La France a été pour la quatrième fois d’affilée la spectatrice passive de sa propre crise. Avec intérêt, curiosité, inquiétude, mais sans aucune percussion sur le plan des idées, des raisonnements. Le mouvement des gilets jaunes ne transporte pas avec lui de valeurs nouvelles, il ne véhicule pas des réflexions sur le sens de la vie sociale.
Cette passivité n’est guère étonnante : les gilets jaunes sont une crise et rien d’autre. Le mouvement est porté par des gens qui ne veulent pas de grandes réformes sociales, de grandes augmentations. Ils veulent juste qu’on arrête des les faire « chier » et donc qu’on arrête de les mettre économiquement sous pression.
Tout cela est très flou et diffus, aussi, le mouvement ne cesse pas malgré le recul du gouvernement sur l’instauration de la taxe sur les carburants. 125 000 personnes se sont mobilisées pour la quatrième journée de manifestation, avec encore une fois des accrochages sévères avec les forces de l’ordre. Il y a eu d’ailleurs 1385 interpellations et 974 gardes à vue pour des affrontements qui ont eu lieu à Caen, Toulouse, Saint-Étienne, Marseille, Bordeaux… mais aussi relativement à Nantes ou Lyon.
À Paris, on a eu le droit à une autosatisfaction de la part des autorités sur le fait que le dispositif policier était plus mobile et a pu tuer dans l’œuf un nouvel affrontement massif avec des placements préventifs en garde-à-vue. L’État a montré qu’il peu très bien maintenir l’ordre dans sa capitale s’il le souhaite, et les casseurs ont prouvé à nouveau, s’il en était besoin, la vanité et surtout la nullité de leur démarche.
Le mouvement ne s’est pas élargi, malgré le démarrage de blocages dans les lycées, avec une répression policière sévère. Il faudrait pour cela qu’il porte quelque chose, or il ne le fait pas. On est dans la crise dans le symbole, comme avec ce gilet jaune qui s’est mis sur la statue de la place de la République à Paris pour tenir un détournement du tableau « La liberté guidant le peuple », avec Marianne en gilet jaune.
Emmanuel Macron le sait très bien et compte faire une intervention télévisée lundi soir, afin de demander aux gens de rentrer dans le rang, en échange de mesures fiscales. Cela suffira-t-il ? Bien entendu que cela suffira, car il n’a en face de lui que des expression épidermiques, une prise de rage, des slogans sans pertinence politique comme « Macron rend le pognon », « Macron démission » ou bien même « halte aux fins de mois du monde difficiles ».
Il y aura peut-être quelques initiatives et quelques heurts, mais le pic est passé. Le chef va siffler la fin de la récréation, et l’extrême-droite va bientôt pouvoir compter tous les bénéfices indirects d’une révolte qui aura été, avant tout, une révolte contre la révolte contre le capitalisme.
Les « classes moyennes » auront eu leur « mai 68 », le Fascisme a un boulevard.