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Christophe Guilluy à propos de la Gauche et de l’immigration

La défense de l’immigration et la mise en avant de la figure du migrant ne font pas partie des principes traditionnels de la Gauche, parce que ce ne sont pas des positions populaires et démocratiques. Christophe Guilluy a expliqué cela à de nombreuses reprises et le fait à nouveau très bien dans No Society avec ce passage à propos du Parti communiste français reproduit ci-dessous.

Cependant, l’auteur du concept de « France périphérique » ne fait pas le choix de la Gauche et d’un engagement politique au service des classes populaires. Il fait partie de ces intellectuels qui ne vont pas au fond des choses, préférant vendre des livres qui disent toujours la même chose, se contentant d’une posture de commentateur invité sur les plateaux de télévision et les rédactions des grands quotidiens et magazines.

C’est pour cela que son discours, en l’occurrence ici son rappel à propos de la Gauche et de l’immigration, a finalement plus de chance de servir le populisme que les classes populaires elles-mêmes.

Pourtant, ce qui est dit est tout à fait vrai, et devrait être assumé entièrement par la Gauche, plutôt que de s’enfoncer dans le postmodernisme et le cosmopolitisme propre à la bourgeoisie des grandes métropoles.

Christophe Guilluy

Extrait de No Society de Christophe Giulluy :

> Lire également : Avec No Society, Christophe Guilluy fait le choix du populisme

« En milieu populaire, la régulation des flux migratoires n’est absolument pas conflictuelle, elle apparaît au contraire comme une option raisonnable. C’est en réalité la classe dominante qui l’a hystérisée en manipulant la question raciale.

D’ailleurs, à une époque où la gauche défendait encore les classes populaires, la régulation des flux n’était absolument pas un sujet tabou. Conscient des effets sur la classe ouvrière (dumping social, fragilisation du capital social et culturel), le Parti communiste français n’hésitait pas à demander l’arrêt de l’immigration.

En effet, pendant la campagne présidentielle de 1981, le premier secrétaire du PCF, Georges Marchais, expliquait qu’il fallait « stopper l’immigration officielle et clandestine » et qu’il était « inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France alors que notre pays compte près de 2 millions de chômeurs français et immigrés ». Si le PCF et plus largement la gauche rassemblait encore l’essentiel des voix populaires, c’est à cette époque que l’ostracisation des plus modestes a commencé, notamment dans une fraction de la gauche socialiste.

George Marchais pressentait la montée d’un discours qui visait à ostraciser la classe ouvrière pour mieux délégitimer ses revendications. Dans un discours prémonitoire, il dénonce clairement la dynamique qui allait conduire à la relégation culturelle des plus modestes puis à la rupture entre la gauche et les classes populaires :

 » Nous posons les problèmes de l’immigration, ce serait pour utiliser et favoriser le racisme, nous rechercherions à flatter les plus bas instincts, nous combattons le trafic de drogue, ce serait pour ne pas traiter de l’alcoolisme apprécié par notre clientèle… ils crient tous en chœur pétainisme […]. Quelle idée se font ces gens des travailleurs ? Bornés, incultes, racistes, alcooliques, brutaux, voilà d’après nos détracteurs, de la droite au Parti socialiste, comment seraient les ouvriers. »

Dans la bouche de Marchais, la régulation des flux ne relevait donc d’aucune dimension ethnique ou culturelle, elle visait à protéger les ouvriers du dumping social et de la fragilisation de leur capital social. Mais la légitimité et la subtilité de ce discours seront balayées par la grosse artillerie idéologique de la classe dominante et le déplacement d’une question sociale sur la question raciale.

Quarante ans plus tard, la relégation culturelle des classes populaires occidentales est effective. Le rôle joué par l’intelligentsia de gauche dans cette entreprise aura été déterminant. Elle annonce un divorce définitif du camp du progrès et de sa base populaire en offrant à l’ensemble des mouvements populistes de droite un électorat potentiellement majoritaire.

L’entreprise de diabolisation des opinions par la classe dominante et ses relais médiatico-académiques n’aura en effet aucun impact sur les classes populaires, on assiste au contraire à un durcissement des positions. Refusant les débats tronqués, hermétiques aux discours des experts et des médias, les classes populaires du XXIe siècle demandent, comme en 1981, la régulation des flux. »