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Réflexions

Johnny Halliday, le gilet jaune, l’écran plat, McDonald’s

Malgré une élévation relative de leur niveau de vie, les couches populaires restent expressément bloqués dans un nombre de références particulièrement restreint. Elles sont très corrompues par le mode de vie fourni par le capitalisme.

Gilets jaunes

Il y a dans le peuple des gens qui savent tout en un certain domaine, en particulier dans les choses concrètes, depuis les circuits électriques d’un flipper jusqu’aux opéras. Pourtant, pris dans l’ensemble, le système de références des gens est vraiment très restreint. Si les couches supérieures disposent d’une capacité à s’appuyer sur de nombreuses conceptions, de nombreux concepts, de nombreux faits, etc., on a toujours l’impression que les couches populaires partent de zéro et font avec les moyens du bord.

Ces moyens du bord se retrouvent dans l’environnement immédiat. Le mouvement des gilets jaunes a par exemple comme symbole le chasuble obligatoire depuis quelques temps dans chaque voiture, en cas de panne. Une autre référence des gilets jaunes a été le drapeau tricolore, le drapeau national. Là aussi, on ne va pas chercher bien loin.

Et c’est typique : pris personnellement, chacun a énormément de choses à dire, une vraie complexité. Pris individuellement, c’est la catastrophe et le nivellement vers le bas, ce qui est visible d’une manière bien nette lors d’un mouvement social, d’une manifestation syndicale, etc. C’est comme si les gens étaient cassés en deux et perdaient toute complexité. Pire, comme s’ils n’en voulaient plus.

Quiconque perd de vue cette capacité à refuser la complexité se retrouve dans la situation de ne pas être en mesure de comprendre ce qu’est le fascisme. Le fascisme, c’est l’abaissement au degré zéro des « complications » d’ordre philosophique, politique, théorique. C’est la simplicité grossière, une sobriété intellectuelle réduite à la stupidité béante.

On a dit ici et là que les gilets jaunes ont un horizon borné parce qu’après tout c’est normal, ils débutent en politique, ils ne connaissent rien. Ce n’est pas vrai. Le peuple connaît plein de choses. S’il voulait, il pourrait. Or, il ne veut pas. Il privilégie le simple, il refuse le complexe.

Il choisit d’avoir comme horizon l’écran plat des télévisions. Il sait très bien – il y a l’école, l’histoire en elle-même, et même internet – qu’il y a des possibilités de révolte, de révolution, du critique du capitalisme. Mais il reste étranger à cela.

Ce n’est pas qu’il n’en a pas conscience, c’est qu’il ne veut pas avoir l’éventualité de cette conscience. Il choisit d’accepter la corruption par le capitalisme. De manière relative, mais c’est un choix quand même. Il sait que McDonald’s, c’est « mal ». Car mauvais pour la santé, les salaires des employés, les animaux, l’écologie. Mais il relativise. Il ne veut pas savoir.

Toute cette attitude provient des succès du capitalisme avec les « trente glorieuses » et ce qu’il en est resté par la suite. A quoi s’est ajouté la chute du bloc de l’est, l’irruption de la Chine comme usine du monde, cela a aidé le capitalisme.

Aujourd’hui cela se termine. Cependant cela fait quand même cinquante années que cette attitude dure grosso modo, et forcément cela laisse des traces. Pas seulement dans la faiblesse des conceptions, mais également dans la fainéantise. D’où l’acception de cet horizon restreint, qu’il faudrait même défendre ! Johnny Halliday, le gilet jaune, l’écran plat, le McDo…

Croire que parce que les gilets jaunes forment un mouvement social, il y aura spontanément du contenu qui va tomber du ciel, un accroissement formidable du niveau culturel, c’est ne pas comprendre que les gens vont devoir choisir de rompre avec la corruption historique qui les a marqués.

Et ce n’est pas gagné. Beaucoup préféreront renforcer la France, aller à la confrontation avec d’autres pays, piller le tiers-monde. Pour ne pas toucher à rien, pour ne rien remettre en cause…

Cet aspect là est peut-être l’un des plus complexes en France dans l’affrontement avec le capitalisme !