Le dixième samedi de manifestation des gilet jaunes a été marqué par leur changement de nature. À l’explosivité de couches sociale intermédiaires faisant face à leur déclassement succède une mise en scène de contestation dans l’esprit de « nuit debout ».
Les gilets jaunes ont manifesté de nouveau hier, avec 84 000 personnes comptabilisée en France. Ils étaient 10 000 à Toulouse, le plus gros rassemblement, 7 000 à Paris, 4 000 à Bordeaux, 2 500 à Angers ou Rouen, 2 000 à Nancy, 1 700 à Toulon, 1 500 à Bergerac ou Lille, 1 000 à Foix et La Rochelle, 900 à Besançon, 400 à Bezier, 300 à Boulogne-sur-mer ou encore 200 à Châtellerault.
Ils ont toutefois changé de nature. Fini l’explosivité propre à des gens liés aux couches populaires, on a désormais le style plus feutré de membres des couches moyennes ayant des considérations politiques assez avancées et l’habitude de les exprimer.
Sans aucun doute, le slogan qui résume le plus parfaitement le dixième acte des gilets jaunes est donc : « de Pompidou à Macron, 50 ans de paupérisation ». Il résume en effet tout à fait la vision des gilets jaunes actuels, et reflète parfaitement leur décalage total avec les faits.
Non seulement il y a la négation des acquis sociaux de 1981, mais il y a également le mensonge total sur la croissance économique que la France a connu depuis quarante années. À écouter les gilets jaunes actuels, la France serait un pays arriéré économiquement avec un niveau de vie relevant du tiers-monde. La police serait meurtrière, l’administration de l’État digne d’une république bananière.
À les écouter, il y aurait une situation quasi insurrectionnelle, on serait à deux doigts de la révolution ou d’un changement de régime et Macron aurait déjà un pied en prison !
Pourquoi les gilets jaunes masquent-ils comme cela la nature de la France, très grande puissance à l’échelle mondiale, jouant un rôle colonial modernisé de manière très marquée ? Simplement parce que leur but n’est pas du tout le Socialisme, ou la révolution, ou quoi ce soit s’en rapprochant. Leur objectif est juste d’avoir une plus grande part du gâteau.
La position des gilets jaunes actuels, bien moins « explosifs » que ceux d’avant, au sujet du « grand débat national » d’Emmanuel Macron, est d’ailleurs le refus, au nom du fait qu’ils veulent peser sur les décisions prises et pas seulement donner leur avis. Peser comment ? Dans quelle perspective ? Ils ne le savent pas et ils s’en moquent.
On est là dans un jeu de pression tout à fait typique des classes moyennes, avec des discours riches en lyrisme pour masquer le fait que somme toute, la France n’est pas du tout touchée dans ses fondements.
Pour que la société française soit en effet ébranlée, il faut que soit mis en mouvement l’un des deux pôles de sa réalité sociale et économique : les ouvriers et les bourgeois. Les gilets jaunes s’opposent tant aux uns qu’aux autres, ils veulent devenir comme les uns et pas comme les autres, mais en même temps ont besoin des uns contre les autres.