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CGT – Force ouvrière : démission de Pascal Pavageau

Pascal Pavageau a été contraint à la démission du poste de dirigeant de la CGT – Force Ouvrière. Une énième péripétie d’un syndicat né dans la seule optique de s’opposer à la Gauche politique, par tous les moyens.

Pascal Pavageau

Hier, le secrétaire général de la CGT – Force ouvrière Pascal Pavageau a annoncé sa démission. Il a pris les devants alors qu’une réunion de 35 cadres dirigeants du syndicat allait prendre des mesures pour lancer un processus de remise en cause de son poste. C’était déjà l’aboutissement d’une démarche commencée lundi par 9 membres sur 13 du Bureau confédéral.

Pascal Pavageau avait établi une liste d’une centaine de cadres de la CGT – Force Ouvrière, une sorte de mémo résumant de manière abrupte ou pittoresque des caractéristiques devant aider à la manœuvre dans l’appareil. Un tel est franc-maçon, l’autre homosexuel, l’un est « mafieux », l’autre « acariâtre », l’un est anarchiste, l’autre PS, l’un est trotskiste, l’autre est « complètement dingue », l’un est « trop intelligent pour rentrer au bureau confédéral », l’autre est « trop direct et brut », etc.

Cette démarche n’a rien d’étonnant, elle existait depuis bien longtemps dans ce syndicat, tout comme elle existe en fait dans n’importe quel appareil dont la définition n’est pas politique. Lorsqu’on fait de la politique, on n’a pas besoin de personnaliser ou de manœuvrer au sein d’un appareil, ce qui compte ce sont les points de vue, la raison. Lorsqu’on en fait pas, tout est manœuvre et ce genre de listes un outil inévitable.

Or, les syndicats récusent toute politique depuis le congrès d’Amiens, au début du 20e siècle. Pour cette raison, les syndicats français ont toujours été des lieux de rapports de force masqués, de manœuvres en internes, de parasitage et de conflits larvés, avec des chefs d’autant plus puissants qu’ils n’ont aucun statut, etc.

La CGT – Force Ouvrière est même née à la fin des années 1940 sur la base de tout un courant antipolitique qui a refusé l’unité syndicale après 1936 et après 1945, au nom de l’anticommunisme. Historiquement, il y a ainsi depuis 50 ans la CGT lié au PCF, la CFTC liée à l’Église (elle deviendra la CFDT), et la CGT – Force Ouvrière représentant les socialistes anticommunistes, les franc-maçons et les anarchistes.

La CFTC-CFDT et la CGT – Force-Ouvrière ont ainsi toujours été des supports de la modernisation étatique des accords salariés-patrons, la CGT les rejoignant dans les années 1950, et surtout à partir de 1968.

C’est d’ailleurs un organe para-étatique, Le canard enchaîné, qui a révélé le document listant les cadres de la CGT – Force Ouvrière. Le canard enchaîné s’est ainsi arrogé le droit de torpiller un syndicat, ainsi qu’une rentrée syndicale dans un esprit d’opposition. Pascal Pavageau avait en effet été élu il y a sept mois à 96 % comme dirigeant sur la base d’un esprit de contestation très affirmée à Emmanuel Macron. Le rapport d’activité d’activité de son prédécesseur, Jean-Claude Mailly, n’a d’ailleurs alors été adopté qu’à 50,54%.

Pascal Pavageau a donc exprimé son amertume face à une « cabale », dans une longue lettre envoyée hier aux responsables syndicaux. Il constate qu’au lieu que cela soit réglé en interne, cette histoire de listes a pourri la direction depuis quelques temps déjà. Il hallucine de voir étalée sa privée, concernant son chat ou sa compagne (qui est en même temps sa directrice de cabinet) ou bien son fils, en décrochage scolaire et fragile, d’autant plus que lui-même est accusé pour avoir accueilli celui-ci dans son logement de fonction.

Sa lettre se termine de la manière suivante :

« A tous les adhérents, je m’excuse de lâcher, mais c’est trop dur. J’ai résisté tant que j’ai pu, mais c’est trop dur. Je sais que pour certains cela relèvera de la désertion voire de la trahison, tant de la classe ouvrière que de ceux avec lesquels j’ai tissé des liens indéfectibles et qui y croyaient tant. J’ai donné mes tripes parce que je suis viscéralement convaincu de ce que je défendais, des propositions que je portais.

Cette page de ma vie se ferme dans la douleur, mais je reste fier de rester un militant de base, fier de ce que nous avons réalisé en six mois pour ouvrir les portes et les fenêtres de notre grande et belle maison, pour avoir le courage d’assumer un positionnement syndical clair et novateur mais toujours au service des revendications, en cherchant à amener toujours plus de travailleurs, pas uniquement des salariés,à s’unir dans le collectif que nous formons.

J’ai résisté tant que j’ai pu, j’ai revendiqué chaque jour de ma vie, je n’ai pas su reconquérir.

Pascal Pavageau

Militant »

Pascal Pavageau développe ici le thème larmoyant du militant syndical sincère victime de manœuvres politiques, une rengaine systématique, dont certains ont fait leur fonds de commerce, comme les anarcho-syndicalistes et les syndicalistes-révolutionnaires (dont beaucoup ont formé la CNT).

Ce n’est pas cela qui aide la classe ouvrière. Pascal Pavageau aurait dû dire quels gens, quelles forces politiques agissent contre lui, dans quelles perspectives, dans quels buts, avec quelles valeurs. Mais il ne le fait pas dans sa lettre, restant dans l’esprit de la charte d’Amiens, de l’anti-politique qui est par l’excellence la ligne syndicale, valable pour tous. La CGT tout récemment ne s’alliait-elle pas encore récemment avec les franges anarchistes, pour chercher à pousser le mouvement des cheminots ?

Le problème historique est la non-soumission des syndicats à la Gauche politique, un problème qui a plus de cent ans, qui fait des syndicats des minorités agitées prétendant déterminer le sort de la classe ouvrière. La crise à la CGT – Force Ouvrière en est une illustration de plus.

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