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Rétablir le Droit en le rendant universel

Tout régime prétend que le droit qu’il met en place est à la fois neutre et consacré à l’égalité de tous. En réalité, il s’agit là d’un droit relatif, bien éloigné du Droit comme système de référence universelle que seule la Gauche peut porter.

Le droit est quelque chose de compliqué : quand on lit le code pénal ou bien des propositions de loi, le langage est tourné de manière tellement bizarre que l’on y comprend rien. Pourtant, le droit ce n’est pas les juges, les avocats, les experts ; le droit c’est la civilisation et donc l’humanité elle-même.

Une vrai droit serait un Droit porté par chaque personne en tant que telle, et c’est d’ailleurs là l’idéal des Lumières. Emmanuel Kant est sans doute celui qui a écrit les lignes les plus intéressantes à ce sujet, avec son fameux « impératif catégorique ». Il faut que chaque individu ait assez de maturité pour se comporter de manière naturelle en citoyen, refusant ce qui ne devrait pas être fait, faisant ce qui doit être fait.

C’est là une exigence universelle propre à qui croit que le droit doit exister en amont, comme intégrité morale, et non pas en aval, comme punition d’un comportement dérangeant la société. Or, le droit aujourd’hui n’est vraiment plus que cela. Il est une sorte de rattrapage de ce qui provoque trop de troubles, sans rien de plus.

La société française ne vise plus à éduquer, à former les esprits. Libérale, elle se contente de stopper ce qui est trop perturbant pour l’ordre dominant, avec un dédain pour le droit comme principe de formation morale. Elle a abandonné le principe selon lequel « nul ne doit ignorer la loi » dans le sens d’une explication en amont à tout le monde de ce qui est légal ou pas ; elle est juste répression.

Une répression mal gérée, où l’on peut être un récidiviste sans permis et drogué écrasant une adolescente en récoltant juste quelques mois de prison, avec des prisons par ailleurs totalement surpeuplé, aux conditions innommables. Rien que cela reflète bien que la société française pétrie par le capitalisme n’a aucune idée de ce qu’elle doit faire du droit.

Gageons ici qu’elle avancera immanquablement vers la solution américaine, avec la privatisation du système des prisons. Personne n’en a parlé jusqu’à présent, mais on peut être certain que cela va arriver sur la table. C’est dans la logique propre au libéralisme, c’est aux entreprises de gérer ce qui relève des choix individuels, et le crime est un choix individuel selon lui.

La Gauche doit par conséquent réaffirmer le droit, non pas simplement en disant qu’il est mal géré par la droite, ou bien qu’il faut construire des écoles pour ne pas avoir à construire des prisons, comme l’avait formulé le chrétien-démocrate Victor Hugo. La Gauche doit poser l’universalisme du droit, réfutant son tronçonnage d’un droit à la carte (droit des entreprises, droit du travail, droit de ceci, droit de cela), qui divise la société.

Elle doit aussi briser l’inégalité du droit, c’est-à-dire le fait que selon qu’on soit puissant ou non, on n’ait pas le même résultat. Elle doit casser le langage obscur du droit, qui ne sert que les experts au même service des classes dominantes pour empêcher qu’on le saisisse.

Elle doit, surtout, réaffirmer la croyance en l’Homme, rétablir l’exigence des Lumières mais avec le matérialisme propre à la classe ouvrière. Cela signifie qu’elle doit exiger de chaque personne une haute mentalité citoyenne, et bien souligner que cette haute mentalité est la caractéristique d’une société socialiste.

Qu’est-ce que le communisme d’ailleurs selon Marx si ce n’est une société où il n’y a plus d’État ? Tout simplement une société où le droit est partout, assumé partout, dans un sens universel, ce qui fait qu’il n’est plus besoin de policiers ni de militaires pour s’opposer au crime, car il n’y a plus de crime, plus de crime possible.

Le capitalisme prétend bien entendu que c’est impossible, que c’est là une utopie, que l’Homme est mauvais par nature, que chacun ne cherche qu’à défendre ses intérêts particuliers. C’est là un point de vue de classe, qui reflète la compétition capitaliste. C’est une idéologie qui vise à empêcher l’affirmation de l’universel et de l’universalisme.

La Gauche donc avoir conscience de cela et comprendre la dimension essentielle du droit, qui doit devenir le Droit. C’est là un élément essentiel de toute affirmation d’un programme de société démocratique, fondé sur le peuple. Démolir la domination des experts et faire en sorte que le peuple saisisse le droit, c’est la base d’une ligne de Gauche.

Le capitalisme ne craint rien de plus que la justice populaire. Il ne veut surtout pas que le peuple se fasse juge. C’est pourquoi il présente le peuple comme infantile, brutal, opposé au droit. A la Gauche d’affirmer au contraire que le peuple c’est le Droit et le Droit le peuple, et que la classe ouvrière est la clef pour y parvenir.