Le capitalisme est vécu au quotidien, cependant il n’est pas aisé d’en définir les contours. Voici une petite aide pour bien poser les questions, avant d’entrevoir les réponses.
Le capitalisme est un phénomène complexe, avec beaucoup d’aspects. On en parle beaucoup en France, car nous avons la chance de posséder un patrimoine de lutte et de conscience très élevé. Des pays comme la Suisse, la Suède ou l’Autriche ne connaissent nullement ce thème ; là-bas tout y est paralysé. Et c’est pire bien sûr dans des pays comme l’Angleterre où, outre le fait de ne pas en parler, on trouve cela très bien.
Il est évident pour autant qu’en France, on parle souvent sans connaître ou étudier à fond ; le point de vue suffit. Le Capital n’est pas lu, malgré son intérêt immédiat et en conséquence l’esprit de contestation se transforme en anticapitalisme velléitaire, stérile et prétentieux. Remettre cela en cause est un dur travail que la Gauche a à faire, pour en terminer avec le syndicalisme et l’anarchisme.
Le premier point pour comprendre le capitalisme est d’ailleurs de voir ce que ni le syndicalisme ni l’anarchisme ne voient. A leurs yeux, en effet, le capitalisme c’est la production de marchandises dans une entreprise, dans le but de les vendre à des consommateurs. La chose s’arrête là. Or, ce n’est pas du tout comme cela que ça marche. Le capitalisme ce n’est pas que de la fabrication de biens de consommation, c’est aussi la fabrication de matériel pour la fabrication.
C’est par exemple ce qui torpille les pays du tiers-monde, qui n’ont pas d’entreprises fabriquant ces moyens de fabriquer. Ils sont obligés d’importer les moteurs, les instruments, les machines, les tubes, les tuyaux, les pièces de rechange, etc. Difficile, comme on le voit, de rendre son pays indépendant si on dépend des autres pour le matériel permettant de produire quelque chose.
Les syndicalistes et les anarchistes se cassent toujours les dents sur le capitalisme, parce qu’ils ratent cette fabrication pour la fabrication. Soit ils passent dans l’utopie d’une fédération d’entreprises autogérées incapable de prévoir celle-ci, soit ils se soumettent au capitalisme en disant que seul celui-ci peut la permettre. Historiquement, sur le plan des idées, c’est un élément central.
Une fois qu’on a fait cette distinction et qu’on voit que le capitalisme est une production directe de marchandises pour le consommateur et une production indirecte dans la mesure où il y a de la production pour d’autres entreprises, on peut passer à la question du profit. On ne peut pas comprendre le capitalisme si l’on ne voit pas que le capitaliste vise le profit à court terme, encore plus de profit à moyen terme, et davantage encore à long terme.
Il ne s’agit pas que de vouloir du profit, mais toujours plus. C’est là un second aspect essentiel du capitalisme. Si on le rate, on s’imagine qu’on a juste affaire à des cycles tous indépendants les uns des autres. Sauf que ce n’est pas du tout le cas et c’est bien pour cela que des usines bénéficiaires sont fermées : elles ne font pas assez de profit selon leurs propriétaires. Toujours plus, telle est la devise.
Le dernier aspect est la question de la source de ce profit. Karl Marx a expliqué en long et en large, dans son ouvrage classique sur le « Capital », que le vrai profit est arraché aux ouvriers, que leur salaire ne recouvre qu’une partie de leur travail. Le capitaliste tire de l’ouvrier la richesse, en le payant bien moins que ce qu’il apporte comme énergie. Cela ne se voit pas, car en théorie il gagne de l’argent en vendant ses marchandises, mais en réalité c’est dans la production que cela se passe.
C’est là le vrai principe de l’exploitation et c’est là où l’on voit qu’une large partie de la Gauche a perdu tout sens des réalités. En disant qu’un ouvrier d’un atelier au Bangladesh est exploité, les gens qui se trompent à ce niveau veulent dire par là que, quand même, on le paye vraiment rien pour ce qu’il fait, sous-entendu ce n’est pas comme cela chez nous. Alors qu’en réalité, au sens « scientifique » du terme, l’ouvrier français d’une usine ultra-moderne est bien plus exploité, car on lui arrache bien plus d’énergie et de travail.
En arrière-plan, ce qui se pose c’est la question de savoir si la critique du capitalisme doit être simplement morale ou romantique, ou si elle doit s’appuyer sur une lecture qu’on peut qualifier de classique du mouvement ouvrier. Et donc si, au bout du compte, on lutte pour un repartage du gâteau capitaliste, ou bien pour la négation du capitalisme et l’établissement d’une société socialiste.