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La cérémonie du 11 novembre 2018 et l’incohérence si française

La cérémonie du 11 novembre, avec sur les Champs-Élysées de très nombreux chefs d’État, est la preuve que la France est entièrement enserrée dans une idéologie à la fois républicaine et guerrière, chauvine et libérale. Une incohérence qui lui fournit cependant une vraie dynamique.

Cérémonie 11 novembre 2018. Emmanuel Macron.

Il est difficile de faire de la politique en France, car les Français sont incohérents. Ils sont plutôt contre le libéralisme économique, mais dans tous les cas pour le libéralisme politique et culturel. Ils sont opposés au nationalisme, mais pratiquent un chauvinisme maquillé en fierté de la « grande nation ». Ils détestent le système social américain, mais adorent Apple et McDonald’s, les films de gangsters et la course à l’argent.

Ils sont contre les impôts, mais pour la sécurité sociale. Ils sont pour les grandes idées et la culture, voire pour le communisme, mais pratiquent le cynisme, consomment des choses culturellement stupides, ne lisent plus de livres. Ils sont pour l’égalité hommes-femmes, mais acceptent le machisme « latin ». Ils sont contre le racisme, mais ne quittent pas le terrain des préjugés sur les autres peuples.

Quand ils sont catholiques, ils pensent que le pape peut dire ce qu’il veut et que cela ne change pas grand-chose ; quand ils sont juifs et musulmans ils pensent pareillement que c’est l’intention qui compte. Le Parisien adore les musées de sa ville, mais n’y va pas. Le Français râle contre chaque président, mais votera passionnément pour le prochain.

Toute cette incohérence fait qu’on ne sait pas comment s’y prendre pour aborder les Français, et Emmanuel Macron, qui se veut un grand modernisateur, tout étant un ardent défenseur de la chasse et des chasseurs, correspond à cette incohérence française.

La cérémonie d’hier du 11 novembre en dit beaucoup à ce sujet également. Les Français considèrent la première guerre mondiale comme une boucherie, mais en même temps ils acceptent sans broncher le discours républicain patriotique. Il suffit pour cela qu’il soit parlé de paix.

Les Français ont donc accepté et apprécié. Sur les Champs-Élysées, de très nombreux chefs d’État entouraient Emmanuel Macron, pour des petites cérémonies militaires, des intermèdes musicaux, des lectures de documents d’époque, etc. Ce sont des lycéens de Seine-Saint-Denis qui lisaient les documents, il y a eu un petit intermède musical d’Afrique, avec une femme en tenue traditionnelle d’un peuple de ce continent, Emmanuel Macron a vanté l’armistice : tout est parfait pour un confort national ouaté.

Qu’importe s’il a proféré le mensonge comme quoi la guerre de 1914-1918 était une bataille pour la patrie et la liberté, avec des gens du monde entier venant rejoindre les rangs de l’armée française, car « la France représentait ce qu’il y a de plus beau dans le monde ».

Tout cela ne compte pas, car les Français ont capitulé devant l’État et son appareil, son armée et son administration. Du moment qu’il est possible de râler, d’être mécontent, de recevoir des aides de l’État à certains moments, le contrat est signé et l’État peut faire ce qu’il veut.

Cette attitude n’a pas changé depuis 1914, il y a la même confiance méfiante en l’État et si l’État disait de nouveau : il faut la guerre, les Français donneront pareillement leur blanc-seing. Si c’est ainsi, c’est qu’il n’y a pas le choix, tout le monde n’est-il pas raisonnable ?

C’est exactement ce raisonnement qui a coulé la Gauche en 1914, qui était contre la guerre et l’armée, mais a fait confiance en l’État, considérant que l’administration et l’armée devaient forcément être raisonnables face à une telle crise.

Cette capacité à protester, râler, rager, combattre quelque chose, tout en faisant finalement tout de même confiance, en dernier recours, est la vraie caractéristique de l’attitude des Français. Tant que n’est pas brisée une telle démarche, la Gauche sera toujours engloutie dans les sables mouvants d’une République qui est un simple appareil de la bourgeoisie, dont la prétention humaniste et universaliste, raisonnable et généreuse, pour fausse qu’elle soit, hypnotise avec force, encore et toujours.