En accordant une entrevue au Figaro Magazine, Jean-Claude Michéa montre qu’au-delà de ce qui est de droite ou de gauche, ce qui compte pour lui c’est le passé.
Les penseurs aiment les lieux familiers. Quand on pense beaucoup, à plein de choses, on aime à se retrouver dans des endroits qui rassurent, dans la mesure où ils évitent la dispersion. Est-ce pour cela que les philosophes antiques avaient souvent leur jardin, comme Platon avec son académie, Aristote avec son lycée, Épicure avec son jardin ?
Comme pour marcher dans un endroit connu, pour penser à tout le reste du monde ?
Jean-Claude Michéa aime en tout cas les lieux familiers. C’est pour cela qu’il s’est installé au fin fond de la campagne, là où il n’y a rien, où il coupe lui-même son bois de chauffage, préférant cette vie « dix fois plus rude, mais cent fois plus belle ». Là au moins, tout est toujours pareil, rien ne change, c’est rassurant.
C’est pour cela aussi qu’il fréquente la même librairie à Mont-de-Marsan, qui fait tout de même 570 m². C’est rassurant pour la dimension intellectuelle. Il faut son confort et puis là-bas, il n’y aura pas de contestation.
On l’a compris, Jean-Claude Michéa n’aime donc pas être dérangé. C’est certainement aussi pour cela qu’il a raté mai 68, par souci de confort. Car Jean-Claude Michéa est né en 1950, ce qui en toute bonne logique devrait faire de lui quelqu’un ayant connu ce grand épisode historique. Il était cependant au PCF, qu’il a quitté peu après, et le PCF était contre mai 1968.
On ne saura pas étonné donc qu’à l’occasion du mouvement des gilets jaunes, il ait accordé un entretien au Figaro Magazine. Pourquoi un auteur se définissant comme un grand pourfendeur du libéralisme s’exprime-t-il dans la revue du week-end de la bourgeoisie ? Mais justement parce qu’elle est familière ! Elle aussi s’est opposée à mai 1968, elle aussi vit dans le passé.
Car Jean-Claude Michéa n’est pas que quelqu’un qui est largement connu dans les milieux intellectuels pour son ambiguïté fondamentale, puisqu’il combine une rejet du libéralisme avec une position de révolte contre le monde moderne, c’est-à-dire qu’on ne sait jamais en apparence s’il faut le classer à l’extrême-droite ou l’extrême-gauche. Il est lui-même cette ambiguïté.
C’est-à-dire que le type est perdu dans sa tête. Il prend la pose dans la librairie, faisant semblant de lire un livre pour le journaliste du Figaro, explique qu’il y a des gens bien à Droite qui préfèrent les valeurs traditionnelles à l’argent… Tout en dénonçant le marché, qui est pourtant porté de manière assumée par la Droite et le Figaro.
Et tout ce qu’il trouve à raconter au journaliste du Figaro, c’est que les chasseurs sont d’une grande profondeur et que les vegans ont tort de manger des légumes car leur production détruit la planète. Autant dire qu’on atteint ici un niveau d’arriération culturelle et psychologique somme toute assez traditionnelle en France.
Quand on capitule dans notre pays, quand on cède devant les traditions et la pression intellectuelle de la bourgeoisie, on prétend toujours qu’on a choisi quelque chose de différent, qu’on a compris quelque chose qu’on avait pas vu avant, que c’est tout un aboutissement.
Jean-Claude Michéa, pseudo porte-parole de la France réelle des gens normaux qui souffrent, n’est en réalité que la voix du conformisme ambiant, tout comme l’a été son maître à penser, Orwell, en Angleterre, qui collaborait avec les services secrets pour dénoncer les communistes.
Son interview au Figaro magazine, en plein mouvement des gilets jaunes, pour se présenter comme l’un des chefs de file intellectuel d’une révolte d’en bas, est en totale convergence avec les intérêts du capitalisme. L’objectif de cette opération est de pousser toute révolte dans le mauvais sens, d’échapper à toute critique de la bourgeoisie comme classe !