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Delphine Batho préside Génération Écologie et abandonne la Gauche

Delphine Batho préside Génération Écologie, abandonne sa tradition politique de gauche et rend caduque sa démarche au service de l’écologie.

Alors qu’elle annonçait son départ du Parti socialiste, Delphine Batho avait expliqué en mai 2018 qu’elle prendrait la tête du mouvement Génération Écologie. Sa présidence est maintenant officielle depuis la convention nationale de Nantes le dimanche 9 septembre 2018. De ce fait, elle abandonne sa tradition politique de gauche et rend caduque sa démarche au service de l’écologie.

Delphine Batho a un parcours de gauche tout à fait typique. Elle a présidé l’organisation lycéenne FIDL, s’est faite remarquer pendant un mouvement de jeunesse concernant l’éducation en 1986 puis a assuré la vice-présidence de SOS racisme, avant de devenir cadre du Parti socialiste.

Elle a voulu se présenter à la direction de ce parti en janvier 2018, et présidait le groupe « Nouvelle Gauche » à l’Assemblée Nationale avant son départ en mai 2018.

Une écologie non partisane

C’est donc un revirement qu’elle opère en rejoignant une organisation marquée à droite, qui a par exemple produit le Ministre et soutien fidèle d’Emmanuel Macron, François de Rugy. Cela d’autant plus que lors de l’écartement de sa candidature à la direction du Parti socialiste en janvier dernier, elle parlait encore de la Gauche et s’exprimait par rapport à la Gauche.

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En fait, Delphine Batho est typique de ces politiques qui ont fait ou voulu faire de l’écologie un thème en tant que tel, de manière non partisane en apparence, mais tout à fait soumise à la réalité sociale et économique du capitalisme en réalité.

Les membres des « Verts » ont historiquement toujours vu ce problème et ont systématiquement cherché à justement s’affirmer « de gauche », bien que cela a en fin de compte surtout servit l’opportunisme de quelques individus.

Le discours de Delphine Batho n’est pas celui-là. Elle explique maintenant que :

« Génération Écologie devient le parti de l’écologie intégrale. Pour nous, c’est l’impératif écologique qui doit déterminer toutes les décisions de politique économique, les choix sociaux éducatifs, culturels, etc. On est en rupture complète avec les visions qui voient l’écologie comme un département ministériel parmi d’autres. On met cet enjeu au centre de tout. Nous voulons faire émerger une force nouvelle dans le paysage politique. »

L’écologie est présentée comme ayant une existence propre, se suffisant à elle-même, en dehors des cadres idéologiques traditionnels.

C’est une définition anti-politique, qui revient à neutraliser la question écologique en lui ôtant sa dimension subversive et critique vis-à-vis du système en place. Et en se rendant volontairement vulnérable par rapport à la Droite sur le plan politique et sur le plan des valeurs.

Écologie et utopie de gauche

Pour la Gauche, le socialisme est censé représenter le projet de société de manière globale, intégrant toutes les questions, tous les sujets. L’écologie, de ce point de vue, n’est qu’un aspect de la critique du capitalisme puisque c’est l’essence même de l’économie de marché et de la privatisation des profits qui empêche d’adopter un rapport correct à la Nature.

Il y a eu, et il y a encore, la nécessité d’avoir une affirmation culturelle écologiste spécifique. C’est indispensable pour les personnes afin de porter un style de vie et une radicalité subjective à la hauteur des enjeux historiques pour la planète Terre. C’est aussi nécessaire politiquement, parce que sans ça les exigences écologiques peuvent rapidement fondre ou être relativisées par rapport à telle ou telle nécessité économique ou sociale.

Pour autant, cette affirmation culturelle écologiste ne suffit pas. Ce n’est qu’un aspect de la critique et de l’utopie de gauche.

La démarche portée par Génération Écologie est exactement l’inverse de cela.

Culturellement, on peut dire que c’est le grand vide, et politiquement il n’y pas de rapport avec les classes populaires et la classe ouvrière. Il n’y a pas du tout un style, une attitude « écolo », mais plutôt un appareil politique intégré aux institutions et abordant la question de manière technique, bourgeoise.

La preuve d’ailleurs est que cette organisation qui revendique 2000 membres n’est pas capable d’avoir un site internet digne de ce nom proposant un véritable contenu. Sa seule actualité est en fait de soutenir Nicolas Hulot, puis de souhaiter « bon courage» à François de Rugy qui le succède au ministère de la transition écologique et solidaire.

Il faut en effet une grande arriération sur le plan culturel pour s’imaginer comme elle le fait qu’en 2018, « l’écologie est de plus en plus majoritaire culturellement dans la société ». Bien sûr que les gens en général ne veulent pas laisser une planète poubelle à leurs enfants ou peuvent-être affectés par exemple à l’idée que les océans sont de plus en plus des grandes poubelles à la merci du plastique de l’industrie.

