« Il faudra trouver d’autres arguments que les petits oiseaux » : tel est l’argument d’un promoteur immobilier pour faire taire des gens refusant de voir, à Amiens, leur quartier se faire déstructurer par des barres d’habitations. Leur protestation a ceci d’exemplaire que sur le plan de l’immobilier, c’est un véritable phénomène historique, qui parti des années 1970 aboutit aujourd’hui à une France mutilée sur le plan de l’urbanisme.
Une centaine de personnes ont manifesté hier contre le projet, route de Rouen à Amiens, d’immeubles de trois étages, occupant 5200 m², pour 69 logements. Ils font face au promoteur Sigla Neuf, qui a organisé son projet avec la mairie depuis un an et demi, sans que les habitants du quartier soient prévenus de quoi que ce soit.
C’est pourtant tout leur cadre de vie qui va être bouleversé. Car Amiens n’échappe pas à cette défiguration urbaine empêchant une vie culturelle locale, malgré sa situation coincée entre Paris et Lille ; tout pays capitaliste développé engloutit tous les aspects urbains selon ses besoins, ne laissant aucune zone à l’écart. Et ce ne sont pas de ZAD dont on a besoin, mais du socialisme pour remettre tout cela à plat : il faut écraser les promoteurs.
Ceux-ci ont en effet, en attendant, les coudées franches. La mairie devait même vendre une parcelle d’un peu moins de 200 m² au promoteur, jusqu’à ce que le scandale éclate : une conseillère municipale ayant voté favorablement à cela vendait elle-même une des principales parcelles du projet au promoteur…
Les propos du responsable du projet sont édifiants également, comme le rapporte le Courrier Picard :
« Nous sommes sûrs de nous et de notre projet. Il leur faudra trouver d’autres arguments que les hauteurs de murs et les petits oiseaux pour s’y opposer. »
Ce mépris se heurte de plein front avec la réalité parfaitement comprise par les habitants, qui ne veulent pas voir leur quartier disparaître, constatant dans une pétition le faisceau des absurdités d’un tel projet :
« Inadaptation de la construction par rapport au site : alors que la zac inter campus se situe à quelques centaines de mètres et dispose de tout l’espace nécessaire à l’implantation d’habitats collectifs, pourquoi permettre une telle construction au cœur de résidences individuelles dont les jardins et la nature constituent la spécificité du quartier.
Absence de concertation avec les riverains : alors que la proximité est l’une des priorités de la charte de la démocratie locale de la ville.
Abattage de nombreux arbres quarantenaires et destruction de l’habitat des écureuils, hérissons, grives, rouge gorge et autres espèces présentes sur 5000m2 : pendant que le réchauffement climatique est au cœur des préoccupations publiques et citoyennes et que la végétalisation est une des meilleures solutions pour rafraîchir une ville.
Infrastructures routières déjà saturées : depuis l’ouverture du CHU Sud et d’autant plus avec la mise en place des feux de croisement du carrefour de la libération. L’abondante circulation quotidienne engendre déjà polluants et risques d’accidents.
Places de stationnement déjà insuffisantes pour les riverains : du fait des constructions déjà nombreuses dans la rue et de la politique des bailleurs proposant leurs places de stationnement en supplément locatif aux locataires qui se garent donc dans la rue.
Désagréments engendrés par les travaux : encore plusieurs mois de bruit, poussières, pollutions atmosphérique et visuelle, risques de dégradations des constructions existantes du fait du creusement d’un sous sol de 100 places. »
Ce qui est très intéressant ici d’un point de vue historique également, c’est que ce sont des petits propriétaires qui se rebellent. C’est une propriété populaire : Amiens s’appuie sur des petites maisons, et ces petites maisons représentant un tout petit capital se font intégrer de force à un phénomène urbain imposé par le grand capital.
Il y a donc un phénomène de reprolétarisation, par la destruction des acquis obtenus. C’est un processus inéluctable et annonce les soulèvements populaire de demain, contre la mutilation de la vie quotidienne, l’impossibilité de profiter de la ville et de la campagne en même temps.