Le collectif AVA (Abolissons la Vénerie Aujourd’hui) et ses actions contre la chasse à courre est vraiment quelque chose qui a marqué ce début d’année, avec une manifestation de 1000 personnes et une présence deux fois par semaine en forêt avec les veneurs.
Une mobilisation des zones péri-urbaines et des campagnes
Ce qui est particulièrement intéressant dans cette initiative, c’est la mobilisation d’une frange de la société littéralement abandonnée par la Gauche : les habitants des zones péri-urbaines et des campagnes. Ces zones, trop éloignées des grandes villes pour avoir un accès satisfaisant à la Culture et où la Nature recule petit à petit sous le béton, sont en première ligne dans ce combat. Il s’agit là littéralement de la France profonde, et l’isolement vécu par ces habitants est vecteur d’un fatalisme qu’il est important d’affronter. De ce point de vue, AVA est une initiative résolument positive et démocratique, assez pour que nous nous penchions sur son mode d’action caractéristique.
A la base, se trouve la volonté de faire remonter le vécu des habitants qui font directement face à la chasse à courre, de briser le silence à ce sujet, de libérer la parole. Cela passe par la récolte de témoignages, d’anecdotes vécues par les habitants, et ce directement dans les rues des lotissements ou lors des brocantes, véritable cœur de la vie sociale dans les campagnes. La discussion est lancée et les gens interrogés se livrent facilement à des voisins : une personne sommée par un veneur de « dégager » lors d’une promenade, une autre renversée de son vélo au passage de la meute, une autre qui a défendu un animal réfugié chez elle…
C’est là qu’on peut prendre la mesure d’un problème concret, avec ses enjeux concrets, loin du discours d’experts théoriques. Chacune de ces histoires est une bribe du problème, qu’il convient ensuite de relier les unes aux autres, ce que sûrement beaucoup d’habitants n’osent pas faire d’eux même. Un chien écrasé, un quartier envahi, un embouteillage, un accident de voiture peuvent être vécus comme autant d’exceptions fâcheuses. La mise bout à bout de toutes ces portions de réalité permet d’effectuer une synthèse, une prise de recul nécessaire pour identifier des solutions. C’est un exemple typique de la pratique qui nourrit la théorie. Tout le contraire donc d’un tractage de type L214 par exemple, où la population serait « sensibilisée » de l’extérieur, comme un évangile.
Une initiative démocratique
AVA utilise parfois dans sa communication les notions « populaire » et « démocratique ». On pourrait passer facilement à côté du sens profond qu’a ce dernier terme en n’y voyant là qu’un fonctionnement, avec des votes, des réunions etc. Mais quand on y regarde de plus près, cette notion, pas anodine, est plutôt liée à la fonction d’AVA au sein de la société, au rôle que le collectif semble se donner : celle d’une force démocratique.
Les sorties en forêt d’AVA sont en ce sens aussi un outil démocratique car elles offrent aux gens une autonomie d’action pour prendre le problème à bras le corps eux même. Aller chercher les équipages de chasse à courre jusque dans les forêts pour leur signifier son opposition, filmer, sauver des animaux, tout cela plusieurs fois par semaine, c’est quelque chose de très fort pour des gens qui viennent de tout sauf d’environnements militants !
Surtout dans un pays comme la France, où le sens de la mesure est de mise culturellement et où la radicalité effraie. Car cela signifie aussi affronter les intimidations des autorités, les menaces des chasseurs, c’est se mettre même parfois en danger physiquement ou professionnellement. Et tout cela n’est possible qu’avec une prise de confiance en soi de la population, en sa capacité à prendre les choses en main, sans compter sur des « experts » ou sur l’aval des institutions.
Toutes les initiatives spontanées, comme les pétitions de quartier ou les actes de résistance sporadiques qui existaient avant AVA, se retrouvent structurées, organisées, et c’est en quelque sorte un pouvoir populaire qui se met en place. Et plus celui-ci se développe, plus il permet de révéler des blocages en amont dans la société, plus il permet d’entrevoir des enjeux profonds : poids des notables, clientélisme, rapports de classe, rapport à la Nature…
Pour toutes ces raisons, c’est un devoir pour tous les progressistes et les personnes de Gauche de s’engager et de soutenir ces initiatives, de rejoindre AVA et de reproduire cette méthode partout ailleurs, dans toutes les franges de la société.