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Faut-il une région administrative pour savoir que Nantes est en Bretagne ?

L’association Bretagne Réunie a présenté récemment une pétition de 100 000 signatures demandant un référendum sur le rattachement du département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne. Suite à la pression exercée par cela, et alors qu’il est juridiquement obligé de prendre en compte cette demande émanant de 10 % du corps électoral de Loire-Atlantique, le conseil départemental s’en retourne finalement à l’État pour organiser un référendum décisionnel sur la question.

Entendre dire par des gens qui n’y connaissent rien à l’histoire et à la culture bretonne que Nantes ne serait pas en Bretagne est vécu comme une véritable agression culturelle par de nombreuses personnes. C’est en effet une insulte à l’histoire et à la culture, car bien-sûr le pays Nantais ou le pays de Retz sont bretons.

Ce discours niant une partie de la Bretagne est largement porté par la non-intégration administrative de la Loire-Atlantique à la région Bretagne. Le territoire complètement fictif des Pays-de-la-Loire, dont trois départements sur cinq n’ont aucun rapport avec le fleuve la Loire, s’est pour sa part développé dans une optique de modernisme capitaliste tout puissant, niant en bloc les traditions et l’héritage.

Rien que pour cette raison, les personnes progressistes en Loire-Atlantique ont en général toujours vu d’un bon œil la question bretonne, parce que c’est une question démocratique et populaire.

Les 100 000 signatures ligériennes réunies par la pétition de l’association Bretagne Réunie représentent de ce point de vue quelque-chose de très important numériquement.

Cependant, il faut bien voir que la pétition a franchi ce seuil à l’arrachée, grâce au militantisme forcené de l’association, alors que la question est posée dans le débat public depuis de nombreuses années.

D’un côté, la population est bienveillante sur cette question, comme le montrent les réguliers sondages dans la presse locale, mais de l’autre il n’y a pas non-plus de véritable mobilisation démocratique et populaire sur le sujet. C’est-à-dire que, de la même manière que les Bretons dans leur ensemble ne se considèrent pas comme oppressés nationalement par la France, car ils sont français, la plupart des ligériens connaissent leur identité et leur héritage breton, tout en ne prêtant pas vraiment attention à la région Pays-de-la-Loire qui est surtout une entité administrative et technocratique abstraite.

De ce point de vue, il faut considérer que l’intégration de la Loire-Atlantique à la région Bretagne ne représente aucun progrès démocratique et populaire. Si cela peut être satisfaisant sur le plan personnel de voir reconnaître l’histoire et la culture bretonne de la Loire-Atlantique, ce qui n’est pas un aspect négligeable, il faut surtout considérer le contexte général motivant ce rattachement.

Le mouvement « breton » qui porte cette revendication est en effet largement réactionnaire. Il s’agit typiquement d’une mobilisation petite-bourgeoise hystérique, dévoyant une question démocratique au profit d’un idéalisme identitaire. Rien que la pseudo-langue bretonne inventée de toute pièce par des universitaires d’extrême-droite, qui n’a pas de réel rapport avec la langue populaire bretonne, est quelque-chose d’insupportable, qui en dit long sur le caractère réactionnaire, stupide, de ce mouvement.

Il faut aussi bien comprendre que l’actuelle région Bretagne entend se renforcer de l’intégration de Nantes dans une perspective régionale européenne, où il s’agit de tirer son épingle du jeu économiquement, en concurrence avec d’autres grandes région. Et il ne s’agit pas là que de tourisme, mais de tout un tas de considérations économiques capitalistes.

C’est dans ce contexte concurrentiel que le Président de la région Bretagne Jean-Yves Le Drian avait fait pression auprès de François Hollande contre la fusion de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire en 2015, alors que c’était dans l’ordre des choses au regard des fusions ayant lieu pour d’autres régions françaises avec la loi NOTRe.

C’est dans ce sens également qu’il faut comprendre le vote la semaine dernière des élus du conseil régional de Bretagne se prononçant à l’unanimité en faveur d’un référendum sur le rattachement de Nantes et son département.

Que ce choix s’appuie sur une considération culturelle légitime à la base ne change rien au problème, au contraire. Il faut bien comprendre ici que la revendication identitaire sous-jacente est celle de l’autonomie bretonne, si ce n’est de l’indépendance au moins relative.

D’un point de vue progressiste, la Gauche ne peut pas accepter un tel pas en avant dans l’autonomisation d’un territoire. Cela représenterait un recul du cadre national, donc un recul démocratique. Le cadre national est l’expression historique la plus aboutie jusqu’à présent de la collectivité. C’est le cadre le plus démocratique possible à notre époque, celui dans lequel la Gauche historiquement s’affirme et affirme le point de vue de la classe ouvrière et de l’internationalisme prolétarien.

Une injustice culturelle, aussi importante soit-elle, ne peut pas justifier un tel démantèlement démocratique du cadre national au profit d’une région, d’un particularisme local qui serait par définition un retour en arrière.

Il faut saluer et reconnaître comme juste ici le vote majoritaire au conseil départemental de Loire-Atlantique, sous l’influence de son Président socialiste Philippe Grovalet, refusant d’activer le droit d’option du département en faveur de son rattachement à la région Bretagne.

Ce vote, reconnaissant largement dans les débats l’héritage culturel breton, est accompagné du vœu de s’en remettre à l’État pour régler cette question qui concerne la nation tout entière.

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