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La première guerre mondiale, ce grand non dit en France

Malgré son importance et son caractère de boucherie générale, de militarisme et de fanatisme, la première guerre mondiale est considérée en France comme une petite période à part, dont finalement personne ne serait responsable.

Soldats français à l'assaut sortent de leur tranchée pendant la bataille de Verdun, 1916.

La première guerre mondiale a été une horreur, et surtout une horreur où les Français ont participé avec beaucoup de bonne volonté. Le patriotisme a été tellement généralisé qu’il n’y a eu aucune opposition à la guerre ; les socialistes de la SFIO et les syndicalistes de la CGT sont eux-mêmes passés dans le camp de l’affrontement.

On a beau jeu de dire aujourd’hui que les soldats sont partis la fleur au fusil, car ils pensaient revenir vite. C’est là un raccourci qui masque que, concrètement, tous les Français faisaient confiance à la « République », considérée comme critiquable peut-être, mais objective en ce qui concerne les questions générales.

C’est tellement vrai qu’il ne reste aucune mémoire de cela. Normalement, la guerre laisse des traces, en littérature, dans les films, dans la culture en générale. Non pas sous la forme générale de la guerre, mais dans le détail, dans le vécu, dans des anecdotes, des mémoires.

Or, là il n’y a rien. C’est comme si la guerre avait été celle de la République, qu’on a gagné en 1918, et que cela s’arrête là. Cela a d’autant plus été vrai que la guerre a été gagnée.

Le seul roman de grande valeur sur la guerre, c’est Le feu, journal d’une escouade, de Barbusse, mais il a été publié pendant la guerre elle-même. Il y en a eu d’autres et il y a également eu des films, cependant ils parlent de la guerre comme d’un phénomène comme un autre. Aucun ne touche sa dimension réelle : des millions de morts, une boucherie, la militarisation complète de la société, le fanatisme nationaliste, etc.

Même le roman de Barbusse ne le fait pas par ailleurs. Et après la guerre, la Gauche n’en parlera pas non plus, les socialistes étant trop heureux de faire oublier leur soutien, les communistes s’imaginant que la France commence en 1920 avec leur apparition.

Pourquoi tout cela ? Parce que la France a réussi à imposer la vision unilatérale que la seule responsable de la première guerre mondiale, ce serait l’Allemagne. Même pas d’ailleurs l’Allemagne impériale, non l’Allemagne tout court. La France a réussi ainsi à entièrement encadrer l’opinion publique, tout en donnant également des ailes aux nationalistes allemands, notamment les national-socialistes, sans parler des réparations énormes coulant la république allemande née des décombres de l’empire.

On a ici affaire à un véritablement problème, celui de la lecture historique et de la mémoire. Sans Gauche organisée, les idées l’emportant sont celles des classes dominantes, et celles-ci racontent les choses du passé selon leurs intérêts du présent.

La France est en réalité un pays coupable autant que l’Allemagne de la première guerre mondiale ; ce sont les banques, la grande bourgeoisie, les industriels liés aux fabriques de matériel pour la guerre qui ont poussé les choses jusqu’au point de non-retour, précipitant le pays dans la guerre.

Il y a ici une autocritique française à faire quant à la direction du pays. Une autocritique ne pouvant aboutir qu’à la conclusion suivante : c’est à la classe ouvrière, au prolétariat, de diriger le pays, en tant que classe, et non pas à une bourgeoisie prête à l’aventure militaire pour satisfaire ses intérêts, ses besoins de profit.

Publicité du Crédit Lyonnais pour un emprunt national pendant la 1ere guerre mondiale.
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