Toute une gauche opportuniste s’est empressée de prendre le train en marche et de soutenir les gilets jaunes. Cela dans l’espoir d’en profiter quand tout sera fini. Le souci est que les gilets jaunes continuent et embarquent donc cette gauche opportuniste avec elle dans le populisme.
Les gilets jaunes correspondent à un moment de crise, pas à un « mouvement social » dans le cadre d’une situation pacifiée. Pour avoir confondu l’un avec l’autre, toute une gauche opportuniste se retrouve coincé.
Elle pensait que les gilets jaunes disparaîtraient et que sur les décombres il y aurait moyen d’en tirer quelque chose. Pour cela, il fallait donc hurler le plus fort, pour apparaître comme le plus radical aux yeux de ceux qui restent après cette lutte.
C’est cela qui explique la surenchère systématique, notamment de la part de l’ultra-gauche. On se situe ici entièrement dans la tradition de la tactique élaborée par Léon Trotski. Selon lui, il faut pratiquer la surenchère afin de dépasser les réformistes bloquant la révolution qui serait permanente. Cette conception a été élaborée dans Le programme de transition et correspondait à sa thèse selon laquelle le fond du problème est la « direction » de tout mouvement de lutte.
Tout cela est délirant, car il y a bien sûr des moments différents, des étapes dans toute prise de conscience, de plus le problème de fond n’est pas la « direction » mais bien la nature de la base. Avec les gilets jaunes, de par la matrice de leur mouvement, on ne peut pas diffuser des thèses rationnelles, des principes d’organisation, des valeurs socialistes.
Il s’avère donc que les gilets jaunes, en continuant sur leur lancée, vont entraîner avec eux toute une partie d’une gauche opportuniste dans le populisme le plus vil.
Naturellement, il va y avoir des retournements de veste : il va être dit qu’il ne s’agit pas des mêmes gilets jaunes, ou bien d’une minorité de gilets jaunes, etc. Il peut aussi être inventé que les gilets jaunes se divisent en deux tendances.
Mais c’est trop tard. La densité des gilets jaunes a été surestimée et le prix à payer est inévitable : tous ceux qui se sont reliés à eux vont être entraînés vers le fond. On ne joue pas impunément avec le feu. En politique, tout est une question de valeurs et le populisme est un piège terrible sur ce plan.
Il y a quelque chose d’inévitable qui plus est dans cela. La France Insoumise n’a cessé de dire que la Gauche classique était dépassée. On a pu voir une alliance parisienne entre l’ultra-gauche et la CGT lors de nombreuses manifestations. Cette même ultra-gauche a même revendiqué le soutien de Marcel Campion pour organiser des blocages, ce « roi des forains » qui est un grand soutien de Philippot.
A force, cette course vers l’apparence de radicalité s’est ouvertement transformée en course vers le néant. Ces gens s’imaginaient les protagonistes de quelque chose, ils n’ont été que l’avant-garde… des gilets jaunes. Autant dire que ce n’est pas gratifiant.
Et on peut même remonter plus loin. Lorsque la CNT, le syndicat à la pratique anarcho-syndicaliste, syndicaliste révolutionnaire, émerge en France dans les années 1990, avec un pic en 2000, que dit-elle ? Finalement la même chose que les gilets jaunes : pas de politique, pas de parlement, pas de partis, tous pourris, les gens doivent décider…
Cette simplification à outrance, ce relent de proudhonisme, ce culte de la spontanéité à la Bergson et à la Sorel, ces valeurs horriblement françaises, tout cela était déjà là.
Pour qui s’intéresse à l’histoire des idées, des démarches concrètes, il y a là plus qu’un parallèle : c’est bien une ligne droite. C’est une vague de dénonciation de la Gauche… mais pas pour aller à gauche, pour basculer vers la Droite.