Percy Shelley était un poète anglais de la première moitié du XIXe siècle : né le 4 août 1792, il mourut le 8 juillet 1822. Il est l’un des principaux poètes romantiques anglais avec John Keats à qui il dédia une élégie célèbre (Adonaïs), et Lord Byron avec qui il se liera d’amitié.
Shelley est aussi connu pour son athéisme et une critique très forte de l’Angleterre de son époque. Ainsi, dans son premier grand poème intitulé La Reine Mab ; un poème philosophique; avec des notes, publié en 1813, la dix-septième note contient ce qui deviendra un pamphlet : A Vindication of Natural Diet (En défense du régime naturel). A ce moment Shelley est devenu végétarien depuis peu, sous l’influence de l’un de ses amis, Frank Newton.
Ce texte est remarquable par sa dimension totale et son esprit romantique. Shelley n’est pas dans une démarche purement individuelle de pureté morale. L’idée centrale est que l’humanité s’est éloignée de sa vie naturelle et que cet égarement est la cause de tous ses maux : « Je considère que la dépravation de la nature morale et physique de l’homme trouve son origine dans ses habitudes de vie contraires à la nature. »
L’auteur en appelle à retrouver un paradis perdu, dans un élan romantique. Ceci l’amène parfois à s’emporter à affirmer des choses que l’on sait aujourd’hui fausses (comme l’absence de maladies chez les animaux sauvages), mais ces quelques excès n’enlèvent rien à la force et l’intérêt historique du texte.
A Vindication of Natural Diet n’a rien à voir avec la manière dont la question du rapport aux animaux est posée aujourd’hui en France et dans d’autres pays. Loin de l’esprit individualiste et de petits commerçants qui s’opposent à une véritable prise de conscience démocratique sur cette question, A Vindication of Natural Diet permet de se rendre compte que celle-ci se posait déjà il y a deux siècles et sous une forme diamétralement opposée : pleine d’espoir et dans le cadre d’une remise en cause de toute la culture d’une époque.
Il est très intéressant de constater que la critique du meurtre d’animaux va de pair avec celle de l’alcool : ni meurtre, ni ivresse au jardin d’Eden de Shelley. Ceci fait sens si l’on suit sa logique : le meurtre d’un animal dérègle l’âme et est la source de la folie des hommes, de la même manière l’alcool dérègle les sens et éloigne l’homme de sa pureté originelle. Loin de faire l’apologie d’un retour en arrière, la démarche de Shelley est tournée vers l’avenir et n’appelle aucunement à rejeter la civilisation.
Le texte entier est accessible ici, en anglais uniquement.
« On ne saurait être plus clair ! Prométhée (qui représente l’espèce humaine) rendit possible des grands changements dans la condition de sa nature, et l’appliqua d’abord à des fins culinaires. Il inventa ainsi un expédient pour cacher à son dégoût le spectacle horrible de la tuerie. Dès lors, ses organes vitaux furent dévorés par le vautour de la maladie. Laquelle consuma l’être humain sous toutes les formes de son infinie et détestable variété, incluant les ravage terrifiants de la mort violente et prématurée. Tous les vices nacquirent sur les ruines de la saine innocence. La tyrannie, la superstition, le commerce et l’inégalité furent les premiers à apparaître, alors même que la raison tentait vainement de guider les errances de la passion exacerbée.
[…]
La science humaine toute entière se résume à cette question : comment les agréments de l’intellect et de la civilisation peuvent-ils être réconciliés avec la liberté et les plaisirs purs de la vie naturelle ? Comment pouvons-nous conserver les avantages et rejeter les inconvénients du système, qui imprègne à présent chacune des fibres de nos êtres ? Je pense que s’abstenir de nourriture animale et de boissons spiritueuses nous permettrait, dans une large mesure, de trouver une solution à cette importante question.
[…]
Le crime est folie. La folie est maladie. Lorsque la cause de la maladie est découverte, sa racine, de laquelle procèdent tout le vice et toute la souffrance qui assombrissent le globe, sera exposée dans toute sa nudité au tranchant de la hache. Tous les efforts de l’homme, dès lors, pourront être considérés comme tenant à l’avantage bien compris de l’espèce. Aucun esprit sain dans un corps sain n’a recours au crime. C’est l’homme aux passions violentes, aux yeux injectés de sang et aux veines gonflées qui seul peut brandir le poignard du meurtre. Le régime naturel ne promet aucun avantage utopique. Il ne peut venir d’une simple réforme législative, tant que les passions furieuses et la propension au mal du coeur humain demeureront inassouvies. Ce régime frappe à la racine de tous les maux, et c’est une expérience qui pourrait être tentée avec succès, non seulement par les États, mais avant tout par de plus petits groupes humains, par des familles, et par des individus. »
[…]
Le prosélyte d’un régime simple et naturel qui souhaite jouir d’une bonne santé doit, dès sa conversion, se plier à deux règles :
N’absorbez jamais dans l’estomac une substance qui a eu vie.
Ne buvez jamais d’autre liquide que de l’eau rendue à sa pureté originelle par la distillation.
Des personnes suivant un régime végétal ont eu une longévité remarquable. Les premiers chrétiens s’abstenaient, selon le principe de la modification de leur chair, de manger celle des animaux.
Le Vieux Parr, 152 ans
Marry Patten, 136 ans
Un berger en Hongrie, 126 ans
Patrick O’Neale, 113 ans
Joseph Elkins, 103 ans
Élisabeth de Val, 101 ans
Aurangzeb, 100 ans
Saint Antoine, 105 ans
Jacques l’Ermite, 104 ans
Arsène, 120 ans
Saint Épiphane, 115 ans
Siméon, 112 ans
Rombald, 120 ans
Les raisonnements de M. Newton sur la longévité sont ingénieux et concluants :
« Le Vieux Parr atteignit l’âge de 152 ans. Tout homme peut être en aussi bonne santé qu’un animal sauvage. Donc, tout homme peut atteindre l’âge de 152 ans. »
Cette conclusion est trop timide. On ne saurait, en effet, supposer que le Vieux Parr ait échappé à l’hérédité des maladies, forgée par les habitudes contre nature de ses ancêtres. On peut en déduire que le terme de la vie humaine dépasse peut-être infiniment cet âge, si l’on considère toutes les circonstances qui ont contribué à abréger même celles du Vieux Parr.
Je veux ici remarquer que l’auteur et son épouse se nourrissent de fruits et de légumes depuis huit mois. Les améliorations de la santé et de l’humeur qu’il décrit plus haut sont donc tirées de se propre expérience. »