Emmanuel Macron n’a pas compris le sens des gilets jaunes et propose des mesures sociales, accompagnées de propositions pour renouveler la gestion de l’État. C’est une démolition par en haut des principes démocratiques, les gilets jaunes agissant par en bas pour les détruire également. Cela forme un boulevard pour la démagogie fasciste.
Vous aurez votre part dans le débat national. pic.twitter.com/wLyBXEWqg1
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 10 décembre 2018
Le discours « à la nation » d’Emmanuel Macron en réponse au mouvement des gilets jaunes a été d’une faiblesse ahurissante. On a immédiatement vu le fossé qui sépare quelqu’un comme lui, ou Nicolas Sarkozy, François Hollande, des véritables ténors politiques du passé comme François Mitterrand, Georges Pompidou ou Valéry Giscard d’Estaing.
Ses mesures sont de véritables recettes de cuisine sociale, consistant en des annonces censées étouffer les motivations sociales (annulation de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2000 euros par mois, suppression des impôts et charges pour les heures supplémentaires dès 2019, augmentation du Smic de 100 euros par mois en 2019).
Il passe complètement à côté de la nature de la révolte des gilets jaunes, dont le noyau dur consiste en une petite-bourgeoisie prise de rage par les déséquilibres du capitalisme. Ce qu’elle veut ne peut pas être défini, conceptualisé, et donc a fortiori on ne peut y répondre autrement que par l’apparence de modifications du régime lui-même, au minimum.
Tout va donc encore plus rapidement qu’on ne pouvait le craindre. Emmanuel Macron a asphyxié Marine Le Pen lors de l’élection Présidentielle, ce qui était autant de temps de gagné, mais là on se retrouve déjà dans la période d’après, où son positionnement libéral se confronte à une immense secousse populiste.
Il est évident que c’est là non seulement le résultat d’une question française, mais aussi le produit de toute une situation internationale marquée par le Brexit, la victoire de Donald Trump et de Jair Bolsonaro, l’arrivée de l’extrême-droite au gouvernement en Autriche et en Italie, la montée de l’AFD en Allemagne, la poussée expansionniste de la Russie et son soutien aux courants ultra-nationalistes en Europe occidentale.
La machine capitaliste s’emballe et la Gauche est inexistante pour mobiliser et encadrer. Pire encore, la révolte se développe désormais de manière populiste, de manière soi-disant apolitique, donc nécessairement portée par des populistes, des cadres d’extrême-droite, des gens qui récusent le débat intellectuel et les questions démocratiques et ne raisonnent qu’en termes de référendum, de corporatisme « par en bas ».
C’est l’effondrement de la démocratie « à l’ancienne » et il y a désormais convergence avec ce qu’Emmanuel Macron représente justement : une « modernisation » servant de tremplin à la liquidation de la démocratie « à l’ancienne ».
Dans son discours, Emmanuel Macron a d’ailleurs souligné l’importance que des gens sans-partis soient présents dans les débats, que l’État cesse sa gestion « trop centralisée » car « depuis Paris », etc. C’est une contribution directe à la tendance à la négation de la démocratie comme principe général.
Il ne s’agit pas de dire qu’auparavant on était en démocratie, mais qu’il y avait au moins l’apparence de l’exigence de celle-ci. Là on est dans sa liquidation, par en bas et par en haut. Les couches supérieures de la société sont dans une gestion technocratique et avec les gilets jaune on a le vecteur direct des exigences du fascisme comme mouvement romantique en bas.
Comment dans un tel contexte la Gauche peut-elle exiger la raison, la réflexion, des principes, une discipline de parti autour d’un programme ? Il va de soi que cela va demander un vrai travail de fond, de la part des gens conscients que le mouvement ouvrier est social et démocrate, que le socialisme qu’on doit exiger s’appuie sur une forme d’organisation rationnelle, réfléchie, avec des principes bien déterminés.
Quiconque fantasme sur les gilets jaunes doit bien voir qu’en quatre semaines, il n’est jamais allé dans le sens des grèves, des assemblée générales, de la formation de conseils populaires. C’est pourtant le critère de base pour juger la nature démocratique, au sens révolutionnaire, d’un mouvement.
Il faut bien être conscient qu’en n’étant pas capable de canaliser les gilets jaunes comme révolte des « classes moyennes », Emmanuel Macron et le régime laissent le champ libre au fascisme comme mouvement romantique par en bas.