Monopolis est le second album électro-pop de The Pirouettes, sortie le 28 septembre 2018. Comme à son habitude, ce jeune duo amoureux dans la vie évoque la romance, avec un style et un ton sophistiqué mais très épuré, à la française.
Les poèmes d’amour des Pirouettes sont très passionnés, mais toujours mesurés. Dans chaque morceau, la mélodie est aérienne et le rythme puissant, sans s’égarer dans les frasques de l’électro ni la vulgarité du langage. Il y a là indéniablement un style français, une « french touch » qui tout en modernité, synthétise une grande partie de la pop française des années 1980 et 1990.
Le côté « ktich » est parfaitement assumé, dans une attitude mi-moqueuse mi-nostalgiques très tendance, dans la lignée de la vaporwave ou bien de la mode des friperies.
Monopolis est d’ailleurs une référence à la ville « capitale de l’occident » imaginée dans Starmania par Michel Berger. L’album ne s’intéresse pas ici au thème social-culturel de la comédie musicale mais se sert du décor, qui forme un peu un contexte, en plus d’être une référence sonore.
Chaque chanson est censée raconter une histoire se passant à Monopolis, avec systématiquement ce thème, si français, de l’amour et de la romance. Si leur premier album Carrément Carrément (2016) racontait surtout le quotidien de la jeunesse, les premiers temps de l’amour, c’est plutôt la complexité des rapports amoureux qui est évoquée ici. La peur de voir disparaître la romance dans les tracas du quotidien et l’élaboration du couple lui-même.
Le titre Ce paradis exprime bien cela, avec un très joli clip tourné au pied de l’Interféromètre du Plateau de Bure dans les Alpes.
L’écriture est belle, les mots sont précis mais légers, sans fioriture, se suffisant à eux-mêmes :
« Passant, absent, replié sur moi-même
J’ai longtemps galopé aux dépens de ce que j’aime
J’ai trop voulu tout niquer, j’ai tout perdu, fini par tout casser
Et je m’en veux, c’est pas un jeu, oh, je t’en prie, laisse-moi le retrouverCe paradis imaginé pour toi et moi
Au large des îles d’un continent qu’on n’connait pas »
Le chant est d’ailleurs quelque-chose qui peut rebuter au premier abord, semblant trop lisse. Il y a en fait un double aspect : le chant est très simple, voir ouvertement simpliste – bien que juste, parce-que les productions musicales sont quant à elles très élaborées et abouties.
La dimension la plus importante dans chaque morceau n’est pas le chant mais la mélodie, gavée de synthés et de rythmes électroniques. Le rendu est très atmosphérique, comme savent le faire surtout les anglais, et il est très rare d’avoir dans la chanson française une production musicale du niveau de celui des Pirouettes.
La légèreté du chant permet donc de ne pas abîmer cet écrin, destiné au texte.
Car plus que le chant finalement, c’est souvent le texte qui déstabilise, de part sa profondeur et sa sincérité.
Au pays du libéralisme où l’adultère et la tromperie sont érigés en style de vie, on n’a pas l’habitude des propos aussi directs et volontaires des Pirouettes.
Le morceau Tu peux compter sur moi est ainsi exemplaire. C’est un hymne à la fidélité et à la sincérité des sentiments, à rebours de la décadence et du relativisme général dans les mœurs aujourd’hui en France.
Mais dans le style, dans l’approche, le ton est tout à fait français. Et ça là le grand intérêt et la grande porté de ce groupe talentueux.
L’audience des Pirouettes se limite aux milieux culturels les plus à la pointe ou à la jeunesse urbaine la plus branchée, qui apprécie surtout par désinvolture.
C’est parce-que l’époque n’est pas propice à leur succès. La jeunesse en général n’a pas la profondeur d’esprit d’apprécier et de s’engager dans ce thème de la romance. Les âmes sont trop meurtries et trop corrompues par les valeurs dominantes pour s’ouvrir autant.
> Discographie :
Album – Monopolis, 2018
Album – Carrément Carrément, 2016
EP – L’Importance Des Autres, 2014
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