Mais enfin cela ne suffit pas à faire un engagement culturel permettant le changement. C’est au mieux un constat pessimiste n’aboutissant pas à grand-chose, quand ce n’est pas finalement un prétexte au cynisme et au relativisme.

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Delphine Batho se retrouve là car elle a échoué à gauche. Elle n’a jamais fait le choix de la radicalité mais a toujours pensé que le système était réformable, qu’on pouvait arriver à quelque chose avec les institutions et les grandes entreprises.

Elle s’est donc retrouvé confronté à des enjeux immenses, sans avoir les moyens d’y faire face. Sur le plan personnel, elle a très mal vécu de se retrouver confrontée à des lobbies. C’était d’ailleurs l’objet de son éviction du Ministère de l’écologie sous François Hollande, après qu’elle avait critiqué le budget de son administration et compris que cela répondait à des influences privées.

« Est-il normal que le PDG de Vallourec, Philippe Crouzet, ait annoncé ma chute prochaine voilà des semaines aux États-Unis ? » avait-elle demandé de manière franchement dégoûtée à l’époque.

Son point de vue et sa démarche sont strictement équivalents à ceux de Nicolas Hulot. Il y a la même focalisation sur la question des lobbies, la même « neutralité » transpartisane, et surtout la même incapacité à être à la hauteur des enjeux malgré des constats tout à fait pertinents et réalistes.

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Une radicalité dans la forme seulement

En abandonnant la Gauche, Delphine Batho abandonne aussi sa capacité à se rendre utile et à servir la planète Terre. Sa démarche restera peut-être confidentielle, mais elle risque aussi de faire perdre beaucoup de temps et d’énergie écologiste.

Le problème avec des gens comme Delphine Batho, c’est que le discours propose une grande radicalité dans la forme, mais il n’y a pas derrière les moyens idéologiques et culturels de les assumer.

Cela est tellement évident lorsqu’on lit une telle déclaration, engagée en apparence, mais tellement naïve et soumise au mode de production capitaliste quand on voit ce qui est proposé ensuite :

« L’anthropocène, c’est la guerre. C’est le nom qu’on donne à cette nouvelle ère, dans laquelle nous sommes, en train de détruire le vivant et les conditions qui permettent l’existence humaine sur terre. Aucune institution internationale, aucune institution démocratique ne résistera aux guerres pour l’énergie, pour l’eau. On voit ce que cela entraîne aujourd’hui en termes d’impact sur les mouvements de population et migratoires. C’est une logique de déstabilisation profonde de toutes les sociétés et des institutions démocratiques.

Pour moi, c’est ça le vrai clivage. Il est entre les Terriens, c’est à dire ceux qui sont lucides sur cette situation et qui veulent y apporter une solution et ceux qui sont dans le camp des « écocideurs », qui font preuve ou d’aveuglement ou, c’est plus grave, de cynisme, dont le chef au niveau planétaire est Donald Trump. »

Et donc, plus loin :

« Génération Écologie, c’est le contraire des Verts. Ils ont eu leur chance et l’ont laissé passer. Ils sont devenus un des partis de gauche. Moi, j’inscris l’écologie intégrale dans la définition d’un nouveau clivage entre ceux qui sont les promoteurs des logiques destructrices de l’anthropocène et ceux qui sont des Terriens. Les Verts, ils ont passé leur temps à taper sur Nicolas Hulot au lieu de l’aider, de créer les rapports de force dans la société, dans le paysage politique, pour pousser. Comme je l’ai fait sur les néonicotinoïdes, sur le glyphosate. Ils ont passé leur temps à l’affaiblir.

Ça n’a pas rendu service à la cause et donc, en fait, la direction nationale des Verts est devenue une machine à trahir l’écologie. Et ils ne se sont jamais attelés à la question fondamentale qui est, et c’est mon projet, comment on rend l’écologie majoritaire en France. Avoir un président de la République qui soit pour l’écologie, un Premier ministre qui soit pour l’écologie, un ministre des Finances qui soit pour l’écologie, etc. Et ça ça passe par un travail de fond sur la crédibilité économique et sociale d’un projet qui place cette question-là au centre de tout. »

Delphine Batho critique ouvertement la Gauche et s’écarte de la tradition de changement politique vers le socialisme, vers une société nouvelle débarrassée du profit individuel et des valeurs de la bourgeoisie.

3 réponses sur « Delphine Batho préside Génération Écologie et abandonne la Gauche »

[…] Génération écologie (GE) a été tour à tour alliée avec le centre-droit ou le centre-gauche au gré des élections – une fois alliée de l’UMP sarkozyste, une fois dans le giron du Parti radical de gauche (et donc indirectement du Parti socialiste). Sa nouvelle présidente, éphémère ministre de l’écologie sous François Hollande, a fait campagne aux législatives en se revendiquant de la « majorité présidentielle », puis a essayé de prendre la direction du Parti socialiste en tenant un discours assez marqué à Gauche, avant de devenir directement la patronne de GE. […]

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