussi été prise de veiller à son physique et son ton, pour le faire passer pour un « dur », un « écorché », un « mâle viril » et aussi son look, en particulier ses T-shirts, occasion de manifester ses lubies du moment sur le ton généralement de la dérision et de la provocation, et volontiers avec une grande vulgarité à peine dissimulée.
E&R est donc d’abord une plateforme internet, un site particulièrement fréquenté, relayant les vidéos et les « informations » de sites du milieu nationaliste dans lequel gravite E&R, allant des catholiques nationalistes virulents, à Alain de Benoist, des royalistes de l’Action française, aux nationalistes-révolutionnaires comme Serge Ayoub.
Ce que E&R désigne ainsi par la « gauche du travail », c’est l’anti-capitalisme romantique le plus convenu et le plus cacophonique, structuré néanmoins autour de son anti-matérialisme. La « droite des valeurs » se résume à un soutien de plus en plus ouvert aux milieux catholiques violemment intégristes et en particulier Civitas. E&R entend aussi être une plateforme de synthèse entre des militants de « gauche » rejetant tant la gauche institutionnelle que « marxiste » (considérée en l’espèce surtout par les mouvements et les partis issus de la tradition trotskiste), avec une stratégie volontariste d’attirer la « gauche nationale » à la Chevènement, et plus encore celle à la sauce France Insoumise (ou « FI »), pour la faire basculer dans le nationalisme. Voilà pour la trame de fond.
Au plan des valeurs et des idées développées, E&R affiche un anti-capitalisme, mais sans s’opposer ni à l’économie de marché, ni à la bourgeoisie, ce qui en dit long sur la valeur réelle d’une telle dénonciation du capitalisme.
Refusant le matérialisme historique, Alain Soral et ses soutiens tentent d’amalgamer tout ce qui peut construire une vision historique « alternative ». La préférence d’Alain Soral va clairement à une sorte de développement des thèses de Dumézil sur la prétendue tripartition traditionnelle chez les indo-européens, mixée avec des thèses « impériales » que l’on retrouve aussi chez Gabriel Martinez-Gros, ou Bernard Lugan.
Ces auteurs structurent l’histoire autour d’un vaste et « éternel » conflit entre sédentaires constituant des civilisations, des « empires », et nomades les pillant, tout en leur assurant le développement commercial et la fourniture de guerriers ou d’esclaves.
Soral ajoute en quelque sorte à ce « nomadisme » le « capitalisme bancaire » dont il a présenté sa vision dans Comprendre l’Empire, qui en serait une sophistication moderne et européenne, dans la mesure où précisément, l’Europe à partir de la féodalité, échapperait à ce schéma sédentaire/nomade. Mais Soral le « restaure » en faisant de l’essor des villes et de la bourgeoisie, un « nomadisme » parasitaire dont le « juif » serait l’incarnation la plus aboutie.
Toute l’ambition politique de E&R vise donc à « geler » l’essor du capitalisme, vu non comme un développement interne de ses propres forces, développant parallèlement ses propres contractions, mais comme un « ordre » naturel, presque immobile, idéal, divin pour ainsi dire, ou du moins « naturel », qu’il faudrait retrouver, en éliminant le « parasite », donc la « banque », le « nomadisme », c’est-à-dire le « Juif », avec la force collective de la « nation », cadre politique « naturel » du développement harmonieux des sociétés humaines et de leur aspiration au « socialisme ».
C’est là, on le reconnaît aisément, une perspective d’extrême-droite, visant à dévier vers le nationalisme les mobilisations issues des luttes de classes, avec l’antisémitisme comme « socialisme des imbéciles ».