La police avait la pression : la frange la plus réactionnaire de notre pays comptait bien faire un exemple. Il fallait à tout prix alpaguer les gens ayant dégradé et peinturluré le slogan « stop au spécisme » sur neuf commerces à Lille et dans ses environs.
Le but de la course-poursuite pour procéder à des arrestations : empêcher que cela ne se fasse contagion. Il est vrai d’ailleurs que ces actions ont possédé une certaine émulation. Aux cibles lilloises initiales – la boucherie L’Esquermoise le 13 mai, la poissonnerie Au Petit Mousse le 18 mai, le restaurant Canard Street le 2 juin, puis toujours en juin la rôtisserie 3 Coqs – se sont ajoutées la Boucherie Pitel dans les Yvelines, la Fromagerie Madame à Wambrechies dans les Hauts-de-France, une boucherie à Thionville et une autre à Cattenom (toutes deux en Moselle), puis quatre à Fontenay-sous-Bois dans le Val-de-Marne, et enfin la Boucherie Du Parc à Epinay-sur-Orge en Essonne.
Au-delà de cela, il y a surtout la compréhension par la France la plus réactionnaire que tout cela allait abîmer le vernis faussement démocratique d’une France totalement agro-industrielle engloutissant les campagnes après les avoir déjà profondément défigurées.
Il faut d’ailleurs qu’on soit dans une situation bien catastrophique pour que quelques dégradations engendrent un tel remue-ménage chez les bouchers, les éleveurs et les médias. On est extrêmement loin des actions quotidiennes par dizaines et portées par un mouvement de masse comme cela fut le cas en Grande-Bretagne dans les années 1980 avec l’ALF.
Ce qui ne peut pas ne pas laisser penser que toute cette hystérie des bouchers, éleveurs et chasseurs est clairement surjouée, que c’est un cinéma visant à conquérir ou reconquérir l’opinion publique. Les réactionnaires sont agressifs et en veulent toujours plus. C’est la Droite à l’offensive, tout simplement. Il est grave d’ailleurs que la Gauche ne le voit pas, voire change de camp.
Le PCF soutient ainsi ouvertement les chasseurs et Martine Aubry, maire de Lille, devant une boucherie dégradée en mai, a fait en sorte que la mairie se porte partie civile. C’est totalement aberrant d’un point de vue de Gauche.
Car quand même, hystérie réactionnaire ou jeu guignolesque, il reste que l’équilibre des idées concernant les campagnes, la nature, est tellement précaire que tout est prêt à s’effondrer du jour au lendemain, et qu’ainsi même quelques dégradations tapent là où cela fait mal. Le système est intenable, détruisant la planète et asservissant les animaux de manière abjecte. Cela ne peut tout simplement pas continuer ainsi.
Il y a donc lieu d’avoir un regard non pas critique, mais certainement plein de sympathie pour les personnes arrêtées, cinq femmes et un homme, une jeune femme de 21 ans se retrouvant inculpée et passant en procès le 14 décembre. Car il faut établir l’arrière-plan : la domination d’une agro-industrie capitaliste totalement destructrice et moralement infâme.
La Gauche, c’est la révolte contre l’ordre établi, pas son aménagement. C’est le mode de production lui-même qui est problématique. Inévitablement, la question animale s’avère explosive lorsque ce mode de production engloutit le monde lui-même. C’est aussi simple que cela, ou en tout cas cela devrait l’être pour toute personne de Gauche.